Rafales d’automne de Natsume SÔSEKI : Vent de révolte face à la puissance de l’argent

Toute personne qui s’est rendue au Japon connaît, peut-être sans le savoir, le visage de ce grand écrivain qu’est Natsume Sôseki. C’est en effet son portrait qui orne le billet de 1000 yens.. Sôseki (1867-1916) est connu pour ses descriptions caustiques du Japon de l’ère Meiji. Rafales d’automne publié en 1908 est peut-être le plus virulent de ces romans contre la toute puissance de l’argent. C’est aussi une réflexion sur le rôle des intellectuels dans ce monde où tout va très vite. « La tâche du lettré est de rendre habitable un monde où il est impossible de vivre dans la paix ». Journal du Japon vous propose donc de partir à la découverte d’une oeuvre symbolique et d’un auteur incontournable…

Soseki

Un auteur très connu et lu au Japon

Sôseki est né en 1867 d’une mère âgée qui le rejette et qui mourra alors qu’il n’a que quatorze ans. Au collège, il se passionne pour la littérature chinoise. À l’université, il commence des études d’architecture mais étudie en même temps l’anglais. Son goût pour l’Occident l’amènera même à étudier le français et l’allemand, chose très rare à l’époque. Sa rencontre avec Shiki (grand poète de haïku) sera pour lui l’occasion de s’initier au haïku et à en écrire 2500 tout au long de sa vie (dont un très bel échantillon de 135 haïkus est à découvrir aux éditions Philippe Picquier).

Soseki par Jirô Taniguchi

Soseki par Jirô Taniguchi

Son diplôme en poche, il part enseigner en province. Une expérience qu’il appréciera peu et qui donnera lieu à la rédaction d’un de ses plus célèbres romans, Botchan (récit caustique et drôle d’un jeune professeur muté en province et qui découvre la méchanceté des professeurs les uns envers les autres, la mesquinerie, la fourberie des enseignants, des élèves, des habitants dans une petite ville où tout se sait). Botchan est un roman qui continue à être lu par les collégiens japonais et a même inspiré Jirô Taniguchi pour son manga en cinq volumes Au temps de Botchan.

Entre 1900 et 1903, le gouvernement l’envoie en Angleterre. N’ayant pas beaucoup d’argent pour y vivre, il en gardera un souvenir mitigé et de nombreux textes relateront cette expérience (rêveries historiques, récits fantasques). À son retour, il succède à Lafcadio Hearn au poste de lecteur de littérature anglaise à l’université de Tokyo. Il abandonnera définitivement ce poste en 1907 pour se consacrer entièrement à l’écriture.

Je suis un chatSon premier roman, Je suis un chat, publié en 1905, raconte, à travers les yeux d’un chat cultivé, plein d’esprit et très observateur, le quotidien d’un professeur et de son entourage (sa femme, ses deux filles, sa bonne, mais aussi des étudiants et bien d’autres visiteurs aux traits de caractère forcés volontairement par l’auteur pour un résultat très drôle). Ce livre à l’humour caustique rencontre toujours un fort succès auprès des lecteurs japonais et étrangers.

L’estomac de Sôseki le fera de plus en plus souffrir et il mourra en 1916, laissant une œuvre composée de romans, nouvelles et haïkus, mêlant avec talent poésie des descriptions, humour, ironie et force de conviction.

Rafales d’automne, plaidoyer pour le réveil des consciences et contre le pouvoir de l’argent

rafale-sosekiDôya est un homme de lettres qui vit pauvrement en écrivant des articles dans différentes revues. Il a été professeur mais a dû quitter ses fonctions après avoir été humilié par des enfants (manipulés par des adultes ne supportant pas ce professeur si peu admiratif du pouvoir de l’argent).

Takayanagi et Nakano sont deux étudiants qui viennent tout juste d’avoir leur diplôme universitaire. Ils se connaissent depuis le lycée et sont bons amis malgré tout ce qui les sépare (Nakano est issu d’une riche famille, il est ouvert, chaleureux tandis que Takayanagi est pauvre, fait des traductions pour pouvoir manger et sent le vent d’automne s’engouffrer à l’intérieur de ses vêtements trop légers). Ils échangent souvent sur leur vision du monde, le sens de la vie, la place de l’argent, le rôle des intellectuels. Alors que Nakano pense plus aux choses de l’amour et à son prochain mariage, Takayanagi a des envies de révolte, d’écriture, mais est de plus en plus affaibli par une toux qu’il n’a pas le temps de soigner.

Leur chemin croisera celui de Dôya et Takayanagi trouvera en lui un maître à vénérer.

Les conversations sont très nombreuses dans ce livre. Elles abordent des sujets graves sur un ton léger, pour créer une distance, alléger le poids des mots qui cognent. Reste le constat d’une société qui va mal et qu’il sera difficile de soigner.

« La société civilisée est un champ de bataille où l’on ne voit pas le sang couler. Vous devez vous préparer à faire face. Vous devez vous préparer à tomber. Ceux qui restent debout dans la rue de la vie avec pour seul but la réussite sont tous des escrocs ».

Tout au long du livre, le vent de la révolte a pour écho le vent d’automne qui fait tomber les feuilles, s’insinue dans les galeries et fait trembler les vitres lorsque Dôya prend la parole devant une foule d’étudiants à éveiller à la réflexion et à l’action.

Un livre militant où l’on trouve à la fois des éléments classiques chez Sôseki (description cassante d’une société japonaise qui, sous l’ère Meiji, se cherche mais ne voit que l’argent comme solution, description du monde étudiant, intellectuel) et une voix plus forte, plus conceptualisée que dans d’autres livres certes caustiques mais enrobés de plus de légèreté.

Soseki 1000 yen

Les œuvres de Sôseki sont publiées en France aux éditions Philippe Picquier et Payot & Rivages.

11 réponses

  1. 27 octobre 2016

    […] un roman original que Natsume SÔSEKI écrivit d’abord sous forme de feuilleton pour un journal littéraire entre 1905 et […]

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