L’épopée japonaise, épisode 2 : L’état des codes de Nara
Le mois dernier nous vous proposions le début d’un dossier sur l’Histoire du Japon, aujourd’hui nous allons voir la période de Nara (710-794), une époque marquée par l’état des codes (Ritsu-ryô) et par la domination du bouddhisme. La capitale de l’époque se trouve à Heijô-Kyô, actuelle ville de Nara.
L’état des codes et colères paysannes
Comme nous l’avons vu le mois dernier, durant l’ère Asuka le Japon est fortement influencé par la Chine et adopte le bouddhisme ainsi que l’écriture chinoise. C’est avec cette nouvelle ère que le gouvernement de l’époque se met également à copier le système administratif de la Chine, allant jusqu’à construire la nouvelle capitale de Heijô-Kyô à l’image de Chang’an.
Ce système administratif connu sous le nom d’état des codes (Ritsu-ryô) consistait, entre autres, à diviser les terres cultivables tous les six ans entre tous les habitants pour la culture du riz. Toutefois ce système n’était pas adapté au Japon et de nombreux paysans avaient tout juste de quoi subsister. C’est suite à ces problèmes que Fujiwara no Fuhito compile en 718 une révision des lois. Toutefois celui meurt deux ans plus tard avant d’avoir pu les appliquer. Les lois n’entreront en vigueur qu’en 754 suite à l’échec de coup d’état de Tachibana no Naramaro, lequel prétextait de soutenir la cause de paysans.
Ambassades en Chine, Kojiki et Nihon Shoki
En parallèle à ces trouble intérieurs, le Japon envoie de nombreuses ambassades en Chine tout au long de cette période. Les ambassades sous souvent accompagnées d’étudiants qui profitaient de l’occasion pour ramener au Japon de nombreux textes chinois que ce soit sur la politique, les sciences militaires, le confucianisme ou le bouddhisme. Le moine Genbô par exemple ramena plus de 5000 sutras au Japon. De par ces ambassades des visiteurs de Chine mais également de toute l’Asie se rendirent au Japon et apportèrent avec eux leur culture et leur enseignement.
Avec l’arrivée des caractères chinois au Japon, l’époque de Nara voit également l’apparition des premiers textes japonais. Parmi ceux-ci on compte bien entendu le Kojiki, la chronique des faits anciens dont nous vous avons parlé précédemment, ainsi que le Nihon Shoki, deux textes cristallisant l’origine mythologique du pays. Ce dernier fut d’ailleurs constitué pour la Chine et écrit en chinois, afin de se donner une certaine légitimité face à l’empire du milieu. À la fin de la période, en 760 c’est le célèbre Man’Yôshû (Recueil de dix mille feuilles) qui est constitué, un recueil de 4516 poèmes de l’époque.
La construction du grand Bouddha
Suite au décès de l’Impératrice Genshô c’est l’Empereur Shômu, le petit fils de Fujiwara no Fuhito qui se trouve à la tête du pays. Sa femme, l’Impératrice Kômyô était également une Fujiwara et la demi-sœur de la mère de Shômu. Preuve qu’à cette époque les Fujiwara constituaient la famille la plus importante de l’époque.
Suite à des épidémies et à l’instabilité sociale du pays, l’Empereur Shômu lance de nombreux projets de construction d’édifices bouddhistes, espérant que la bénédiction des Bouddhas accorderait la paix au pays. C’est à lui que l’on doit le Grand Bouddha du Todai-ji, une statue de 16 mètres de haut du Bouddha Vairocana (Dainichi Nyorai) en bronze, des proportions colossales pour l’époque. Ces constructions furent d’ailleurs très pesantes pour les paysans déjà oppressés par les nouvelles lois de Nara.
Bouddhisme contre Fujiwara
Vers la fin de cette période, en 757, Fujiwara no Nakamaro met en place les mesures de son grand-père Fuhito et réduit fortement les taxes sur les paysans. Sa politique se rapproche plus du confucianisme que du bouddhisme, ce qui déplaît fortement à la très pieuse Impératrice Kôken. En effet celle-ci a tout d’abord succédé à son père Shômu, en 749, mais en réalité Shômu était toujours à la tête du pays. Puis en 758 elle laisse sa place à son cousin, l’Empereur Junnin, pour devenir religieuse. Elle destitue son cousin et redevient Impératrice, cette fois sous le nom de Shôtoku.
Ce retournement de situation est le fait du moine Dôkyô, auquel elle attribue sa guérison miraculeuse en 761. Celui-ci brigue le trône de chrysanthème et influence l’Impératrice Shôtoku afin de se rapprocher de son objectif. En 764 Fujiwara no Nakamaro se rebelle contre l’Impératrice, mais cette rébellion est de courte durée car il meurt lors de la bataille contre les forces de l’Impératrice près du lac Biwa. Dôkyô monte alors en grade jusqu’à même recevoir la prédiction d’un oracle qui annonçait la paix pour le Japon si Dôkyô devenait Empereur. Toutefois, un second oracle Wake no Kiyomaro apporta quant à lui une autre prédiction indiquant que seuls les descendants directs d’Amaterasu pouvaient s’asseoir sur le trône Impérial, empêchant ainsi Dôkyô de devenir Empereur. En 1970, à la mort de l’Impératrice Shôtoku, les Fujiwara évincent Dôkyô et le bannissent loin de la cour. Ils font également revenir Kiyomaro qui avait lui-même été banni par Dôkyô.
L’Empereur Kanmu et l’entrée dans l’ère Heian.
Suite aux différents conflits entre les Fujiwara et les bouddhistes, le nouvel Empereur Kanmu monte sur le trône en 781 et décide de déplacer la capitale en 784 vers Nagaoka-Kyô, mais les catastrophes s’enchaînent sur les lieux de la nouvelle capitale. La ville est inondée, les guerres d’expansions contre les peuples au nord du pays sont un échec et le frère de l’Empereur, le prince héritier Sawara est accusé d’avoir assassiné Fujiwata no Tanetsugu. Sawara est alors déchu de son titre et exilé, il se laisse mourir de faim. On considère alors que la nouvelle capitale est maudite et que l’esprit vengeur du prince Sawara accusé à tort hante la capitale. Ce dernier reçoit le titre d’Empereur après sa mort et obtient le nom d’Empereur Sudô. Enfin la capitale est finalement déplacée à Heian-Kyô, lieu de l’actuelle Kyoto en 794 ce qui marque le début d’une nouvelle période dans l’histoire du Japon.
C’est ainsi que s’achève cette période marquée par une grande influence de la Chine dans les domaines de l’art, de l’écriture, de la religion ou de l’administration ainsi que par des conflits intestinaux pour l’exercice du pouvoir entre les Empereurs, les clans Fujiwara et Tachibana
et les moines bouddhistes. Les conflits sont nombreux et résultent à la fin de l’ère Nara en la domination des Fujiwara sur l’ensemble du pays. Ceux-ci parviennent ainsi à stabiliser le pouvoir en mariant systématiquement leurs filles aux Empereurs et princes, devenant ainsi le clan le plus proche des Empereurs, lesquels pouvant difficilement lutter face à l’influence du clan Fujiwara.
Le mois prochain nous entrerons dans l’ère Heian, période de paix durant laquelle les Fujiwara règnent en maîtres sur le Japon.
Je crois qu’il y a une petite coquille, car il me semble qu’ Heian-kyo était à la place de l’actuelle ville de Kyoto.
Bonjour Selene,
Paul OZOUF, rédacteur en chef. Merci de nous avoir lu tout d’abord et merci aussi pour votre vigilance. En effet, une coquille traînait, c’est corrigé !
A bientôt
Cordialement