Cafard de fin d’été ? Deux beaux romans pour s’évader.

Pour éviter le blues de la fin d’été, quoi de mieux que des livres dépaysants et émouvants. Journal du Japon vous propose deux romans passionnants : dans le premier, le destin de deux femmes à travers deux histoires d’amour dans le Japon de 2011 et des années 1860, et dans le deuxième, l’histoire d’un jeune homme captivé par le piano et qui devient accordeur.

 

La mémoire sous les vagues : deux destins de femmes que cent cinquante ans séparent

Yukiko est une photographe franco-japonaise qui se trouve à Tokyo lorsque le tsunami frappe la côte Est du Japon le 11 mars 2011. Sa grand-mère de 98 ans vit dans la zone dévastée, et sans nouvelle, elle part très vite à sa recherche. 

« À Onagawa, à plusieurs kilomètres de la côte, il ne reste rien. Un champ de débris monochrome à perte de vue, quelques bateaux dressés sur la quille ou couchés sur le flanc comme de formidables créatures marines échouées, vaincues. Les sauveteurs fouillent et des pelleteuses poussent après leur passage des montagnes d’existences disloquées. »

Un paysage de désolation décrit ici avec beaucoup de précision, des pages douloureuses pleines de vies broyées, de survivants hagards, de pleurs étouffés.

Lorsque Yukiko retrouve enfin sa chère Obâchan après avoir visité plusieurs centres d’hébergement provisoires, celle-ci est dans un hôpital, sous le choc de ce qui vient de se passer, incapable de parler. Sa maison a été éventrée par un bateau. Son voisin de chambre est un vieil homme, il a perdu sa femme, mais son fils veille sur lui. Il est céramiste. Entre ces deux êtres en souffrance, des sentiments naissent. Le soutien, le partage, puis la découverte. Elle l’accompagnera à l’enterrement de sa mère, il l’aidera à aller chercher la boîte laquée d’Obâchan dans sa maison éventrée et prête à s’écrouler. De cette boîte, tout un passé inconnu sortira. L’occasion pour la grand-mère de transmettre le passé de la famille à sa petite-fille.

Les chapitres alternent entre 2011 et les années 1860.  En 1863, Kane est une très belle geisha de Yokohama. Charles y est journaliste et dessinateur. Il tombe sous le charme de cette femme extraordinaire et décide de l’épouser. Le lecteur découvre alors la vie dans cette ville où les occidentaux font du commerce, mais où la terreur règne encore sur les chemins, les rônin n’hésitant pas à tuer les occidentaux qui s’y aventurent. Le pays s’ouvre difficilement, dans la méfiance et la violence.

C’est la vie quotidienne de cette ville qui est peinte par petites touches, avec ses couleurs photographiées par Camino, grand ami de Charles, avec ses saisons de fleurs et de neige, les fêtes, les sorties en bateau, la campagne, la plage,… mais aussi l’incendie qui détruit la ville, les maladies et les souffrances secrètes.

Une fresque impressionnante, des personnages touchants et des paysages comme des estampes.

Le lien entre les deux femmes, entre les deux périodes, se fera page après page. La grand-mère et sa petite fille remonteront le fil de ses souvenirs à l’aide des photos d’un autre temps.

« C’est une sensation douce-amère. C’est tout ce qui subsiste d’un Japon disparu à jamais. Juste quelques clichés en noir et blanc ou des couleurs pastel affadies comme seuls témoins d’une époque révolue, d’êtres qui ont, en quelque sorte, conditionné nos vies. Peut-être restera-t-il aussi peu de nous dans plusieurs générations … Des photos décolorées avec des noms oubliés au dos, des vidéos de fêtes et d’anniversaires rendus illisibles sur des supports démodés. »

« On ne peut pas figer le temps, juste le retenir dans un cliché. »

Un livre qu’il est difficile de quitter tant les personnages sont attachants et les descriptions réalistes et émouvantes. Deux Japon, deux femmes amoureuses, deux histoires liées.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

 

Une forêt de laine et d’acier : à la découverte du piano et de notre musique intérieure

Tomura n’a que dix-sept ans lorsqu’il accompagne Monsieur Itadori, accordeur, jusqu’au piano noir de son lycée. Il ressent un véritable choc lorsqu’il entend les sons que celui-ci réussit à faire sortir du piano. C’est décidé, il veut faire ce métier. 

« Il me semblait pourtant découvrir ce grand instrument noir d’un œil neuf. Tout du moins était-ce la première fois que je voyais ce que cette énorme bête ailée avait dans le ventre. Surtout, c’était la première fois que je ressentais ses vibrations de façon aussi charnelle.
Un parfum de forêt, à l’automne, à la tombée de la nuit. Je déposai mon cartable au sol pour mieux observer les modulations du son. Je restai peut-être des heures ainsi, oubliant jusqu’au passage du temps.
Le tableau sonore se resserra peu à peu. L’automne se fit septembre – première décade, pour être précis. La soirée n’en était plus qu’à son début, aux alentours de 17 heures, beau temps, air sec. Les rayons du soleil, interceptés par la forêt, n’atteignaient pas le hameau encadré par la vallée. Il me semblait percevoir la respiration des bêtes alentour, vaquant à leurs activités en attendant le crépuscule. Un son paisible, chaleureux, profond se déversait des entrailles du piano. »

Pourtant, rien ne prédestine ce jeune homme à ce métier. Il a grandi dans les montagnes d’Hokkaido, n’a jamais fait de musique et a passé ses journées d’enfant à écouter les bruits de la nature.

« Dans la montagne, il était bien plus utile de savoir reconnaître les vents ou les nuages, afin de pouvoir prédire avec précision les caprices du temps.
Un arbre était un arbre. Peu importait son nom : au printemps, il se couvrait de bourgeons et de feuilles, et à l’automne il donnait des fruits. Lesquels mûrissaient avant de finalement se détacher de la branche. Enfant, je passais les journées d’automne à jouer dans la forêt, l’oreille bercée par le bruit de leur chute. Ce son avait le don de m’apaiser. Que je sois là ou non, les arbres perdaient invariablement leurs fruits – et de cette idée, je tirais un sentiment de sérénité. Au milieu des ploc, ploc, je jouais, le cœur tranquille. »

Tomura va donc à l’académie pour apprendre ce métier pendant deux ans. Il commence ensuite à travailler chez Etô musique, l’entreprise qui embauche Monsieur Itadori. Il se lie d’amitié avec Yamagi, de sept ans son aîné, qui le prend sous son aile et lui montre comment faire. Il apprend la beauté, la justesse, se plonge dans la forêt harmonique. Il écoute, prend des notes. Akino, un autre accordeur, est plus moqueur, mais Tomura s’accroche.

C’est un jeune homme qui se pose beaucoup de questions, parfois intérieurement, mais parfois à voix haute sans qu’il s’en rende compte. Il cherche à percer les mystères de ce métier. Que veulent les clients, qu’est-ce qu’un bon son ? Son dur, son doux, brillance …

Monsieur Itadori lui donne une définition de son idéal sonore, citant HARA Tamiki, un romancier : « un style nostalgique, lumineux, qui s’éclaire discrètement ; un style qui exprime des choses dures et profondes en les adoucissant quelque peu ; un style beau comme un rêve mais indéniablement réaliste ».

Après plusieurs mois, Tomura peut enfin accorder par lui-même. Il se trouve souvent sans talent, bon à rien, mais il s’accroche.

« Il n’y avait pas de raccourci dans la forêt. Je ne pouvais qu’avancer à mon rythme, pas à pas, en peaufinant mon art.
Parfois, ce pendant, je formulais une prière. Afin d’obtenir des oreilles ou des doigts miraculeux. Un jour, même, j’avais demandé une éclosion soudaine. Comme le son que je m’imaginais forger serait merveilleux ! Ma destination, c’était cette lointaine forêt. Si seulement j’avais pu m’y rendre d’un bond … »

Il fait de belles rencontres : des jumelles talentueuses, qui ont senti sa sensibilité unique, un jeune homme qui n’a pas touché ni fait accorder son piano depuis quinze ans et retrouve le sourire et le plaisir de jouer grâce à lui.

C’est toute une équipe, et finalement une famille, qui travaille dans l’entreprise d’accordeurs. De la secrétaire bienveillante au patron qui a senti le potentiel en lui, chacun sera un précieux soutien pour que Tomura progresse dans cette forêt de laine et d’acier qu’est le piano.

Le livre de MIYASHITA Natsu fait pénétrer le lecteur dans un monde étrange et fascinant, à l’intérieur du piano, entre cordes et marteaux, dans des univers musicaux spécifiques à chacun : de la vieille dame au concertiste, de la petite fille au jeune homme, chacun veut faire vivre sa musique intérieure en faisant glisser ses doigts sur le piano. Tomura est là pour les accompagner, les aider, les guider dans cette forêt.

Même si cet univers vous est inconnu, vous plongerez avec délice, les oreilles attentives, dans ce livre méditatif et contemplatif !

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

La mémoire sous les vagues et Une forêt de laine et d’acier sont deux beaux romans pour s’évader loin des soucis de la rentrée ! Alors n’hésitez pas à plonger dans l’un ou l’autre, ou les deux! Bonne reprise et bonne lecture.

 

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