Ciné d’été : yakuza, clans et gangs sur Arte

Cet été, le cinéma est aussi en ligne et notamment sur Arte ! La plateforme de la chaîne franco-allemande a concocté une programmation estivale sur le thème des clans et gangs dans le cinéma asiatique. Parmi les films qui la composent, quatre sont japonais et offrent un joli panel de la diversité et de l’originalité du cinéma nippon ! Une sélection rafraîchissante et parfaite pour la saison estivale que nous vous présentons.  

Blind Woman’s Curse (1970)

Blind Woman’s Curse se situe bien loin de l’image que l’on a généralement du film de yakuza. En effet, le réalisateur, Teruo ISHII, s’est fait une spécialité de l’esthétique Ero-Guro, style très particulier mariant l’érotique au macabre et au grotesque et dont la paternité est attribuée au célèbre auteur Edogawa RANPO dans les années 1930. Ici, il se réapproprie le film de yakuza à l’ancienne – le Ninkyo Eiga, prenant place dans une époque pré-seconde guerre – en l’infusant de cette esthétique si particulière, lui conférant une ambiance qui flirte avec le fantastique. On y retrouve la sublime Meiko KAJI dans l’un de ses tout premiers rôles principaux, à savoir celui de l’héritière d’un clan de yakuza en proie à une vengeance mystérieuse… On est saisi dès l’ouverture avec un combat entre gangs très sanglant magnifiquement filmé au ralenti. On alterne ensuite entre fous rires macabres et suspense légèrement angoissant pendant 1h20 qui passe en un éclair. Quelques frissons délectables et parfaits pour se rafraîchir en ces temps de canicule !

Le Vagabond de Tokyo (1966)

Nous vous avions déjà parlé de ce classique pop réalisé par le légendaire Seijun SUZUKI lors de sa ressortie en blu-ray chez Elephant. Le Vagabond de Tokyo marque à la fois la quintessence du style irrévérencieux de SUZUKI et le début de la « procédure de divorce » entre le réalisateur et son studio, la Nikkatsu. Et pour cause, SUZUKI y détourne un scénario de film de yakuza bateau à souhait qui devait servir de véhicule à l’acteur-chanteur Tetsuya WATARI et d’outil promotionnel pour la chanson-titre du film. Résultat : l’impertinent réalisateur dynamite les codes du genre pour l’emmener dans les eaux du road-movie, de la comédie musicale voire du western, le tout dans un écrin visuellement somptueux grâce aux décors épurés conçus par Takeo KIMURA, un des principaux collaborateurs du réalisateur, et aux improbables costumes pastels du héros mélancolique et solitaire incarné par un Tetsuya WATARI qui ne perd pas une occasion de pousser la chansonnette ! Un véritable feu d’artifice, instant fugace de plaisir revendiqué comme une référence par Damien Chazelle pour son film La La Land, et qui vaudra à son auteur d’être littéralement privé de l’usage de la couleur pour son dernier film avec le studio : La Marque du Tueur.

Ichi, la femme samouraï (2008)

Film de sabre, dont le genre est appelé chambara, Ichi, la femme samouraï  donne la part belle à la filiation et au groupe sous pas mal de formes (clan, gang, troupe), le tout saupoudré d’une dose de mélodrame et d’une pointe de vengeance. Le nom et l’état de l’héroïne ainsi que son joli coup de sabre sont un clin d’œil au héros de fiction populaire japonais Zatoïchi, le bretteur masseur aveugle lié aux yakuza et qu’une série de cent films télévisés mit en scène pendant trente ans. La réalisation reste classique et fidèle au genre avec des scènes de combat au ralenti bien senties. On reconnaît aussi parfois dans les costumes, certains personnages haut en couleur et la mise en scène, l’expérience de Fumihiko SORI dans l’adaptation filmée de manga ou d’animé (Full Metal Alchimist, Ping Pong) ce qui apporte une touche d’originalité à la réalisation. Le film bénéficie d’un beau travail sur les costumes et décors et sur la photographie. Il est surtout porté par l’actrice principale Haruka AYASE (Real, Notre petite sœur) qui donne force et fragilité à ce personnage de femme aveugle, sabreuse de talent, simple et généreuse malgré un passé difficile. Si on ajoute à cela le fait que très, très rares sont les personnages féminins principaux dans les films chambara, le défi était de taille et sa performance d’autant plus louable. Ichi, la femme samouraï est un divertissement de genre sympa avec ce petit côté animé qui ravira les « cinévores ».

Mr Long (2017)

Passer d’un gang de Taïwan à une vie de famille tranquille japonaise avant que le passé ne vienne frapper à la porte, voici l’ossature « grand écart » de Mr Long. Ces changements d’univers se traduisent par des changement de rythme, autant dans la réalisation que dans le récit, d’une partie à l’autre et auxquels on adhère ou pas. Entre séquences d’introduction violentes et survitaminées du milieu des gangs et celles, muettes et drôles, du quotidien d’un travailleur membre d’une simple communauté de voisins, jusqu’à la fin dramatique, le film intègre beaucoup de références et d’effets de styles. Mais loin de vouloir démontrer un quelconque savoir-faire « m’as-tu-vu », le réalisateur Sabu semble plus chercher à mixer toute cette diversité que rend possible le cinéma pour créer un film cohérent à l’histoire crédible.
On retrouve ici l’acteur taïwanais Chang Chen (Tigre et dragon, Les trois royaumes, The assassin) dans le rôle titre, qui effectue ici une jolie pirouette dans sa carrière avec ce personnage d’assassin taïwanais qui finit par trouver sa place dans cette communauté pauvre japonaise grâce à la cuisine. De tueur, il devient sauveur, portant une communauté qui l’a accepté au-delà même de la barrière de la langue et d’un passé qui la laisse indifférente. Un film polymorphe violent et attachant à la fois à regarder sans attentes ni a priori.

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