Mars : Arte fait son ciné japonais !

En mars, la chaîne franco-allemande Arte va gâter les cinéphiles et les japonophiles avec pas moins de 3 films et un documentaire inédit sur Takeshi KITANO. Au programme : Fukushima, mon amour de Doris Dörrie le 11/03 ; Voyage à Yoshino et Les délices de Tokyo de Naomi KAWASE respectivement les 17/03 et 22/03 ; une soirée dédiée au cinéaste balafré le 31/03 avec le documentaire Citizen Kitano d’Yves Montmayeur, suivi du film L’Été de Kikujiro.

Une Mars Arte fait son ciné japonais

Fukushima, mon amour de Doris Dörrie

Affiche de Fukushima mon amour

©Bodega Films

Diffusion le jeudi 11 mars à 00:45 et sur arte.tv jusqu’au 17/03

Faisant un clin d’œil à Hiroshima mon amour de Alain Resnais (scénario de Marguerite Duras), le titre français peut induire en erreur : à Fukushima, il ne sera nullement question d’un couple mais d’une belle rencontre entre une jeune Allemande et une geisha qui ont en commun d’avoir des « fantômes du passé » à affronter pour avancer dans leur vie.

Fuyant ses malheurs, Marie s’envole pour le Japon où elle rejoint Moshe pour former un binôme. Marie incarne ainsi le clown blanc et triste tandis que son compatriote, l’auguste qui tente tant bien que mal de lui redonner la joie de vivre. Engagée dans une mission humanitaire à Fukushima pour divertir les habitants sinistrés, l’Allemande découvre une ville morte et désertée par la jeunesse. Les milliers de sacs plastiques contenant la terre irradiée s’entassent à perte de vue et donnent le vertige au spectateur qui peut ainsi visualiser la gravité de la situation. Le film tourné comme un reportage tend à rendre compte de la précarité des personnes âgées qui ont décidé de rester sur les terres de leurs ancêtres et qui vivent toujours dans les logements provisoires.

Après des numéros de clowns et des séances de hula hoop gênantes pour tout le monde, Marie n’arrive pas à trouver sa place… Mais un matin, Satomi, rescapée de la catastrophe nucléaire, lui demande de la conduire dans la zone contaminée jusqu’à son ancienne maison. Les deux femmes essaieront de cicatriser leurs plaies psychologiques à mesure qu’elles remettront de l’ordre dans la bâtisse éventrée. La jeune femme au cœur brisé et l’ancienne geisha s’apprivoisent jour après jour et tissent une relation de complicité, les menant à confesser leurs erreurs qui les ont amenées à se rencontrer…

La prise en noir et blanc donne de la force aux terribles images de désolation. Aux longs silences de Fukushima s’opposent les bruits de Tokyo et de la vie humaine lors d’une visite chez la fille de Satomi. La musique, peu présente dans le film, est habilement utilisée pour mettre en relief des passages clés. Les dernières images de Japonais manifestant contre le nucléaire au Japon n’étaient pas forcément nécessaires tant le film se suffisait à lui-même pour qu’après les accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima, on puisse remettre en question l’énergie de l’atome et ses dangers…

Naomi Kawase à l’honneur

Voyage à Yoshino de Naomi Kawase avec Juliette Binoche

Voyage à Yoshino affiche

©2018 LDH JAPAN, SLOT MACHINE, KUMIE INC.

Diffusion le mercredi 17 mars à 23:40

Naomi Kawase aime filmer les forêts de la région de Nara où elle a grandi. Voyage à Yoshino ne fait pas exception et, se déroulant dans la préfecture de Nara, le film dramatique raconte les errances d’une femme, Jeanne (Juliette Binoche) qui, à la recherche d’une plante médicinale précieuse, va se retrouver, au fin fond de la forêt en compagnie du garde forestier Tomo (Masatoshi NAGASE), confrontée à son passé et à une histoire d’amour vieille de 20 ans.

Dans notre critique du film lors de sa sortie au cinéma en novembre 2018, nous pensions que « Voyage à Yoshino ravira les admirateurs de Kawase qui y retrouveront sa façon inimitable de filmer la nature et plus généralement tout ce qui fait le sel de son cinéma, entre humanisme et spiritualité assumée, et sa capacité à enchanter le réel. Tendre avec ses personnages comme dans son cadrage, les deux étant mis en valeur par de multiples et passionnés gros-plans, le film n’échappe pas à quelques écueils, et l’on comprendra que certains lui reprochent une certaine naïveté et une narration un peu faible. Mais, pour ceux prêts à laisser ces défauts à l’entrée du tunnel, il est un voyage touchant, une vision qui faute de guérir la douleur a le mérite de croire au futur. »




Les délices de Tokyo de Naomi Kawase avec Kiki Kirin

©HAUT ET COURT DISTRIBUTION

Diffusion le lundi 22 mars à 05:00 et sur arte.tv jusqu’au 28/03

Adaptation du roman AN (« pâte de haricots » en japonais), le film Les délices de Tokyo, titre plus parlant pour les Français, plonge le spectateur dans le quotidien de Sentarô (Masatoshi NAGASE), un ex taulard qui doit gérer une petite boutique de dorayaki pour rembourser une dette. Les délices du titre font référence aux dorayaki, la pâtisserie japonaise composée de deux petites galettes de pâte (sorte de pancakes) garnies ensuite de la fameuse pâte de haricot rouge sucrée an. Sentarô est loin de se plaire dans cette routine, entre un manque de passion pour le produit qu’il vend, une faible affluence de clients et des lycéennes pénibles qui viennent bruyamment squatter sa petite boutique.

Jusqu’au jour où Tokue (Kirin KIKI), une femme âgée de plus de 70 ans, vient postuler à une offre d’embauche dans la boutique. Sceptique au départ, Sentarô accepte finalement l’aide de cette dame après avoir goûté sa pâte de haricot rouge des plus succulentes. La seule condition que pose Sentarô est que Tokue reste dans l’arrière-boutique afin de ne pas effrayer les clients. En effet, ses mains sont terriblement déformées et son visage est marqué par une maladie de jeunesse.

On se prend rapidement d’affection pour ce duo de personnages singuliers, tendres et touchants, rapidement complété par Wakana (Kyara UCHIDA), une lycéenne timide et solitaire. Et sous son apparence légère, l’histoire cache une puissance insoupçonnée qui frappera le spectateur de plein fouet. Retrouvez notre critique complète dans notre article « Les délices de Tokyo, une émotion rare ».




Soirée Takeshi Kitano

Soirée Takeshi Kitano le 31 mars 2021 sur Arte

©ARTE

Citizen Kitano, documentaire inédit d’Yves Montmayeur

Diffusion le mercredi 31 mars à 22:40 et disponible sur arte.tv dès le 24/03 jusqu’au 28/05

« Kitano, un nom qui claque comme une rafale, 3 syllabes tirées à bout portant et qui ont foudroyé les écrans et les consciences du monde entier », ainsi commence la voix off qui rend hommage au cinéaste japonais (mais pas que !) qui a érigé « les films noirs au rang des beaux arts ». Si en Occident, on le connaît avant tout pour son cinéma, ses films noirs, violents et mélancoliques, le documentaire explore les différentes facettes de Takeshi Kitano : le cinéaste autodidacte et récompensé, l’acteur charismatique et producteur, le comique, l’homme de la télévision et le plasticien…

Après une enfance pauvre dans un quartier populaire de Tokyo, c’est dans les années 1960 qu’il découvre la société de consommation américaine avec notamment la télévision où sont diffusés les films comiques de Charlot et de Laurel et Hardy qui l’inspireront grandement dans son style burlesque. Une bonne partie du documentaire revient sur la carrière de comique de Beat Takeshi : ses débuts à Asakusa avec comme mentor le comédien Senzaburo Fukami ; son duo The Two Beats où les deux amis improvisent des sketchs satiriques, des manzai qui les rendent célèbres dans le Japon en passant à la télévision sur la NHK…

Citizen Kitano

Citizen Kitano ©Takahiro Wada – Shueisha Inc.kotoba – T.N Gon Co.,Ltd

Takeshi Kitano se lance dans le cinéma en incarnant comme premier rôle le sergent Hara dans le film Furyo avec la star anglaise David Bowie. Le Japon est un pays d’étiquette et les Japonais continuent de le voir comme un « bouffon comique » peu importe les rôles qu’il joue. Il souhaite développer son deuxième visage et jouera ainsi des rôles de braqueurs, des méchants pour effacer cette étiquette d’amuseur publique. Si Akira KUROSAWA salue la spontanéité du cinéaste balafré, son statut d’homme de cinéma, il ne le gagnera dans son pays qu’à sa remise du Lion d’or à Venise en 1997 pour son film Hana-bi. Cela faisait 39 ans qu’un Japonais n’avait pas été décoré par cette distinction : la recevoir après Kurosawa en 1951 (Rashômon) et Inagaki en 1958 (L’Homme au pousse-pousse), quelle performance que de rejoindre ces deux grands noms du cinéma japonais !

Après le cinéma, le documentaire s’attarde sur son activité d’artiste plasticien. Après un grave accident de la route et de multiples opérations, Takeshi Kitano trouve refuge dans l’art : plusieurs de ses peintures sont d’ailleurs présentes dans son film Hana-bi. Vous l’aurez compris : Citizen Kitano est un documentaire complet qui en moins d’une heure réussit le pari de présenter les multiples facettes de Takeshi Kitano/Beat Takeshi !




L’Été de Kikujiro, film de et avec Takeshi Kitano

L'été de Kikujiro

©1999 BANDAI VISUAL, TOKYO FM, NIPPON HERALD et OFFICE KITANO

Diffusion le mercredi 31 mars à 23:35 et sur arte.tv jusqu’au 29/04

Dans notre article « Un été avec Kitano », nous vous présentions son film le plus estival, le bien nommé L’Été de Kikujiro, farce légère où contrairement aux autres films de Kitano la mort n’y trouve pas sa place. Il s’agit ici d’un voyage, d’un enfant, Masao, qu’un vieil homme, mi-escroc mi-yakuza (incarné encore et toujours par Kitano), accompagne dans sa recherche de sa mère qu’il n’a jamais connue. Un voyage placé donc, sous le signe de la tristesse, celle d’un orphelin abandonné. Il faut voir ce plan déchirant du jeune enfant seul au-milieu d’un terrain de foot ou la façon qu’il a d’appeler ses amis partis en vacances…Mais L’Été de Kikujiro transcende la mélancolie pour refaire de l’été une saison de plaisir.

Et comme souvent chez Kitano, ce dépassement se fait par la transgression : après tout, l’accompagnateur de Masao est un voyou pas vraiment repenti qui lui prend son argent pour jouer aux courses, vole un taxi et s’applique à enfreindre une par une les règles de l’hôtel où ils dorment. Une transgression dont Masao est d’abord la victime avant d’en devenir l’observateur voire même le complice, et qui contribue à donner à leur voyage son caractère ludique. Tout détestable que soit le vieil homme, sa maladresse le rend aussi particulièrement comique, et dans les moments importants ce vieux voyou devient une véritable figure paternelle, comme celui où il sort Masao des griffes d’un pédophile, qu’il n’oubliera néanmoins pas de racketter après l’avoir tabassé, où il le réconforte lorsque l’enfant réalisera qu’il ne retrouvera pas sa mère, en volant au passage deux bickers. En somme, pas toujours honnête, il reste un protecteur, un guide pour le jeune enfant, et, lors de la scène la plus touchante du film, celle d’un bivouac avec un auteur en vadrouille et les deux bikers qu’il avait volé, il se démènera pour amuser Masao. Ainsi, le film donne à voir, à la faveur de l’été et en en mobilisant les symboles, la naissance d’une relation de confiance. Bref, un chef d’œuvre signé par Kitano qu’il faut absolument (re)voir !




 

Le mois de mars sera chargé de films japonais sur Arte. Cela commencera avec Fukushima, mon amour le 11/03, 10 ans après l’accident nucléaire de Fukushima. Naomi Kawase et Takeshi Kitano seront mis à l’honneur avec Voyage à Yoshino, Les délices de Tokyo et pour l’acteur/cinéaste balafré, L’Eté de Kikujiro et aussi un documentaire inédit et percutant sur sa vie et son art ! Vous avez raté les diffusions à la télévision ? Pas de souci : les films sont disponibles gratuitement sur le site arte.tv plusieurs jours, l’occasion de surfer et de découvrir au passage d’autres pépites à voir !

 

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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