Gaming Memories #58 – Landstalkers

Bienvenue dans ce 58ème numéro de notre rubrique dédiée au jeu vidéo rétro, Gaming Memories. En ce mois d’octobre 2023, nous allons revenir sur l’un des jeux les plus impressionnants de la Mega Drive : entre plate-forme, action, exploration et un brin de réflexion, nous allons nous pencher sur Landstalker, sorti en 1992. Alors si vous êtes d’attaque pour (re)découvrir ce titre signé Climax Software, restez avec nous pour un voyage d’exception !

UNELandstalker
Landstalker, le trésor du Roi Nole
Captures d’écran prises par JDJ. Tout autre visuel,
©Climax Entertainment ®SEGA

L’aventure prend une nouvelle dimension

Notre jeu du mois – Landstalker : Le Trésor du Roi Nole – est une production du studio Climax Entertainment dont nous avons déjà parlé plusieurs fois dans la rubrique avec Shining Force et Shining in the Darkness, deux titres doués d’une originalité et qualité certaines. Celui qui nous intéresse ce mois-ci est leur troisième production, et également la première en solo (les deux précédents étaient produites en collaboration avec Camelot Software Planning, futurs responsables des très réussis Golden Sun).

Landstalker, avec l’habituel Kan NAITO à la production, se vante d’être un jeu d’un genre nouveau, utilisant une technologie encore jamais vue : le DDS 520 (Diamond shaped Dimension System). On ne sait pas grand-chose de cette technologie un peu sortie de nulle part (ça sent le Blast Processing de la Mega Drive, tout ça)… ce qui n’est pas tout à fait vrai puisque des jeux en vue 3D isométrique existaient déjà bien avant (Zaxxon, Q*bert en 1982)… accordons tout de même à cette déclaration que l’idée était encore rare, surtout à un tel niveau d’utilisation.

On ne sait pas grand-chose sur la création du jeu, mais quelques petits détails intéressants sont à signaler à son sujet : à l’époque, les softs Mega Drive étaient rarement soumises à une protection de zonage – c’est-à-dire que l’on pouvait utiliser des cartouches japonaises sur une machine américaine ou européenne et inversement, au contraire de la concurrence qui interdisait cette pratique via une protection dans la cartouche. Landstalker, quant à lui… est probablement le jeu le mieux protégé de toute la ludothèque MD, car il est impossible d’y jouer sur une console qui n’est pas de la même zone que la cartouche, et ce, même avec une machine modifiée… un titre qui fait preuve d’une grande attention !

Le jeu est donc sorti en octobre 1992 au Japon et un an plus tard en Europe, octobre 1993. Il ne se contente pas d’être étonnant pour sa protection lourde, mais aussi parce qu’il a été intégralement traduit non pas qu’en anglais, mais aussi en français notamment ! Un détail suffisamment rare, alors que d’autres jeux encore plus textuels comme les Phantasy Star par exemple, sont restés en anglais. À noter à propos de cette traduction, au passage, que notre héros initialement appelé Ryle au Japon (Lyle) se voit nommé Nigel sur la boîte française… alors qu’au final, tout le monde l’appelle bien Ryle dans le jeu.

Pour plus de détails sur l’histoire de Climax Entertainment autour de Landstalker, nous conseillons la lecture d’un article dédié sur le site Sega-16.

L’aventure nous attend !

Tout commence alors que Ryle, chasseur de trésors, revient vers ses derniers commanditaires en date pour confirmer qu’il a trouvé l’objet recherché. Là apparaît une fée nommée Friday que trois malfrats poursuivent, souhaitant ardemment la capturer car elle connait l’emplacement du trésor inestimable du Roi Nole… enfin, son emplacement, elle pense savoir où il se trouve.

Ni une, ni deux et avec cet argument en main pour convaincre Ryle de l’aider, tous les deux s’enfuient de cette bande malhonnête qui a voulu s’en prendre à l’aventurier. D’accord, un elfe blond avec une épée et une fée qui l’accompagne, on sent tout de suite l’influence Zelda… mais qu’à cela ne tienne ! Aux commandes de Ryle, vous allez devoir parcourir l’île de Mercator de fond en comble et aider les habitants de diverses façons jusqu’à atteindre votre objectif. Bandes de malfrats, kidnappings, malédictions et autres sorciers malveillants qui contrôlent les habitants, le danger règne…

Une scène d’intro très Indiana Jones !

Une aventure multi-genres

Landstalker est effectivement un mélange de nombreux genres. Aventure, exploration, plate-forme, puzzles, RPG… avec une caméra fixe (pas de rotations) mais qui suit notre progression en permanence, on se déplace de tableaux en tableaux à une ou plusieurs sortie(s), à la manière de ces écrans qui coulissent d’une zone à l’autre dans la série de Nintendo. On trouve différentes villes, habitats et donjons au cours de notre exploration, qui est elle-même parfois ponctuée de séquences de plates-formes pour atteindre de nouvelles zones ainsi que de petites scènes de dialogues étoffant l’aventure.

Le jeu est donc en 3D dite « isométrique ». Ce n’est pas de la 3D à proprement parler mais plutôt une vue en diagonale, qui, à l’inverse de la 2D pure, permet une profondeur dans les décors et déplacements : on ne se contente donc pas d’avancer de gauche à droite ou de bas en haut mais on peut aller dans toutes les directions possibles tout en gardant une caméra fixe plus proche de la 2D. Cela permet à la production de Climax d’avoir un monde réel à explorer.

On se déplace en marche d’une vitesse satisfaisante, on peut sauter et, lorsque l’occasion se présente, grimper des cordes ou lianes pour avancer. Ryle se sert de son épée pour se débarrasser des ennemis qui lui font face, et ils seront plus que nombreux. Ceux-ci sont rarement seuls, et se contentent également aussi souvent de juste venir vers lui, mais, le moindre impact avec un monstre blessera l’aventurier. Tout comme dans The Legend of Zelda, il n’y a pas de points d’expérience, mais chaque ennemi tué rapporte quelques « Orcs » (la monnaie du jeu) ainsi que, parfois, des objets de soin. Sortir d’un écran et y revenir les fait réapparaitre, il est donc possible de farmer pour des crédits si besoin, car il n’y a pas que des items curatifs à acheter mais aussi des équipements, qui peuvent être améliorés au fil de la quête, ou des réserves de vie augmentant la santé du personnage (qui peuvent aussi être trouvés au cours de l’aventure).

L’exploration en extérieur propose une certaine diversité : on se promène parfois en pleine campagne, parfois au bord de la mer, parfois plus dans les montagnes. Chaque écran à traverser est plus ou moins grand mais toujours de bonne taille et propose plusieurs voies pour une même destination, parfois plus pratiques que d’autres à emprunter. Certains écrans ont plusieurs sorties, vers différentes directions, et les donjons explorés augmentent encore plus cette idée afin de bien entendu améliorer l’expérience. Plus d’exploration dans des lieux plus restreints avec plus de monstres, en somme, et parfois quelques petites énigmes afin de comprendre les mécaniques proposées !

Une perfection teintée de quelques petites tâches

L’aventure commence donc immédiatement sur cette longue scène d’introduction qui se veut relativement cinématographique, avec les noms de ses auteurs affichés à différents moments. Chose relativement commune de nos jours, mais plus que rare à l’époque et encore plus dans un jeu de plate-formes/action, alors que même les RPG étaient encore frileux de ce coté là. Introduction qui met directement les qualités graphiques du jeu en avant : pour une production de 1992, c’est beau, et c’est royalement bien animé !

La production de Climax proposant une profondeur, il faut bouger aussi bien dans l’axe vertical qu’horizontal, et c’est malheureusement là que commencent les problèmes : il ne s’agit pas que d’appuyer dans la direction de notre choix, mais au contraire faire une sorte de quart de cercle pour changer cette orientation. Autrement dit, « haut » et « droite » font aller dans la même direction, « bas » et « gauche » vont dans le même sens et il faut faire cette petite manipulation au lieu de se contenter d’appuyer dans la direction de notre choix – ce qui est, avouons-le, plutôt déroutant et peu agréable, en particulier lorsque l’on est aux prises avec des adversaires ou sur des plates-formes minuscules comme cela arrive parfois. De nos jours, avec une manette actuelle, cela peut passer et se faire assez naturellement, mais imaginez cela avec une manette d’époque bien moins réactive…

C’est également un léger problème lors des combats : si Ryle réagit assez vite, peut enchainer ses coups d’épée et sauts rapidement (enchaîner les sauts en avant en martelant l’attaque s’avère assez efficace contre les ennemis de base car ils n’ont pas le temps de riposter et cela évite d’avoir à supporter leur recul à chaque coup qu’ils encaissent), cela peut s’avérer relativement pénible lorsqu’il faut enchaîner plusieurs monstres rapidement et avec un espace limité. Sans compter que ceux-ci semblent souvent avoir l’avantage, comme s’ils nous touchaient alors que visuellement, rien n’aurait encore dû se passer… Cela n’arrive heureusement pas à tous les coups, à moins de maîtriser parfaitement les distances, ce qui peut être déroutant lorsque l’on n’a pas l’habitude de la 3D isométrique et de la profondeur que cela inclut… Ainsi qu’un manque de lisibilité par moments, malheureusement, mais c’est un détail inhérent à ce genre de jeu auquel il faut savoir s’adapter, car l’IA sait s’en servir intelligemment.

En effet, cela crée des séquences assez retorses par moments, qui demandent un effort de concentration. On saute sur des plates-formes à différentes hauteurs, espacées par du vide, en allant dans différentes directions en plein air… On a ainsi une réelle impression d’explorer les lieux, aussi bien en intérieur qu’en extérieur, et il faut s’efforcer de retenir la topographie de l’île pour éviter de faire des allers-retours inutiles. C’est vaste, parfois un peu vide et répétitif (du fait que l’on affronte les mêmes types de monstres par « régions », mais ils diffèrent et deviennent de plus en plus forts au fil de notre progression), mais la sensation est bien là, avec ces sections à sorties multiples, ces zones de tailles différentes qui donnent à la production une crédibilité totale. De surcroit, pas de ralentissements à signaler, même aux prises avec cinq ou six ennemis (ou plus) à la fois !

« Hum, en fait si, parce que bon, vous étiez sur le point
de sacrifier une jeune fille, donc… »

Si toute cette aventure est taillée dans des graphismes colorés et chatoyants, elle est aussi bourrée de petits détails bien plaisants : par exemple, l’animation de Ryle est très fluide, détaillée, et il ne souffre pas de retournements de sprites comme il était commun à l’époque. Cela signifie que son épée reste dans sa main droite peu importe la direction qu’il regarde, au lieu que celle-ci ne se téléporte mystérieusement lorsqu’il se tourne. Il en va de même pour son attaque, qui change de sens en fonction de cette orientation. Attaquer trop près d’un mur fera s’y cogner sa lame (ce qui peut être un désavantage en combat), et cela va jusqu’aux boutiques : pour acheter quelque chose, il faut aller chercher l’objet dans les rayons et le poser sur le comptoir ! Bien entendu, hors de question de voler quoi que ce soit car les vendeurs vous feront une remarque si vous tentez de sortir avec l’objet dans les mains… On apprécie aussi cette petite flèche qui indique parfois la sortie d’une zone afin de savoir où aller ensuite.

Les qualités du jeu ne s’arrêtent pas qu’au côté graphique. Il brille aussi au niveau du son. Bien qu’elle ait été composée par Motoaki TAKENOUCHI à la place de l’habitué Masahiko YOSHIMURA pour les jeux Shining, la bande-son est assez similaire, dans des tons sonnant très fantasy et sérieux en même temps, tout en ajoutant une pointe de légèreté par moments, dans les villes notamment. Oubliez également ces jeux aux mélodies criardes et suraigües, car Landstalker reprend aussi la qualité technique de ses ainés en proposant quelque chose de très agréable à l’oreille, et on appréciera également que notre petit Ryle prononce quelques mots parfaitement audibles, tels que « ite » (« aie ») ou encore « kore » (expression similaire à « ça », « voilà » lorsque l’on présente quelque chose à quelqu’un) lorsqu’il pose un objet sur un comptoir pour l’acheter. Dommage cependant que tous les ennemis aient la même voix et seulement deux expressions…

Avec Landstalker, Climax propose une aventure d’une bonne trentaine d’heures en ligne droite – bien plus si vous sentez le besoin de farmer des crédits bien entendu, et surtout si vous vous perdez en cours de route ! Mais c’est déjà une bonne durée pour un jeu qui propose d’ailleurs quatre fichiers de sauvegarde différents qui permettent, par exemple, de garder sa progression fixe tout en essayant d’autres endroits, ou bien de le partager. Il n’est pas trop difficile malgré ses quelques injustices d’ennemis qui nous touchent parfois en premier, et on peut se soigner régulièrement grâce aux objets dédiés – et peut-être qu’avec un peu de chance, la petite fée qui nous accompagne nous resuscitera en cas de mort…

Une aventure qui ne manque pas de piquats… (lol)

La quête aux trésors continue… en quelques sortes.

Landstalker reçut un accueil critique et commercial très positif à l’époque de sa sortie. Si l’on devait faire une moyenne de ces avis, ce serait pour octroyer un bon 8.5/10 au jeu, ce qui le place tout simplement dans le haut de la ludothèque de la console, et également dans la toute dernière version de la compilation Mega Drive disponible sur toutes les machines actuelles.

Ryle est également un personnage visiblement cher à ses créateurs : avant d’être cet elfe à l’apparence juvénile trompeuse quant à ses aptitudes, il était d’abord un centaure dans le tout premier Shining Force ! Comment a-t-il changé à ce point, personne ne le sait, et c’est sans doute plus une grosse référence qu’autre chose, mais le fait et là et perdurera par la suite.

En effet, Landstalker n’est pas un jeu esseulé sorti de nulle part : il prend place dans le même univers que les Shining, et s’étend dans d’autres softs tels que Ladystalker sur Super Nintendo, qui reprend le même concept et gameplay de manière plus ou moins réussie. Sorti un 1er avril 1995, ce deuxième opus de ce que l’on appellera les « Climax Stalkers » s’avère malheureusement être décevant car loin d’être à la hauteur de son prédécesseur… ce qui n’est en revanche pas le cas de Dark Savior, lui paru sur Sega Saturn en 1997.

Ce dernier propose un univers mélangeant fantasy et steampunk du plus bel effet et reprend sensiblement le gameplay de Landstalker en l’améliorant. Plus dynamique, plus rapide, il est également plus facile à manier et propose des combats à la manière d’un jeu de baston. S’il est assez médiocre graphiquement, avec des textures parfois plutôt baveuses et pas toujours attirantes, Dark Savior s’avère être des plus intéressants grâce à ses cinq scénarii différents, accessibles en fonction de la vitesse du joueur pour terminer la séquence d’intro. – Ainsi, au fil de ces différentes parties, l’histoire se révèle de plus en plus, laissant découvrir tout son sens et détails qui semblaient étranges à la base, le tout tirant dans une sorte de légère paranoïa et de panique lors de la fuite de l’île sur laquelle il se déroule (encore une île). Définitivement l’un des meilleurs titres de la console qui s’avère plus que digne de son ainé.

Ryle reviendra une dernière fois sur Dreamcast dans Time Stalkers (Climax Landers au Japon) en 1999. Malgré les espoirs des joueurs de retrouver une nouvelle aventure digne du tout premier épisode, Climax fera de cette aventure un Rogue-like (une sorte de RPG dans lesquels le joueur arpente des couloirs labyrinthiques, tels que le premier Phantasy Star et Shining in the Darkness justement). Sans être fantastique, le jeu est honnête et intéressant et réunit plusieurs personnages de l’éditeur tels que Ryle, bien sûr, ou encore Lady de Ladystalker. Mais malgré cela, et une fermeture définitive en 2015, Climax ne produisit jamais plus aucun autre épisode de cette série… Il faudra plutôt se rabattre vers Alundra, réalisé par des anciens de la firme, pour retrouver un semblant de Landstalker à nouveau. Mais ça… ce sera pour un prochain numéro !

Quelques artworks signés Yoshioka TAMAKI, character-designer de divers jeux Climax, décédé en août 2023.

Acclamé par les joueurs, doué de grandes qualités en renouvelant un genre à sa façon, Landstalker est l’un de ces titres qui font la réputation d’une console et d’un éditeur, qui aurait pu devenir un concurrent sérieux à la série de Nintendo aussi. Mais de nos jours, il n’en reste plus qu’un très bon souvenir de joueurs, cependant toujours accessible grâce aux compilations Mega Drive… et c’est déjà une bonne chose !

Et le mois prochain… nous attend un voyage sanglant et terrifiant dans une maison hantée de monstres infernaux… soyez prêts pour l’horreur… !

2 réponses

  1. Doc dit :

    Encore un jeu que je ne connaissais pas du tout et qui a l’air d’être bien sympa ! Merci pour la découverte et le dossier complet 🙂
    Pour Alundra, j’ai hâte de lire ça si y’a vraiment un GM dessus un jour ^^

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