Des félins de tout poil et des hommes, avec le nouveau Hiro ARIKAWA : Au revoir les chats !

Connaissez-vous Les mémoires d’un chat ? Best-seller au Japon, où il fut même adapté en film, ce roman de Hiro ARIKAWA a également su captiver de nombreux lecteurs français. Six ans après sa sortie dans la langue de Molière et deux années seulement après celle d’Au prochain arrêt, l’autrice originaire de Shikoku revient chez Actes Sud avec un recueil de nouvelles intitulé Au revoir les chats !. Comme une suite à son premier chef-d’œuvre. Au fil de sept histoires, vous retrouverez Nana et Satoru pour une nouvelle étape dans leur voyage, vous en apprendrez davantage sur le premier chat de Satoru prénommé Hachi et vous ferez ensuite la connaissance de nombreux autres félins… Préparez-vous à plonger dans des récits touchants et pittoresques, à lire de préférence avec votre tigre de salon préféré sur les genoux.

Entre rires et larmes, 7 histoires douces-amères

Couverture de Au revoir les chats, Hiro ARIKAWA

Les sept nouvelles de ce recueil possèdent tout à la fois, la douceur du pelage d’un chat et la tristesse des séparations… Les félins dépeints par ARIKAWA permettent aux fragiles humains qu’ils côtoient de s’apaiser, de trouver écoute, réconfort et courage pour affronter les souffrances de la vie. Bien souvent, la maladie ou le deuil plane sur les personnages et les histoires seraient bien sombres si deux yeux verts – tapis dans les ténèbres de la vie – n’y brillaient pas. Peut-être une manière pour l’autrice de montrer combien ces petits animaux, à qui nous sauvons la vie ou agrémentons le quotidien, savent nous rendre la pareille. Elle nous invite ainsi à profiter de chaque merveilleux moment passés en leur compagnie.

L’heure de Hachi et Un voyage oublié : deux compléments d’histoire

Les deux premières nouvelles sont des gaiden, un terme que la traductrice qualifie d’histoires parallèles à l’œuvre originale ou de complément à celle-ci.

Nous entrons dans le recueil en découvrant un pan de l’enfance de Satoru – seulement évoquée dans Les mémoires d’un chat – et la suite de la vie de Hachi, son chat d’alors.

Satoru ! (…) Hachi s’apprêtait à lui souhaiter la bienvenue en se frottant sur ses jambes lorsqu’il se figea sur place. S’agissait-il vraiment de Satoru ? On aurait dit un noppera-bô, un fantôme sans visage. Ses yeux étaient ouverts, sa bouche fermée, mais il était sans expression. (…) Il le suivit cependant jusqu’à sa chambre, à quelques pas de distance. Avec son visage méconnaissable, Satoru lui faisait peur, mais il ne voulait pas le laisser seul.

Hachi, le petit chaton recueilli par Satoru, devient celui qui veille sur lui et qui le soutient en toutes circonstances… Lorsque l’enfant perd ses parents, le chat surmonte sa peur face à la tristesse du petit être humain, pour mieux l’aider à surmonter ce tragique événement. Son attention, les sentiments qu’il exprime sont ceux d’un ami proche ou d’un grand-frère. Et même après leur séparation, Hachi n’oubliera jamais complètement le garçonnet et se réjouira d’avoir l’occasion de le revoir. Une nouvelle triste et cruelle néanmoins éclairée par la force de l’amitié.

Incroyable ! Les hommes sont capables de transformer la nuit en jour.

On appelle ça une vue à dix millions de dollars !

Qu’est-ce que ça pouvait me faire à moi, cette qualification qui utilisait une mesure purement humaine, l’argent, et dans une devise étrangère, en plus ? (…)

– Autrement dit quatre millions huit cent mille sachets de filet de poulet tendre pour chats. A peu- près.

Hum… une vue à quatre millions huit cent mille sachets de filet de poulet tendre… me suis-je dit en contemplant la mer de lumière. Tout compte fait, je crois que j’aurais encore préféré avoir quatre millions huit cent mille sachets de filet de poulet.

– Tu l’as déjà assez vue ?

Ben oui, quoi, la lumière, c’est jamais que de la lumière. J’ai de nouveau baillé en ouvrant grand la gueule.

Dans Un voyage oublié, nous retrouvons cette fois-ci Nana, le compagnon de voyage de Satoru qui garde toujours son franc-parlé habituel de chat de gouttière. Et c’est chez un ancien professeur d’université dont Satoru était devenu très proche que se rendent les deux compagnons. Entre les situations cocasses décrites du point de vue de Nana et le tragique du propos, le cœur du lecteur tantôt se serre, tantôt se relâche, pour mieux ronronner de tendresse face à leur relation et rire de surprise à chaque bon mot du chat.

Hiro Arikawa : Les mémoires d'un chat - couverture

L’île aux chats ou le récit d’une reconstruction

« L’île aux chats » c’est l’histoire d’un deuil, celui qu’affronte le jeune Ryô à la suite du décès de sa mère. C’est aussi l’histoire d’une reconstruction, avec le remariage de son père et l’arrivée dans la famille de cette femme qu’il apprécie mais qu’il ne peut se résoudre à appeler « maman ». C’est enfin le récit d’un voyage, d’une parenthèse sur l’archipel d’Okinawa, là où le père de Ryô a rencontré Haruko quelques mois après la disparition de sa femme. Un voyage pour mieux entamer le deuil du passé et profiter du présent.

Bien évidemment, c’est sur une île aux chats que la petite famille pose ses valises pour permettre au père – photographe professionnel – de réaliser les illustrations d’un dossier sur les chats dans un magazine pour lequel il travaille. Et pendant que cet homme maladroit avec les animaux, sur qui son fils pose un regard à la fois acerbe et doux, en le décrivant comme un grand enfant, une vieille dame énigmatique se met à apparaître régulièrement aux côtés de l’adolescent pour lui raconter la rencontre de son père et de Haruko…

Haruko et moi agissions de concert, comme une mère et son fils. Le jour où je lui dirais « maman » n’était peut-être plus lointain. Donc, ne t’en fais pas, ai-je chuchoté en mon for intérieur à l’intention du vieux chat à l’œil droit presque tout blanc.

Ainsi prend fin cette histoire teintée d’une pointe de surnaturel, dans laquelle un chat sauvé de la noyade par des humain se liera à eux bien plus qu’ils ne le croient…

Vilain Tom : le quotidien des amoureux des chats

Au milieu de la nuit, une respiration bruyante juste à côté de ma tête posée sur l’oreiller. Puis le picotement de moustaches. J’ouvre les yeux. Planté sur ces pattes, Tom m’observe de très près. Ses yeux noirs m’intiment de me lever. Je lui obéis et le suis jusqu’au meuble de la salle à manger. De temps en temps, il se retourne pour s’assurer de ma présence. « J’ai faim ! Donne-moi quelque chose ! » Il est trois heures du matin. Vilain Tom, mignon Tom.

Cette nouvelle de quatre pages seulement agit comme une parenthèse, une respiration au cœur du recueil. Composée de plusieurs paragraphes qui finissent tous par la formule « Vilain Tom, mignon Tom », la narratrice décrit une suite de nuits où son chat la réveille, une suite de nuits où elle tente – en vain – de résister à ses appels, une suite de nuits où son adorable Tom trouve de nouveaux stratagèmes pour l’obliger à se lever. Un conte proche de la comptine, tout en poésie, qui fera sans doute écho au quotidien de nombreux lecteurs qui partagent leur vie avec un compagnon miaulant !

Le chat de Schrödinger : comment devenir père grâce à un chat

– Tant qu’elle pleure, elle est vivante.
– Tant qu’elle pleure, elle n’est pas morte.
Ils se le répétaient toujours pour s’encourager mutuellement. Mais ce jour-là, les pas de Spin s’approchèrent. Ils s’attendaient à ce qu’elle lèche les cheveux du bébé mais il la virent pousser de la tête le flanc de Shiori. Surprise par cette offensive, leur fille émit un étrange petit cri. La petite chatte se mit ensuite à rentrer et sortir doucement ses griffes sur le ventre du bébé.(…) Bientôt, ils s’aperçurent que Shiori ne pleurait plus. Son regard se fit d’abord vague, puis ses yeux se fermèrent.

Spin, est une petite chatte. Un petit bout de vie qui fut recueillie par Keisuke alors qu’à peine née, elle avait été abandonnée dans un carton près des poubelles. Son sauveur est un mangaka quelque peu introverti tout juste devenu papa. Seul à la maison pendant que sa femme, qui le considère comme un grand adolescent incapable de s’occuper de son futur enfant, est partie accoucher chez ses parents.

Lorsqu’elle rentre quelques semaines après, elle découvre l’existence de Spin et prend peu à peu conscience des changements opérés sur son mari… La petite minette aura été pour lui la meilleure des puéricultrice et il est enfin prêt à assurer son rôle de père! Les mois passant, ils peuvent tous deux compter sur le jeune chat pour jouer à la grande sœur, calmer la petite et l’aider à s’endormir. Une nouvelle tout en douceur, touchante et très mignonne, qui contient une double page de jolis croquis réalisés par Hishiwo MIYAZAWA.

Toilettage de bilan ou l’histoire d’un attachement

– Il faut lui donner un nom ! Pourquoi pas Ten ? C’est mignon, non ? Selon la mère, c’était le nom qu’elle aurait voulu donner à son fils. Elle avait dû y renoncer car ce prénom n’était pas en harmonie avec son nom marital.

Le fameux Ten, à qui la mère de famille offre le prénom autrefois destiné à son fils est quant à lui sauvé par un homme qui n’a ni attache ni compassion avec les animaux. Un homme qui s’amuse notamment à faire des expériences sur des méduses qu’il maintient dans son aquarium et ne semble pas plus ému par ce chat. Pourtant, Ten finit par lui ressembler, par le suivre partout avec son mauvais caractère et malgré les légers coups de pieds qu’il reçoit dès qu’il s’en approche trop. Une relation affective se tisse peu à peu entre les deux, aussi ténue soit-elle, un lien qui étonnera tous ses proches.

Au revoir les chats, la mission d’un félin

La dernière nouvelle, qui donne son nom au recueil, nous plonge dans les réflexions d’un chat de 22 ans qui s’est chargé d’une mission bien des années auparavant : celle de devenir un nekomata, un chat-yôkai. Son but : rester ainsi à jamais auprès des deux enfants (désormais devenus adultes) avec qui il a grandi, pour ne pas les rendre triste en disparaissant… Oui, mais comment faire pour devenir un yôkai, à part vivre plus de vingt ans ? Faudrait-il, comme les humains, apposer son sceau sur un quelconque document ?

Quelques grains de riz flottaient dans la petite soucoupe à moitié remplie de sauce soja qui était encore sur la table. Sans doute un reste du petit-déjeuner. La quantité suffisait. La nappe était à fleurs. Petites, avec assez de blanc entre elles. Sakuraba Kôta trempa une patte dans la soucoupe avant de la presser soigneusement sur un blanc entre les fleurs. Au bout de quelques instants, il la releva. Une jolie fleur de prunier couleur sauce de soja apparaissait maintenant sur le fond bleu clair.

Une histoire extrêmement touchante d’amitié et d’amour entre un chat et la famille qui l’a recueilli.

Vous l’aurez compris, Au revoir les chats ! est une œuvre sensible, qui ne cesse de nous renvoyer à différents sentiments. L’autrice nous fait passer du rire aux larmes en un clin d’œil, pendant que ses chats réduisent les distances géographiques et fictionnelles qui nous séparent de ces histoires. Dans la digne lignée de son précédent chef-d’œuvre Les mémoires d’un chat, ce tout nouvel ouvrage de Hiro ARIKAWA saura sans nul doute trouver sa place dans votre bibliothèque !

Pour se procurer l’ouvrage :

Sur la Fnac : https://www.fnac.com/a18332384/Hiro-Arikawa-Au-revoir-les-chats

Sur Cultura : https://www.cultura.com/p-le-chat-de-la-fin-9782330184087.html

… Et dans toutes les bonnes librairies indépendantes !

Pour aller plus loin :

Nina Le Flohic

Grande lectrice passionnée par le Japon depuis ma plus tendre enfance, je suis diplômée d'un master Langue, Littérature et Culture Japonaise. Des études au cours desquelles j'ai eu l'occasion d'effectuer des recherches dans le domaine de la littérature japonaise et de voyager plusieurs fois au pays du Soleil Levant. Très heureuse de pouvoir partager avec vous mes coups de cœur et expériences à travers mes articles, n'hésitez pas à me laisser vos questions ou avis en commentaires, j'y répondrais avec plaisir !

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