Yamabushi : découvrez la sagesse des montagnes dans le nouveau livre de Robert Weis

Après Retour à Kyôto dont nous vous avions parlé dans cet article, Robert Weis nous revient avec un nouveau récit de voyage au cœur des montagnes japonaises où des ascètes appelés Yamabushi pratiquent le Shugendô, une « voie » aux rituels millénaires qu’il nous présente avec passion : ascension de sommets, méditation sous une cascade à l’eau glaciale, marche au-dessus d’un feu etc.

Un voyage initiatique fait de beaucoup de marche, de belles rencontres, de questionnements et de révélations, une expérience qu’il nous partage dans ce livre de cent-cinquante pages dépaysant et inspirant.

Yamabushi, la sagesse des montagnes : un récit de voyage instructif et inspirant

C’est pour partir à la rencontre des yamabushi, « ceux qui couchent dans la montagne » que Robert Weis entreprend au début de l’automne un tour du Japon, de montagnes en villages désertés.

Du nord, dans le Tôhoku avec le mont Haguro, l’un des plus importants centres des yamabushi (qui forme avec les monts Gassan et Yudono le Dewa Sanzan) en passant par Nara (Yoshino et le mont Ômine), la péninsule de Kunisaki sur l’île de Kyûshû puis Tottori avec le mont Mitoku et la ville thermale de Misasa, le confidentiel mont Horaiji à l’est de Nagoya et enfin le mont Kôya sommet sacret du bouddhisme Shingon pour finir au mont Hiei, non loin de Kyôto, haut lieu du bouddhisme Tendai. Le bouddhisme a en effet profondément marqué le Shugendô, littéralement « pratique de pouvoirs magiques et ascétiques », qui puise ses racines dans les pratiques religieuses montagnardes anciennes.

Au fil des ascensions, il retrouve des amis. Si beaucoup de yamabushi sont des hommes japonais, Robert nous fait découvrir des yamabushi femmes, et également des étrangers qui pratiquent et guident ceux qui veulent découvrir cette spiritualité qui ne se lit pas mais se vit.

Immerge-toi dans la nature, mets à l’épreuve tous tes sens, et réfléchis ensuite à cette expérience.

Le concept central est uketamô, « j’accepte humblement » : suivre les consignes du maître, considérer comme naturelles les choses qui adviennent.

Les chants et récitations de sutras sont également un élément central : ressentir l’union avec la force créatrice plutôt que l’intellectualiser.

Mais il faut également, en plus de la pratique dans la montagne (yama no gyô), pratiquer au village (sato no gyô) : trouver un équilibre entre deux extrêmes qui se nourrissent mutuellement. Après s’être isolé dans la nature, il est important de revenir en société pour digérer son expérience.

Le livre alterne entre les discussions, les méditations, les ascensions et les explications historiques, géographiques, religieuses, culturelles.

C’est un récit qui captive et donne envie d’aller vivre cette expérience après en avoir découvert les fondements et les pratiques grâce aux nombreuses informations fournies au fil des pages.

C’est également une succession d’émerveillements quand le son de la conque des yamabushi résonne dans la montagne, quand le regard se pose sur un ginkgo vieux de douze siècles, quand un maître septuagénaire esquisse quelques pas de danse.

C’est aussi l’occasion de découvrir des côtés plus sombres : les villages qui se dépeuplent et meurent, les lieux qui restent encore interdits aux femmes, et des interrogations sur l’avenir de cette pratique comme sur l’avenir de toutes ces villes fantômes dans un Japon vieillissant.

Et Robert Weis de conclure :

Une fois de plus, j’ai fait l’expérience du voyage, qui d’abord m’a bercé comme la mer puis m’a rejeté sur le rivage, plus vulnérable et plus riche à la fois. Les questions que je me posais au début du séjour ont-elles maintenant une réponse ? Le shugendô, comme d’autres traditions religieuses nippones, est clairement en déclin. Mais un petit nombre de pratiquants – ils sont 6000 environs -, peut-être destiné à croître, continue de chercher la sagesse des montagnes. Comme Earhart H. Byron l’observait, « le shugendô est un exemple frappant de la tentative de s’approprier le monde comme une réalité significative à laquelle il peut participer avec une richesse et une plénitude d’être extraordinaires ». Dans une société en attente du retour à la spiritualité innée de l’être humain, et en besoin de reconnexion à la nature et au corps, le shugendô présente une approche intéressante. Mais survivra-t-il au changement ? Oui, à condition de réussir l’équilibre délicat entre renouvellement et ouverture au public d’une part, préservation de l’authenticité et de la sincérité des enseignements d’autre part. Un pari osé que des hommes et des femmes acceptent de relever.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Journal du Japon : Comment est née l’envie de partir sur les traces des Yamabushi ?

Robert Weis : Lors d’un voyage précédent au Japon, j’ai arpenté les sentiers du Kumano Kodo en préfecture de Wakayama et Nara (épisode conté d’ailleurs dans mon livre Retour à Kyoto). C’est à cette occasion que j’ai entendu parler des yamabushi. Étant moi-même un inconditionnel de la randonnée en montagne et des spiritualités orientales (zen, taôisme….) j’ai trouvé l’approche des yamabushi, la pratique en pleine nature, très intéressante et l’envie est née d’en savoir plus. Or les livres ou autres récits sont rares et j’ai donc activé mon réseau de connaissances au Japon afin de pouvoir entrer en contact avec des personnes en mesure de m’en dire plus. De fil en aiguille, j’ai concocté un parcours d’un mois environ qui m’a conduit à visiter 8 montagnes sacrées, du Nord de Honshu jusqu’au Kyushu.

Quelle a été la rencontre humaine la plus marquante pendant ce voyage ? Quel est le mont dont l’ascension vous a le plus marqué ?

Je dirais que la rencontre humaine, c’est Maitre Hoshino, à qui je dédie le chapitre Rencontre avec le maître. Mon entretien direct avec lui fût assez bref, mais la journée que j’ai passé avec lui et le groupe de ses adeptes reste un merveilleux souvenir.

L’ascension qui m’a le plus marquée était celle du mont Sanjogatake, le point culminant du massif de l’Omine au sud de Yoshino. C’est un lieu qui respire l’histoire et comme l’ascension que j’ai entreprise avec mes deux compagnons japonais s’est déroulée début novembre, donc après la fin de la saison officielle (fin septembre), nous étions seuls sur la montagne, seuls avec les dieux.

Après ce voyage, quelle serait votre définition personnelle du Shugendô ?

Difficile de donner une définition d’une pratique qui préconise le ressenti face à l’intellect ! Je dirais que le Shugendô est une pratique, pour certains aspects archaïque, mais qui véhicule des valeurs qui, à mon avis restent universelles.

Comment cette expérience a-t-elle impacté votre état d’esprit, votre vie au quotidien ?

Je ne pense pas que cela ait impacté ma vie de façon fulgurante. Je me rends plutôt compte que cette expérience agit comme un fertilisant organique, donc qui libère les éléments vitaux très lentement, mais sur une longue période. J’ai rencontré des personnages inspirants mais en même temps soumis aux mêmes questionnements qui m’animent. Ce qui me fait repenser aux mots de Maitre Hoshino qui aime dire que les yamabushi n’ont pas de message à transmettre, leur raison d’être est simplement de relier l’humain à la Nature : le yamabushi est dès lors un guide, mais il incombe à chacun de faire l’expérience et de ressentir pour soi-même et ensuite de réfléchir à ce que l’on a ressenti. Et de ne pas oublier que la pratique, ce n’est pas seulement lors d’une retraite en montagne mais aussi dans le quotidien, une fois de retour à la maison.

C’est un cheminement en continu, à cultiver donc, plutôt que l’atteinte d’un but circonscrit. Et voilà peut-être, finalement, une leçon de vie ?

Un prochain voyage en réflexion ? Un autre pan de la culture japonaise à explorer ?

Avec ce deuxième livre sur le Japon, j’ai l’impression d’avoir fait un peu le tour de la question, en ce qui concerne le Japon. Mon prochain voyage en Asie aura comme destination la Corée du Sud, où je vais également arpenter les montagnes, notamment du parc national du Jirisan et chercher à en savoir plus sur les pratiques chamaniques locales.

Journal du Japon remercie Robert Weis pour sa gentillesse et sa disponibilité.

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