À la découverte du Japon avec les éditions 10/18

Après nous avoir régalés l’année dernière avec, entre autres, Journal d’un vide, Le traducteur des lettres d’amour ou encore Le fardeau des choses tranquilles, 10/18 enrichit son nouveau catalogue « Mars/Avril 2025 » de nombreux romans en lien avec le Japon. Deux rédactrices du Journal du Japon se sont dévouées pour vous présenter ces ouvrages… A vos marque-pages, prêts, lisez !

La Maison noire – Yûsuke Kishi : un thriller psychologique saisissant et violent

Ce mois de février a vu paraître aux éditions 10/18 le nouveau thriller psychologique de Yûsuke Kishi. Grand maître du roman noir, de l’horreur et du gore avec son premier livre La Leçon du mal (dont vous pouvez retrouver la chronique ici) qui est devenu un best-seller Yûsuke Kishi revient ici avec un tout nouveau roman, La Maison noire, un thriller violent et sanglant qui dépeint les dérives des assurances décès au Japon.

Une intrigue des plus originales

Sujet peu exploité dans l’univers de la fiction, Yûsuke Kishi, nous livre ici une intrigue des plus mystérieuses et oppressantes. Prenant un contexte qu’il connaît très bien, le monde des assurances au Japon, car étant lui-même un ancien assureur, il envoie ses lecteurs dans un univers qui leur est complètement inconnu et y installe une ambiance lourde et dérangeante. Yûsuke Kishi laisse le temps à son intrigue de se mettre en place et, au lieu de nous plonger directement dans l’enquête sur le suicide de Komoda, il prend le parti, à son grand honneur, de nous narrer la routine d’un homme : Shinji Wakatsuki. 

Shinji Wakatsuki est l’une des figures modèles du cabinet d’assurance dans lequel il travaille. Effectuant son travail à la perfection, il traque la moindre incohérence présente dans les dossiers et lutte contre les diverses escroqueries des gens prêts à tout pour recevoir ne serait-ce qu’une modique somme d’argent. Un jour, il va recevoir l’appel d’un homme, Shigenori Komoda, lui demandant de venir à son domicile pour constater un décès. Arrivé au sein de cette fameuse maison noire, Shinji fera la découverte glaçante du corps pendu d’un jeune adolescent. Persuadé qu’il ne s’agit pas là d’un suicide, Shinji se mettra en tête de résoudre le dossier et de prouver que le meurtrier de cet enfant n’est autre que le propriétaire de cette maison noire. Cette chasse au meurtrier pourrait bien détruire son train de vie monotone et faire remonter en lui des traumatismes liés à son enfance. 

Une critique de la société

Plus qu’un roman fictif, La Maison noire est une véritable leçon de réflexion sur l’âme des êtres humains. Ses personnages, loin d’être des stéréotypes des livres d’horreur, sont des personnages complexes et réfléchis, qui ont tous un passé significatif et agissent selon leurs idéaux. Ils ne se contentent pas d’être victimes du récit, ne subissent pas leurs peurs. La force de l’histoire est marquée par l’évolution des personnages qui ne cessent de se confronter à leurs angoisses, leurs questionnements, et qui grandissent en même temps que l’enquête se poursuit. Les traumatismes d’enfance de Shinji lui procurent un attachement encore plus fort pour l’enquête, le forçant davantage à découvrir la vérité sur ce fameux suicide au sein de cette maison noire. 

À travers ses personnages, le roman nous amène à nous poser des questions sur les êtres humains, sur les différents profils de personnes (psychopathes, sociopathes…) et nous offre un panel large sur la manière dont chacun gère ses émotions et ses traumatismes. Yûsuke Kishi peint le portrait de personnages-types vraisemblables que l’on pourrait être amené à croiser au cours de notre vie. Il arrive à jouer avec le lecteur, nous questionnant directement sur ce qui est fictif et ce qui est réel. 

Une lecture froide et lente

Par de longues descriptions, l’auteur nous donne accès à un style d’écriture plutôt lent qui laisse pleinement à l’intrigue le temps de se mettre en place. La tension s’installe au fil des pages et s’accentue à mesure de nouvelles découvertes faites par le personnage principal. L’ambiance froide vient primer sur l’action horrifique que l’on retrouve seulement à certains moments-clés de l’ouvrage, où la terreur atteint son paroxysme. Cette œuvre relève avant tout du roman noir psychologique qui se focalise plus sur les émotions des personnages plutôt que sur la violence visuelle. L’horreur psychologique est dispersée tout au long de l’histoire et se retrouve mélangée directement aux éléments de la vie quotidienne. Cela accentue l’aspect dérangeant de l’œuvre et l’omniprésence du tueur dans l’esprit de Shinji. 

Ce roman vous arrache de votre réalité et vous transporte dans celle de Shinji et des autres personnages sans vous laisser indemne. (Clara)

L’île des battements de cœur – Laura Imai Messina

Doctorante italienne, Laura Imai Messina s’est initialement installée à Tokyo pour y étudier la langue japonaise. C’est à partir de 2006 qu’elle s’y est installée définitivement et y a mené des études littéraires, permettant un pont entre la littérature, la langue et la culture entre ses deux pays de cœur.

Elle a publié plusieurs romans à partir de 2014 mais c’est Ce que nous confions au vent (2020) qui est son premier traduit pour l’étranger (2021). Alors que ce roman a pour thème central une réelle cabine téléphonique implantée dans la préfecture d’Iwate, dans son second roman traduit, Laura nous emmène dans une île reculée de Kagawa à la rencontre d’une œuvre d’art atypique. Bien que le décor change (on passe de décors montagnards à marins) et que nous ne suivons pas les mêmes protagonistes, ils sont tous deux fortement connectés émotionnellement : profondément déboussolés à la suite d’un (ou plusieurs) décès mais aussi motivés à retrouver des liens familiaux perdus.

L’histoire d’un deuil commun

Notre héros Shûichi, de retour dans son village natal pour un triste évènement funèbre, fait la rencontre du jeune Kenji. Ce dernier avait beaucoup fréquenté la mère de Shûichi lors de ses dernières années. En revenant dans la maison familiale, le quarantenaire à la santé fragile s’intéresse au passé commun entre Kenji et sa mère. Celle-ci ne lui ayant jamais révélé de son vivant l’existence du garçon. Progressivement, les deux garçons s’apprivoisent et se découvrent au travers de leurs connexions avec cette femme que Shûichi doute de pleinement connaître.

Une écriture tournée vers les petits détails

Pour son master, Laura s’était consacrée à Yôko Ogawa. Cette célèbre écrivaine japonaise contemporaine a beaucoup influencé la plume de l’autrice. On retrouve dans ses romans de l’introspection et l’étude minutieuse des rapports aux autres. Laura s’attarde sur des détails infimes, sans pour autant alourdir son texte en explications, en justifiant qu’ils sont forts en symbolique dans la société japonaise très codifiée. Elle nous propose un récit lent, qui suit un rythme de vie calme pourvu d’épisodes de flottements et de remémorations. Les garçons ne se hâtent pas dans leur quête car conscients d’avoir un quotidien à ne pas ébranler pour une envie subite.

Un pont entre l’art et l’écriture, entre le fictif et le réel

Le roman de Laura reprend directement l’oeuvre d’un artiste plasticien français : Les Archives du cœur. Elle fut créée par Christian Boltanski en 2008, sa mission étant de conserver et de diffuser en continu les enregistrements de plusieurs rythmes cardiaques dans la pénombre de son enceinte. Les visiteurs ont ensuite la possibilité de rejoindre cette expérience commune mêlant toutes les générations, classes sociales et nationalités. Est-ce que les cœurs enregistrés sont encore vivants ou pas ? Le mystère plane…

Dans chacune de ses créations, Boltanski aime confronter les spectateurs à des mélanges d’identités floues. Ses thèmes de prédilection sont la fragilité de la vie et les vestiges de la mémoire. Il rappelle à chaque exposition que la mort peut survenir à tout moment et qu’indépendamment de notre identité, toutes les vies ont la même valeur. Il va aussi aborder le hasard de la naissance avec Chance (2011), les répercussions de la guerre avec Personne (2010) ou encore les souvenirs de scènes de vie banales avec Album de photographies de la famille D. (1971). (Marie)

Nous espérons que ces découvertes sauront vous faire passer un agréable moment de lecture. Rendez-vous dans quelques semaines pour un article complet dédié à la troisième sortie majeure des éditions 10/18 : Huit millions de dieux de David B. Gil !

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