Gaming Memories #69 – Golden Sun

Console émérite et très populaire en son temps, le GameBoy Advance de Nintendo n’a pourtant pas été évoquée très souvent dans notre rubrique rétro, faute au fait qu’elle ait accueilli beaucoup de suites, remakes ou portages. Mais cette fois-ci, Gaming Memories s’attaque à l’une des licences de RPG les plus marquantes de son époque, créée exclusivement dessus : Golden Sun.

Golden Sun
2001 ©Camelot Planning Software

Remnants of the past

Golden Sun est un RPG signé Camelot Planning Software. Et le RPG, on peut dire que c’est leur spécialité : en effet, cet éditeur fondé en avril 1994 est à l’origine de jeux emblématiques du SEGA des années 1990 tels que Shining in the Darkness et Shining Force. On leur attribue ainsi neuf jeux Shining Force ainsi que Shining Wisdom ou The Holy Ark. Mais, dans un tout autre domaine, l’éditeur s’illustre aussi dans le jeu de golf et du tennis. On leur attribue une dizaine de softs pour chacun de ces deux sports pour Nintendo (les Mario Golf et Mario Tennis), ainsi que la création de la série Everybody’s Golf pour Sony.

On retrouve les frères Hiroyuki et Shugo Takahashi derrière notre jeu du mois. Hiroyuki est une personnalité assez importante dans le domaine : il a d’abord commencé en tant qu’assistant du producteur pour Dragon Quest IV (Enix) et producteur exécutif de Dragon Warrior II (le portage de Dragon Quest II pour le marché occidental). Il fonde ensuite Climax Entertainment (à qui l’on doit l’excellent Landstalker), aux cotés de Kan Naito. Son frère, quant à lui, est toujours resté dans ses parages. Lorsque SEGA a dû commencer à se séparer de la Saturn en plein développement de Shining Force III Scenario III au profit de la Dreamcast (le marché du jeu vidéo est ce qu’il est…), il a fondé CamelotPlanningSoftware en parallèle et en soutien.

La firme s’est ensuite tournée vers Nintendo. Concevoir Golden Sun sur l’une de leurs consoles était une façon de les rendre compétitif face à Sony, leader incontesté du RPG à cette époque avec des séries fortes comme Final Fantasy, Dragon Quest, Breath of Fire ou encore Tales of. Elles y avaient toutes migré après la fin de la Super Nintendo. On y sent aussi les restes de Shining Force III dans sa conception : le jeu de SEGA, en effet, était décomposé en trois parties (donc trois jeux pour en faire un gigantesque). Chacune était dédiée à un camp différent dans une même guerre. Golden Sun, quant à lui, était voué à prendre la même voie : la première partie devait être centrée sur les héros et la seconde sur les antagonistes ! Une idée incroyablement ambitieuse pour une telle petite console…

Malheureusement, au final, cela se fera en deux jeux distincts sur deux cartouches séparées, par manque de capacités de la console et aussi de stockage sur les petites cartouches. Le premier épisode sortit donc le 1er août 2001. Voyons maintenant si ce jeu époustouflant à son époque vaut toujours le coup !

Des nuages bien menaçants avant l’éclaircie

Tout commence par une nuit orageuse. Votre héros, curieusement nommé Vlad en version française (Isaac dans les autres versions – mais il est possible de le renommer à volonté), se fait réveiller par sa mère. Il faut évacuer le village de toute urgence… le rocher immense qui surplombe la petite bourgade jusqu’alors paisible est sur le point de tomber et de tout détruire. Seuls les sages le maintiennent grâce à leur Psynergie (magie) mais ils ne vont pas tenir longtemps. Tous les villageois ont pour ordre de se regrouper sur la grand-place. Mais, forcément, tout ne se passe pas bien.

Le frère de l’amie d’enfance du héros, Lina (Jenna dans les autres versions), est tombé dans la rivière et ne tiendra pas éternellement avant de se noyer… vous allez donc devoir parcourir le village avec votre ami Garet pour trouver de l’aide. Mais, sur le chemin et après plusieurs détours, tous deux vont tomber sur deux étrangers qui parlent du temple mystérieux surplombant le village. Seraient-ils la cause de ce désastre… ? Pas le temps de réfléchir, ils attaquent les deux jeunes garçons lors d’un très, très court combat avant de les terrasser…

Trois ans passent. Le village de Vale, victime de cette catastrophe, a été rebâti. Les trois jeunes amis ont grandi et eux-mêmes appris la Psynergie. Le village a subi de nombreuses pertes et disparitions, comme le père de Vlad et la famille entière de Lina. Trois ans plus tôt… les deux garçons se sont retrouvés face à deux mystérieux personnages qui semblaient en connaître long sur la Psynergie, secret pourtant bien gardé dans le village, et sur le mont Alpha qui en serait le berceau. Ces deux intrus avaient pulvérisé les deux garçons mais, trois ans plus tard, ils sont de retour…

Entraînés par leur mentor Thelos, les trois jeunes se rendront au Mont Alpha, chose pourtant défendue, pour en savoir plus. C’est là le premier labyrinthe de leur vie, avec leurs premières énigmes et découvertes capitales sur le monde, la vie et le secret de la Psynergie. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Les deux intrus s’en mêlent et viennent tout chambouler. Personnages présumés morts (mais pas si morts), héros qui se font kidnapper… restons-en là pour éviter tout spoil à ce périple passionnant qui mènera Vlad et ses comparses à travers une partie du monde dans l’espoir de sauver celui-ci.

Que le Soleil brille pour tous

Golden Sun est ce que l’on qualifiera de nos jours de RPG classique. Les personnages progressent au travers de villes ou villages neutres ainsi qu’une carte du monde et des donjons où les attendent des monstres. Bien entendu, à force d’en tuer, ils gagnent des niveaux, augmentant leur force, défense, vitesse, magie et autres (l’initiative d’attaque et l’ordre des actions dépend d’ailleurs de la vitesse de chacun).

Les combats se déroulent au tour par tour et se déclenchent aléatoirement lors de l’exploration. Là, la caméra se rapproche pour un plan qui simule une belle 3D, où héros et opposants se font face, en lignes bien rangées comme dans tout bon RPG à l’ancienne qui se respecte. Les personnages pourront se défendre à coup d’attaques standard (et peuvent parfois effectuer des attaques critiques, qui font bien évidemment beaucoup plus de dégâts à la cible), se mettre en défense ou utiliser de la Psynergie (offensive et dépendant d’éléments comme la foudre, le feu, le vent, etc). Bref, rien de bien original dans tout ça, mais cela fonctionne toujours aussi bien.

Là où la production se démarque de beaucoup d’autres, c’est au travers de nombreux puzzles. Si le héros est capable de pousser certains objets, il peut aussi, parfois, sauter sur des plates-formes (aucun risque de tomber dans le vide) mais la résolution du puzzle exigera du joueur de réfléchir un instant, avant de se jeter dans une direction pour rien. La Psynergie entre encore une fois en jeu : par exemple la capacité de bouger des objets trop lourds pour le héros. Chaque utilisation de Psynergie, même dans les puzzles, coûte de la magie, mais celle-ci remonte tout simplement en se promenant.

S’ajoutera à cela la présente de Djinns, des créatures d’un autre plan, qui sont liées à des éléments. Celles-ci peuvent être utilisées en combat pour infliger de lourds dégât et agiront en améliorant les statistiques des combattants, telles que leur attaque par exemple. Toutes ne sont pas juste sur le chemin et il faudra les chercher pour pouvoir les collectionner.

Une production entre passé révolu et futur brillant

Si l’on aura tendance à trouver que Golden Sun semble être dans la moyenne (certes haute) des jeux du GameBoy Advance, il ne faut pas attendre plus de quelques instants pour être conquis par son coté graphique. Graphismes colorés et chatoyants, fondus enchaînés de transition, transparence sur les personnages qui entrent dans une maison, il n’a de cesse d’en mettre plein les yeux. On se retrouve alors devant une production à l’animation fine et aux effets de rotations de qualité aussi lors des combats. Certes, la console était dotée de tous les « Modes » de la Super Nintendo (process de programmation comme des rotations, effets de 3D par superposition de couches graphiques, transitions, etc), mais au final énormément de ses jeux, mêmes de belle qualité, restaient en simple 2D sans aller plus loin… Golden Sun, non !

Le jeu s’affirme aussi par ses Psynergies. Elles sont nombreuses, brillent dans tous les sens, font se déplacer des sprites et autres effets colorés. C’est toujours un plaisir de les découvrir :

On constate aussi que les couleurs sont parfois un peu flashy, peut-être pour pallier au manque de rétro-éclairage de la console, comme cela avait été fait sur certains Castlevania. Petit détail « amusant » au passage : l’animation des personnages qui se jettent sur leur ennemi, arme en avant, est très probablement reprise de celle du tout premier Shining Force de 1993, preuve de l’importance de ce jeu pour son équipe.

On notera, pour ajouter à l’importance mise sur le coté visuel, toutes les petites onomatopées qui ponctuent le jeu. En effet, celui-ci étant en 2D et sur un petit écran, il était assez difficile de gérer des expressions faciales faciles à discerner. Régulièrement, des petites onomatopées s’afficheront au dessus des protagonistes pour exprimer le sentiment voulu par leurs mots : Camelot met donc le paquet sur la narration… voire peut-être même un peu trop, car si les dialogues sont bien rythmés, à coup de petites pauses entre les phrases et d’interlocuteurs qui se déplacent ou sursautent, il est indéniable qu’ils parlent trop.

C’est à ce moment que l’on sent que, même pour l’époque, Golden Sun souffre d’un coté vieillot ; quitte à passer à la génération suivante, après les Shining Force, on aurait pu apprécier que le jeu soit un peu plus moderne. Notre personnage est muet et ne s’exprime qu’au travers d’une icône de « oui » et de « non », qui sont d’ailleurs elles aussi totalement reprises des SF. Cela avait du sens quand c’était la saga Shining mais là…

La plupart des réponses de notre héros n’ont aucun vrai impact. Parfois, on pourra choisir ou non de faire quelque chose mais le dialogue bouclera tant qu’on n’aura pas répondu ce que le jeu veut. Quel est l’intérêt d’avoir un choix si l’on est obligé de faire quelque chose… ? En prime, on se farcit aussi des phases agaçantes de détours inutiles (« Oh non, il y a trois petits chiots qui jouent sur notre chemin, faisons un détour de cinq minutes pour ne pas les déranger ! » non mais… sérieux…). On regrettera aussi une gestion des ennemis assez traître : si l’un des héros tue un monstre ciblé par l’un de ses camarades, celui-ci se contentera de juste se mettre en défense (faisant ainsi perdre un tour) au lieu d’attaquer la bestiole suivante…

Bon, tout ça, c’était pour les cotés négatifs de la production qui, pourtant, maintient le joueur en haleine avec une fréquence de combats correcte, tout comme la difficulté (de toute façon, c’est un RPG au tour par tour donc il est toujours possible de s’entraîner). On appréciera aussi la possibilité de sauvegarder à tout moment (hors combats, bien sûr) ainsi que la présence de puzzles pour pimenter un peu l’aventure. Le jeu brille aussi par sa durée de vie : en brut, pour une première partie, on pourra compter une trentaine d’heures, ce qui est déjà pas mal, que ce soit pour un RPG que pour les standards de durée de vie d’un jeu GBA. Mais si l’on souhaite se mettre à la recherche de la vingtaine d’esprits élémentaires et s’occuper des quêtes secondaires, il faudra y ajouter une bonne vingtaine d’heures supplémentaires !

Le jeu en envoie quand même plein les yeux !

On a donc, au final, un titre aux graphismes sublimes pour son support, aux mécaniques globalement fonctionnelles, à la durée de vie haletante et ce malgré certaines idées passées de date. Le tout est, signalons-le, accompagné d’une bande-son signée par le grand Motoi Sakuraba, compositeur d’un grand nombre de Tales of, Star Ocean, Dark Souls ou encore… Shining Force III (on ne se refait pas, chez Camelot…). Il parvient à composer une bande-son d’une trentaine de morceaux de plutôt bonne qualité technique (le son de la console était assez crachotant…) qui mélange mystère, danger, douceur et musiques d’ambiances plaisantes qui accompagnent très bien l’aventure.

Un avenir ensoleillé mais entaché de quelques petits nuages

Golden Sun reçut des avis majoritairement positifs et a été placé plutôt avantageusement dans divers classements à l’époque : sacré meilleur jeu de l’année par le magazine Nintendo Power, placé 94e sur 100 d’un classement des lecteurs d’IGN dont les rédacteurs lui donnent la place du 24e meilleur titre de la machine, le succès ne lui manque pas. Au final, il se vend à 338 000 exemplaires au Japon, 740 000 aux Etats-Unis et 572 000 en Europe (et c’est finalement assez étrange qu’un J-RPG soit moins vendu au Japon, prouvant que ce n’était vraisemblablement pas ce que les joueurs nippons voulaient…). Au total, on lui compte 1.12 millions de jeux écoulés au total, ce que l’on peut appeler un succès !

Comme dit plus tôt, ce premier Golden Sun fit suivi par un second épisode, ou plutôt un épisode 1.5, si l’on peut dire. Celui-ci est sorti moins d’un an plus tard, en juin 2002. Il était possible d’y jouer comme un tout nouveau jeu ou de le relier au premier opus pour retrouver ses personnages, grâce à un mot de passe ou le Cable Link de la console. Les joueurs ayant complété les deux productions de cette façon y reçurent des bonus !

Cette suite n’est pas juste un ajout, ou un simple DLC fait comme ça, c’est un jeu à part entière. Les avis étaient mitigés dessus, mais de la bonne façon : certains râlèrent sur le fait qu’il soit quasiment identique au premier (graphismes, son, etc), d’autres saluèrent son meilleur système de combat et les puzzles un peu plus retords. Mais les critiques en voulaient toujours plus… (sans doute sans se rendre compte que cela devait être un seul jeu et qu’une sortie si rapprochée ne devait pas permettre tant d’ajouts…). Cela valut au jeu un moins bon score de ventes, malheureusement (249 000 au Japon, 437 000 aux USA…) malgré un succès d’estime bien présent.

Un troisième jeu sortit bien plus tard, en octobre 2010 et cette fois sur NintendoDS. Sous-titré Dark Dawn, il reçut de très bonnes notes à son époque, quoi que moins hautes que ses prédécesseurs. S’il était assez facile, permettant aux nouveaux venus de s’en sortir aisément, il souffrait également d’un manque d’originalité assez flagrant : un habitué des deux premiers jeux ne risquait pas d’être surpris. Il proposait cependant un ciblage d’ennemis plus intelligent et utilisait les deux écrans de la console pour mieux tirer partie du passage de la 2D à la 3D.

Golden Sun, miracle du RPG en son époque grâce à un coté technique époustouflant, a quelque peu vieilli de nos jours. Ce n’est rien de très rebutant pour autant, et en aucun cas on ne pourra le considérer comme « un petit RPG sympa de l’époque ». Non, il reste une production forte et efficace dont il faut pardonner les quelques mécaniques vieillottes pour l’apprécier pleinement. Bien sûr, payer deux jeux pour avoir l’histoire complète pourrait rebuter… mais il reste toujours à conseiller pour tout fan du genre !

2 réponses

  1. Doc dit :

    Qu’est-ce qu’il était bien ce jeu !!
    Rien que de revoir des vidéos ça me replonge dans l’ambiance de la GBA ! Je me souviens que c’était LE RPG à avoir sur la console, tout le monde était unanime à l’époque (et même après l’époque).
    Par contre, j’ai aucun souvenir du deuxième… Et le trois, complètement passé sous mes radars.

    • Et moi je n’ai joué qu’au 2 à l’époque parce qu’on me l’avait prêté! Mais j’avais d’autres RPG de qualité sur GBA. Après, c’est sanas doute normal de ne pas avoir remarqué le 3ème, sorti dix ans plus tard on a tous eu le temps de passer à autre chose, après tout…

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