Masasumi KAKIZAKI : portrait d’un passionné du détail… et de la nature humaine

Un manga de Masasumi KAKIZAKI, c’est toujours la certitude de lire de l’action et du tragique sous la forme d’un bon coup de poing dans le plexus. A l’occasion de la publication de sa dernière série en France, Bestiarius, Journal du Japon revient sur sa carrière en présentant ses différents travaux et en dressant le portrait d’un auteur qui marque de sa plume des œuvres d’exception.

 

Un début remarqué…

© by KAKIZAKI Masasumi / ShôgakukanMasasumi KAKIZAKI est un mangaka qui débute sa carrière au début des années 2000, notamment avec un oneshot nommé Two Tops qui est publié en 2001. Originaire d’Hokkaido, il enchaine la même année avec  X-Gene en collaboration avec Kentarou FUMITSUKI qui sera au scénario. Il s’agit d’un seinen d’action et de science-fiction qui attribue des particularités animales à des humains. Complet en trois volumes au Japon mais inconnu sur le territoire français, X-Gene va permettre à KAKIZAKI de se faire la main graphiquement et scénaristiquement, car il s’agit entre autre de son premier manga sérialisé.

RAINBOW © 2004 ABE GEORGE, KAKIZAKI MASASUMI / Shogakukan Inc.En 2002, il commence en collaboration avec George ABE ce qui est à ce jour son œuvre la plus connue, la plus longue et la plus marquante : Rainbow, l’histoire dramatique mais passionnante de sept jeunes amis enfermés dans un centre de redressement, dans le Japon post seconde guerre mondiale. La série s’est terminée en 2010 avec son 22e volume, et fut d’ailleurs déclinée en un anime de 26 épisodes la même année. La publication papier de Rainbow a cela dit dû être mise en pause en 2008 lorsque le magazine dans lequel il était pré-publié, le Weekly Young Sunday fut supprimé. L’éditeur Shogakukan reprendra la publication un peu plus tard et ce jusqu’à son terme dans le magazine Big Comic Spirit.

En France, Rainbow fut d’abord publié par les éditions Kabuto jusqu’au tome 15, puis réédité par Kazé qui le publiera jusqu’à la toute fin. Aujourd’hui la première édition de Kazé est en rupture totale de stock, mais une version intégrale est en cours de publication. Masasumi KAKIZAKI a mis son art abouti au service d’une collaboration mythique qui remportera en 2005 le prix Shogakukan catégorie générale.

RAINBOW © 2004 ABE GEORGE, KAKIZAKI MASASUMI / Shogakukan Inc.

RAINBOW © 2004 ABE GEORGE, KAKIZAKI MASASUMI / Shogakukan Inc.

… Pour une suite de qualité

© by KAKIZAKI Masasumi / ShôgakukanEn 2008 pendant la pause de Rainbow, il nous offre sur un plateau une crise sanitaire et sociale du nom de Kansen Retto. On y découvre un virus mortel impossible à éradiquer, et une organisation de la société humaine vraiment chaotique autour de cette pandémie. On retrouve des thèmes que KAKIZAKI affectionne particulièrement, comme la psychologie humaine, le sens du devoir et des responsabilités et un gout particulier pour ne rien nous cacher des scènes les plus sanglantes. Il retente d’ailleurs l’expérience en 2010 avec Hideout. Si Kansen Retto n’a pas eu le privilège de sortir sur le sol français, le second est édité chez Ki-oon.

HIDEOUT © 2010 Masasumi KAKIZAKI / Shogakukan Inc.

HIDEOUT © 2010 Masasumi KAKIZAKI / Shogakukan Inc.

Hideout, c’est l’histoire de la longue descente aux enfers d’un homme à qui tout dans la vie souriait. Ce one shot dont la couverture nous glace le sang permet à KAKIZAKI de s’amuser un peu plus avec le genre horreur et frisson, et de descendre dans les tréfonds de l’âme humaine : non le monde n’est pas aussi beau qu’on cherche à nous le faire croire et, oui, tuer sa femme peut être un bon moyen d’y faire face… Un thriller psychologique qui, contrairement aux habitudes de l’auteur, ne nous donne aucun espoir de pardon et de rémission. Pas de seconde chance cette fois.

De par son affection particulière pour le thème, l’auteur ne pouvait pas s’abstenir indéfiniment : ce grand fan du Django de 1966 se devait d’écrire un western. Avant Bestiarius, il travaille donc sur Green Blood à partir de 2011, changeant une fois encore drastiquement d’univers par rapport à ses précédents projets. Le manga est complet au Japon comme en France avec cinq tomes (à nouveau édité chez Ki-oon) : l’histoire se déroule aux États-Unis et plus précisément à Manhattan à la fin du XIXe siècle, où deux frères essayent de vivre honnêtement dans un quartier mal famé. Le plus jeune des frères ignore cependant que son aîné est un tueur à gage membre d’un gang redoutable…

Du talent en bout de plume

GREEN BLOOD © Masasumi Kakizaki / Kodansha Ltd.

GREEN BLOOD © Masasumi Kakizaki / Kodansha Ltd.

Une chose est certaine, Masasumi KAKIZAKI n’a pas peur de montrer l’horreur à ses lecteurs. Son dessin détaillé et fin sert à témoigner de scènes visuellement poignantes et soutenues. On remarque d’ailleurs une spécificité dans ses illustrations et dans ses planches, puisqu’il use de lignes blanches pour frapper d’un dynamisme nouveau l’œil du lecteur. Un de ses nombreux autres talents graphiques reste sans aucun doute le chara design : son style puissant lui permet de créer une multitude de personnages bien différents, et d’accentuer parfois presque à l’excès les expressions de certains, tant et si bien qu’ils en deviennent parfois des caricatures grotesques mais marquantes, poussant les émotions au maximum. Mais tout n’est pas pour autant si lisible : le clivage entre le bien et le mal est d’une redoutable intensité dans les mangas de KAKZAKI mais certains de ses personnages devront parfois faire le voyage de l’un vers l’autre – avec moult rebondissements – et il est très difficile de savoir s’ils en reviendront en seul morceau… ou s’il en reviendront tout court !

Les décors ne sont pas en reste et illustrent le sens du détail du mangaka qui aime beaucoup jouer avec les ombres et les lumières. L’utilisation de nombreuses trames vient parfaire le rendu final en assombrissant encore un peu plus l’ambiance, nous plongeant alors dans un univers funeste, peu importe le thème du récit. La recette fonctionne parfaitement et on en redemande.

HIDEOUT © 2010 Masasumi KAKIZAKI / Shogakukan Inc.

HIDEOUT © 2010 Masasumi KAKIZAKI / Shogakukan Inc.

Masasumi KAKIZAKI est donc un maître du seinen et du shônen mature, nous présentant la plupart du temps les péripéties de jeunes hommes adultes dans la fleur de l’âge, en proie à un destin qu’ils essayent en vain de contrôler et d’apprivoiser. Lors de ses différentes histoires, on peut remarquer une autre de ses touches personnelles dans la construction du récit : la présence de pages expressément narratives, que l’on n’a pas forcément l’habitude de trouver dans des mangas d’action, qui viennent apporter quelques révélations sur les zones d’ombres de l’histoire ou laisser la place à l’introspection d’un personnage de premier plan, qui doit souvent combattre ses propres démons. Enfin, même si le soleil ne brille pas souvent dans les titres du mangakas, il adoucit à l’aide de ces séquences des histoires souvent difficiles à vivre, et nous rappelle qu’au final, nous sommes juste des humains au service de nos émotions. Si le tragique et la noirceur sont bien présents, l’auteur n’oublie jamais de nous montrer que la solidarité, la compassion, la loyauté et même l’espoir existent bel et bien dans ce monde de brutes.

Bestiarius, le nouveau bébé chez Kazé

BESTIARIUS © 2011 KAKIZAKI MASASUMI / Shogakukan Inc.Le nouveau venu du mangaka, c’est Bestiarius édité dans la collection Shônen Up de chez Kazé. Une œuvre qui sous son nom original Toujuushi Bestiarius, s’inspire de plusieurs cultures différentes… Bienvenue au premier siècle après Jésus Christ, au temps où les Romains régnaient en maître sur leur immense Empire et où les esclaves gladiateurs n’avaient d’autres choix que de combattre jusqu’à ce que mort s’en suive. Un background original et très différent de ce que l’on connaissait déjà via ses autres œuvres. L’auteur y intègre un monde fantastique vivant en parallèle avec les humains, peuplé de créatures surnaturelles et mythologiques telles les wivernes ou les minotaures…

On y rencontre Finn, un gladiateur qui a été élevé par une wiverne, un dragon légendaire. Tous deux ont été fait esclaves par les romains des années plus tôt, et sont obligés de s’affronter pour le plaisir des citoyens de l’empire. Mais Finn n’a pas dit son dernier mot et compte bien se battre pour autre chose que le plaisir de ces individus : sa propre liberté.

BESTIARIUS © 2011 KAKIZAKI MASASUMI / Shogakukan Inc.

BESTIARIUS © 2011 KAKIZAKI MASASUMI / Shogakukan Inc.

Bestiarius est à l’origine publié dans le Shuukan Shonen Sunday édité par Shogakukan depuis 2011. Si les deux premiers volumes sont sortis simultanément chez Kazé au mois d’octobre, trois tomes sont parus dans son pays d’origine. On retrouve dès le départ ce qui fait que l’on aime l’auteur : un dessin élégant et détaillé, et un scénario qu’il maîtrise à 100%, étant cette fois seul aux commandes du navire.

Aujourd’hui Masasumi KAKIZAKI a une réputation qui le précède, de part des œuvres aux thèmes variés mais une passion commune pour le détail, des ambiances fortes, et un traitement bien à lui de la condition humaine. Plusieurs éditeurs français lui font confiance tels que Kazé et Ki-oon et ses œuvres n’en finissent plus d’étonner, ne rendant en tout cas pas indifférent. Les fans peuvent profiter en ce moment de la publication de l’intégrale de Rainbow, idéale pour découvrir l’auteur, ainsi que de Bestiarius évidemment, dans un ton plus shônen, et dont le troisième volume est prévu pour fin janvier 2016.

Ce mangaka d’à peine 40 ans – il est né en mai 1978 – a déjà prouvé sa valeur à plusieurs reprises et il en a encore sous le capot, certainement. On peut qu’avoir hâte de découvrir ses prochains projets !

Masasumi_Kakizaki_-_Lucca_Comics_&_Games_2014

Masasumi Kakizaki -Lucca Comics & Games 2014

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