Keigo Higashino, maître du roman policier japonais

Keigo HigashinoAvec plusieurs millions de livres vendus au Japon et un succès grandissant en France, Keigo Higashino est l’un des grands maîtres du roman policier japonais, mêlant duo d’enquêteurs atypique (un inspecteur et un physicien), sujets parfois pointus (le monde des centrales nucléaires, les mathématiques) et des raisonnements scientifiques passionnants. Une oeuvre originale et variée que Journal du Japon vous invite à découvrir.

Keigo Higashino est ingénieur de formation. Alors qu’il entame cette carrière son premier livre remporte un énorme succès, ce qui lui permet de se consacrer depuis totalement à l’écriture. Néanmoins ses études d’ingénieur et son esprit scientifique influencent fortement ses écrits et les raisonnements scientifiques sont l’un des éléments caractéristiques de ses intrigues originales.

La maison où je suis mort autrefois (éditions Actes Sud, 2010)

La Maison où je suis mort autrefois

C’est avec cet ouvrage que les lecteurs français découvrent Keigo Higashino. Ce livre est le plus atypique des oeuvres traduites en français. Il n’y a pas de meurtre, pas de coupable, pas d’intrigue linéaire, mais une maison perdue dans une forêt dense et une femme, accompagnée d’un ex petit ami, qui cherche à retrouver les souvenirs de son enfance (elle n’a aucun souvenir avant l’âge de cinq ans). Cette jeune femme, mère fragile qui maltraite sa petite fille de trois ans et dont le mari est toujours parti en voyage d’affaire, hérite, à la mort de son père, d’une clé et d’un plan qui la mènent à cette mystérieuse maison.

Soutenue par cet ex petit ami, elle découvre que les horloges sont toutes arrêtées à la même heure et elle tombe sur le journal intime d’un petit garçon. D’indice en indice, dans une atmosphère glaçante, le lecteur chemine dans les pièces de la maison et dans les souvenirs de la jeune femme. Entre le rationnel et l’émotion, le lecteur est totalement captivé, absorbé. C’est comme s’il était assis dans cette maison, qu’il sentait l’odeur des vieux tatamis, la poussière sur les meubles, les silences pesants entre les deux ex amoureux. Le style est concis, froid, efficace. Un exercice délicat mais brillamment mené, pour un roman qui relève plutôt du thriller psychologique, et qui a obtenu le prix du polar international de Cognac en 2010.

Le duo Kusanagi-Yukawa : l’enquêteur et le physicien

Un couple revient régulièrement dans les livres de Keigo Higashino : l’inspecteur Kusanagi (brillant, efficace pour retrouver des personnes introuvables, traquer les moindres indices, s’embarquer sur des pistes sinueuses sans issue apparente) et le professeur de physique à l’université de Tokyo, Yukawa, qui échafaude des théories à partir d’éléments minuscules (une tasse de café dans Un café maison, une peinture accrochée au mur et une cheminée dans L’équation de plein été, un vélo dans Le dévouement du suspect X – un véritable duel entre Yukawa le physicien et un suspect mathématicien qu’il a connu à l’université lorsqu’il était étudiant).

Yukawa réfléchit, mais n’explique ni à son ami Kusanagi ni au lecteur, qui se gratte la tête, et tourne l’élément dans tous les sens. Et Kusanagi de suivre les pistes indiquées par Yukawa, de chercher les éléments qu’il demande sans lui poser de question, sachant que cela aboutira forcément sur une solution, une avancée dans l’enquête. Il existe entre ces deux hommes une confiance réciproque et beaucoup de respect et d’estime. Cette relation est tellement forte que dans L’équation de plein été, Kusanagi enquêtera à Tokyo pendant que le professeur enquêtera au bord de la mer, où le crime a été commis, se tenant informés uniquement par téléphone !

Une intrigue qui tient en haleine jusqu’à la dernière page

Ce qui est original dans l’oeuvre de Keigo Higashino, c’est que le meurtrier est souvent connu dès le début du roman, mais le pourquoi pas toujours de façon très claire, et encore moins le comment. En effet, les meurtriers sont souvent (presque) aussi brillants que les enquêteurs. Le cheminement est alors fascinant car les enquêteurs donnent au lecteur des éléments au compte-gouttes, et il faut longuement réfléchir, et parfois avancer dans le brouillard en attendant que le professeur Yukawa prenne le lecteur par la main comme un enfant perdu, comme le petit garçon qu’il prend sous son aile et qu’il initie au raisonnement scientifique dans L’équation de plein été. Il faut toujours avoir en tête que le moindre élément livré au lecteur a sa place dans la solution : un aliment, une adresse, une personne qui semble là par hasard, un objet du décor, peinture, tissu, plante. Les descriptions minutieuses sont là pour plonger le lecteur au cœur de l’univers des protagonistes, pour qu’il s’y sente comme chez lui et visualise l’ensemble de la façon la plus fine possible, plus fine même que dans un bon film policier.

En fermant le livre, le lecteur est à la fois satisfait, bluffé, et il se refait le «film» depuis le début en se disant «Bon sang, mais c’est bien sûr !».

L’équation de plein été (éditions Actes Sud, 2014)

L'équation de plein été

Finissons avec un soleil brûlant et une mer de cristal, et le roman policier idéal pour des vacances au soleil !

Une petite ville au bord de la mer, un petit garçon, Kyôhei, qui vient en vacances d’été chez son oncle, sa tante et sa cousine de 30 ans, qui tiennent ensemble une auberge de moins en moins fréquentée. Un ancien officier de police de Tokyo est retrouvé mort sur les rochers alors qu’il avait assisté à une réunion d’information sur un projet d’exploitation des ressources marines sur le secteur. La cousine du petit Kyôhei est une fervente écologiste et fait partie d’une association de défense de la mer.

Le professeur Yukawa se trouve dans cette petite ville de bord de mer car il est l’expert scientifique de la société d’exploration des fonds marins. Il loge dans l’auberge de l’oncle, comme le policier retrouvé mort. Lorsque les policiers découvrent que la mort n’est pas accidentelle (beaucoup d’enquêteurs officient sur l’affaire : différents services locaux, préfectoraux et même Kusanagi à Tokyo qui enquête à la demande d’un grand chef de la police ami de la victime), le professeur Yukawa se met discrètement à chercher des éléments, tout en aidant le petit Kyôhei dans ses devoirs de vacances, faisant avec lui de multiples expériences qui fascinent le jeune garçon. Mais comment faire lorsque les éléments de preuve concernent de plus en plus les proches du garçon ?

Une intrigue qui part dans de multiples directions (différents lieux, différentes personnes, différentes périodes) et qui petit à petit s’approche du petit garçon auquel Yukawa finit par s’attacher. Il faudra au professeur beaucoup d’intelligence et de sensibilité pour découvrir la vérité tout en préservant les êtres humains impliqués. L’humanité du professeur Yukawa, dont le lecteur appréciait davantage les raisonnements froids et précis dans les autres romans, prend toute son ampleur dans cette aventure.

Pour info, sachez que le dernier roman de Keigo Higashino, La lumière de la nuit, est paru chez Actes Sud le 6 mai 2015. 

La lumière de la nuit

Bibliographie :  La Maison où je suis mort autrefois (2010 ; Babel noir n° 50 ; prix polar international de Cognac 2010), Le Dévouement du suspect X (2011 ; Babel noir n° 70), Un café maison (2012), La Prophétie de l’abeille (2013) et L’Equation de plein été (2014). Plus d’informations sur l’auteur et son oeuvre sur le site de l’éditeur.

24 réponses

  1. @Firnarion_Olda Vous ruiner pour la bonne cause, c’est notre vocation 😉

  1. 16 mai 2015

    […] RT @JournalDuJapon: [Découverte littéraire] Keigo Higashino, le maître du roman policier japonais http://t.co/b8eFzpRsrg http://t.co/zm970O…  […]

  2. 16 mai 2015

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  3. 1 juillet 2015

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  4. 25 novembre 2020

    […] voir du côté de Wikipédia.En 2015, sur le Journal du Japon, Alice Monard lui a consacré un article intéressant.Les autres articles ou chroniques sur le Web sont plutôt consacrés aux romans qu’à son auteur. […]

  5. 7 mai 2021

    […] Lire aussi : Keigo Higashino, maitre du roman policier japonais sur Journal du Japon, 2015 […]

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