[Manga] SK8R’S : Smells like skate spirit…

sk8rs-fr-1Une planche en bois, quatre petites roues… Le skateboard, tout le monde voit ce que c’est. Mais très peu d’entre-nous pratiquent la discipline et on ne peut pas dire que les mangas sur le sujet sont nombreux, non ?

Pourtant, avec son aura singulière et les prouesses de haut vol que délivrent souvent ses praticiens, l’univers du skateboard fait rêver. Si on y ajoute un vestiaire toujours stylé et une philosophie entre la coolitude grunge et l’amour de l’art, on peut même se demander pourquoi diable la bd nippone n’exploite pas plus souvent la thématique… Le skate comme le manga sont deux arts du mouvement, après tout.       

Ainsi il y a de quoi se réjouir cette semaine, avec la sortie du second tome de SK8R’S  chez Kana. À cette occasion, Journal du Japon met donc en lumière l’un des (trop) rares spécimens du genre. Parce qu’il est tout à fait envoûtant, qui plus est…

 

Enjoy the ride !!

Le jeune Akio Suga, 10 ans, habite dans une petite ville anonyme, quelque part au Japon. Un jour, alors qu’il rentre de l’école, il tombe sur un virtuose du skateboard : l’homme semble flotter dans les airs…

SK8R'S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

SK8R’S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

Akio veut faire pareil ! Baptisé « Prof », notre inconnu accepte de lui apprendre les bases du skate pendant quelques jours, avant de devoir quitter le Japon. Maintenant qu’Akio sait se libérer de la pesanteur, il lui est impossible de s’arrêter et il s’entraîne sans relâche.

Mais après une première mauvaise chute et une fracture du bras, il doit exercer sa nouvelle passion en le cachant à sa mère et sa sœur, qui voient d’un très mauvais œil ce sport dangereux : le père d’Akio est mort dans un accident de voiture, et la prise de risque est une ombre que refuse catégoriquement la famille Suga.

SK8R'S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

Les aléas du skate – SK8R’S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

Le temps passe, quelques mois s’écoulent, et Akio pratique le skate en solitaire… jusqu’au jour où il fait la connaissance de Fukusuke, un fan de skate doté d’une sacrée culture en la matière. Ce dernier vient de rentrer au Japon après avoir vécu à San Francisco et devient rapidement pote avec Akio. C’est le début d’une longue amitié entre les deux garçons, qui nous emmène encore quelques années plus tard, au lycée. Akio est devenu plutôt doué et lorsque Fukusuke commence à filmer ses performances pour les poster en ligne, les événements s’enchaînent : de nouvelles aventures et de nouvelles rencontres s’annoncent.

Akio n’a encore jamais revu le mystérieux Prof, qui lui avait fait une promesse avant de partir : « Je compte bien devenir le meilleur skateur du monde. » Est-ce qu’ils devront atteindre les sommets de leur art pour que leurs chemins se croisent à nouveau ?

 

A way to freedom…

SK8R’S, de Hajime TOJITSUKI, commence par la naissance d’une passion : celle du skateboard. Officiellement reconnu et ajouté comme nouvelle discipline aux futurs Jeux Olympiques de Tokyo en 2020, ce sport lancé dans les années 30-40 est encore méconnu au Japon. La fédération officielle, l’AJSA, est née en 1982 mais son activité est restée marginale pendant plusieurs décennies : pas ou peu de skatepark, pas de constructeurs japonais – et donc une importation qui rend le matériel très coûteux -, très peu de professionnels et donc pas vraiment d’identité nationale… Aucune idole notable non plus pour enthousiasmer les prochaines générations. En septembre 2010, un ethnologue du nom de Julien Glauser comptabilisait une centaine de professionnels environ… Et seulement dix dans le lot qui pouvaient en vivre. Le sport connait toutefois une notoriété croissante depuis 5 ans, comme le suggère la vidéo ci-dessous, mais beaucoup de chemin reste à faire.

Le skateboard est donc tout sauf un terreau fertile pour un nouveau shônen sportif, tel qu’on l’entend habituellement. Pour Akio c’est un chemin beaucoup plus personnel qui se trace sur le bitume, solitaire aussi. Certes il y a LA rencontre qui fournit l’étincelle, avec Prof, mais ce dernier n’a rien d’un Roberto de Captain Tsubasa : personne ne le connait et il n’a rien d’une star. Ou du moins pas encore parce que cette immense baraque – hyper classe avec ses dreadlocks – en impose par son look et son talent, sans parler de sa joie de vivre qui séduirait n’importe qui.

SK8R'S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

SK8R’S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

Mais ce n’est pas la gloire que cherche Akio, donc peu importe le statut de son modèle. Le jeune homme ne s’amourache pas d’un jeu populaire pour remporter la coupe des champions : il fait le truc qu’il kiffe, dans son coin, et ça lui suffit. Il voit dès le départ son sport favori comme un art à part entière, avec une poésie assez cool qui contamine rapidement le lecteur. Exit également tous les entraînements, les chutes et les ratés hyper nombreux avant d’obtenir la figure. On les suppose évidemment, mais là encore on s’éloigne du shônen sportif et de son culte redondant de l’effort et du surpassement de soi, de la nécessité d’en baver mille fois avant d’atteindre son but. Dans SK8R’S, la passion du sport est là, mais elle s’exprime et se narre différemment, et les épreuves sont ailleurs.

C’est ainsi que les années passent sans que le monde ne fasse la connaissance du skateur Akio ou de son ami Fukusuke. Comme notre héros s’adonne à la planche en cachette, les rencontres avec son complice se passent souvent la nuit, dans la ville endormie. Les rues désertes leur appartiennent : une rampe, un escalier, le bord d’un trottoir, un tunnel, un carrefour qui sort de l’ordinaire… Et c’est parti pour quelques secondes de performances, pour un saut, un ride, ou une autre combinaison qu’ils essaieront pour leur propre plaisir, qu’ils seront les seuls à vivre.

Mais le skateboard est un sport de création et chaque nouvelle sortie appelle aussi un nouveau lieu : pas besoin qu’il soit beau et fréquenté, c’est même tout le contraire. Le petit bout biscornu de bitume que personne n’a jamais regardé, au beau milieu d’un petit village paumé, peut faire le plus inspirant des spots. C’est toute la beauté du skateboard. La genèse solitaire du style d’Akio en fait une aventure unique en son genre, gorgée de liberté.

Mais toute genèse a une fin, et le talent finit parfois par se faire remarquer.

 

Skateboarding is the new cool

Comme nous l’expliquions au préalable le skateboard n’a jamais connu de succès explosif au Japon, mais son officialisation aux futurs Jeux Olympiques ne tient pas non plus du hasard et concrétise une montée en puissance du sport dans l’archipel. Pendant qu’Akio se forge un style et développe son don, Prof trace aussi son propre chemin. Le second tome de SK8R’S pose les bases d’une croissance de la discipline, avec internet et les vidéos en ligne notamment, dont Fukusuke s’est fait une spécialité. Les vidéos d’Akio vont ainsi lui permettre de se faire connaître. Si notre duo semble s’être satisfait de leurs aventures en solo pendant leur adolescence, ils voient arriver avec plaisir ce chamboulement dans leur vie de lycéen. Et ainsi commencent de nouvelles rencontres.

Néanmoins si Fukusuke, avec sa vie aux USA, a une solide culture sur l’univers du skate et a pris l’habitude de se tenir au courant des tendances ou des noms à suivre, Akio lui se moque pas mal du monde du skate et de ses icônes. Vivre sa passion en cachette demande déjà suffisamment d’organisation et d’énergie, de toute façon. Mais en voyant d’autres que lui enchaîner de belles figures, il s’enthousiasme sans retenue, avec beaucoup de candeur et d’humilité. Akio a tout de même sa petite fierté et veut un jour rivaliser avec son mentor, se promettant d’être un jour, lui aussi, en couverture d’un magasine spécialisé sur le sujet. Mais le héros de SK8R’S est un vrai talent caché qui s’est construit lui-même, sans star system ou compétition d’égo. Il découvre, apprend et profite, et c’est ce qui le rend attachant. Si en tant que lecteur vous vous tournez souvent vers les seconds rôles car vous appréciez chez eux une certaine retenue ou modestie, Akio a donc tout pour vous séduire.

SK8R'S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

SK8R’S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

Avec seulement deux tomes au compteur, on gage que les autres personnages de la série ont eux aussi beaucoup à nous offrir : il y a le passé américain de Fukusuke qui n’est pas tout rose et son talent de skateur à creuser, il y a le fameux prof dont on ne sait rien, il y a cette fille dans la classe d’Akio qui se met elle aussi au skate et qui possède un style détonnant, il y a cette star montante du skateboard japonais dont le look d’otaku clive énormément les amateurs… Bref le vivier est là.

 

SK8R'S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

SK8R’S © 2014 Hajime TOJITSUKI/SHOGAKUKAN

Enfin, il convient de ne pas oublier le sport lui-même. La mangaka fait tout ce qu’il faut pour que le lecteur apprécie les figures qui défilent, pour tout un panel de sensations pour le lecteur, selon le niveau du trick exécuté : « pas mal », « sympa celle là ! », « bien jouéééé !!! », « TRUC DE OUUUUF », voir des « OoO » ébahis devant de somptueuses doubles pages. On comprend que chacune des performances a été étudiée et sans doute inspirée par des prouesses réelles.

Le positionnement sur la planche ou l’angle de caméra ont été choisis pour donner l’amplitude optimale au mouvement et la mangaka sait y ajouter le petit effet de style qui va bien en jouant avec les perspectives. Avec quelques superbes lignes de force qui dynamisent le tout, le tempo est parfait et le résultat est là : pour quelques secondes, on s’envole et on flotte hors du temps.

Inutile d’ailleurs d’être un amateur éclairé de skateboard, des petits bonus explicatifs sont là si nécessaire,et le jargon sportif n’est jamais rédhibitoire. Le titre se veut pour tout public et l’initiation est progressive, sans jamais couper le rythme de la lecture. 

Les deux premiers tomes de SK8R’S, sur trois déjà sortis au Japon pour l’instant, en font un titre de sport à part dans sa catégorie, par la genèse envoûtante de son héros et par la sensation de liberté qui s’en dégage… Mais aussi pour avoir joliment capturé en si peu de chapitres la magie de cet art éphémère qu’est le skateboard. On a hâte de voir ce que Hajime TOJITSUKI va faire de ce diamant brut !

En attendant la sortie du tome 3 en mars prochain, commencez déjà par jeter un œil à la preview de la série, ci-dessous :

Pour plus d’informations sur le skate au Japon, direction le site de l’AJSA (en japonais et parfois en anglais). On vous conseille aussi de vous balader sur le site de Skateboarding Transworld Japan et leur You Tube, il y a quelques très jolies choses.

 

Paul OZOUF

Rédacteur en chef de Journal du Japon depuis fin 2012 et fondateur de Paoru.fr, je m'intéresse au Japon depuis toujours et en plus de deux décennies je suis très loin d'en avoir fait le tour, bien au contraire. Avec la passion pour ce pays, sa culture mais aussi pour l'exercice journalistique en bandoulière, je continue mon chemin... Qui est aussi une aventure humaine avec la plus chouette des équipes !

2 réponses

  1. 27 mars 2017

    […] le coup avec des nouveautés fortes. Si certains titres comme Atlantid, A l’Assaut du Roi, Sk8r’s, No guns life ou School Judgment sont sortis assez discrètement, il y a eu des séries qui ont […]

  2. 15 avril 2017

    […] pour les deux premiers, à se faire une place (même si, encore une fois, on vous les conseille, ici et là). Avec l’arrivée de Fire Force en mai, les éditions Kana jouent donc gros mais, […]

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