[Interview] Quelque chose du Japon : « rencontrer un pays comme on rencontre une personne… »

Journal du Japon aime vous emmener à la découverte du Japon grâce à des récits ou des guides de voyage. Aujourd’hui, c’est avec un livre original que nous vous invitons à découvrir ou plutôt à rencontrer ce pays.

Quelque chose du Japon : plus qu’un guide, un portrait du Japon

Les éditions Nanika possèdent une très belle collection Quelque chose de, qui ne propose pas des guides de voyage traditionnels avec choses à voir, bons restaurants et hôtels. Comme il est écrit sur la page de la collection, « l’objectif est de partir à la rencontre d’un pays comme on rencontre une personne : apprendre à connaitre son passé, son présent, ce en quoi il croit, ce qui lui fait peur, ce qu’il aime manger, quelles traditions il respecte, pourquoi… C’est remettre l’humain au centre, les étrangetés du quotidien, les petits moments de la vie, les anecdotes qui peuvent surprendre mais qui sont tellement symboliques… C’est mettre à mal les clichés, déjouer les stéréotypes, parler de réalités souvent omises et qui pourtant existent… C’est penser chaque pays dans sa globalité avec ses qualités et ses défauts, ses passions et ses vices… Pour se rappeler toujours que le voyage est avant tout un échange vivant, un apprentissage du monde et du vivre ensemble ».

Angelo vit et travaille dans le tourisme au Japon depuis 2009. Il a invité de nombreux touristes à découvrir le Japon avec un œil neuf, loin des clichés du « Entre tradition et modernité« . Un Japon du quotidien, des petites boutiques, des ruelles, des habitants, qui surprend, émerveille, agace parfois. Et ce livre reprend les mêmes concepts, comme il l’explique très bien dans son introduction :

« Cet ouvrage n’a pas pour but de vous vendre un rêve mais plutôt de vous aider à visiter culturellement le Japon et de mieux l’appréhender une fois sur place. J’y aborde un grand nombre d’aspects, des plus attrayants aux plus critiquables et, autant que faire se peut, j’aimerais vous ouvrir des portes plutôt que d’en fermer pour que ce livre agisse comme une lanterne sur le Japon. Ce pays fascinant et riche offre un dépaysement incroyable pour les étrangers que nous sommes mais il ne faut pas oublier qu’il reste avant tout l’espace de vie de ses habitants ».

Le lecteur ne verra pas que des torii, des geisha ou des sushi, ni non plus d’adresses d’hôtels et de restaurants, de circuits clé en main (d’autres guides sont faits pour ça), mais il découvrira que le Japon fut il y a très longtemps un pays d’impératrices, que les « vents divins » ont protégé le pays de deux tentatives d’invasion mongole, que ce pays qui se prétend « homogène » ne l’est peut-être pas tant que ça. Il s’émerveillera devant les multiples onomatopées qui existent en japonais pour traduire des bruits, des textures et bien d’autres sensations.

Il apprendra à reconnaître les différents éléments d’un sanctuaire shintô ou les différentes divinités bouddhiques (superbement dessinées par Morgane, l’illustratrice du livre).

Il se léchera les babines devant la description des différents aliments (riz, soja, algues, wasabi etc.) et plats japonais (dont les célèbres kushikatsu, spécialité d’Osaka !), tout en apprenant les bonnes manières à avoir à table pour manger, mais aussi pour boire, la bonne façon de déguster un sushi. Il découvrira la vie nocturne dans les izakaya, les bars, ou les yatai.

photo d'Angelo Di Genova, issue de son livre Quelque chose du Japon, éditions NanikaIl se passionnera pour l’architecture traditionnelle ou plus moderne, la littérature (le Dit du Genji, les contes, mais également les haïkus et les grands noms de la littérature contemporaine). Les différents types de théâtres n’auront plus de secret pour lui (des extraits de Bunraku peuvent même être regardés grâce à un QRCode présent dans le texte, idem pour un extrait de musique populaire).

Enfin c’est toute une année au Japon qui apparaîtra au fil des pages de la dernière partie : le printemps avec les cerisiers qui fleurissent, les enfants qui rentrent à l’école, les jeunes diplômés qui passent des entretiens d’embauche, l’occasion d’aborder les transports, le port du masque, les cadeaux qu’on offre en rentrant de voyage ; l’été avec ses pluies, ses feux d’artifice, ses naissances (les bébés naissent plus nombreux en cette saison), ses fêtes avec les amis (l’occasion de parler de Line) ; l’automne et ses typhons, sa fête du sport, Halloween (et la mode à la japonaise), les feuilles rouges et les mariages ; l’hiver avec le chauffage (et le manque d’isolation des maisons japonaises), les sento (l’occasion de parler tatouage), la médecine traditionnelle, le Nouvel An.

Le sommaire permet de se faire une idée de la grande quantité de sujets présentés dans les différentes parties : Histoire et traditions, Religions et spiritualité, Itadakimasu !, Art et culture, Une année au Japon. Vous pouvez le feuilleter ici.

Le texte est très agréable à lire, découpé en petits paragraphes thématiques, le tout illustré par de superbes photographies et d’impressionnantes peintures de Morgane, donnant une impression aérienne malgré la quantité d’informations fournies. Des encarts en rouge, Savoir, A regarder ou A lire, permettent d’approfondir certaines notions, certains mots, de découvrir des films ou des livres et on découvre même des informations drôles dans les encarts Fun Fact !

En refermant le livre, le lecteur aura l’impression d’avoir découvert un pays, mais surtout ses habitants, la façon dont ils vivent au quotidien. Un livre comme une rencontre, une porte ouverte.

Un livre indispensable, une base solide, instructive et passionnante pour découvrir ou redécouvrir ce pays fascinant.

Et maintenant, place à ceux qui l’ont fait, Angelo Di Genova, l’auteur et l’illustratrice Morgane Boullier !

 

Angelo Di Genova, vivant depuis plus de dix ans au Japon, photographe, guide, blogueur … et écrivain

portrait d'Angelo Di Genova, extrait du livre Quelque chose du Japon, éditions Nanika

Angelo Di Genova, extrait du livre Quelque chose du Japon, éditions Nanika

Journal du Japon : Bonjour Angelo Di Genova… Comment est née l’envie d’écrire ce livre ? Est-ce un complément à ton blog, un outil pour toucher plus de monde ?

Angelo : Pouvoir un jour écrire et éditer un livre c’est un peu un rêve de gosse. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. Bien qu’ils soient restés dans la sphère privée, j’ai écrit deux autres livres il y a quelques années. Ils sont anecdotiques dits comme ça mais dans mon processus personnel ils ont été importants. Cette fois-ci, on parle pourtant d’un vrai projet professionnel grâce aux Éditions Nanika. Ce sont eux qui sont venus vers moi pour me proposer d’écrire le volume sur le Japon au sein de leur collection de guides « Quelque chose de ». Leur concept alternatif et leur approche plus humaine correspondent totalement à ce que j’aime faire et transmettre quand je parle du Japon. C’était juste parfait, et c’est sans hésitation que j’ai accepté le challenge. 

Tu vis à Osaka, tu n’as pas eu envie de consacrer un livre uniquement à cette ville ?

Si ! C’est une envie qui m’habite depuis que je suis tombé amoureux d’Osaka. J’ai tellement marqué mon attachement à cette ville durant toutes ces années que beaucoup d’amis, connaissances, ou même des voyageurs que je guide, me demandent régulièrement « alors ce livre sur Osaka c’est pour quand ? ». Pour la plupart des gens, il paraît normal que si un livre sur Osaka doit être écrit, je doive en être l’auteur. C’est un plaisir à entendre mais ça met aussi beaucoup de pression. 

En tout cas, même si j’ai de nombreuses idées en tête, Quelque chose du Japon s’est avéré être le projet le plus concret. Finalement je trouve très bien de commencer par un livre plutôt global sur le Japon pour ensuite, qui sait, enchaîner sur des thématiques plus précises. C’est cohérent et je suis extrêmement content d’avoir pu écrire cet ouvrage grâce aux Éditions Nanika. Je ne peux que les remercier de m’avoir fait confiance. 

Le livre est impressionnant par la diversité des sujets abordés. Comment as-tu fait pour ne pas t’y perdre, pour faire des choix ?

Je m’intéresse passionnément au Japon depuis mon enfance et je guide des voyageurs sur place depuis 10 ans maintenant. Beaucoup de thèmes contenus dans le livre étaient déjà bien structurés dans ma tête avant d’écrire quoi que ce soit puisqu’ils me sont utiles quand j’explique des choses aux visiteurs que j’accompagne. Le livre est en quelque sorte un prolongement naturel de mon travail.

Par contre il a effectivement fallu faire des choix. Certains ont été difficiles. J’ai essayé d’être le plus généreux possible mais impossible de tout mettre sinon on se retrouve avec une usine à gaz de 800 pages ! 🙂 

Quoi qu’on fasse, il y aura toujours des sujets à développer, à nuancer ou à compléter. 

Tu es photographe (et propose des safaris photo aux touristes), tu n’es pas frustré de ne pas avoir pu mettre plus de photos ? Comment as-tu pensé l’articulation textes-illustrations ?

On veut toujours donner plus. Plus d’infos, plus de détails, aller plus en profondeur. Comme pour les textes, au niveau des photos il a fallu faire des choix, et au final le livre est déjà bien plus gros que ce qui était prévu. 

Les illustrations sont très utiles. Elles apportent beaucoup de chaleur dans l’ouvrage, je trouve. En plus elles permettent de synthétiser des choses parfois plus efficacement que les photos. Quand c’était justifié, ou quand je n’avais pas de photo pour illustrer correctement certains points, on a sollicité les talents de Morgane. Quand j’ai vu le résultat de ses premières illustrations, ça m’a donné envie d’en mettre partout 🙂 

Quels conseils donnerais-tu au futur voyageur qui irait pour la première fois au Japon (après le confinement !) ?

Moi j’aime bien dire aux voyageurs de se garder des espaces, des moments, voire des journées sans rien de prévu. Se perdre en improvisation, avoir le temps de se laisser transporter par une rencontre fortuite sans devoir l’écourter parce que vous avez un bus à prendre pour aller au fameux temple avec trois étoiles dans votre guide-papier. C’est tout simple, mais on oublie parfois de le faire. Je conseille aussi d’interagir avec les locaux, même si vous parlez pas la langue. Une petite boutique à côté de votre hôtel ? Un vieux marchand de tofu ? Intéressez-vous aux gens, à leur vie, et ils vous le rendront bien. Les vrais trésors cachés des pays que vous visitez ce sont les habitants. 

Un petit « portrait japonais » : si tu étais …

Automne à Kyôto par Geoffrey Hugel, issue du livre Quelque chose du Japon d'Angelo Di Genova, éditions NanikaUne saison : L’automne qui nous offre un répit après les chaleurs étouffantes de l’été. Sans parler des couleurs de la nature. 

Une fête : Doyadoya Matsuri à Osaka. J’en parle ici.

Un plat : Les lasagnes de ma maman 🙂

Une sucrerie (wagashi, car on ne peut pas dire « dessert » !) : Un mochi avec du kinako. J’adore le kinako ! 

kaki peint par Morgane Boullier, extrait du livre Quelque chose du Japon d'Angelo Di Genova, éditions NanikaUn légume ou un fruit : Un kaki, j’en parle d’ailleurs dans le livre.

Un objet traditionnel : Les baguettes tout simplement. Quelle formidable invention !

Une ville ou un quartier : Alors je vais choisir en dehors d’Osaka exprès. Je dirais Kichijoji à Tokyo car j’y ai des souvenirs très personnels pour avoir vécu quelques mois non loin du parc d’Inokashira. Quand je me promène là-bas, je retrouve un peu le Japon que j’ai découvert la première fois en 2006.

Un paysage : La mer que l’on peut observer depuis les hauteurs d’une montagne. Ça tombe bien, le Japon offre souvent cette opportunité. 

 

Morgane Boullier, illustratrice vivant à Tokyo et amoureuse de la peinture japonaise sumi-e

portrait de Morgane Boullier, extrait du livre Quelque chose du Japon d'Angelo Di Genova, éditions NanikaJournal du Japon : Comment est née la collaboration avec Angelo ? 

Morgane : Angelo m’a fait l’honneur de me contacter cet hiver pour me proposer d’illustrer son livre. Je connaissais et suivais avec plaisir son travail sur les réseaux sociaux depuis quelques temps, et lui, semble t-il, appréciait également le mien. 🙂 Le style « japonais » de mes peintures paraissait cohérent avec le sujet du livre et l’idée d’illustrer de Japon de façon un peu plus documentaire que d’habitude m’a tout de suite plu. Et voilà ! J’ai embarqué dans l’aventure avec lui. 

Comment s’est fait le choix des sujets que tu illustrerais ? 

masque de kabuki peint par Morgane Boullier, extrait du livre Quelque chose du Japon d'Angelo Di Genova, éditions NanikaCe choix a été fait par Angelo (et par Élise notre éditrice), en fonction des photos qu’il avait, ou n’avait pas, de ses envies et surtout des sujets développés dans le livre. 

Un complément visuel peut parfois être nécessaire pour comprendre ou appuyer ce dont parle le texte, et permet tout simplement de l’enrichir. Certains points sont aussi plus simples à « expliquer » avec des images. Par exemple, quelles sont, visuellement, les différences entre une maiko, une geisha, et une oiran. 

Quelle illustration as-tu pris le plus de plaisir à peindre ? 

Je dirais l’illustration du « maquillage Kabuki ». La peinture sumi-e se prête particulièrement bien à ce genre de formes et de couleurs et j’ai adoré réaliser cette peinture. 

Ton panthéon bouddhique est impressionnant ! Tu as un « personnage » préféré ? 

Fudô-Myôô peint par Morgane Boullier dans le livre Quelque chose du Japon d'Angelo Di Genova, éditions NanikaDans la « vraie vie », la sérénité qui se dégage des Bouddhas me touche tout particulièrement. Dans le livre je dois avouer que je suis plutôt fière de mon Fudō-Myōō 🙂 

Comment es-tu « tombée » dans la peinture sumi-e ? 

J’ai découvert ce type de peinture début 2016 ; nous venions d’arriver au Japon en PVT, et j’ai découvert dans une librairie, un peu par hasard, un livre sur le sumi-e. Sans pouvoir comprendre le texte ou la pensée derrière (le livre étant en japonais), je suis tombée amoureuse de ses images, de son rendu « brut » et doux à la fois, de son minimalisme et son côté épuré, et surtout de sa poésie. 

En faisant plus de recherches, j’ai découvert qu’une exposition sur le sujet aurait lieu quelques semaines plus tard à Tokyo. Je m’y suis rendue pour « admirer les œuvres », sans me douter une seconde que j’allais y rencontrer mon futur sensei (qui organisait l’exposition), et commencer une très jolie aventure. D’ailleurs dans quelques semaines je vais participer à mon tour, pour la deuxième fois, à cette exposition qui a lieu chaque année à Tokyo. C’est drôle la vie parfois 🙂 

Et un petit « portrait japonais » : si tu étais …

Une saison : Chaque saison a vraiment un charme à part au Japon, et je les aime presque toutes autant. Mais si je dois vraiment choisir, je crois que je dirais l’automne, pour la douceur de ses températures après l’été étouffant, sa lumière dorée, ses délicieux mets de saison (kakis, châtaignes, sanma, kabocha…), ses petites décorations automnales et bien sûr, pour ses couleurs flamboyantes. 

Une fête :  お月見 « O-tsukimi », la fête de la Lune (en septembre), pour sa douceur et sa poésie. 

Un plat : Un kaisen-don (海鮮丼), le fameux bol de riz recouvert de tranches de poissons et de fruits de mer frais 

Une sucrerie (wagashi puisqu’on ne peut pas parler de « dessert » !) : Un kuri daifuku (栗大福) 🌰 

Un fruit ou un légume : Une patate douce ( サツマイモ « satsuma-imo »), que l’on achète cuite au four et encore chaude dans les petits camions de rue (entre autres) 

Un objet traditionnel : Je suis assez addict à tous ces petits objets traditionnels en bois ou en papier mâché, sculptés et peints à la main, le choix est donc assez difficile… Mais je dirais quand même un daruma, parce que ce sont les meilleurs 🙂 

Une ville ou un quartier : Mon havre de paix « à Tokyo »: le petit quartier autour du temple Jindai-ji à Chofu, ses érables verdoyants et sa fraîcheur printanière. 

Et sinon, je ne me lasse pas de la beauté des vieux quartiers de Kanazawa et des petits temples cachés de Kyoto, malgré l’intérêt qu’ils suscitent auprès des foules du monde entier… 

Un paysage : Je dirais une vieille maison traditionnelle japonaise en bois brûlé-doré, entourée de pins protégés de leurs petits chapeaux d’hiver (« yukitsuri » en paille de riz. Avec peut-être en toile de fond une belle montagne enneigée et quelques flocons.

Merci !

Retrouvez toutes les informations sur cet ouvrage (de plus de 200 pages et au prix de 15 euros) sur le site des éditions Nanika, où vous pourrez même le feuilleter. 

Journal du Japon remercie Angelo et Morgane pour leur disponibilité et leur gentillesse.

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