Local Hero, les super-héros des terroirs japonais

Alors que les mascottes Yuru-Chara sont aujourd’hui connues des nipponophiles et se permettent même des excursions en territoires étrangers, on n’entend que très rarement parler des Local Hero qui ont pourtant tout pour plaire. En effet, comment ne pas être admiratif devant un super héros qui représenterait sa ville, son département ou sa région ? Penchons-nous ici sur ces Local Hero, pour enfin les faire sortir du Japon.

Local Hero Great War

Affiche du film Local Hero Dai Kessen (Local Hero Great War) rassemblant un grand nombre de héros locaux ©Yatsurugitama

Du Super-héros de tokusatsu

Historique rapide du genre

Avant de pouvoir parler en particulier du phénomène des héros mascottes, il nous faut revenir sur la – (ou les) – tradition(s) japonaise(s) du héros de tokusatsu. Pour les non-initiés, le tokusatsu, que nous avons déjà abordé dans sa pluralité dans un article précédent, désigne les séries et films japonais se concentrant sur les effets spéciaux. Ils concernent donc aussi bien les productions de monstres géants, les kaijû, que celles de science-fiction. Mais ce qui nous intéresse ici est le volet Super-Héros de ce spectre du tokusatsu.

C’est dès la fin des années qu’apparaissent les premières figures héroïques du tokusatsu, avec des personnages comme Moonlight Mask en 1958, Seven Color Mask en 1959 ou National Kid en 1960. Si il présente déjà tous, comme certains de leurs homologues américains, la particularité d’être masqués, la conception des héros de tokusatsu évoluera au fil des années 60 avec Ultraman en 1966 qui, au-delà du simple masque, s’avère être une réelle métamorphose, et surtout, prend des dimensions plus conséquentes avec ses 40 mètres de hauteur nécessaires pour s’opposer aux montres tout aussi imposants. Dans les années 70 naissent plusieurs autres grandes figures du héros du tokusatsu avec Kamen Rider, motard masqué inspiré par l’apparence des sauterelles, ou bien les premières séries Super Sentai dont l’esthétique nous est la plus familière grâce à sa version américaine Power Rangers. Les années 80 voient l’apparition d’une dernière figure importante de ce genre de héros : les Metal Hero, dont le nom mentionne très bien leur particularité : l’armure en métal.

Définition d’une esthétique

À partir de ces quatre grandes figures (Ultraman, Kamen Rider, Super Sentai, Metal Hero), il nous est possible de comprendre ce qui, visuellement, fait le héros de tokusatsu. Kamen Rider, Super Sentai et Metal Hero étant des licences lancées par la Tôei, ils présentent des similarités conséquentes. L’apparence super-héroïque est ici due à un équipement plus ou moins proche de l’armure. Si les Metal Hero sont entièrement, du moins en apparence, recouverts de métal (allant même jusqu’au robot avec Metalder), les différents Rider ne possèdent généralement que des éléments d’armures (plastron, genouillères, et surtout ceinture), et les Super Sentai ne sont généralement vêtus que de simples uniformes. Ce qui les lie est avant tout la présence d’un casque, plus ou moins rond, avec des visières aux formes diverses pouvant aller de motifs simples à des imitations de symboles ou bien de globe oculaire d’insecte (particulièrement marqué pour Kamen Rider). De son côté, Ultraman est à-part car son apparence héroïque n’est pas une armure mais un alien en chair et en lumière. Les différents design des Ultraman sont donc plus homogènes avec sa couleur argentée iconique et, traditionnellement, une teinte de rouge, ne portant pas d’armures et présentant des visages divers avec pour seul motif récurrent les yeux jaunes convexes.

affiche festival Kamen Rider Super Sentai et Ultraman

Affiche de promotion pour un festival exceptionnel rassemblant les 3 grandes figures modernes du tokusatsu : Ultraman (à gauche), Kamen Rider (au centre), et les Super Sentai (à droite). On peut voir les designs modernes à l’avant, tandis qu’à l’arrière sont présents des personnages parfois plus anciens ©Ishinomori Production ©Toei ©Tsuburaya Production

shinzô ningen casshern

Casshern, héros d’un anime des années 70 dont le design fait clairement écho aux héros de tokusatsu de la même époque ©tatsunoko

Il est à noter que ces généralités sur les apparences de ces héros sont en constante évolution, l’arrêt des séries de Metal Hero a par exemple « métalifier » les armures de Kamen Rider, et les Ultraman récents sont au moins aussi bien équipés que leurs rivaux de chez la Tôei. Il est aussi important de comprendre que ces design ne sont pas exclusifs au tokusatsu, des anime des années 70 du studio Tatsunoko comme Gatchaman et Cassharn, ou bien d’autres dessins animés comme Tiger Mask (présentant déjà un héros au masque d’animal, élément qui deviendra récurent dans le tokusatsu) sont également initiateurs de cette esthétique particulière des super héros japonais.

Les Local Hero, super-héros qui habitent près de chez toi

La revitalisation des régions

C’est dans ce grand imaginaire du héros de tokusatsu que prennent racine le concept et l’apparence des Local Hero. Il s’agit de super héros créés par une région, un département ou une ville pour en être son représentant. Ces héros serviront ensuite à faire la promotion des localités concernées à l’échelle nationale, ou bien à servir de mascotte pour différents évènements scéniques, goodies ou manuels à l’attention des enfants de la région. Ils peuvent même faire l’objet de manga, de films, de jeux, de musiques ou de série télé. Vous l’avez remarqué, le concept est le même que les Yuru-chara, mascottes japonaises mignonnes beaucoup plus connues en occidents. Ils participent tout comme les Yuru-Chara, les Local Idol ou les spécialités régionales, à la revitalisation des régions japonaises en manque de dynamisme face aux pôles urbains. Pour mieux comprendre ce concept, imaginez Bigoudenger, un héros à l’image de la Bretagne, vêtu de sa coiffe traditionnelle et portant sur son dos une bombarde et se déplaçant de ville en ville pour préparer des crêpes aux enfants. Cet exemple, imaginaire malheureusement, serait typique d’un Local Hero japonais.

Les Local Hero seraient nés dans les années 70, durant le pic de popularité du tokusatsu lorsque même les chaînes de télévision locale se mettaient à produire leur propre série du genre avec en 1973 la diffusion de Rainbow Attackers sur la chaîne régionale du Tôhoku. Mais c’est dans les années 2000 que le phénomène prendra réellement de l’importance, accompagné par l’émergence d’internet dans les foyers. Chaque région se trouvera alors représentée par un héros à ses couleurs, et les villes et départements rejoindront également le mouvement pour atteindre aujourd’hui un nombre très élevé de Local Hero. Et depuis 2014, ils se réunissent chaque année pour le Local Hero Matsuri dans le département de Chiba : événement sur deux jours qui voit se succéder sur scènes les Local Hero les plus populaires. Mais trêve de généralités, pour mieux présenter ce concept, rien de mieux que de faire le tour de 3 Local Hero choisis parmi la (très) grande diversité de ces personnages.

local hero matsuri

L’affiche pour l’édition 2020 du Local Hero Matsuri

Exemples précis d’une diversité super-héroïque

Hôjin Yatsurugi, que l’on peut traduire littéralement Dieu Phénix Yatsurugi est un Local Hero du département de Chiba. Son apparence et son histoire prennent appui sur les mythes de la ville de Kisarazu. L’empereur maléfique des fonds marins Zabun s’est délivré des huit sceaux qui le retenaient prisonnier. C’est alors que Takeru YAMATO, jeune pêcheur trouve échouée sur la plage une pierre sur laquelle est gravée un phénix. Cette mystérieuse pierre s’avère-t-être l’un de ces sceaux et permettra à Takeru de se transformer en Yatsurugi pour pouvoir protéger la ville de Kisarazu du terrible Zabun. Des bases simples pour le genre mais pour une aventure qui continue encore aujourd’hui à être diffusée ! Hôjin Yatsurugi fait en effet parti de ses local hero à « gros budget » qui ont la chance de bénéficier d’une série rien qu’à eux. Depuis sa première saison en 2011, Hôjin Yatsurugi en est à sa neuvième série diffusée il y a tout juste un an. Sans compter les films et les épisodes spéciaux qui ajoutent encore pas mal de contenus ! Il est par exemple à la base du film de 2015 Nihon Local Hero Dai Kaisen, La Grande bataille des Local Hero japonais. Un grand palmarès pour le héros d’une ville plutôt modeste comme Kisarazu, et on peut féliciter la société Yatsurigitama qui s’occupe du héros depuis 2014, en plus d’organiser le Local Hero Matsuri et de lancer d’autres projets de Local Hero. Pour les plus curieux, le premier épisode de la première saison de Yatsurugi est disponible légalement sur Youtube mais sans sous-titres.

Hôjin Yatsurugi saison 9

Image de promotion de la neuvième saison de Yatsurugi, présentant en arrière plan de nombreux personnages créés pour la série ©Yatsurugitama

Tokusatsu Boyz est une autre production de Yatsurugitama. En réalité…les boys band et les Super Sentai ne sont pas si éloignés n’est-ce pas ? Un groupe, souvent de beaux garçons (même si les Super Sentai ont également des membres féminins) aux personnalités marquées. Tokusatsu Boyz fonce dans ce merveilleux chemin et présente au public le meilleur des deux mondes : un groupe de beaux garçons vêtus d’armures colorées. Tout le génie de Tokusatsu Boyz réside dans ce simple concept et, pour peu que vous aimez la musique boys band et que vous voulez changer d’air ou que vous soyez déjà familiers de l’esthétique tokusatsu, leurs clip valent le détour.

Non, Akita n’est pas qu’une race de chien, c’est avant tout une ville qui donne son nom à un département dans le nord de l’archipel, au bord de la mer du Japon. Et cette ville à son héros. Il est là pour faire connaître la merveilleuse ville d’Akita à tous les Japonais …il étudie le passé pour mieux connaître le présent et ouvrir la voie à l’Akita de demain …voici le Samouraï de Akita city : Chiakimaru ! Sa couleur verte lui vient de l’emblème de la ville, son style de samouraï du fameux château d’Akita et les éolienne sur son dos du parc à éoliennes de Akita-Araya. Sur son compte twitter, on peut le voir prendre la pose dans différents coins de la ville ou s’entraîner diligemment au sabre. Il n’est heureusement pas seul dans sa quête : avec Beat-Fighter Ace, Local Hero et surtout danseur du département d’Akita, et Amabi Yell, héroïne luttant contre les maladies, ils forment les ACE (Akita Create Energy Heroes). On peut les voir prendre des photos ensembles, se battre côte à côte durant des spectacles ou participer aux mêmes chorégraphies (ici dansant sur la chorégraphie officielle du générique de la nouvelle série Super SentaiZenkaiger)

Akita city samourai chiakimaru local hero

Chiakimaru, le fier samouraï d’Akita ©ACE

Des héros au service des capitaux

En parallèle du Local Hero, un autre concept de héros équivalent se développe : les héros d’entreprises. Ici, à la place de promouvoir une localité, le héros représente une entreprise et se bat contre le mal (ou pas) en son nom. Il peut aussi bien s’agir d’un héros créé de toutes pièces par une entreprise que d’un héros qui a réussi à voir le jour grâce au sponsor d’une entreprise, et qui par conséquent peut être utilisé par cette dernière pour leur promotion. Par exemple, Kôsoku Esper, jeune héros d’une série de tokusatsu de la fin des années 60, était produit par la marque d’appareils électroniques Toshiba et participait donc à leur campagne publicitaire. Mais ce qui nous intéresse le plus ici, ce sont les héros créés spécifiquement par les entreprises pour incarner leur identité, même s’il est parfois difficile de deviner quel genre d’entreprise se cache derrière certains héros. Varsan Man, avec son style ténébreux, n’a qu’un seul objectif : terrasser tous les cafards de ce monde. Comme vous pouvez le deviner suite à cette explication, Varsan Man est un héros créé par la marque Varsan qui produit des insecticides. Plus transparents avec son armure, Kansenger représente les lignes de JR West, division de la fameuse compagnie de chemin de fer.

Varsan man et Kansenger commercial hero

à gauche Kansenger, héros ferroviaire, et à droite Varsan Man, héros insecticide ©JR Lines ©Varsan

Les Avengers de Fukuoka : Dogengers

L’année dernière a été diffusée sur la chaîne de télévision régionale de la région de Kyûshû la série Dogengers. Alors que les héros du département de Fukuoka se la coulent douce sur l’île de Nokoshima, dans leur émission de téléréalité HeroHouse (vous aurez sûrement compris la référence), le département de Fukuoka, est prise d’assaut par Yabai Kamen et sa troupe : la Société Secrète du Mal. Nos héros reviennent mais sont rapidement mis au tapis, et un simple humain, Jirô Tanaka se retrouve malencontreusement mêlé à leur combat. Heureusement, Ohgaman, héros pharmaceutique, leur vient en aide. Après un dernier sursaut de la Société Secrète du Mal, les héros se retrouvent séparés dans Fukuoka, et Ohgaman décide de passer le flambeau de son pouvoir à Jirô, qui aura la lourde tâche de sauver Fukuoka…et surtout de supporter tous ces héros aux caractères compliqués.

Dogengers, en plus d’être une série très amusante, rassemble tous les types de héros dont nous avons parlé jusqu’ici, en se concentrant sur le département de Fukuoka. KitaQ Man représente la ville de Kitakyûshû, Fukuokalibur représente le département de Fukuoka, Yamashiron est la mascotte de l’entreprise de gaz Yamada, El Brave la société BTP Satô de la ville de Nakama et Ohgaman, comme évoqué plus tôt, est là pour vous parler du Livret de suivi médical et vous rappeler de bien prendre vos médicaments ! Même le méchant, Yabai Kamen, représente la société de production de la série qui porte le même nom que la Société Secrète du Mal. Certains personnages créés pour l’occasion ont même été conçus par de grands noms de l’animation. Ainsi, I-Doll a été désignée par Akira AMEMIYA, grand fan de tokusatsu et réalisateur du studio Trigger derrière Inferno Cop, SSSS. Gridman et récemment SSSS. Dynazenon.

dogengers local hero

de gauche à droite : Fukuokalibur, El Brave, Yamashiron, Jirô dans sa forme Rookie héritée de Ohgaman, Ohgaman, KitaQman, Yabai Kamen ©Aku no Himitsu kessya

Face au succès de la première saison, une saison 2 a été annoncée : Dogengers Nice Buddy qui commence dès le 11 avril 2021. Malheureusement, déjà qu’il est aujourd’hui exceptionnel d’avoir du tokusatsu diffusé internationalement, il est encore plus miraculeux (voire impossible) pour une série régionale tokusatsu d’avoir le droit à ce genre de traitement. Mais dans notre infortune, nous avons la chance d’avoir en France une petite mais active communauté de fan de la série qui s’est dévouée à une traduction de très bonne qualité de la première saison, faute de l’avoir disponible légalement.

 

Comme vous avez pu le comprendre, le Local Hero japonais est soumis à une forte diversité et tente constamment de se renouveler par de nouveaux concepts à ajouter à l’identité de ce genre héros. Que ce soit des séries comme Dogengers ou des groupes de musique comme Tokusatsu Boyz, l’univers des Local Hero a de quoi surprendre. Alors ? Êtes-vous séduits par le terroir des superhéros japonais ?

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