Darumatcha DIY : rénover une maison japonaise abandonnée !

Nombre d’entre vous ont dû voir passer ces nombreux articles qui fleurissent depuis quelques temps dans de nombreux médias, clamant haut et fort que le Japon regorge de maisons abandonnées prêtes à être vendues une bouchée de pain, voire gratuitement ! C’est la dure réalité de l’exode rural japonais : des villages tout entiers sont désertés. Et l’on ne compte plus les bâtisses à l’abandon que l’on croise lorsque l’on s’aventure un temps soit peu dans la campagne japonaise. Pour autant, cette situation peut en arranger plus d’un : pour ceux qui font le choix de se retirer de la ville, c’est une offre à laquelle réfléchir. Une belle et grande maison, pour un tout petit prix, mais à rénover entièrement… Un chantier dans lequel s’est lancé le couple franco-japonais que l’on rencontre aujourd’hui : Darumatcha DIY !

Darumatcha DIY : l’histoire d’un couple franco-japonais qui se lance un défi de taille !

© Darumatcha DIY

Journal du Japon : Bonjour à tous les deux, et merci d’avoir accepté notre invitation ! Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Darumatch DIY : Bonjour, et merci à vous ! Avec plaisir ! En ce qui me concerne, je suis une française de 31 ans. J’ai vécu toute ma vie en France. J’ai étudié dans différents domaines (le design, la comptabilité, les langues…) et après m’être rendue compte que les études n’étaient pas faites pour moi, je me suis lancée dans le monde du travail. Je changeais souvent d’environnement, je n’aimais pas rester toujours au même endroit. Mais lors de mon dernier emploi, je me suis retrouvée dans une entreprise où j’ai été harcelée moralement pendant 2 ans et demi, jusqu’au burn-out. À ce moment-là, je me suis complètement remise en question, sur mes choix de vie. J’ai tout quitté : mon travail, mon copain de l’époque, et revendu la maison que nous avions acquis ensemble. Je me suis acheté un gros sac à dos, pris mon courage à deux mains et j’ai sauté dans un avion pour partir à la découverte de l’Asie du sud-est. Ce périple a duré une bonne année, et c’est à ce moment-là que je suis arrivée au Japon.

Concernant mon conjoint, il est japonais et a 35 ans. Après ses études, comme la grande majorité des étudiants, il est tout de suite rentré en entreprise. Il travaillait en tant qu’informaticien. Après quelques années à vivre dans le monde du travail et observer les cinquantenaires lassés dans leurs routines, il s’est rendu compte que ce n’était pas le genre vie qu’il voulait. Il a également vécu un burn-out, suite à quoi il a prit l’initiative de partir à la découverte d’une autre culture dans un pays étranger. Son choix s’est porté sur le Canada. Il y a appris une culture différente, quelque chose qui lui ressemble plus et c’est ce qui lui a plu. Lorsqu’il est rentré au Japon, il a commencé à faire du couchsurfing, système qu’il a occasionnellement utilisé au Canada. Ce qui lui a permis de rencontrer plus d’étrangers et de retrouver un peu cet environnement qu’il avait connu en dehors du Japon.

Comment vous êtes-vous rencontrés ? 

Nous nous connaissions depuis quelques années via un site internet d’échange linguistique. J’apprenais alors le japonais et lui le français. Nous échangions occasionnellement. Lorsque je parcourrais seule l’Asie du sud-est, j’ai décidé de faire une halte au Japon, un pays qui m’avait longuement intrigué. Lorsque j’ai posé le pied sur l’archipel, j’ai repris contact avec lui afin de l’informer de ma venue et pour l’occasion, il m’a gentiment proposé d’être mon guide quand je viendrais lui rendre visite. J’en avais profité pour lui demander s’il pouvait m’héberger gratuitement, car avec mon voyage en sac à dos, j’avais pour habitude de faire beaucoup de couchsurfing. Il m’a ouvert ses portes pour deux nuits et je ne suis finalement jamais repartie.

© Darumatcha DIY

Comment est né le projet Darumatcha DIY ?

Lorsqu’on était encore tous les deux salariés, on regardait souvent des youtubeurs japonais qui rénovaient une maison achetée de seconde main. Ce qui est assez rare ici, car les Japonais préfèrent faire majoritairement construire que de vivre dans une maison qui a déjà un passif comme c’est souvent le cas chez nous. On avait depuis un moment entendu dire qu’il était possible d’acheter une maison pour trois fois rien voire gratuite sous certaines conditions. Ce qui est un facteur motivant. Puis avec le Covid, on a tous les deux perdus notre emploi et on s’est dit pourquoi ne pas en profiter pour se lancer dans cette aventure nous aussi ? Sachant qu’il était préférable de rester chez sois alors autant avoir de quoi s’occuper !

Pourquoi Darumatcha DIY ?

On voulait créer un nom unique en combinant deux mots que l’on aime. Quelque chose qui nous permettrait d’être reconnaissable aisément sur les réseaux sociaux. On a donc mixer  les mots, « Daruma » et « Matcha » suivis de DIY [NDLR : Do It Yourself pour « fait-maison » en français]. Les daruma sont des petites figurines japonaises dont je suis tombée sous le charme durant mon périple au Japon et j’ai commencé à collectionner. En ce qui concerne le mot Matcha, mon conjoint en apprécie grandement le goût, principalement pour le chocolat ou les glaces. Puis DIY fait le lien avec les rénovations.

Entre le moment où vous y avez pensé et le moment où vous avez trouvé la maison, quel a été le déroulé des aventures pour vous ?

Quelque temps après avoir eu l’idée, on a vite remarqué que ça tournait beaucoup dans notre tête. On a pris un moment pour réfléchir si on pouvait se lancer dans une telle aventure tant financièrement que sur toute la partie technique concernant les rénovations, puis potentiellement la création d’une chaine YouTube…

Après avoir tout posé à plat, on a commencé les recherches sur plusieurs sites de vente de biens immobiliers dont Athome et Ieichiba. Il nous a fallu 6 mois de recherche et de visites pour trouver notre maison. On a profité de ce temps pour apprendre différentes techniques de rénovation spécifique à ces vieilles maisons japonaises, s’auto-former sur les logiciels de montage vidéo ainsi que les modèles 3D, la retouche d’images…

Une fois la maison trouvée et visitée, on a rapidement su que c’était celle-là. Elle correspondait à nos critères. On a signé un compromis de vente le jour même de la visite qui a été accepté deux jours après. Et une semaine plus tard, on avait signé les contrats et obtenu les clés !

Cela faisait plusieurs années qu’elle était en vente et à deux doigts d’être détruite. On est ravi de l’avoir sauvée et de lui redonner une seconde vie.

Quels étaient vos critères pour choisir votre maison ?

Il était difficile d’aligner tous nos critères sachant que notre budget était limité. On a visité bon nombre de maisons dans notre budget mais toutes dans un état plus que lamentable, à moitié détruites ou ronger par les termites. Au Japon, il faut aussi faire attention à l’emplacement géographique de la maison, afin que cette dernière ne soit pas sur une zone à risque (glissements de terrain ou inondation). Il nous fallait des gros travaux, de quoi s’occuper et apprendre également. Au final, cette maison correspond au mieux à ce que nous recherchions.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans la réalisation de votre projet ?

Je pense que le challenge principal pour nous est de vivre et rénover au même endroit.

Au tout début, le jour où on a obtenu les clés de la maison, on vivait à l’hôtel pour quelques jours. Le temps de vider un peu la maison car toutes les pièces étaient remplies d’un bordel monstre. Puis on s’est vite rendu compte qu’on ne pouvait continuer ainsi, surtout alors qu’on venait d’acheter cette maison. On a donc nettoyé et lustré à fond une pièce dans laquelle on y a posé notre matelas de camping et depuis on y vit !

Il faut bien sûr revoir ses exigences de vie et son confort à la baisse. Lorsqu’on est arrivé il n’y avait pas d’électricité donc on s’éclairait à la lampe torche. Sans eau chaude, ni de gaz, ni de toilettes, on se rendait donc au konbini du coin. Pas de salle de bain non plus, donc on allait au sento tous les soirs. Comme on n’a pas de frigo, on achète au jour le jour. Sans lave-linge, on va à la laverie automatique. Et sans chauffage, on empile donc des couettes… Bref au début, c’était clairement invivable et ça a durée ainsi pendant plusieurs mois. Même à l’heure d’aujourd’hui, on manque encore de confort.

Quelle est la journée type chez vous ?

Généralement je me lève la première, et j’en profite pour aller marcher 30 minutes à 1 heure. Ce qui me permet de respirer un peu d’air frais, et changer de toute la poussière et les produits chimiques dans la maison. À mon retour, nous prenons le petit-déjeuner dans notre chambre, car c’est la seule pièce propre de la maison. Après on fait un planning des tâches que l’on doit effectuer dans la journée afin d’accomplir nos objectifs du mois. Après on se met rapidement au travail.

On rénove en journée et le soir, je m’occupe de m’avancer sur les montages vidéo, car l’on sort une vidéo par semaine. Pendant ce temps-là, monsieur fait des recherches sur les rénovations à venir. Lorsque l’on peut rénover de nuit alors on s’exécute (si c’est un travail silencieux bien sûr). Depuis plus de six mois de rénovation on n’a pris qu’une semaine de repos, espacé qui plus est !

Avez-vous des compétences particulières dans de tels travaux, ou est-ce une expérience inédite pour vous ?

Principalement inédite. Mon conjoint et moi-même avons les compétences basiques pour rafraîchir une maison (peinture, refaire un sol..). Il a même appris tout seul à fabriquer une table, un lit ou une porte. Mais rénover un tel chantier comme aujourd’hui, c’est un vrai challenge ! On parle de rénover un toit, de créer une cabine de douche en partant de rien, changer des colonnes endommagées par les termites, refaire de nouvelles structures de sol ou murs… On fait énormément de recherche pour comprendre et rénover au mieux.

Faites-vous tout tous seuls ou êtes-vous parfois aidés par des entreprises extérieures ?

Jusqu’à présent, on a fait appel à deux entreprises. Celle pour le gaz, car on n’a pas le droit d’y toucher nous-mêmes. Puis on a fait venir une entreprise pour fixer une partie de la toiture. Cette dernière expérience s’est avérée catastrophique, car le patron a essayé de nous arnaquer. Je dis « essayer » car par chance on les a surpris sur le fait. Ils sautaient délibérément des étapes et nous ont même casser des tuiles… Bref on a fait une vidéo qui résume bien la situation.

Suite à cette expérience, on s’est dit que l’on allait tout faire nous-mêmes. On est davantage rassurés ainsi. On peut toujours demander à des amis pour filer un coup de main à l’occasion, ce qui nous donne une bonne raison de prendre l’apéro après une dure journée de labeur !

Avez-vous réalisé tous vos modèles 3D par vous-mêmes ? Comment les avez-vous travaillé ?

Oui, nous avons réalisé nous-mêmes nos modèles 3D. Disons que cette partie-là, c’est plutôt mon conjoint qui s’y est collé. Il a appris à utiliser le logiciel Blender en suivant de nombreux tutoriels sur le net. Le logiciel est capable de faire tellement plus, comme créer des films par exemple, mais ce qu’on fait dessus est très simpliste. Pour nous, c’est amplement suffisant.

Est-ce que tout se passe comme vous l’aviez imaginé ou y a-t-il eu des surprises ?

À l’achat de la maison, mon conjoint pensait qu’en trois mois les travaux seraient finis. On en est maintenant au double et on est loin d’avoir fini ! (Rires)

On s’attendait aussi à ce qu’il y ait des petites découvertes pas très sympas dans la maison mais on ne pensait pas autant : des colonnes endommagées par les termites, des fissures sur les murs externes, de l’eau marron dans les canalisations, des fuites d’eau… Les mauvaises surprises sont là mais les bonnes aussi ! On a découvert quelques petits trésors et on partagera tout cela dans une prochaine vidéo !

De nombreux étrangers rêveraient de pouvoir faire ce que vous faites… Est-ce le fait d’être japonais qui vous a permis la réalisation de ce projet, ou est-ce possiblement à la portée de n’importe qui ?

On pense que c’est à la portée de tous mais c’est vrai qu’être japonais est un sacré plus. Disons que cela facilite pas mal de choses. Déjà pour la communication, c’est plus simple pour comprendre et signer le contrat tout en respectant les différentes coutumes.

Selon la localisation de la maison, il existe de nombreuses règles de quartier propre au Japon, des traditions à respecter qui vont souvent au-delà de notre compréhension en tant qu’étranger. Mais, encore une fois, il n’y a rien d’insurmontable tant que l’on se renseigne bien en amont.

Nous pensons savoir que lorsque l’on achète une maison au Japon, le terrain ne nous appartient pas. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus ?

Oui bien sûr. En règle générale, si l’on achète un terrain ce dernier vous appartient de manière permanente. Les maisons sont de manière plus fréquente vendues avec le terrain. Il existe cependant certaines personnes qui sont propriétaires d’un terrain et décide de le louer. Dans ce cas, la mention Shakuchiken (借地権 pour les kanji, しゃくちけん pour les hiragana, littéralement « le droit de pouvoir emprunter un terrain ») est indiquée. Ceux qui louent, entreprise ou particulier, ont le droit de faire construire dessus et doivent payer la location pour une certaine durée. Lorsque l’un des deux parties met fin au contrat, le locataire doit détruire le bien sur le terrain.

En ce qui nous concerne, la maison ainsi que le terrain nous appartiennent.

Quel budget faut-il prévoir pour réaliser un projet comme le vôtre ?

Cela dépend vraiment de votre portefeuille. Et il existe toute une gamme de prix qui dépendent de vos critères.

Il est possible d’avoir des maisons gratuites mais pour cela, il faut remplir des conditions pas toujours évidentes. C’est souvent perdu dans les montagnes ou à la campagne loin de la civilisation. Plus la maison est ancienne, donc pas aux normes sismiques, et moins elle va vous coûter. Et à l’inverse, vous pouvez obtenir de jolies maisons en meilleur état mais à un tarif bien plus élevé.

En ce qui concerne le coût des rénovations, cela dépend de vos goûts et de votre motivation. Si vous voulez juste rafraîchir les pièces sans gros travaux, vous n’aurez pas besoin de dépenser énormément. Mais si comme nous, vous voulez entreprendre de gros travaux de rénovation, cela chiffre rapidement.

Pour vous donner une idée, notre maison nous a couté 11 000 € et on a dépensé environ la même somme à l’heure actuelle pour environ la moitié des travaux réalisés, en sachant que le plus gros est passé.

Quelle est la suite des aventures pour vous ?

Notre prochain objectif, une fois les travaux terminés, est d’aller en France. Voilà 3 ans et demi que je n’ai pas remis le pieds dans l’hexagone et le pays me manque terriblement. Un besoin de retrouver mes racines et recharger mes batteries.

Après cela, rien n’est encore fixé, mais nous aimerions nous lancer dans les rénovations d’un bâtiment industriel en maison. Ou peut-être retaper la vieille maison de la grand-mère de mon conjoint… Enfin ce n’est pas les idées qui manquent !

Pour finir, avez-vous un petit mot pour tous ceux qui vous lisent depuis l’étranger et qui rêveraient de réaliser un tel projet au Japon ?

C’est important d’avoir des projets et réjouissant de pouvoir les réaliser. N’ayez pas peur de sauter le pas et soyez bien documenté en amont.

Merci à Darumatcha DIY de nous avoir accordé de leur temps pour cette interview enrichissante ! Si vous ne les connaissiez pas, c’est le moment de les rejoindre sur YouTube et Instagram pour suivre l’avancée de leurs rénovations pleines de surprise. Nous avons hâte de découvrir le résultat final, mais chaque chose en son temps… Encore beaucoup de travail et une belle histoire à raconter qui s’écrit !

Rokusan

Roxane, passionnée depuis l'enfance par le Japon, j'aime voyager sur l'archipel et en apprendre toujours plus sur sa culture. Je tiens le blog rokusan.fr dédié aux voyages au Japon.

2 réponses

  1. Cedric dit :

    Un plaisir d’avoir découvert votre chaine récement ! Un bon dosage d’humour et d’explications. Ca donne envie de se lancer 🙂

  2. tref dit :

    Mais les villages abandonnés comme ça ( il y en a des superbes coin en bord de mer pour pas cher comme nous le montre James MAY dans  » our man in japan  » sur amazon prime ) , ils ont accès à internet en haut débit ( la fibre vu que ça devient la norme ici ) .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights