Interview Japan Expo : Yukio Takatsu, l’homme des openings

Lors de la dernière édition estivale de Japan Expo, nous avons pu nous entretenir avec Yukio TAKATSU, réalisateur et animateur, qui s’est spécialisé dans les openings et endings. Il travaille également sur des jeux vidéo en réalisant des cinématiques d’introduction animées.

Yukio Takatsu

Yukio Takatsu est un animateur et réalisateur qui a commencé sa carrière dès 1999 avec l’adaptation animée de Orphen. Il travaille également sur la création de cinématiques d’introduction de jeux vidéo, notamment Persona 3 et Haven.

Longtemps associé à la saga Monogatari, on lui doit les openings Marshmallow Justice, Platinum Disco, Kogarashi Sentiment, Orange Mint, Mathemagics. Il a également réalisé l’opening 17 de Naruto Shippuden.

 

Journal du Japon : Bonjour M. Takatsu. Première question très simple : comment fait-on un bon opening ?

Yukio Takatsu : La première chose que je reçois, c’est la musique et je pense par rapport à la musique… comment est-ce que je peux poser mes images par dessus.

Vous recevez donc d’abord la musique, est-ce que vous prêtez alors attention aux paroles et au rythme pour faire vos plans. Est-ce particulièrement important, surtout lorsque vous faites des séquences de danse ?

Si je devais choisir, je dirais que le rythme est le plus important. Ce n’est pas aussi bien si on ne fait qu’en fonction du sens des paroles.

Un générique doit être la vitrine d’une série, c’est ce qui la présente aux futurs spectateurs. Comment choisissez-vous les éléments qui doivent apparaître, et comment les mettre en scène pour que cela corresponde au mieux à la série ?

Parfois, on me demande de mettre certains éléments et je choisis le reste. Lorsque cela devient trop surchargé d’éléments, ça ne fait pas très propre. Je trie alors le contenu qui doit apparaître dans l’opening.

Des années 70 à aujourd’hui, les openings ont évolué. Quelle est votre analyse ? Il y a une tendance ?

Avant, c’était beaucoup Goldorak et maintenant il y a des openings avec des paroles qui n’ont rien à voir avec l’anime. La musique des génériques en elle-même a beaucoup changé et donc les openings également.


Des choses qu’on ne se permettait pas avant ?

Il y a plusieurs expressions différentes qui sont faites dans les openings.


Aujourd’hui, des plateformes comme Netflix proposent de passer automatiquement les génériques, et beaucoup de nouveaux fans d’anime regardent des séries mais ne connaissent pas les génériques. Que pensez-vous de cette tendance ?

Je comprends le sentiment que les fans peuvent avoir de vouloir appuyer sur le bouton pour voir tout de suite leur épisode. Mais ça me fait quand même mal au cœur.


A quel point avez-vous de la liberté dans la création d’un opening ?

C’est quelqu’un de la société de production qui me dit combien de liberté j’ai sur l’opening. Il y a certains studios où je n’ai pas de consigne du tout, où l’on me dit juste de faire un opening. Par contre, en général, les sociétés de jeux vidéo qui m’approchent pour faire une intro sont plus demandeuses de créativité et me laissent plus de liberté.


Au studio SHAFT sur les openings de Monogatari vous avez une liberté artistique très grande. Comment cela se passe pour avoir une telle liberté sur des productions comme Naruto Shippuden  (OP 17) ?

Pour Naruto Shippuden, on ne m’a pas donné de consignes sur ce que je devais faire, mais par contre on m’a demandé de lire tous les tomes du manga (rires) : c’était la seule consigne.


Vous travaillez avec quelle équipe ? Celle du studio de l’anime en question ? Quand dans la production de l’anime ?

En ce moment, je n’ai pas d’équipe car je fais tout du début à la fin, sinon habituellement au Japon, c’est le studio qui m’engage qui me met à disposition des employés du studio.


La réalisation d’un opening se passe quand dans la production d’un anime ? Avant qu’elle ne démarre ?

La production d’un anime est très longue, je commence donc pendant la pré-production et je termine avant que la diffusion de la série ne se mette en route.


L’opening de Owarimonogatari est très surprenant avec son système de « miroirs ». Comment est-ce que vous procédez pour obtenir un tel résultat par rapport à vos travaux habituels ?

Pour le compositing, j’utilise le logiciel After Effect qui me permet de faire ce genre de résultat.


Vous avez un style très graphique/géométrique, d’où cela vient-il ? Est-ce que l’on vous contacte pour avoir « ce style » ?

L’inspiration me vient du personnage Sodachi qui aime beaucoup les maths et j’ai alors choisi d’incorporer cet élément. Mais j’aime personnellement beaucoup les visuels géométriques et ce qui touche aux mathématiques.


En travaillant sur March Comes in Like a Lion et le jeu vidéo Haven vous avez changé de style pour quelque chose de plus crayonné/aquarelle. Vous aimez changer radicalement de genre comme ça ?

Jusqu’à la série Monogatari, je travaillais en équipe alors que pour Haven et March Comes in Like a Lion j’ai travaillé tout seul. Pour respecter les délais prévus par la production je me suis dis que j’allais utiliser l’aquarelle qui me permettrait de fournir la séquence animée dans le temps imparti, même sans équipe en support.


Vous travaillez donc parfois avec des outils numériques comme After Effect : qu’est-ce que cela vous permet de faire que l’animation traditionnelle seule ne pourrait pas ?

Je ne m’en rends pas trop compte en fait. J’utilise ces outils en fonction du mouvement que je veux créer sur une œuvre.


L’animation japonaise est reconnue pour son travail en 2D, pensez-vous qu’un jour il soit possible que tous les animes contiennent une grande part de 3D ?

Il y a en effet le risque que le 3D devienne très utilisé, au même titre que l’intelligence artificielle pour précalculer certains mouvements.


Vous avez déjà réalisé un opening pour le Japon depuis Paris. C’est peut-être un cas exceptionnel pour un animateur japonais, mais cela rappelle les animateurs du monde entier qui sont engagés par des studios japonais pour aider sur une production. C’est quelque chose qui existe depuis longtemps de faire appel à des gens qui travaillent en dehors du Japon ?

Il n’y en a pas beaucoup. Il arrive que des étrangers travaillant hors du Japon fassent des séquences sur une production, mais il est rare qu’ils travaillent directement pour les studios depuis le Japon.

 

Merci à vous pour votre temps !

 

Nos remerciements à l’équipe de Japan Expo pour la mise en place de cette interview et à M. Takatsu pour avoir répondu à nos questions.

© 2002 Masashi Kishimoto/2007 Shippuden
© Chica Umino, HAKUSENSHA/March comes in like a lion Animation Committee
© Ishin Nishio/Kodansha/Aniplex/Shaft

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

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