Portrait de figures locales : Mitsuo MURAKAMI, le potier

Nichée dans la préfecture de Mie, Toba est une petite ville côtière dynamique qui abrite et accueille de nombreux artisans japonais. Découvrez notre série sur ces artistes qui vous présentent leurs arts si particuliers, une occasion de donner encore plus envie de s’intéresser à la culture japonaise.

Murakami devant ses créations ©Toba city
Monsieur MURAKAMI devant ses créations ©Toba city

Dans les rues pittoresques de Toba, au cœur de la préfecture de Mie, se niche un trésor artistique : l’atelier Kouwagawa. Fondé par le talentueux potier Mitsuo MURAKAMI, cet espace témoigne de la fusion entre tradition et innovation, offrant aux amateurs d’artisanat une expérience unique au cœur de la culture japonaise.

La poterie, un art ancestral japonais

La poterie occupe une place d’honneur dans l’histoire et la culture du Japon, témoignant de la connexion entre l’homme et la terre. Depuis des millénaires, les potiers japonais ont perfectionné cet art ancestral, créant des œuvres qui allient beauté et fonctionnalité.

Dessin traditionnel sur une assiette. ©Toba City
Dessin traditionnel sur une assiette. ©Toba City


L’histoire de la poterie au Japon remonte à plus de 10 000 ans, à l’ère Jomon, où les premières poteries ont été façonnées à la main et décorées de motifs. Au fil des siècles, la poterie japonaise a évolué, influencée par les techniques venues Chine et de Corée, même si les Japonais ont su garder un style bien à eux. Les potiers japonais recherchent souvent l’équilibre qui rappelle l’esthétique du wabi-sabi, une philosophie qui célèbre la beauté de l’imperfection et de l’éphémère.

Au-delà de sa fonction utilitaire, la poterie au Japon a également une signification spirituelle et culturelle. Les bols à thé, par exemple, sont utilisés dans la cérémonie du thé, une pratique traditionnelle. Aujourd’hui, la poterie japonaise continue d’inspirer en alliant tradition et innovation pour créer des pièces uniques qui captivent. Que ce soit dans les ateliers traditionnels des régions rurales ou dans les studios modernes des grandes villes, l’art de la poterie reste ancré dans l’âme du Japon, témoignant de son riche patrimoine culturel et de sa créativité inépuisable.

Plongée dans l’univers enchanté de Kouwagawa : l’art de la poterie à Toba

Depuis presque 30 ans, Mitsuo MURAKAMI a niché son atelier et école de porterie dans la paisible ville de Toba, à 10 minutes à pied de l’aquarium. Il vit ici avec sa femme et son chat et enseigne son art aux étudiants assidus ou de passage.

Monsieur MURAKAMI n’est pas né ici, mais est tombé amoureux du lieu qui lui est devenu cher à son cœur. Si cher qu’aujourd’hui ses créations s’inspirent des couleurs de la mer qui l’entourent. Il a fait de sa passion, son métier et de son métier un art de vivre.

Les poteries préférées du potier.©Toba City
Les poteries préférées du potier.©Toba City


Lumière et Harmonie : l’origine du nom

Soigneusement choisie par Mitsuo MURAKAMI, le nom Kouwagawa composé du kanji « 光 » (hikari), qui signifie lumière, est non seulement présent dans le prénom de l’artisan, Mitsuo (光男), mais c’est également la signature de ses œuvres. Associé au kanji « 和 » (wa), qui signifie harmonie et au kanji « 窯 » (gama) qui signifie le four, ce nom incarne de la vision artistique de Mitsuo MURAKAMI.

L’artisanat accessible : les cours de poterie

Dans son atelier Murakami Mitsuo ouvre les portes de son savoir-faire lors de cours de poterie accessibles à tous. Les sessions durent généralement deux heures et peuvent accueillir des groupes de deux à huit personnes. Avec un prix de 3 800 yen par personne, ces cours offrent une expérience immersive dans l’art de la poterie japonaise. Les participants sont invités à laisser libre cours à leur créativité tout en apprenant les techniques de base. Une fois les pièces terminées, l’artisan se charge de leur cuisson, envoyant les créations aux participants environ un mois plus tard.

La signature au dos des oeuvres. ©Toba City
La signature au dos des oeuvres. ©Toba City


La magie de la cuisson : un processus crucial

Entre la création de la pièce et sa mise en forme définitive au four, la poterie subit des transformations. Si Murakami propose à ses étudiants des couleurs qui tiennent bien au four, ce n’est pas toujours le cas pour ses propres créations.
Le processus de cuisson pour obtenir ce bleu envoûtant, caractéristique des œuvres de Mitsuo MURAKAMI et qui sont inspirées des eaux de la mer de Toba, est un véritable tour de force artistique, marqué par une part de surprise et de défis techniques.

L’héritage artistique de Kouwagawa

Au fil des années, Mitsuo MURAKAMI a vu son atelier devenir un lieu prisé pour les commandes personnalisées, allant des hôtels locaux aux cadeaux de mariage traditionnel. L’inspiration puisée dans la mer de Toba imprègne chacune de ses créations, telles que le récent bateau conçu pour décorer la tombe d’un pêcheur, témoignant de la connexion profonde entre l’artisan et son environnement.

Les poteries des élèves, prêtent à être expédiées.©Toba City
Les poteries des élèves, prêtent à être expédiées.©Toba City

Rencontre avec Mitsuo MURAKAMI

C’est avec cette envie de partager que Mitsuo MURAKAMI a accepté, de confier un petit bout de sa vie à Journal du Japon, dans une interview réalisée au sein de son atelier…

Journal du japon : Bonjour et merci pour votre temps accordé à Journal du Japon.
Pouvez-vous vous présenter et expliquer votre parcours ?

Je m’appelle Mitsuo MURAKAMI, je suis né en 1963, j’ai 60 ans et je suis originaire de la ville de Tsu dans la préfecture de Mie. À la fin de mes études j’ai travaillé à l’aquarium de Toba dans le département de programmation où j’étais chargé de l’organisation d’événements et de répondre aux sollicitations des médias.
À 30 ans j’ai eu la volonté d’être potier et j’ai commencé à apprendre les bases de la poterie à l’école spécialisée de Setou dans la préfecture d’Aichi.
À 32 ans j’ai démarré l’entreprise Kouwagawa à l’endroit où je vis actuellement avec ma femme et mon chat.

Pouvez-vous décrire votre art ?
Je fabrique principalement des pièces de vaisselle, mais sur demande je fais aussi d’autre type d’objets comme des vases.

Les différentes teintes de couleurs.©Toba City
Les différentes teintes de couleurs.©Toba City

Quel rôle a-t-il dans la vie quotidienne ?
J’aimerais que mon art apporte le goût des choses raffinées dans quelque chose qui appartient à notre quotidien puisque nous parlons de vaisselle.

Comment vous êtes-vous intéressé à l’art de la poterie et qu’est-ce qui vous a motivé à vous spécialiser dans la porcelaine en particulier ?

Quand j’étais étudiant je regardais des revues de cuisine et j’ai vu un article parlant du soin porté dans le choix d’associer la vaisselle et la cuisine. C’est à partir de ce moment que je me suis intéressé à la vaisselle. Grâce à une connaissance, c’est ensuite au cours d’un atelier de poterie auquel j’ai pu assister – au moment où j’ai senti la terre j’ai eu cette sensation que je ne peux pas oublier – que je voulais faire ma propre vaisselle. J’aime aussi cuisiner.

Détails d'une assiette.©Toba City
Détails d’une assiette.©Toba City

Le métier de potier de façon générale est très difficile sur le plan technique. Cela doit être un peu mon esprit de contradiction, mais pour moi plus on me dit que c’est difficile et plus cela me donne envie de relever le défi.

Depuis combien de temps enseignez-vous la poterie?
J’enseigne depuis environ 20 ans.

Qu’est-ce qui vous pousse à partager vos connaissances avec les autres ?

Aujourd’hui nous sommes dans une époque où l’on arrive de moins en moins à vendre nos créations. J’ai pensé à transmettre petit à petit mes connaissances et mes techniques et que je pourrais vivre de cette activité.  J’ai envie de diffuser cet enthousiasme que l’on ressent quand on crée quelque chose de ses propres mains. J’aimerais vivre seulement de la vente de mes propres créations, mais pour le moment ce n’est pas le cas !

Qu’est-ce que la poterie apporte à vos élèves?
L’enthousiasme de créer de leur propre main quelque chose, le plaisir que procure son utilisation après.

Mug réalisé par Kasumi, un élève. ©Toba City
Mug réalisé par Kasumi, un élève. ©Toba City

Pourquoi avoir choisi d’exercer à Toba ? Qu’est-ce que cette ville vous apporte au quotidien ?
À l’origine, je suis venu à Toba pour travailler à l’aquarium. Puis je me suis marié avec mon épouse qui est une personne de Toba et depuis je vis dans cette ville. Toba est une petite ville donc c’est assez facile de tisser des liens entre les gens.

Pouvez-vous nous expliquer davantage le thème du bleu dans vos créations et comment la nature et la mer de Toba vous inspirent dans votre travail ?

Je pense que pour les habitants de Toba c’est quelque chose à laquelle ils ne font plus attention mais c’est le charme du bleu de cette eau que cela soit quand vous prenez un des ferry municipaux ou que vous vous rendez sur l’île de Kamishima ou Tōshijima et que vous êtes en face de l’immensité de l’océan.

Pourriez-vous nous en dire plus sur cette expérience unique que vous proposez dans votre atelier, où les gens peuvent créer leurs propres pièces de poterie, même s’ils sont débutants ?

C’est un atelier où je propose une expérience de création de poterie et mon rôle dans cette classe et qu’une personne, même si elle démarre, puisse surtout s’amuser en découvrant les différentes manières de modeler et les différents types d’argile que l’on peut utiliser.
Par exemple, les tours électriques de potier que l’on voit à la TV sont difficiles à manipuler et chers. Quand on utilise un tour manuel on peut utiliser des design de papiers et par exemple créer des assiettes avec ces motifs. C’est quelque chose que les enfants apprécient.

Les tours pour l'atelier de poterie. ©Toba City
Les tours pour l’atelier de poterie. ©Toba City


Comment se déroule ce processus ?
D’abord j’explique aux participants les étapes pour réaliser une poterie jusqu’à sa cuisson. Ensuite, je les aide à décider ce qu’ils ont envie de réaliser.
Puis la personne s’installe et commence à utiliser les outils pour réaliser l’objet de son choix tout en écoutant mes explications. Si jamais la personne se sent en difficulté je lui viens en aide, mais j’essaie aussi de me rappeler de ne pas trop intervenir.

Quels sont vos projets ou vos objectifs futurs en tant que potier ?
Maintenant que j’ai 60 ans je pense à diminuer progressivement mes cours pour me donner plus de temps pour que je me dédie à mes propres créations. Pour le moment je n’expose pas mes créations, mais j’aimerais pourquoi pas le faire à Tokyo par exemple.

Y a-t-il de nouveaux thèmes ou techniques que vous souhaitez explorer dans vos créations ?

Jusqu’à maintenant autre que le travail de la porcelaine j’ai essayé différents types d’argile et de techniques, mais comme mon travail se concentre sur la porcelaine blanche et bleue et j’ai cette envie d’aller encore plus loin dans cette recherche.

Tampons pour la décoration. ©Toba City
Tampons pour la décoration. ©Toba City

Avez-vous des conseils ou des encouragements à donner à ceux qui souhaitent se lancer dans l’art de la poterie ou dans d’autres formes d’artisanat traditionnel ?
On peut commencer à n’importe quel âge. Je recommande de s’inspirer par la beauté de la nature et de ne pas se limiter à un seul genre artistique. Après il y a la détermination (bien que moi je n’en ai pas vraiment !)
 Une œuvre d’art reflète la personne.

Quelle est votre pièce de poterie préférée que vous avez réalisée jusqu’à présent et pourquoi ?

Je réalise principalement de la vaisselle et pour moi les pièces que ma femme utilisent pour cuisiner sont mes pièces favorites. Ce ne sont pas des pièces d’art mais des objets du quotidien, tout seul il perd son sens, mais en cuisine, il dévoile les saveurs d’un plat.

Quel message souhaitez-vous partager avec le monde ?
Tout le monde veut vivre heureux et confortablement, mais ce désir lorsqu’il ne concerne que soi rend les autres personnes malheureuses. Quand mes enfants étaient petits je leur répétais, «  ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse ». Peu importe le travail que vous faites, je crois qu’il ne sera jamais bon s’il se base sur le malheur d’autres personnes.

Bijou réalisé dans l'atelier. ©Toba City
Bijou réalisé dans l’atelier. ©Toba City

Merci à Murakami Mitsuo et à la ville de Toba pour cette interview.


Pour ceux qui souhaitent explorer l’univers magique de Kouwagawa, l’adresse de l’atelier est un point de départ incontournable. Situé à seulement 10 minutes de l’aquarium de Toba, au centre-ville, Kouwagawa invite les visiteurs à plonger dans l’art ancestral de la poterie japonaise.

Adresse : Kouwagawa (光和窯) 4 Chome-17-5 Toba Mie 517-0011 Email: to-gei@amigo.ne.jp

Site Web 

Pour en savoir plus sur la ville de Toba et ses merveilles, visitez leur site officiel et leurs réseaux sociaux,
Instagram et Facebook 


Retrouvez également Yamamura sensei, professeur de boulier japonais à Toba

Madeline Chollet

@mad_ctravel

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