Portraits d’artisans japonais : Monsieur Ito, le roi de l’Udon

Nichée dans la préfecture de Mie, Toba est une petite ville côtière dynamique qui abrite et accueille de nombreux artisans japonais. Découvrez notre série sur ces artistes qui vous présentent leurs arts si particuliers, une occasion de donner encore plus envie de s’intéresser à la culture japonaise. Article réalisé en partenariat avec la division du tourisme de la ville de Toba.

Parmi les plats populaires de la gastronomie japonaise, on retrouve les nouilles udon. Aujourd’hui, ce plat se prépare dans tout le Japon, mais propose des préparations différentes selon les régions. Ito-san, 75 ans et figure locale de la ville côtière de Toba, maîtrise sa préparation sur le bout des doigts. Ce gérant propose une cuisine authentique, dans son restaurant Nanakoshichaya et accueille volontiers les tous ceux qui ont envie de goûter ce plat ancestrale. Journal du Japon vous emmène dans un voyage culinaire, à la rencontre d’un cuisinier passionné.

 

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Un plat populaire et peu cher

La pâte du udon est reconnaissable entre toutes car elle possède des caractéristiques spécifiques : elle est très épaisse et moelleuse. Elle est d’ailleurs la plus épaisse du Japon. Très populaires, ces nouilles sont les plus consommées au Japon, avec les nouilles soba.

Fabriquée avec de la farine de froment, les nouilles udon existent depuis le 14e siècle, mais ce n’est que pendant la période Edo (1603-1858) qu’elles deviennent un plat consommé quotidiennement par la population, particulièrement dans la région de Kyoto et d’Osaka. Les pèlerins et voyageurs avaient pour habitude de les manger chaudes en hiver ou froide en été. Elles permettent de se nourrir efficacement, avec un bel apport d’énergie à un prix peu élevé.

©Ville de Toba

Les nouilles artisanales sont confectionnées manuellement avec de l’eau, de la farine et du sel. Ensuite, elles sont découpées à l’aide d’un large couteau. Les udon sont plongées dans de l’eau bouillante, souvent salée, avant d’être ajoutées et cuisinées pour composer un plat. En Europe, on trouve facilement les nouilles udon industrielles dans les boutiques asiatiques, où elles sont vendues séchées.

Zoom sur les Ise Udon

Ito-san, prépare spécifiquement le plat appelé Ise Udon, originaire d’Ise comme son nom l’indique, la ville voisine de Toba dans la préfecture de Mie. Pendant la période Edo (1603-1858), les habitants aimaient faire des nouilles plus épaisses et plus moelleuses. Les magasins les vendaient alors bouillies avec de la pâte de soja. Succès immédiat parmi les habitants et voyageurs et depuis lors, les Udon d’Ise sont devenus un plat populaire local et connu dans tout le Japon.

Ito-san prépare aussi des Sanuki Udon originaires de Kagawa .

Ito-san, une passion en héritage

Depuis tout petit, Ito-san a grandi dans le restaurant de son père dans la petite ville de Toba, reproduisant les gestes effectués par la famille. Il apprend ainsi en aidant. Son avenir tout tracé, il reprend l’affaire familiale en décidant de la faire prospérer. L’entreprise a aujourd’hui plus de 50 ans.

©Ville de Toba

Ils sont dorénavant quatre à tenir le restaurant et ils proposent des plats variés, comme les huîtres fraîchement pêchées. La spécialité reste le udon, très apprécié des locaux, mais aussi des nombreux touristes qui viennent visiter la ville. Ito-san fait partie de ces personnes qui acceptent avec plaisir les clients étrangers.

©Ville de Toba

Le restaurant Nanakoshichaya possède une situation géographique idéale, étant juste à côté de l’île aux perles de Mikimoto, un lieu incontournable lorsque les visiteurs se rendent à Toba. Sa décoration traditionnelle japonaise offre une expérience hors du temps, avec ses tables au sol. Toute la cuisine est faite maison. Les prix varient de 450 yens (pour les Ise Udon par exemple) à 1 500 yens (pour les sushis). Le port et la proximité avec la mer permettent au restaurant de se fournir en poissons et crustacés de première fraîcheur. Ito-san prépare lui-même les nouilles udon, de leur fabrication à leur cuisson. Son savoir-faire lui a permis de fidéliser sa clientèle, mais aussi de se faire une réputation auprès des amateurs de nouilles fraîches.

La façade du restaurant d’Ito-san. ©Ville de Toba

Avec beaucoup d’humour Ito-san nous raconte comment cette aventure est née, dans une interview réalisée dans son restaurant :

Journal du Japon : Bonjour et merci d’avoir accepté l’entretien. Depuis combien de temps existe votre établissement ?

Ito-san : le restaurant, une Shokudō (un restaurant bon marché et populaire) qui serait l’équivalent de notre cantine (la cantine de minuit en japonais se dit par exemple  Shinya Shokudō (深夜食堂,) a été ouvert par mon père juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, on parlait d’un taishūshokudou 大衆食堂 (un type de restaurant qui peut faire penser à l’image du réfectoire ou du restaurant ouvrier). Comparé à maintenant, il n’y avait pas autant de choix en termes d’alimentation. Je suis pour ma part né en 1947 et depuis tout petit, sans que mon père m’explique quoi que ce soit, j’ai aidé comme je pouvais dans le restaurant et j’ai appris sur le tas.

A l’époque, nous faisions plein de types de cuisine. L’entreprise a grandi avec plusieurs branches et le restaurant où je me trouve actuellement a été ouvert vers 1977 et s’est appelé Nanakoshichaya (七越茶屋).C’est le restaurant où nous nous trouvons actuellement.

Quelle est l’histoire du nom Nanakoshi ?

Nanakoshi est un nom synonyme de bonne fortune. Le premier kanji 七 est le chiffre sept qui porte bonheur au Japon.

©Ville de Toba

Depuis combien de temps fabriquez-vous des udon ?

Depuis que Nanakoshichaya a ouvert il y a 45 ans en tant qu’une des branches de la compagnie Nanakoshi, j’ai repris la gestion du restaurant. J’ai commencé à réfléchir à le réformer et à nous spécialiser dans deux types de nouilles : les Sanuki Udon qui sont moelleux et les Ise Udon à la texture ferme et élastique. Et puis vers 2002, nous avons formellement commencé à travailler avec un fournisseur de la ville à côté d’Ise. Nous lui avons fait confiance pour travailler ensemble et nous avons commencé à fabriquer nous-même les udon.

Est-ce une histoire familiale ? Si oui, pourquoi avoir choisi de continuer cette activité ?

Je suis né et j’ai grandi dans ce restaurant donc j’ai le sentiment que je n’ai pas vraiment eu le choix (rires).

©Ville de Toba

Qu’est-ce que l’udon pour vous ?

Comme vous vous en doutez avec mon entreprise familiale, je suis habitué à en manger tout le temps depuis mon plus jeune âge. Quand j’étais malade, au lieu de prendre un médicament je mangeais du udon mélangé avec un œuf cru ! Pour moi, l’udon fait partie des choses du quotidien qui ne sont pas prêtes à disparaître.

Comment cette nouille est-elle fabriquée ? Quels sont les processus de fabrication et les différents ingrédients qui la composent ?

Il y a quatre grandes étapes de fabrication. D’abord, il y a le pétrissage de la pâte qui est un mélange de farine et d’eau salée. Ensuite, il faut presser la pâte. Pour cela, on utilise une machine. Et pour une fabrication plus traditionnelle, elle sera malaxée avec les pieds : la pâte est dans ce cas protégée avec un film plastique. Ensuite, on étale la pâte. Puis, on coupe la pâte avec un couteau udon kiri. Les deux premières parties sont décisives dans la fabrication des udon car c’est à ce moment-là que le gluten se forme. C’est lui qui donne de l’élasticité et de la résistance à la pâte et qui fait donc toute la qualité du udon.

Quelle est l’histoire de cette nouille ?

Son histoire est ancienne et elle nous renvoie à la période de Nara vers 710-794 lorsque des émissaires japonais ont été envoyés en Chine et l’ont ramené au Japon. Concernant le Ise udon, en particulier, des magasins ont commencé à le servir aux visiteurs du grand Sanctuaire d’Ise il y a environ 400 ans.

Quelle est la différence avec les autres nouilles japonaises ?

Il existe une grande variété de nouilles udon au Japon, de la même façon qu’il existe une grande variété de pâtes par exemple en Occident. Je vais donc me concentrer sur le Sanuki Udon (讃岐うどん) et le Ise udon (伊勢うどん) que je connais. On sert les Sanuki Udon sous la forme de kamaage udon : on les jette dans de l’eau bouillante pendant sept minutes avant de les manger juste après les avoir trempées dans une sauce. La nouille est al dente et moelleuse. Quant au Ise Udon, il faut bien 40 minutes de cuisson et la cuisson est aussi plus douce. Quand elles sont servies aux clients, c’est à nouveau cuit dans l’eau chaude. Outre la méthode de cuisson, l’épaisseur de la nouille est aussi différente vu que la nouille : l’Ise Udon est deux fois plus épaisse que celle du Sanuki Udon.

 

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Comment déguste-t-on l’Ise Udon ?

Alors que le Sanuki Udon a une texture plutôt ferme, le Ise Udon se mange en se trempant dans un sauce épaisse qui va adoucir la surface de la nouille. Les nouilles donc sont ensuite retournées à l’envers et on ajoute seulement de l’oignon vert finement émincé.

Existe-t-il une saison pour consommer le Udon ?

On peut en déguster toute l’année.

Est-elle consommée également lors d’une occasion particulière au Japon ?

A la période d’Edo (1603-1867) le udon était notamment consommé pour le premier jour de l’an et pour hare no hi et les jours de fêtes. Par exemple, dans la région de Sanuki, à Shikoku où le Sanuki Udon est produit, on sert de l’udon pour les fêtes de mariage. Je sais aussi que certaines personnes aiment tellement cet udon qu’ils en mangent en guise de petit-déjeuner pour démarrer leur journée. Le udon d’Ise lui a plutôt coutume d’être vu comme la fast food de l’époque d’Edo pour les personnes en pèlerinage à Ise, car très facile et rapide à manger. C’était aussi une nourriture facile à digérer pour les pèlerins fatigués après leur longue journée de voyage.

 

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Pourquoi êtes-vous installé précisément dans la ville de Toba ? Qu’est-ce que vous aimez ici ?

Je suis né et j’ai grandi à Toba donc je ne m’imagine pas ailleurs. Petit, je m’amusais à récupérer des palourdes et des turbos ou les pierres du rivage d’une plage, car la mer est si proche et la nature très présente. C’est une ville où il est agréable de vivre du fait de sa nature abondante. Aussi, une autre raison pour laquelle j’aime Toba est que les gens sont très sympathiques et personne ne se tire dans les pattes (et pas dans les pâtes :)).

Quelles sont les spécialités culinaires de votre restaurant ?

Parmi les plats de notre menu, notre spécialité est le Ise Udon ainsi que le Tekone zushi, un plat local de la région. Sur du riz à sushi, on mélange du poisson frais, notamment de la bonite, un peu de gingembre, du shiso. Et on assaisonne le tout avec du vinaigre de riz et de la sauce soja. Notre motto est de proposer des produits frais et locaux à des prix abordables.

Votre clientèle se compose-t-elle uniquement de locaux ?

Comme nous sommes dans une zone touristique, nous avons à la fois des locaux et des touristes. Pendant les jours de la semaine, je dirais que 70% de nos clients sont des locaux alors que les week-ends, c’est plutôt 80% de touristes.

Peut-on, depuis la France, acheter vos produits ?

Il sera difficile d’envoyer des udon en France, car il s’agit d’un produit frais. Même si les envoyés japonais l’ont ramené de Chine à l’époque de Nara et que désormais nous avons l’avion, je ne saurais que vous conseiller de venir les goûter ici même à mon restaurant… Le goût en sera bien meilleur !

Le restaurant Nanakoshichaya est situé tout près de l’île aux perles de Mikimoto, au centre-ville donc n’hésitez pas à vous y arrêter.

Adresse :

Nanakoshichaya
3 Chome-4-32 Toba,
Toba, Mie 517-0011

Vous pouvez le suivre sur les réseaux sociaux : Facebook ou Instagram.

Pour en savoir plus sur la ville de Toba :

Site officiel

Instagram

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Retrouver Miwa Endo, une artiste originaire elle aussi de Toba :

Portraits d’artisans japonais : Miwa Endo, l’artiste jusqu’au bout des doigts

Madeline Chollet

@mad_ctravel

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