Asura : le drama japonais sensible et féministe à découvrir sur Netflix

Et si l’intime devenait politique ? Dans Asura, la série japonaise réalisée par Hirokazu Kore-eda (réalisateur de Une affaire de famille, Palme d’Or 2018) et diffusée sur Netflix, quatre sœurs voient leur quotidien bouleversé par un secret familial enfoui. Portée par une narration subtile et des personnages féminins puissamment incarnés, ce drama explore la transmission intergénérationnelle, la place des femmes dans la société japonaise de l’ère Showa, et l’impact des non-dits. Une œuvre exigeante, pleine de retenue, mais qui résonne fort.

Hirokazu Kore-eda est reconnu pour son regard humaniste et sa capacité à capter les liens familiaux dans toute leur complexité. Son cinéma explore les marges, les silences, les blessures non-dites. Avec Asura, il déplace ce regard sensible vers un récit profondément féminin, sans jamais trahir sa signature narrative.

Quatre sœurs face aux fissures du passé

La série a été diffusée sur Netflix le 9 janvier 2025. Elle se compose de 7 épisodes d’une durée comprise entre 55 et 67 minutes. Tournée en pellicule 35 mm, elle met en lumière les ambiances de l’ère Showa avec une reconstitution fidèle et immersive.

Tokyo, 1979. La série suit les quatre sœurs Takezawa : Tsunako, Makiko, Takiko et Sakiko. Lorsqu’elles découvrent que leur père entretient depuis des années une relation extraconjugale, un fragile équilibre se brise. Doivent-elles le dire à leur mère, Fuji ? Doivent-elles protéger, dénoncer, réparer ?

Asura (Ashura no Gotoku en VO), adaptation du roman de Kuniko Mukōda, met en scène les conséquences de cette révélation sur la cellule familiale, à travers le prisme de quatre trajectoires de femmes.

Entre héritage pesant et soif d’émancipation : Asura, une série tout en nuances

Quatre sœurs, quatre manières d’exister

La richesse d’Asura, c’est la diversité de ses voix féminines. Chacune des sœurs Takezawa incarne un rapport singulier aux normes sociales, au couple, à la loyauté — avec, en filigrane, une même tension : comment vivre libre dans le carcan des traditions ?

Tsunako Mitamura (Rie Miyazawa), l’aînée, veuve, semble forte et indépendante. Professeure d’ikebana, elle maîtrise l’art de la retenue comme une seconde peau. Pourtant, derrière le contrôle, une faille affleure : sa relation secrète avec un homme marié révèle une solitude qu’elle n’avoue jamais.

Makiko Satomi (Machiko Ono), la deuxième sœur, est mère au foyer dans un quotidien presque irréprochable. C’est sans doute celle qui incarne le plus fidèlement le rôle imposé aux femmes de son époque. Mais sous le vernis, tout vacille : ses soupçons envers son mari, ses doutes, ses efforts pour maintenir l’apparence de l’unité la rongent en silence.

Takiko Takezawa (Yu Aoi), bibliothécaire discrète, est celle par qui tout bascule. C’est elle qui découvre l’infidélité de leur père et décide de chercher la vérité, quitte à en payer le prix. Dans sa relation complexe avec le détective privé qu’elle engage, elle explore autant la quête de justice que le besoin d’être vue.

Enfin, Sakiko (Suzu Hirose), la benjamine, incarne une vitalité insouciante et flamboyante. Serveuse, elle partage sa vie avec un boxeur au tempérament instable. Mais derrière sa spontanéité se cache une conscience aiguë des attentes familiales et une volonté de s’en affranchir.

La série ne juge jamais ses héroïnes. Elle les montre dans leurs contradictions, leur évolution. Et surtout, elle brouille les pistes : qui « s’en sort » le mieux ? Cela change d’un épisode à l’autre. Rien n’est figé. Et c’est précisément ce qui fait toute la vérité de ces portraits de femmes.

Une pudeur maîtrisée, loin des clichés

Affiche extraite du drama japonais Asura (Netflix). On voit trois des quatre sœurs, héroïnes de la série.
© Netflix

Kore-eda explore ici, avec sa sensibilité habituelle, la notion de pudeur. Mais pas de façon convenue. Ce ne sont pas simplement des silences « culturels », ce sont des silences chargés. Dans Asura, ce qu’on ne dit pas agit tout autant, voire plus, que ce qui est exprimé.

Cette retenue est particulièrement marquante dans les dialogues : les phrases inachevées, les regards qui se cherchent, les gestes qui remplacent les mots. La série dit beaucoup… en disant peu.

Les hommes : présence secondaire, mais révélatrice

Un autre choix narratif fort d’Asura est la place qu’elle accorde (ou plutôt n’accorde pas) aux personnages masculins. Le père, Kotaro Takezawa (Jun Kunimura), déclenche le récit, mais reste souvent en marge. Les maris, petits amis, figures masculines, sont présents… mais pas centraux.

Et c’est précisément ce décentrement qui en dit long : ce sont les femmes qui portent, questionnent, résistent, avancent. Les hommes oscillent entre indifférence, lâcheté, et autorité vacillante. Ils ne sont pas caricaturaux — mais ce sont les femmes qu’on écoute.

Une reconstitution minutieuse du Japon Shôwa

Affiche extraite du drama japonais Asura (Netflix). On voit les quatre sœurs, héroïnes de la série.
© imdb

Tournée en pellicule 35 mm, la série reconstitue le Japon de la fin des années 1970 avec un sens du détail remarquable : décors, costumes, ambiance sonore…

La mise en scène, sobre et élégante, privilégie les plans fixes et les rythmes lents. L’image, granuleuse et chaleureuse, épouse les non-dits du récit. La bande-son, signée Fox Capture Plan, enveloppe le tout d’une touche mélancolique et feutrée.

Une œuvre féministe tout en subtilité

Asura ne brandit aucun slogan. Pourtant, c’est une œuvre profondément féministe. Elle met en lumière la façon dont les femmes se débattent avec des héritages familiaux lourds, des injonctions contradictoires, des désirs enfouis.

Chacune des sœurs est le reflet d’un pan de la société japonaise d’alors : soumission, fuite, compromis, résistance. Aucune voie n’est valorisée ou dévalorisée. Toutes sont légitimes. Et c’est ce regard non jugeant, profondément humain, qui fait de cette série un objet aussi rare qu’important.

Une série à ressentir plus qu’à consommer

Asura ne se binge pas. Elle s’absorbe. C’est une série où l’on prend le temps — de comprendre, de ressentir, d’être bousculé par des silences. Chaque épisode est une pièce d’un puzzle émotionnel où la transmission familiale, les blessures invisibles et la force des liens sorores se tissent délicatement.

Accueillie chaleureusement par la critique japonaise pour sa finesse narrative et la justesse de son casting, Asura a également reçu des éloges à l’international. De nombreux médias saluent sa sobriété, sa direction d’acteurs et son traitement nuancé des enjeux familiaux et féminins.

Un petit bijou à découvrir sur Netflix pour celles et ceux qui aiment les séries lentes, profondes, viscéralement humaines.
Vous aimez les séries japonaises qui allient délicatesse, profondeur et critique sociale ?
Découvrez aussi nos analyses de Followers ou The Naked Director, deux autres dramas qui interrogent l’identité et la féminité au Japon.
Et si Asura vous a touché·e, dites-nous pourquoi en commentaire.

Zoé Crozet-Robin

Rédactrice Web SEO, je suis passionnée de musique, jeux (vidéo et de société). Mes sujets de prédilection au Journal du Japon sont la littérature et les séries/dramas japonais ! Bonne lecture :)

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