La trilogie du Faiseur de Shogun de Marion Delarbre (Centon éditions)

Après une trilogie sur les unificateurs du Japon de Charles-Pierre Serain, les éditions Centon ont lancé depuis le 28 mars Le faiseur de Shogun, une nouvelle série de romans historiques amorçant l’époque Sengoku, en se focalisant non pas sur Nobunaga Oda, Hideyoshi Toyotomi ou Ieyasu Tokugawa mais Masamoto Hosokawa.

Sans plus attendre, voici notre chronique sur le premier tome baptisé L’héritier du clan Hosokawa suivie de notre interview de l’autrice Marion Delarbre.

En couverture, photo de la Galerie Zacke à Vienne (Autriche)
En couverture, photo de la Galerie Zacke à Vienne (Autriche)

Un roman historique centré sur l’héritier du clan Hosokawa

Le premier chapitre s’avère être une bonne entrée en matière. En effet, l’autrice réussit parfaitement à resituer les personnages et les enjeux de succession grâce au dialogue entre Masamoto (appelé Sômeimaru avant l’âge adulte) Hosokawa, le fils de Katsumoto Hosokawa, et sa nourrice ainsi que sa grande sœur. Alors âgé de 3 ans, le futur chef du clan Hosokawa est curieux de comprendre pourquoi le frère du Shôgun vient dans leur demeure plutôt que celle du Généralissime. L’histoire s’articule autour de l’héritier du clan Hosokawa qui grandit dans cette époque trouble et qui devra vite endosser de grandes responsabilités à un jeune âge après la mort de Katsumoto Hosokawa.

Portrait de Masamoto Hosokawa par l'artiste Morita Ekishin du 19e siècle dans la collection du Kyoto National Museum (Wikimedia Commons)
Portrait de Masamoto Hosokawa par l’artiste Morita Ekishin du 19e siècle dans la collection du Kyoto National Museum (Wikimedia Commons)

A l’âge de 8 ans, alors que sa formation et son éducation de chef de clan ne sont pas terminées, Masamoto Hosokawa fait l’expérience des intrigues et des manigances politiques internes au clan (des cousins Hosokawa convoitent la place de chef de clan) avec des vassaux aux ambitions fortes. Outre les talents militaires et stratèges, les daimyô ne se font pas la guerre que sur le champ de bataille. En effet, le chef de clan doit être habile dans ce jeu de dominos où chaque décision entraîne des réactions en chaîne à cause des liens de vassalité. Il en est de la survie du clan entier. Très bien renseignée sur la politique de l’époque, plutôt que de décrire des scènes de batailles, Marion Delarbre préfère explorer la psychologie et les motivations des personnages. Le lecteur voit grandir Masamoto Hosokawa et s’attache à cet héros alors enfant. On découvre, en même temps que le personnage principal, les tractations entre les différentes figures politiques. Malgré les nombreux noms, l’autrice distille les informations progressivement et la liste des personnages joue merveilleusement bien son rôle pour rafraîchir la mémoire. On pourra regretter l’oubli d’une carte du Japon féodal et de ses nombreux domaines pour expliquer les conflits de voisinage entre daimyô.

Grâce à l’écriture fluide et des dialogues bien écrits, le lecteur vient à bout des plus de 300 pages (47 chapitres qui évoquent les 47 préfectures du Japon ou l’histoire des 47 rônin) sans s’en rendre compte. Le tome 1 se termine en suspens avec la guerre annoncée entre le nouveau shôgun prochainement intronisé et le clan Hosokawa. Le faiseur de Shogun réussit le pari de rendre accessible l’histoire du Japon, que le lecteur connaisse ou non déjà la guerre d’Ônin et la période Sengoku. Une fois le tome 1 refermé, une chose est sûre : vous attendrez avec impatience la suite !

Vidéo de Le faiseur de Shogun – tome 1 : L’héritier du clan Hosokawa (chaîne YouTube des éditions Centon)

La guerre d’Ônin et la période Sengoku des « provinces en guerre »

L’histoire est riche d’exemples de guerres en lien avec des querelles de succession. La guerre d’Ônin (1467 – 1477) en est un et marque le début de la période Sengoku (1467 – 1603), époque de guerre civile où le pouvoir central est fragmenté. Le conflit a ouvert la voie à une décennie de luttes incessantes entre différents daimyô, un processus qui n’a pris fin qu’avec l’unification du Japon par Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu au cours des décennies suivantes. N’hésitez pas à (re)lire notre article en deux parties sur cette période dont voici les liens pour « de la guerre d’Ônin à la période Sengoku » et « de la bataille de Sekigahara à la Pax Tokugawa ».

En 1464, le shôgun Yoshimasa Ashikaga n’a pas d’enfant. Il décide donc d’adopter, comme il en est coutume au Japon, son frère Yoshimi pour en faire son héritier. Cependant, l’année suivante, sa femme accouche d’un fils, Yoshihisa. Changeant d’avis, il souhaite dorénavant favoriser le nouveau-né. Deux puissants clans rivaux, les Hosokawa et les Yamana, profitent de cette occasion pour soutenir chacun l’un des prétendants comme successeur du Shôgun. Katsumoto Hosokawa soutient le frère Yoshimi tandis que son beau-père et chef du clan Yamana, Sôzen Yamana prend le parti du fils Yoshihisa.

Puis, en 1967, la tension monte et chaque camp lève son armée. L’armée de l’est dirigée par Katsumoto Hosokawa est forte de 85 000 samouraïs et l’armée de l’ouest aux ordres de Sôzen Yamana compte 80 000 hommes. Nul ne prend l’initiative du combat, le Shôgun ayant prévenu que le premier qui attaquerait serait alors reconnu rebelle au shogunat. Enfin, en mars 1967, un mystérieux incendie touche le manoir des Hosokawa. En mai de la même année, le feu brûle une demeure des Yamana. Le Shôgun ordonne que soient punis les Yamana. La capitale est à feu et à sang et pourtant Yoshimasa Ashikaga reste inactif et se réfugie dans les arts et la construction du Pavillon d’Argent (Ginkaku-ji) dans l’espoir de rivaliser avec la beauté du Pavillon d’Or (Kinkaku-ji) construit par son grand-père, le shôgun Yoshimitsu Ashikaga.

A gauche : Pavillon d’Argent – Photo de Oilstreet (Wikimedia Commons). A droite : Pavillon d’Or – Photo de Jean-Pierre Dalbéra (Flickr)

Les années passent et la guerre civile continue dans les rues de la capitale mais aussi dans le pays. Malgré la mort de Sôzen Yamana et Katsumoto Hosokawa, la même année en 1473, le conflit demeure et aucun des clans ne sait comment mettre un terme au conflit. Il a fallu attendre que Masahiro Ôuchi, un des généraux du clan Yamana, ne quitte la ville et les combats en 1477 pour qu’enfin prenne fin la guerre d’Ônin.

Plus d’information sur le site de l’éditeur. En utilisant le code promo JDJprintemps25, bénéficiez d’une remise de 15% et des frais de port offerts jusqu’au 21 juin 2025 !

Interview de Marion Delarbre, une autrice passionnée d’histoire et de romans historiques

Journal du Japon : Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Sans originalité, pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

L’autrice Marion Delarbre – Photo des éditions Centon

Marion Delarbre : Issue d’une famille d’ingénieurs passionnés d’histoire, je perpétue la tradition familiale : je travaille comme ingénieur dans une collectivité territoriale, et je passe une bonne partie de mon temps libre à lire des livres d’histoire et des romans historiques, et à écrire de la fiction historique.

D’où vous vient cette passion pour le Japon et son histoire ?

Comme la plupart des enfants de ma génération, j’ai été élevée aux dessins animés japonais. J’ai redécouvert les anime à l’âge adulte, et j’ai commencé à m’intéresser à la culture sous-jacente. Déformation familiale oblige, ma curiosité a vite dévié vers l’histoire du Japon.

Comment vous êtes-vous retrouvée éditée aux éditions Centon ?

J’ai d’abord connu les éditions Centon en tant que lectrice. Quand on aime les romans historiques qui se passent au Japon, c’est une adresse incontournable. Leur envoyer mon manuscrit était une évidence.

Pourquoi avoir choisi la fin du shogunat de Muromachi (1336 – 1573) et Masamoto Hosokawa ?

Comme la plupart des amateurs d’histoire du Japon, je me suis intéressée à l’ère Sengoku. En étudiant cette période, je me suis rendu compte à quel point l’ère Muromachi qui la précède l’a influencée, et à quel point cette période centrale a été fondatrice de la culture japonaise. J’ai eu envie de la décrire à travers une fiction. En cherchant un sujet pouvant servir de point de départ à un roman, je suis tombée sur Hosokawa Masamoto. Son parcours et sa personnalité hors normes m’ont frappée. Il a été témoin direct ou acteur de tous les grands événements de son temps.

Plutôt que de s’attarder à décrire des batailles et des scènes de guerre, la  grande force du roman est de raconter la vie du clan Hosokawa en dépeignant la psychologie du seigneur et de ses vassaux. En tant que passionnée d’histoire, sur quels ouvrages vous êtes-vous basée ? S’agissant d’un roman et non d’un essai historique, quelle est la part d’invention ou avez-vous cherché à rester le plus fidèle à la réalité historique ?

‎ ©University of California Press

Je me suis appuyée sur une assez large bibliographie, disponible à la fin du livre. Parmi ces ouvrages, le livre de Mary Elizabeth Berry, The Culture Of Civil War In Kyoto a été plus particulièrement mon fil conducteur pendant la préparation du roman. Les événements politiques et les expéditions militaires suivent la chronologie historique, l’interprétation que j’en donne est en revanche personnelle. Quant au parcours spirituel de Masamoto, sa description s’écarte de la réalité historique, car il a bel et bien été initié au shugendo.

Une fiche des personnages est fournie avec le livre. Étant donné qu’il y a de nombreux personnages, il est facile de se perdre. En plus de cette aide salvatrice, quels conseils donneriez-vous pour que la lecture soit la plus fluide possible aux lecteurs souhaitant s’immerger dans l’histoire japonaise ?

Il peut être utile d’avoir des éléments de contexte historique. Une carte des anciennes provinces du Japon et de la capitale au Moyen-Âge peuvent aider à se repérer. Le lecteur peut aussi se laisser porter par le récit et découvrir à travers les yeux de Hosokawa Masamoto, enfant puis jeune homme, le monde dans lequel il évolue.

Quelles sont vos sources d’inspiration pour cette trilogie qui est, nous semble-t-il, votre premier livre édité ?

Ma source d’inspiration, c’est mon personnage principal : Hosokawa Masamoto. Sa personnalité est fascinante. C’est un homme bourré de contradictions, à la fois cynique et mystique. Il conquiert le pouvoir pour mieux tenter d’y échapper ensuite. Toutes aussi étonnantes, ses amitiés avec des personnes d’un milieu social très différent du sien ou sa passion pour un courant religieux marginal.

Le premier livre, L’héritier du clan Hosokawa, se termine avec l’intronisation imminente de Yoshiki Ashikaga au poste de Shôgun alors que Masamoto Hosokawa soutenait plutôt Yoshizumi Ashikaga. Après les dix années de la Guerre d’Ônin (1467-1477), une nouvelle ère trouble s’annonce pour la succession shogunale. Le découpage des parties 2 et 3 est-il déjà fini ? À quoi devra-t-on s’attendre et quel sera le rythme de publication ?

Il existe une première version des tomes 2 et 3, qui doit encore être retravaillée. Le tome 2 racontera le shogunat d’Ashikaga Yoshiki, le coup d’État de 1493 et les premières années du shogunat d’Ashikaga Yoshizumi. Le tome 3 relatera la tentative de reconquête du pouvoir de Yoshiki, puis les événements qui ont suivi l’adoption des fils de Masamoto. Le rythme de publication n’est pas encore défini. Le tome 2 paraîtra au plus tôt d’ici un an.

Après la trilogie, y aura-t-il d’autres projets de romans historiques ?

J’ai des idées d’histoires se passant dans le Japon de Muromachi, mais avant de me lancer dans un nouveau projet j’attends d’être sûre d’être prête à travailler plusieurs années sur le sujet.

Votre trilogie se déroule juste avant l’unification du Japon par Nobunaga Oda, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa. Chez Centon, l’auteur Charles-Pierre Serain, spécialiste des samouraïs, leur a d’ailleurs dédié une trilogie de romans. Est-il prévu de faire des dédicaces ensemble pour ces romans complémentaires sur cette période Sengoku dite « des provinces en guerre » ?

Ce n’est pas prévu mais c’est tout à fait envisageable si Charles-Pierre Serain est intéressé.

On retrouve un autre spécialiste des samouraïs à la préface : Julien Peltier. Comment s’est déroulée cette collaboration ? Le connaissiez-vous déjà ? Vous a-t-il fait des retours sur votre roman ?

Je connaissais Julien Peltier de réputation. Quand mon éditeur a proposé de lui demander de rédiger la préface, j’ai été ravie. Julien Peltier a écrit une magnifique préface pour le tome 1, très élogieuse. Il m’a aussi fourni des pistes pour améliorer le tome 2.

En langue française, il n’y a pas beaucoup de noms d’autrices de romans historiques sur le Japon qui me viennent en tête. Selon vous, quelles sont les raisons qui expliquent cela ? Dans les passionnés d’histoire du Japon et des samouraïs notamment, y aurait-il moins de femmes ?

C’est étonnant effectivement. Des femmes passionnées d’histoire du Japon, il y en a. Des autrices de romans historiques en langue française talentueuses, il y en a aussi. L’exemple des autrices anglophones inspirera peut-être des vocations dans les prochaines années.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Cette série vous offre l’occasion de plonger dans une période charnière de l’histoire du Japon, où l’on glisse progressivement de l’ère Muromachi à l’ère Sengoku, et d’assister aux événements aux premières loges, à travers les yeux de leur acteur principal !

Merci pour votre temps. En effet, c’est une belle porte pour découvrir l’histoire japonaise et cette période charnière. Il nous tarde de découvrir les tomes 2 et 3 !

Pour rappel, ne passez pas à côté de cette offre, disponible jusqu’au 21/06/25, pour bénéficier de 15% de remise sur le livre et les frais de port offerts en utilisant le code promo JDJprintemps25 sur le site des éditions Centon. Et pourquoi ne pas ajouter au passage les romans historiques de Charles-Pierre Serain ou Asagao de Eloi Larchevêque ?

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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