À la découverte d’un Japon merveilleux avec les éditions Cipango
Journal du Japon vous propose aujourd’hui une plongée dans les contes, à travers trois beaux ouvrages que nous devons à une petite maison d’édition tournée vers l’Ailleurs, qui nous régale depuis dix ans maintenant de livres magnifiques sur le Japon.
Une maison d’édition pas comme les autres
Basées dans une petite commune du Puy-de-Dôme, les éditions Cipango fêtent cette année leur première décennie d’existence ! Parmi leur cinquantaine de livres publiés, nombreux sont ceux dédiés au continent asiatique et donc aussi au Japon… Rien d’étonnant à cela, puisque leur nom même « Cipango » était le nom chinois pour parler du Japon, qui fut rapporté en Europe au treizième siècle et désigna ainsi pendant longtemps ce lointain archipel qui faisait déjà rêver les Occidentaux.
Portées par un nom mythique lié à la quête d’un Ailleurs fabuleux, les éditions Cipango veulent explorer le monde, donner à voir les autres cultures dans leur richesse et leur diversité. Proposer des livres vagabonds, passeurs de rêves et d’histoires, faites de rencontres et d’humanité. Affirmer les valeurs de l’éveil, de la sagesse et de la curiosité. Embarquement pour une aventure solidaire : levons l’encre des mots nomades et hissons haut les toiles de couleurs…
Nous avons choisi de vous présenter aujourd’hui trois ouvrages publiés par cette maison d’édition, trois livres où l’Histoire et la culture du Japon croisent les histoires plurielles et populaires, les contes qui se murmurent lors des douces soirées de printemps, au pied des cerisiers en fleurs…
Les Cils du Loup – Chantal Nguyen et Pierre Droal
Commençons tout d’abord par la mise en image d’un conte traditionnel merveilleux peu connu du lectorat français, réinterprété ici avec brio sous la forme de haïku par Chantal Nguyen et mis en images par le talentueux Pierre Droal : Les Cils du Loup.
Comme le monde est vaste,
Comme le monde est froid
Quand on n’a que soi.
Réalisées aux pastels secs, les illustrations tout aussi réalistes qu’oniriques nous plongent dans le Japon féodal. L’autrice, quant à elle, joue avec les onomatopées japonaises pour rythmer son récit. Des shiku shiku aux gaba gaba, en passant par les doki doki, leur usage se joint parfaitement à son style inspiré des haïku et vient nous plonger dans l’ambiance nippone tout en ravissant les plus jeunes lecteurs !

Gaba gaba
Bruisse la soie
Dans l’atelier de maître Toba
Pas d’autre bruit
Si ce n’est les pas de Yuki
La petite souris.
Il fait,
Il connaît,
Elle se tait.
Ce conte traditionnel met en scène Yuki, une petite souris qui souhaite apprendre à tisser auprès de maître Toba. Mais « l’élève assidue / N’est pas la bienvenue » car « Les souris ne font pas de broderie ! »… Mais si, dans ce monde patriarcal, la souris était en réalité une jeune fille, une femme dont la place n’est pas à la création mais aux fourneaux ? Comme souvent dans les contes, l’histoire qui se tisse en filigrane, derrière les motifs des kimonos, est bien plus profonde qu’il n’y paraît ! L’autrice précise ainsi à la fin de l’ouvrage :
Bien loin de l’archétype de la femme docile, Yukino incarne la volonté de se construire un destin.
Sorti en fin d’année dernière, en grand format cartonné, Les Cils du Loup s’adresse aux enfants à partir de 6 ans, mais il ravira tout autant les parents et les passionnés du Japon ou d’histoires merveilleuses.
Omoiyari, D’où viennent les contes – Marie-Alice Harel

Continuons notre présentation des ouvrages de Cipango par le dénommé Omoiyari, D’où viennent les contes. Omoiyari, c’est l’un de ces petits trésors sur lesquels nous tombons parfois au détour d’une librairie : un livre de petit format qui sous ses airs tout simples recèle à la fois des illustrations magnifiques et des textes enchanteurs. Cet ouvrage de l’autrice et dessinatrice Marie-Alice Harel peut se lire autant comme une histoire courte illustrée qui nous narre la naissance des contes, qu’à la manière d’un recueil de dessins composés autour de quatorze thèmes.
À la fin de l’ouvrage, le lecteur trouvera une sorte de sommaire des illustrations, dont le nom est écrit en japonais (retranscrits en alphabet romain) et en français.
Inspiré par la culture et les croyances du Japon traditionnel, Omoiyari abrite un lieu imaginaire où les contes prennent forme et vivent en harmonie avec les humains.
Les textes, minimalistes, font face à une pleine page d’illustration. « Foyer », « Bienveillance », « Amitié », « Printemps », « Gardien », « Festival », « Trésor », « Souffrance », « Conférence », « Eau », « Air », « Symbiose », « Disparition » et « Espoir » sont autant de thèmes qui appellent l’illustration… Comme des mots, jetés au hasard, qui peu à peu créent une histoire.
Les histoires naissent partout, n’importe où. Elles s’éparpillent dans l’espace comme des graines de pissenlits, parcourant kilomètres et continents. Blotties dans un recoin du monde, elles disparaissent sans un bruit. Mais les contes, comme les hommes, s’attachent parfois à certains lieux qui les accueillent. Parmi ces refuges hospitaliers, il était un village perdu dans les montagnes, un village appelé Omoiyari…
Une petite pépite de douceur qui ravira les amateurs de dessin, les amoureux du Japon et les passionnés de contes de tous âges !
Contes du Japon – Pascale Fontaine et Yann Breton

Le dernier ouvrage que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui est, en apparence du moins, plus « classique » que les deux précédents, puisqu’il s’agit d’un recueil de contes traditionnels japonais. Issu de la collection Tam-Tam, dédiée aux contes de tous les pays, ce Contes du Japon a pour particularité de présenter en version courte les histoires les plus connues du folklore nippon, en laissant de cette manière de la place aux explications culturelles, illustrations et documents en tout genre. Chaque conte – dix au total – est suivi d’un carnet explicatif de deux à quatre pages sur divers thèmes, permettant d’approfondir ses connaissances ou de découvrir en profondeur l’archipel japonais.
Des religions shintoïste et bouddhiste, aux yôkaï en passant par le monde impérial ou les costumes, chaque cahier est rigoureusement documenté et joliment illustré. Des photographies d’objets ou recopies d’estampes viennent ajouter une dimension réelle aux histoires racontées ici. Un lexique placé en fin d’ouvrage rassemble également une vingtaine de termes en japonais avec leurs explications.
Tu peux vaincre ton adversaire, mais il restera ton ennemi.
Mais si tu peux le convaincre, il deviendra ton ami.
Si le recueil compte plusieurs légendes très connues comme Momotarô, La princesse des bambous (Kaguya), Les jizô aux châpeaux de paille ou Urashimatarô, nous y trouvons également une adaptation du début du Kojiki – intitulé ici Aux origines des îles – la légende de La montagne aux vieillards (qui a notamment inspiré la nouvelle Narayama de Shichirô Fukazawa) ou encore un conte de samouraïs, L’épreuve du tigre, qui met en scène les célèbres Munenori Yagyu et Soho Takuan.
Dans l’immensité bleue du ciel, les dieux réunis sur la Voie lactée décidèrent un jour de créer le monde. C’est à Izanagi et Izanami que fut confiée la glorieuse mission.
Les deux jeunes divinités arrivèrent sur le pont merveilleux d’un arc-en-ciel qui se déployait au-dessus de la mer. Izanagi plongea sa lance d’or dans les flots salés, et une première petite terre se forma, sur laquelle les deux divinités posèrent leurs pieds avec délice. Tout à la joie d’être seuls, ils eurent bientôt les plus beaux enfants du monde : les îles japonaises ! Trois mille êtres divins !
Chacun, à leur manière, nous apporte un nouvel éclairage sur le Japon, tout autant qu’ils permettent de s’évader dans un Ailleurs ancestral et rêvé. De quoi nous apporter un peu de douceur en ce début de printemps !
Rencontre avec Pascale Fontaine, la fondatrice de Cipango
Bonjour Pascale et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pourriez-vous tout d’abord nous présenter les éditions Cipango et nous raconter l’histoire de leur naissance ?
Elles ont été créées en novembre 2015, soit bientôt 10 ans, après 2 expériences éditoriales dont une chez Gallimard jeunesse qui m’avait marquée à l’issue de mes études. Ma formation d’enseignante et la volonté de partager des valeurs humanistes m’ont naturellement conduite à définir une ligne éditoriale basée sur la découverte des richesses de l’ailleurs.
De quelle manière sélectionnez-vous les ouvrages (très certainement nombreux) qui vous sont proposés ?
Je sélectionne mes projets en fonction de ma ligne éditoriale, choisissant les récits qui sont ancrés dans des cultures particulières et donnent à voir les différentes facettes d’un monde multiple. Mais je m’autorise aussi des coups de cœur qui ont trait à l’imaginaire et à la poésie.
Les éditions Cipango sont situées dans une petite commune du Puy-de-Dôme de moins de 2000 habitants. Vous avez pourtant su leur offrir une belle place dans le monde de l’édition, avec une cinquantaine de livres publiés tout au long de ces dix années d’existence. Comment gérez-vous la promotion de vos ouvrages en étant aussi loin de la métropole ?
Ma localisation en province n’a pas été un handicap majeur pour la parution de mes ouvrages, car j’ai un diffuseur et distributeur national qui gère l’annonce des titres et leur distribution auprès des libraires. Mais l’éloignement de Paris empêche souvent de saisir l’opportunité de participer à des événements culturels qui auraient pu être profitables.
Vos ouvrages sont généralement imprimés en France et sont souvent estampillés du label Imprim’vert, ce qui est loin d’être une généralité dans le monde de l’édition. Cela relève-t-il d’un choix éthique de votre part ?
Mes ouvrages sont imprimés pour la plupart en France, en tout cas toujours en Europe (parfois en Italie ou République tchèque pour des raisons techniques). C’est un choix éthique, je n’imprimerai jamais en Chine par exemple, même si les coûts y sont infiniment moindres.
L’un des trois beaux livres que nous présentons dans cet article appartient à la collection « Tam Tam », une collection orientée sur les contes de tous les pays. Sa particularité est d’allier des récits ancestraux avec de courts cahiers didactiques appuyés par des documents et illustrations qui leur apportent une dimension plus profonde. Les Contes du Japon sont ainsi une véritable mine d’or d’informations culturelles sur ce pays. Comment vous est venue cette idée ?
La collection TamTam propose la découverte d’un pays à travers des contes et des documentaires associés qui les prolongent et enrichissent la compréhension du pays.
Les recueils, qui ont l’originalité d’être illustrés en mode carnet de voyage, proposent donc un concept unique qui croise imaginaire et réalité. Les contes sont issus du folklore traditionnel et sont en eux-mêmes les reflets d’une culture profonde. Les pages documentaires viennent ensuite les approfondir à travers des focus culturels.
Vous avez vous-même réuni et adapté ces contes. N’était-ce pas compliqué de choisir et de résumer une dizaine d’histoires parmi le vaste choix qui s’offraient à vous ?
Pour les contes du Japon, j’ai travaillé avec des Japonais qui m’ont orientée sur les contes les plus emblématiques de la tradition japonaise, et j’ai moi-même vécu au Japon, ayant à cœur d’ouvrir de nombreuses portes culturelles
Les cils du Loup, tout comme Omoiyari, sont deux livres magnifiquement illustrés qui prennent pour thème le Japon et sont riches de références culturelles sans que leurs auteures ne viennent de ce pays. Une manière de présenter un Japon imaginaire, rêvé ?
Les Cils du loup et Omoiyari correspondent aux 2 penchants qui m’animent : d’un côté la volonté de transmettre les éléments d’une culture particulière, d’une autre côté la fascination pour un univers imaginaire particulièrement poétique.
A ce propos, avez-vous déjà publié des traductions ou bien vous concentrez-vous sur des auteur·es d’expression française ?
Le seul ouvrage édité qui a été traduit est Yoga pour enfants, un livre coup de cœur pour ses couleurs et ses promesses de sagesse, qui font également partie de mon univers.
Pour finir, avez-vous des projets en cours concernant le Japon pour une parution dans les mois à venir ?
Je n’ai pas de projet immédiat concernant le Japon pour l’instant.
Nous espérons que vous trouverez votre bonheur parmi cette petite sélection, qui est cependant loin de résumer toute la richesse éditoriale des éditions Cipango… N’hésitez pas à aller faire un tour sur leur site pour un plus ample aperçu de leur collection !