Inrô de Florence Brégeon : un conte initiatique émouvant et poétique, riche en rencontres humaines et surnaturelles dans le Japon de l’ère Meiji

Aujourd’hui nous vous invitons à découvrir un conte illustré de délicates aquarelles mettant en scène une jeune femme japonaise pendant l’ère Meiji. Vous serez entraînés sur la route du Tôkaidô à la rencontre d’humains attachants et de yokai fascinants. Un livre que vous ne pourrez pas fermer tant la narration est captivante !

Inrô : un conte poétique et engagé

Inrô de Florence Brégeon, édition Les mots qui portent : couverture

Le livre s’ouvre sur la mort de Yuzuki, la grand-mère qui a élevé Inrô. Elle laisse à la jeune fille un furoshiki contenant une superbe boîte (inrô) et une lettre dans laquelle elle découvre qu’elle est missionnée par la déesse O Inari pour réconcilier les humains et les kami (dieux).

Extrait de la lettre :

« Tu es la messagère de la déesse O Inari, notre kami vénéré. Elle protège notre peuple, lui assure la prospérité, veille sur nos terres, notre agriculture. Les kamis sont en colère. Les humains ne les respectent plus. Ils se sont laissé corrompre par l’avidité, ils ont détruit leur terre, laissant mourir toute la beauté et la poésie de notre monde. Nos vallées, nos montagnes, nos rivières, nos forêts se meurent. La faune et la flore disparaissent sous nos yeux aveuglés.
Tu as été choisie par O Inari pour nous réconcilier avec les kamis. Pour ouvrir les yeux à tes semblables, qui courent à leur perte. O Inari a besoin de toi. Elle te demande de te rendre à Wakegori. Tu y trouveras un cerisier nommé « cerisier du seizième jour ». Il fleurit seulement le seizième jour du premier mois de notre calendrier lunaire. Elle a ajouté que tu devais porter sur toi un objet précieux pouvant contenir le pardon et la renaissance à la fois. C’est tout ce que ton grand-père m’a dit.
Inrô, je ne sais pas ce que l’avenir te réserve, mais je sais que tu as tout ce qu’il faut en toi pour l’affronter.
Assume pleinement ton destin.
Ta bien-aimée Yuzuki »

Inrô de Florence Brégeon, aquarelle intérieure

Démarre alors pour Inrô un long voyage sur la route du Tôkaidô, semé d’embûches de yokai mais aussi de rencontres merveilleuses avec des humains parfois dépassés par la situation, souvent désireux d’aider la jeune femme dans sa mission. Petits villages, forêts, rizières, puis Kyoto, autant de lieux, de rencontres, de combats et d’efforts pour mener à bien une mission délicate. Riziculteur, ama, samouraïs, aubergiste, maître en katana, forgeron, geisha, moine et bien d’autres personnes l’accompagneront dans son cheminement physique et spirituel. Des divinités et des yokai seront là également, souvent avec un esprit de colère et de vengeance envers les humains destructeurs, qu’il faudra affronter, convaincre … mais Inrô est forte et dotée d’un pouvoir extraordinaire que vous découvrirez rapidement !

La lecture est très fluide, le rythme soutenu tout en englobant de beaux moments poétiques, magiques, magnifiés par des aquarelles fines qui ponctuent les chapitres. Ados et adultes auront grand plaisir à suivre Inrô dans ses aventures.

Une lecture qui invite également à se poser des questions sur notre rapport à la nature, aux autres générations, à notre capacité à agir pour vivre mieux, plus sereinement, en harmonie avec la nature qui est tellement mise à mal.

Inrô de Florence Brégeon, aquarelle intérieure

Éric Guérin, chef étoilé à Saint-Joachim, pour lequel Florence a créé de superbes céramiques, exprime très bien dans sa préface le sentiment ressenti lors de la lecture :

« Inrô nous engage à réfléchir sur ce que nous laissons derrière nous – cet héritage –, ce que nous détruisons et ce que nous avons le devoir de préserver. L’héroïne incarne une passerelle délicate et fragile entre le monde des kamis et celui des hommes, entre la sagesse ancestrale et notre « modernité ». Son expédition nous remémore que la voie vers la réconciliation – avec soi et avec la nature – est avant tout un chemin intérieur.
Ce livre n’est pas seulement une histoire ! Je l’ai ressenti comme un appel à la sensibilité, une ode à la résilience et un hommage à cette beauté intemporelle que l’art et la littérature savent transmettre. Florence Brégeon nous offre une œuvre dont la portée va au-delà du simple conte : elle nourrit l’âme, le cœur, elle inspire et nous convie à contempler le monde avec un regard renouvelé. »

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Florence Brégeon, artiste pluridisciplinaire passionnée !

Portrait de Florence Brégeon sur son site de création de bijoux Graine de capucine

Journal du Japon a pu interroger l’autrice sur la naissance d’Inrô, sa façon de travailler, ses projets.

Journal du Japon : Pouvez-vous vous présenter en quelques phrases ?

Florence Brégeon : J’ai 41 ans, je suis Nantaise, maman d’une petite fille de 11 ans.

Issue d’une formation juridique, j’ai commencé ma carrière professionnelle dans l’immobilier. J’ai toujours eu une appétence pour l’Art, les arts créatifs, la littérature. Mon grand père était peintre professionnel, mon père m’a fait découvrir l’histoire de l’Art et ma mère est écrivaine.

En 2019 je quitte mon travail pour me lancer dans la céramique, je crée des bijoux uniques en porcelaine sur des thèmes choisis (Inuits…).

Le COVID passe par là et je continue malgré tout. En 2023 je l’ attrape, et je suis bien malade : je suis arrêtée un petit moment. Épuisée et déprimée, je me surprends à avoir une pulsion d’écriture puis de dessin .

Quelle est votre « histoire » avec le Japon ? 

J’ai découvert le Japon en premier lieu à travers les films d’animation de Miyazaki, et studio Ghibli. Je terminais souvent en larmes devant tant de délicatesse, de poésie, de finesse. Des films avec un discours philosophique (mais pas moralisateur).

Je suis sensible à ce rapport à la nature, aux personnes âgées, au sujet de l’émancipation (Kiki la petite sorcière).

Ensuite j’ai lu beaucoup de littérature japonaise et j’ai été transportée par le livre Le restaurant de l’amour retrouvé de Ito Ogawa. Une écriture instinctive, sensorielle, directe.

Ma fille a élargi le champ avec sa passion des mangas et des créatures légendaires.

Et j’ai également toujours été admirative des estampes japonaises et intéressée par la période impressionniste inspirée par le Japon (Marie Cassat, Monet…).

Je n’ai jamais pu voyager au Japon, mais je pense que c’est ce qui a fait ma force car soucieuse de respecter son histoire et sa culture je me suis beaucoup documentée.

Comment est née l’idée d’écrire Inrô ? Pourquoi cet objet bien particulier et peut-être moins connu des Occidentaux ?

C’est grâce à mon père que j’ai découvert l’inrô. Nous étions en vacances et il me partage souvent ses lectures. Il venait de lire un article sur l’inrō dans « Connaissance des Arts« . Objet fascinant de beauté, mystérieux par ses compartiments multiples et dissimulés. Les photos m’ont subjuguée…Tant de minutie dans la gravure. Je me suis tout d’abord imaginée à le reproduire en porcelaine, un vrai défi technique et puis dans l’inconscient il a semé ses graines et est devenu le point de départ de mon histoire.

Beaucoup de yokai apparaissent au fil de l’histoire. La sélection a dû être difficile vue la quantité impressionnante de ces créatures dans la culture populaire japonaise, comment avez-vous fait vos choix ? D’ailleurs avez-vous un yokai préféré ?

Oui, sélection très difficile surtout une fois qu’on a lu le Dictionnaire des Yokaï de Shigeru Mizuki ! Il y a de quoi faire….

Je crois que cela s’est fait spontanément. Il fallait que le yokaï évoqué ait une raison d’être là, je ne voulais pas étaler ma « science » cela n’aurait eu aucun intérêt. Ils ont été choisis pour leur message et la réflexion qui pouvait en ressortir suite à leur passage dans le parcours de mon héroïne Inrō.

Quels écrivains et quelles œuvres de la littérature japonaise classique et contemporaine vous ont marquée, inspirée ?

Ito Ogawa, Yukio Mishima (Confession d’un masque), Kenzaburo Oé, Contes de pluie et de lune par Ueda Akinari, Sôseki Natsume (Oreiller d’herbes…), Akiyuki Nosaka (La tombe des lucioles).

Vous illustrez Inrô avec de délicates aquarelles, souvent dans des formats circulaires. C’est un équilibre très réussi entre textes et illustrations pastilles parsemées au fil du livre. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre apprentissage de l’aquarelle, les sujets que vous peignez ?

Je suis autodidacte, mon père me conseille. J’ai eu besoin de son regard technique. Un lâcher prise total grâce à l’aquarelle qui est une matière sublime et subtile.

C’est  l’appel des couleurs, la vibration des mélanges. L’eau commande, dirige, vous ne pouvez jamais reproduire la même émotion, la même magie.

Je me suis laissé guider par ce que je voulais transmettre comme atmosphère au lecteur.

Au fur et à mesure, je me rends compte que je réalise mon rêve de petite fille. J’aurais voulu être illustratrice. Cela s’est réveillé en moi à la naissance de ma fille, j’ ai développé une boulimie pour les livres jeunesse. Nous en avons plus de 500…

Le constat est qu’il existe la BD pour les adultes mais pourquoi pas plus de livres écrits illustrés ?

Les adultes ont besoin aussi de se laisser porter par l’imaginaire et le beau.

Envisagez-vous d’autres projets d’écriture ? Nous le souhaitons vivement !

Oui je commence tout juste une autre aventure, direction l’Ecosse, pays riche en légendes également.

Journal du Japon remercie Florence pour sa disponibilité et ses réponses inspirantes.

N’hésitez pas, plongez dans ce récit captivant qui résonne particulièrement en ces temps troublés !

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