Huit millions de dieux de David B. Gil : un roman historique captivant

Depuis le 17 avril, les éditions 10/18 ont sorti la version poche de Huit millions de dieux (Ocho millones de dioses) de David B. Gil et traduit par Judith Vernant. Après le succès de son premier livre autopublié El guerrero a la sombra del cerezo en 2017, devenu en Espagne le roman historique le plus vendu en ligne, l’auteur espagnol et passionné du Japon ancien reste dans le même genre, le roman historique avec cette fois non pas la vengeance d’un samouraï mais une enquête sur les assassinats de prêtres jésuites…

Ocho millones de dioses ©David B. Gil, 2019 / Huit millions de dieux ©Fleuve Éditions, 2024

Le Nom de la rose en terre nippone

Affiche Le Nom de la rose

Pour les moins jeunes d’entre vous, Huit millions de dieux rappellera rapidement le film Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud (1986) avec Sean Connery, d’après le roman original de Umberto Eco. Le héros n’est pas franciscain mais jésuite. En effet, de Tolède en Espagne, le père Martín Ayala est envoyé au Japon, où il s’était formé en tant que missionnaire pour enquêter sur plusieurs meurtres de prêtres de la Compagnie de Jésus dans l’archipel. En grand connaisseur de la langue et des coutumes japonaises, l’enquêteur était la personne toute trouvée pour découvrir qui se cache derrière ces assassinats. Et c’est au jeune samouraï Kenjirō Kudō que revient la lourde tâche de protéger l’étranger tout au long de sa quête.

Voici d’ailleurs une citation du roman lors de la rencontre du duo qui devra apprendre à se faire confiance pour progresser dans cette quête de la vérité :

« Quand ils furent côte à côte, Ayala l’observa ouvertement.

Tu n’es pas un gentilhomme de la cour d’Oda, n’est-ce pas ? demanda-t-il avec une soudaine familiarité.

Kenjirō se raidit.

Je suis le samouraï chargé de votre protection, vous n’avez pas besoin d’en savoir plus.

Inutile d’être aussi solennel ou ce voyage risque d’être très long pour nous deux, répliqua le jésuite, de belle humeur. Je vais t’avouer une chose : je ne suis pas enquêteur non plus, je n’ai jamais résolu le moindre crime ou mystère. Je ne suis guère plus qu’un traducteur avec une forte tendance à la curiosité. Donc, d’une certaine façon, nous sommes des imposteurs tous les deux. Mais mieux vaut ne le dire à personne. » (Chapitre 5 : La route de Shima – page 115)

Avec plus de 700 pages, les aventures du duo improvisé pour l’enquête se révèleront particulièrement riches en rebondissements dans un Japon féodal en proie à la guerre. Sans dévoiler l’histoire, le roman compte de nombreux personnages (espions, samouraïs, moines guerriers, pirates, seigneurs de guerre, etc.) pour une lutte sans pitié pour survivre et où honneur et trahison cohabitent. Le début permet de fixer le cadre et c’est au moment où les investigations mettent au jour un complot que le suspens nous happe dans ce monde violent. Avec son nombre de pages conséquent, Huit millions de dieux est à conseiller avant tout aux lecteurs qui ont l’habitude de lire de gros pavés riches en descriptions notamment.

Tout au long de la lecture, les personnages principaux nés de l’imagination de David B. Gil (Martín Ayala, Kenjirō Kudō et Igarashi Bokuden) croisent des personnes qui ont réellement existé comme Nobunaga Oda, Mitsuhide Akechi mais aussi Francisco Cabral, responsable de mission jésuite au Japon à l’époque du roman. Il n’est nullement obligatoire de connaître l’histoire de l’archipel et les premiers temps du christianisme dans le pays peuplé de huit millions de dieux, en référence à l’infinité de divinités locales shintô, les kami. Pour les curieux qui souhaiteraient en apprendre davantage sur la découverte du Japon par les Portugais et le « siècle chrétien », nous vous invitons à (re)lire notre article « De la découverte de Cipango au japonisme » (partie 1 et partie 2).

Avec plus de 700 pages, David B. Gil est particulièrement généreux avec le lecteur en proposant une enquête dans le Japon féodal au « siècle chrétien » qui sera appréciée par les amateurs de roman historique et d’histoire japonaise. L’édition poche rend très abordable ce plongeon dans la culture et l’histoire de l’archipel. On regrettera une carte en format réduit, moins pratique qu’en édition brochée.

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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