Gen aux pieds nus : un retour inattendu
Alors que la commémoration des 80 ans du bombardement d’Hiroshima a eu lieu en août dernier, les éditions du Tripode ressortent pour l’occasion un classique du manga historique : Gen aux pieds nus. Véritable fresque de l’indicible et de l’inimaginable, ce manga, signé Keiji Nakazawa, met en images l’un des moments les plus sombres de notre histoire qui ne doit jamais être oublié. Petite pépite patrimoniale à paraître dès le 2 octobre 2025, laissez Journal du Japon vous donnez un avant-goût émotionnel sur ce morceau d’anthologie.

Un titre édité plusieurs fois
En effet, ce n’est pas la première fois que ce titre a débarqué dans l’Hexagone. La première fois où les Français ont pu découvrir les péripéties de Gen remonte à 1983. Les Humanoïdes Associés tentent alors de proposer ce récit anti-guerre et anti-nucléaire sous le titre de Gen d’Hiroshima. Malheureusement, ce fut un échec et la série a été stoppée avant même d’avoir vraiment commencé.
Nouvelle tentative et nouvel échec en 1990 avec la parution d’un seul tome de Mourir pour le Japon chez Albin Michel. Ce n’est qu’en 2003, chez l’éditeur Vertige Graphic, que Gen a réellement pu exposer tout son message sur dix tomes. Une version de poche a également été publiée entre 2007 et 2011. Et ce message est des plus bouleversants !
Gen aux pieds nus : la vie meurtrie et l’espoir pour l’avenir
Lorsque l’on commence notre lecture, on pénètre de suite dans ce Japon patriotique et guerrier, montrant un climat de propagande quotidienne. Toute personne voulant la paix est vue comme un traître au pays que l’on peut humilier sans qu’aucune aide extérieure n’intervienne. Gen, qui est alors pro-guerre, tout comme son grand frère Koji, et même son petit frère d’ailleurs, doivent vivre sous les brimades car leur père est foncièrement pour la paix et ne se laisse nullement amadouer par de fausses promesses propagandistes. Et il est important de bien placer de tels éléments, mettre en exergue de telles visions pour développer ce message anti-guerre si puissant qu’il émeut tout lecteur notamment lors du largage de Little Boy sur Hiroshima par l’Elona Gay.


Le choc est alors brutal ! Rien ni personne n’est épargné. La mort prend tout et ne laisse qu’aux quelques survivants la place aux cris, aux larmes et au désespoir…
Puis, lorsqu’il n’est plus possible de pleurer, que les larmes sèchent et que les flammes s’étiolent, il est alors possible de faire le point, commencer le deuil et aller de l’avant. Et le jeune Gen nous apparaît alors comme un héros tragique, fort et bienveillant pour les siens mais aussi pour nous, lecteurs. Un petit phare qui illumine les heures les plus sombres de l’humanité… Un petit phare de 8 ans dans un premier tome plein d’espoir !
Après cette petite mise en bouche, nous laissons maintenant place à l’interview avec les éditions du Tripode qui ont remis une nouvelle fois au jour ce manga culte.
Interview du Tripode
Journal du Japon : Bonjour Charlotte et merci de prendre le temps de répondre à quelques questions. Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre maison d’édition à nos lecteurs ?
Charlotte Bréhat : Bonjour ! Je suis éditrice aux éditions Le Tripode dont je suis devenue directrice générale en début d’année. Le Tripode, c’est une maison d’édition indépendante qui publie ce qui lui chante, dans toutes les catégories de l’imaginaire.
Partons pour une présentation de la maison façon ping-pong ! La création ? en 2012. Le fondateur ? Frédéric Martin. Nos trois piliers ? Littérature, Arts, Ovnis. Notre crédo ? « Ouvrir un lieu d’asile aux esprits singuliers », comme disait Jean-Jacques Pauvert. Notre style ? L’éclectisme. Nos publications ? Des œuvres portées par une voix singulière. Notre travail ? Protéger ces œuvres. Accompagner leurs auteurs dans leur cheminement.
Avec les deux premiers tomes qui sortent le 2 octobre, plusieurs questions viennent tout de suite en tête mais si nous devions en choisir une ce serait la suivante : Pourquoi le Tripode a choisi d’éditer pour la première fois du manga ? Et pourquoi Gen aux pieds nus en particulier ?
Il faut bien le dire : ce n’était pas du tout prévu. L’arrivée de Gen aux pieds nus dans notre catalogue résulte d’un hasard, et surtout d’un coup de cœur. Gen, je n’en avais jamais entendu parler. C’est en allant il y a un peu plus d’un an à l’exposition « La BD à tous les étages », au Centre Pompidou, que j’ai découvert son existence. Il y avait plusieurs planches originales exposées, toutes extraites de la séquence de l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima. Je me souviens être restée longtemps devant ces planches, comme happée, et un peu tétanisée aussi. En sortant de l’exposition, j’ai acheté un livre qui réunissait les deux premiers tomes. À la lecture, j’ai été bouleversée, sidérée, incapable de détacher mon regard des images ni de quitter ce personnage si attachant, Gen. Ce n’est qu’en voulant lire la suite que j’ai découvert que la série n’était plus éditée. Par un coup de chance, j’ai pu finalement mettre la main sur les 10 tomes le jour même. Très vite (le lendemain au réveil), s’est formulée cette évidence : cette œuvre devait être lue, et pour ce faire j’allais en proposer une nouvelle édition.
Vous avez raison, c’est la toute première fois que Le Tripode publie un manga. Nous avons un catalogue très éclectique, et fonctionnons avant tout au coup de cœur. Nous nous attachons à faire entendre des voix singulières, en faisant fi des questions de genre littéraire. Nous faisons aussi bien du roman que de la BD, en passant par des livres d’humour ou de la poésie. On ne s’interdit rien. On cherche à faire découvrir des nouvelles voix, mais aussi à faire (re)découvrir des voix qui ont été oubliées.
Des œuvres patrimoniales, il y en a plus d’une au catalogue. Je pense notamment à Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon : une œuvre graphique unique qui mêle textes, peintures et annotations musicales pour dérouler l’histoire d’une artiste juive allemande qui sera déportée dans le camp d’Auschwitz, où elle mourra. En somme, on publie ce qu’on aime appeler des ovnis, des œuvres qui sortent des cases.
Alors pourquoi Gen ? D’abord je l’ai dit, ça a été un coup de cœur, et une gifle monumentale. Je n’arrivais pas à me défaire des images, qui continuent de m’habiter. Art Spiegelman le dit très bien : Gen hante. Gen est bien sûr un manga, mais c’est aussi bien plus que cela. L’œuvre transcende le genre dans lequel elle s’inscrit par la puissance mémorielle qu’elle porte. Je n’étais moi-même pas une lectrice de manga, et pourtant ce livre m’a profondément bouleversée, et je l’ai lu comme une évidence. C’est un témoignage, une œuvre universelle qui déploie une force de narration et d’émotion démente, et dont je crois la lecture absolument nécessaire.
Le 80e anniversaire du bombardement d’Hiroshima approchant, cela a-t-il influencé le Tripode dans la publication du manga ?

Pas du tout ! C’est quelque temps après avoir pris la décision de le publier qu’un des membres de l’équipe tripodienne a fait remarquer que le 80e anniversaire approchait. Si ça n’a pas influencé la décision de le publier, ça a par contre impacté le calendrier de publication. On aurait pu choisir de faire paraître les premiers tomes plus tard et s’offrir un confort de travail avec des délais plus lointains, mais on a décidé de mettre les bouchées doubles pour publier les deux premiers tomes dès 2025. On a fait ce choix pour pouvoir inscrire la nouvelle édition de Gen aux pieds nus dans des événements et publications autour de la commémoration de la catastrophe d’Hiroshima et donner ainsi toutes ses chances à l’œuvre de Nakazawa d’être découverte par les lecteurs.
Quand on parle de Gen aux pieds nus, on voit également son auteur, Keiji Nakazawa. Comment avez-vous fait pour obtenir les droits ? Et pour obtenir la préface ?
L’auteur étant mort d’un cancer du poumon en 2012, ça a été plus difficile que prévu… je n’avais rien trouvé sur internet : les premiers tomes de Gen aux pieds nus sont sortis au Japon dans les années 70, il n’y avait rien. J’ai par contre trouvé la trace d’un éditeur indépendant à San Francisco, The Last Gasp, qui édite la série complète. Je lui ai écrit et c’est lui qui m’a indiqué le contact de l’agence qui gère les droits au nom de l’ayant-droit de Keiji Nakazawa : sa femme, Misayo Nakazawa, qui l’a accompagné tout au long de la création de Gen aux pieds nus et l’a beaucoup assisté.

Pour répondre à la deuxième question : l’auteur nous ayant quittés, je n’avais pas prévu d’insérer de préface au départ. Ce texte, je l’ai découvert un peu plus tard. Nakazawa l’avait écrit pour une édition spéciale de Gen aux pieds nus au Japon, publiée en 1996. Nous l’avons fait traduire et le publions pour la première fois en français.
Qui dit nouvelle version de Gen aux pieds nus dit nouveautés. Pouvez-vous nous communiquer le prix et nous en dire plus sur les différents contenus inédits prévus dans cette réédition ? Et pouvez-vous également nous en dire plus sur tout le travail de retraduction et d’annotation qui a été nécessaire ?
Le livre est à 13,90 €. La série comprenant 10 tomes, on voulait que ça reste accessible. En termes de nouveautés, on peut commencer par mentionner le titre. La série est connue en France sous le titre Gen d’Hiroshima que lui avait choisi le précédent éditeur, Vertige Graphic. Nous avons décidé de revenir au titre original qu’avait choisi l’auteur : Hadashi no Gen, qui se traduit par Gen aux pieds nus. Il y a cet avant-propos de Nakazawa qui n’avait jusque-là jamais été traduit en France (et qui, en quelques pages, donne de formidables clés de lecture en résumant parfaitement la genèse de l’œuvre et la démarche de l’auteur). La préface d’Art Spiegelman, écrite il y a une vingtaine d’années pour un éditeur américain, a été entièrement revue par Spiegelman, qui a coupé, rajouté des passages, remanié son texte de fond en comble. On a choisi un format spécifique (15 x 20 cm), qui peut aussi bien être le format d’un manga que celui d’un roman.
Nous avons entièrement revu la traduction, pour à la fois l’améliorer, en la reprenant mot à mot, et aussi la mettre à jour (par exemple au niveau de l’argot qui a évolué ou bien sur des termes spécifiques à la culture japonaise qui sont désormais entrés dans notre vocabulaire). Ça a été un travail formidable avec le traducteur Vincent Zouzoulkovsky, que je tiens à remercier. Nous avons rétabli quelques passages de texte tronqué. On a aussi réintégré un assez grand nombre d’onomatopées qui avaient été coupées et, pour chacune, on s’est efforcés de les repositionner sur l’image de telle sorte à suivre au plus près leur emplacement et leur taille sur le dessin original. Nous avons inséré quelques notes pour signaler des erreurs, mettre à jour ou compléter des données historiques qui sont indiquées dans le texte. Aussi, on a fait le choix d’une police de texte différente, qui est plus ronde et plus facile pour l’œil à la lecture. De manière globale, l’ensemble des choix éditoriaux ont été faits dans l’envie de se rapprocher le plus possible de la version originale.
Pouvez-vous nous dire ce qui rapproche Gen aux pieds nus du Maus d’Art Spiegelman ? Et comment vous est venue l’idée de faire intervenir cet artiste pour votre préface ?

Art Spiegelman avait déjà écrit une préface pour l’édition américaine il y a une vingtaine d’année. Et de fait, que cet artiste, auteur d’une œuvre comme Maus, puisse donner son regard sur Gen aux pieds nus, m’a semblé évident. Il faut commencer par dire que ces deux œuvres sont très différentes et parlent de deux événements qui n’ont rien à voir. Aussi, la position de l’auteur n’est pas la même : Nakazawa est un témoin direct de la catastrophe d’Hiroshima, Spiegelman restitue le témoignage de son père sur la Shoah. Mais, à côté des divergences, il y a aussi beaucoup d’échos. Ce qui les rapproche le plus à mon avis, c’est la démarche de leur auteur. Dans la préface à Gen aux pieds nus, Spiegelman note cette coïncidence que je trouve significative : au moment où Art Spiegelman esquissait aux États-Unis les premières pages de Maus, Keiji Nakazawa, à l’autre extrémité du globe, créait la première ébauche de ce qui deviendra Gen aux pieds nus. Les deux créateurs ont fait le choix du dessin et de la narration pour raconter deux grands drames du XXe siècle.
Ils ont tous les deux créé leur œuvre dans la volonté de poser une image sur les victimes longtemps invisibilisées, de montrer les souffrances des êtres qui sont presque effacés par le caractère spectaculaire des événements qu’ils ont vécu. Spiegelman comme Nakazawa ont voulu mettre l’humain et le ressenti au premier plan pour mettre le lecteur face à des événements historiques qui ont marqué un tournant dans nos sociétés. Ils ont fait le choix de partir de l’intime pour raconter l’Histoire. Ils déploient une autofiction, ce qui n’est pas du tout évident puisque très novateur à l’époque, aux États-Unis aussi bien qu’au Japon. Maus et Gen aux pieds nus donnent à voir par le dessin des images qui n’étaient pas accessibles au grand public, à cause de la destruction des archives par les parties responsables, de la censure, et aussi de l’envie de la société d’oublier le passé douloureux, de tourner la page.
Revenons-en au manga. Ce dernier tourne pleinement autour de la vie de Gen. Mais qui est ce personnage, comment le décririez-vous ? Gen a aussi un lien particulier et autobiographique avec son auteur, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Gen, dans le premier tome, a 8 ans. C’est un jeune garçon espiègle et solaire, qui a une fâcheuse tendance à se mettre dans le pétrin mais arrive toujours à s’en sortir. Surtout, il ne baisse jamais les bras, et possède une générosité qui le pousse à venir constamment en aide aux gens autour de lui. C’est un personnage très attachant, qui a un sens profond de la justice. Gen porte l’espoir. Toujours en tenu d’écolier japonais, il se tient pieds nus et foule le sol irradié d’Hiroshima avec sa force de vie indéfectible.
Gen est l’alter ego de l’auteur. Dans les grandes lignes, Gen et Keiji Nakazawa suivent le même parcours de vie. C’est dans les détails que se situent les différences. Pour prendre un exemple : Keiji Nakazawa a six ans le 6 août 1945 quand la bombe explose sur Hiroshima. Ce jour-là, il se trouve devant son école au moment de l’explosion. Il est protégé par un mur qui le sauve miraculeusement. Quand il retrouve sa mère dans les ruines de la ville en feu, elle vient d’accoucher de sa petite sœur. Elle lui annonce alors la mort de son père, de sa grande sœur et de son petit frère. Dans Gen aux pieds nus, Keiji reconstitue le déroulé de cette journée comme dans son souvenir, et la mort de sa famille. Mais dans le manga, Gen est présent. Il est aux côtés de sa mère quand ils regardent ensemble, impuissants, le père, la grande sœur et le petit frère mourir, coincés sous les décombres de la maison tandis que l’incendie qui suit l’explosion de la bombe les atteint. Comme si, à travers le manga, Keiji ménageait un moment à travers le dessin pour faire un adieu à cette famille à qui il n’a pas pu dire au revoir dans la réalité.

Ce manga est aussi une sorte de capsule temporelle sur la vie à Hiroshima au moment de la Seconde guerre mondiale, un peu comme Le tombeau des lucioles. Pensez-vous qu’il puisse aider les Français à mieux appréhender la souffrance des Japonais de cette période ?
Ici, je vais parler de ma propre expérience. Quand j’ai découvert Gen aux pieds nus, j’ai d’abord eu un sentiment de sidération devant ce que l’auteur me donnait à lire, et à voir surtout. Je me suis rendu compte de l’étendue de mon ignorance sur la réalité de ce qu’impliquait l’explosion de la bombe et de la vie après. Cette œuvre, si elle n’est qu’à moitié autobiographique, donne un témoignage historique de la vie à Hiroshima sur les derniers mois de guerre et pendant l’occupation américaine. Nakazawa ne parle pas seulement de la bombe atomique. En 10 tomes, il déploie la vie d’un survivant de la bombe à Hiroshima, de 1945 à 1953. L’auteur raconte l’horreur de l’explosion de la bombe, la lente reconstruction de la ville, l’occupation américaine, la censure et la découverte progressive des effets des radiations, la prolifération des yakuzas après-guerre, l’ostracisation des survivants de la bombe, la guerre de Corée, et bien d’autres choses, enfin la vie quotidienne dans une ville qui a été anéantie. Nakazawa nous fait rentrer dans l’Histoire par le biais du dessin, de la narration et de l’émotion. Gen raconte certes, mais plus que tout il fait ressentir. Le lecteur, pris par les émotions, l’empathie, est partie prenante de l’Histoire. Oui, je suis convaincue que cette œuvre est un biais formidable pour mieux comprendre ce qui s’est joué à Hiroshima de 1945 à 1953.

D’ailleurs comment Gen d’Hiroshima a été reçu au Japon à l’époque de sa publication et a-t-il laissé un héritage particulier ?
Dès sa parution au Japon, Gen est une œuvre qui dérange. C’est le tout premier manga qui montre sans détour ce qu’il s’est passé à Hiroshima. On y trouve des images frappantes, voire choquantes, qui montrent de manière frontale les souffrances des victimes de la bombe. Mais aussi (et peut-être surtout), la série rappelle ce que les autorités américaines et japonaises se sont efforcées de mettre sous le tapis pendant et même après l’Occupation. Nakazawa dénonce évidemment le choix du gouvernement américain de lâcher une bombe atomique sur des civils (à deux reprises), il montre aussi la manière dont les victimes de la bombe ont été complètement abandonnées à leur sort par les autorités américaines aussi bien que japonaises. Il dénonce aussi la responsabilité de l’empereur dans la guerre, là où les Américains comme les Japonais ont tout fait pour laver leur image et faire porter la responsabilité des crimes de guerre uniquement aux chefs militaires japonais. La liste est encore longue, mais l’idée est que Gen est un manga qui met le doigt sur certaines vérités, et pour cela dérange, puisqu’il aborde de manière frontale des sujets encore tabous au moment de la publication du premier épisode dans le magazine Weekly Shonen Jump, en 1973 (et certains aujourd’hui encore). S’il a connu un démarrage difficile au Japon (en passant par plusieurs revues), il s’est assez vite imposé comme une référence. Il a été publié dans des éditions reliées, a été adapté au cinéma, puis en dessin animé. En deux ans à peine, il est devenu un best-seller et a intégré les bibliothèques et les programmes scolaires. On le donne en lecture aux élèves pour évoquer l’histoire d’Hiroshima, aujourd’hui encore. Même si une extrême droite révisionniste fait pression depuis quelques années pour le retirer des programmes scolaires (et a réussi, dans certains établissements)…
Quels messages portent ce titre selon vous ? Comment reste-t-il pertinent 80 ans après Hiroshima et plus de 50 ans après le début de sa parution ?
Keiji Nakazawa était un auteur engagé, et Gen aux pieds nus est une œuvre foncièrement politique. S’il brise les tabous et cherche en partie à montrer, à faire (re)connaître les souffrances des hibakushas, les victimes de la bombes, l’auteur crée ce manga avec un message très clair, qu’il explicite lui-même au cours de ses prises de paroles et dans ses textes : Gen aux pieds nus s’érige contre le nucléaire, et appelle à la fraternité et la paix dans le monde.
Ce témoignage rappelle que derrière le spectacle des explosions et des nuages de fumée, il y a des vies, des êtres qui se retrouvent dans des conflits qu’ils ne contrôlent pas, voulus par des dirigeants qui négligent leurs souffrances, et qui doivent porter leurs responsabilités. Je crois que, si on regarde la situation du monde aujourd’hui, on peut aisément dire que cette œuvre reste d’une très grande actualité.
Après la publication de son premier manga, le Tripode va t-il retenter l’expérience ? Si oui, y a-t-il un titre qui attire votre attention ?
Le Tripode n’a pas vocation à se lancer dans le manga. Comme je le disais, nous avançons au coup de cœur, et on aime aller là où on ne nous attend pas (et où on ne s’attend pas nous-mêmes… !). Si un énorme coup de cœur survenait pour un autre manga, s’il s’imposait à nous, alors pourquoi pas ? Mais pour l’instant, ce sera juste Gen et c’est déjà pas mal !
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Le retour inattendu de Gen aux pieds nus pour les 80 ans de la commémoration du bombardement d’Hiroshima est poignant. Ce manga illustre autant l’horreur de la guerre que l’espoir de jours meilleurs et nous permet de faire réfléchir sur les conflits qui gangrènent notre monde encore aujourd’hui. Un miroir du passé, un phare pour l’avenir, Gen est les deux en même temps. Ne passez pas à côté d’un tel monument et vous aussi ayez foi en vos lendemains. Car seul l’espoir éclaire vraiment les chemins tortueux de la vie !
