Digimon Story: Time Stranger, le retour gagnant au JRPG
Avis aux nostalgiques de la fin des années 1990 et de Digimon : la franchise est loin d’être morte. Après le visual novel Survive en 2022, Bandai Namco vise cette fois-ci un plus large public avec Time Stranger, un nouvel épisode qui signe le retour au JRPG, comme ses prédécesseurs Cyber Sleuth en 2015 et sa suite, Hacker’s Memory, deux années plus tard. Avec une sortie seulement deux semaines avant Légendes Pokémon : Z-A, l’éditeur n’évite pas la confrontation avec son « concurrent » de toujours. Après avoir joué aux deux jeux, on n’oubliera pas de les comparer entre eux.

Le destin de deux mondes entre vos mains
À Tokyo, un agent de l’organisation secrète ADAMAS rencontre une créature inconnue juste avant qu’une explosion ne rase la ville. À son réveil, notre personnage découvre qu’il vient de voyager dans le temps et qu’il se retrouve huit ans plus tôt… Sa mission : empêcher la destruction du monde et l’Enfer de Shinjuku. L’enquête mène notre héros ou notre héroïne (au choix au début de la partie) à nous battre contre les anomalies dans le monde réel et dans le Digimonde, baptisé Iliade, dans une course contre le temps pour éviter l’Armageddon.
Grâce à cette histoire inédite avec de nouveaux personnages, il n’est pas nécessaire d’avoir joué aux précédents jeux ou bien d’avoir regardé les animés pour tout comprendre et apprécier l’intrigue. Elle va nous permettre d’explorer différents quartiers tokyoïtes (Shinjuku et Akihabara, par exemple) ainsi que le monde des Digimon. Ce dernier fourmille de vie et évolue au fil du jeu et du chaos qui semble se propager inexorablement malgré tous nos efforts pour corriger l’apocalypse annoncée. Les différents arcs narratifs permettent de développer la personnalité et l’histoire des nombreux protagonistes que l’on croise et qui s’avèreront déterminants pour la suite. Même le plus insignifiant Digimon en apparence pourra avoir un grand rôle à jouer pour empêcher la fin du monde. Les thèmes abordés sont plutôt bien traités, comme le rejet de la différence et le deuil, et relèvent le niveau du sempiternel pouvoir de l’amitié des mangas shônen.


©Akiyoshi Hongo, Toei Animation ©Bandai Namco Entertainment Inc.
Contrairement à Légendes Pokémon : Z-A, les créateurs ont apporté un soin tout particulier à la mise en scène avec des cinématiques dignes d’un animé. Le jeu est sous-titré en français, et le doublage en anglais et en japonais (que l’on a choisi, bien évidemment) est de bonne facture. Les fans de Demon Slayer reconnaîtront la voix de Hiro Shimono (Zenitsu Agatsuma) qui joue le rôle du héros Dan Yuki. La version féminine du héros Kanan Yuki est doublée par Marina Inoue (Armin Arlert dans L’Attaque des Titans). C’est la seiyû de Suletta Mercury dans l’animé Mobile Suit Gundam: The Witch from Mercury qui incarne la lycéenne endeuillée Inori Misono. Le doublage ajoute de l’intensité émotionnelle, ce qui manque cruellement dans les jeux Pokémon qui continuent d’être muets.
Plus de 450 Digimon à collectionner !
Dans la franchise de capture de monstres no1, le dresseur doit attraper tous les Pokémon qu’il croise pour compléter son Pokédex. Dans Digimon, sans surprise, il est aussi question de collectionner tous les Digimon : plus de 450 créatures ! Pour comparer avec Légendes Pokémon : Z-A, le Pokédex d’Illumis compte seulement 232 Pokémon. Chaque jeu a son langage propre et dans Digimon, le champ lexical tournant autour de l’informatique, on ne parle pas de captures mais de conversions. En effet, en rencontrant les Digimon hostiles sur notre chemin, on collecte des données sur eux. Une fois l’analyse complète (la barre de 100 % atteinte), notre Digivice est capable de convertir les datas récoltées pour faire apparaître le monstre digital qu’il a fallu battre plusieurs fois auparavant. Plus le taux d’analyse est élevé et plus le Digimon converti est puissant donc attendre les 200 % est vivement conseillé !



De nombreux lieux à découvrir ©Akiyoshi Hongo, Toei Animation ©Bandai Namco Entertainment Inc.
Une fois les Digimon de notre côté, comme tout bon RPG qui se respecte, il y a de l’optimisation des caractéristiques et des compétences (attaques utilisées par le Digimon en combat). Le joueur peut aussi mettre deux objets d’équipement : ce faible nombre oblige à bien réfléchir et à choisir les items les plus stratégiques et à en changer selon les adversaires rencontrés. Et s’il y a autant de Digimon à collectionner, c’est car la plupart possède de nombreuses évolutions. Pour digivoluer, des conditions (de niveau et de caractéristiques, la plupart du temps) sont requises.
Si l’on en revient à notre comparaison avec Pokémon, là où les évolutions y sont linéaires et irréversibles (sauf avec les Méga-évolutions introduites depuis X Y), dans Digimon plusieurs créatures différentes peuvent donner un même Digimon et ont plusieurs niveaux d’évolutions, voire des versions alternatives. Mais cela n’est pas définitif, à tout moment, on peut revenir en arrière et faire dé-digivoluer le Digimon pour augmenter ses niveaux et choisir une autre forme de digivolution.

Chaque Digimon converti a une personnalité qui lui est propre et celle-ci a une incidence sur l’augmentation des caractéristiques lors des level up. En conversant avec son Digimon, le joueur est capable d’orienter vers une certaine personnalité pour le mettre sur la voie de la Digivolution souhaitée. Et ce point nous amène à la Digiferme, sorte de globe où le joueur peut entraîner, en dehors des combats, ses Digimon, et même les nourrir pour augmenter leur niveau d’affinité. Avec les différents objets collectés, la Digiferme est complètement personnalisable pour les fans des cozy games comme Animal Crossing par exemple. Si l’idée est bonne, le rendu reste assez brouillon et on évite d’y rester trop longtemps malheureusement. Globalement, on note aussi des soucis d’ergonomie dans les menus qui restent peu intuitifs.
Des combats au tour par tour dynamiques mais un level design décevant
Pour les combats, on peut constituer une équipe de trois Digimon aidés par trois autres en soutien pouvant servir de remplaçants lorsque l’un des trois Digimon au combat est K.O. Il y a un système classique d’Attributs de type Pierre-Feuille-Ciseaux : les Virus sont faibles face aux Antivirus qui sont à leur tour vulnérables aux Données. Mais ce n’est pas tout : chaque Digimon a des résistances et des faiblesses vis-à-vis de certains Éléments. Grâce à ce double système d’Attributs et d’Éléments, les dégâts subis peuvent diminuer de 50 % et ceux infligés peuvent même être triplés ! Il ne faut donc pas tout baser sur trois Digimon, mais veiller à équilibrer les Attributs et Éléments pour s’adapter aux ennemis et leurs faiblesses. Face à de petits adversaires, il n’est pas forcément très important d’y faire attention mais contre des boss d’un tout autre niveau, maîtriser tout cela est primordial pour en venir à bout. À tout moment, si le joueur n’est pas de taille, il est tout à fait possible de modifier la difficulté pour le passage, ou d’apprendre de ses erreurs et mettre au point une meilleure stratégie.

En tant qu’agent d’ADAMAS, il y a un autre paramètre pour tirer tout le potentiel de nos Digimon : notre niveau d’agent (important pour débloquer des évolutions très avancées) et les compétences d’agent qui agissent selon la personnalité des Digimon. Le héros ou l’héroïne peut aussi intervenir en combat avec des capacités spéciales qui peuvent être offensives, défensives ou de soutien : les Arts Croisés. La puissante rafale qui touche tous les ennemis est vraiment efficace pour éliminer les faibles Digimon et s’attaquer aux gros ensuite ! Le fait de ne pas perdre son tour lorsque l’on utilise des objets (soins ou boost par exemple) est très appréciable et les combats, certes au tour par tour, ne manquent pas de piment et de tension avec des adversaires qui se montrent particulièrement retors et résistants.


©Akiyoshi Hongo, Toei Animation ©Bandai Namco Entertainment Inc.
Le gros problème du jeu réside dans l’exploration linéaire et répétitive des différentes zones du jeu : on sent un réel manque d’imagination… Quel dommage que le level design ne reflète pas les huit années de production ! Le mini-jeu de cartes Digimon rétro, Jogmon, propose du contenu généreux (avec des centaines de cartes à collectionner) et est complémentaire aux quêtes principales et secondaires qui se limitent trop souvent à de simples aller-retours, sans avoir besoin de trop réfléchir (les rares énigmes ou séquences avec des mécanismes ne sont vraiment pas très compliquées).

Lancez-vous !
S’il n’y avait qu’un jeu à choisir entre Digimon Story: Time Stranger et Légendes Pokémon : Z-A, le choix serait cornélien… Les points forts du premier sont clairement ses graphismes en Cel–Shading réussis, son histoire inédite servie avec une belle mise en scène, une personnalisation des nombreux Digimon pour s’adapter à tout type de stratégie et d’adversaires. Tout au long des quarante heures de jeu, avec en prime une bonne rejouabilité avec les games +, on ressent tout l’amour des développeurs de Media Vision pour la franchise à laquelle ils rendent un bel hommage, avec un contenu particulièrement généreux qui sent bon la nostalgie. C’est loin d’être parfait et on regrette les niveaux mal conçus (très peu de choix d’exploration malgré de nombreux mondes à visiter aux biomes variés). Cet opus est une porte d’entrée idéale pour (re)découvrir Digimon qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec son rival de toujours !
