[Interview] Capsule nous met en boîte !

En marge du Moshi Moshi Nippon Festival, Journal du Japon a pu interviewer le mythique duo électro Capsule dont nous vous présentions récemment les titres les plus marquants. Un occasion en or où nous avons pu poser quelques questions brûlantes sur le paysage musical nippon, mais également en apprendre un peu plus sur la référence électro japonaise qui était impatiente d’enfin se produire en France !

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Bonjour et bienvenue en France ! Votre 15e album, Wave Runner, est sorti en début d’année, on y retrouve un peu le coté festif et dansant de FRUITS CLIPPER ou MORE!MORE!MORE! alors que votre précédent album, CAPS LOCK, était plus taillé pour une écoute attentive, chez soi. Pourquoi ce revirement et quel était votre état d’esprit au moment de la conception de l’album ?

Yasutaka Nakata : L’album précédent était effectivement fait pour être écouté tranquillement chez soi, devant une chaine hi-fi de bonne qualité. Par contre, pour les concerts, le choix des morceaux joués est primordial, que cela soit au niveau des breaks plus soft et des chansons qui font bouger. Quoi que pensent ceux qui écoutent nos albums chez eux, nous avions besoin de chansons auxquels nous puissions nous fier en live. Nous avons donc choisi de faire l’inverse et de produire plus de nouvelles chansons festives afin d’obtenir un album rafraîchissant.

Monsieur Nakata, vous avez cultivé un certain mystère autour de vos productions, on ne sait pas forcément à qui appartiennent les voix utilisées dans vos chansons, les paroles ne sont pas dans les livrets… C’est un peu comme si la voix et le texte n’étaient pour vous que des matières premières que vous utilisez dans vos productions comme n’importe quel son, en fait. Du coup, quelle est la place du chant et des paroles dans l’oeuvre de Capsule ?

En fait, il n’y a pas grand chose que je souhaite transmettre par les mots, dans ma musique. Il existe bien des musiciens qui ont beaucoup de choses à transmettre à travers les mots, mais ce n’est pas mon cas. Les paroles sont essentielles, mais plutôt que de dire ce que j’ai envie de dire, j’utilise les mots pour que le flow de ma musique charme l’oreille de celui qui l’écoute. Je choisis donc mes mots afin de les mettre en résonance avec le morceau, et ensuite j’écris mon texte. En réalité, le chant et les paroles sont effectivement au même niveau que n’importe quel son de la musique.

Vous avez produit beaucoup de chansons à succès pour des artistes populaires comme Perfume, Kyary Pamyu Pamyu ou Ami Suzuki, mais malgré les styles très variés de chacun d’entre eux, on arrive toujours à reconnaître votre patte, votre son. Comment définissez-vous la « touche Nakata » ?

C’est un peu tout ce que j’ai fait pour Capsule auparavant, un genre d’électro-pop légère avec pas mal de synthé et un bon rythme.

A l’exception de quelques titres, vous produisez majoritairement des artistes féminines. Est-ce que c’est parce que les voix masculines sont trop difficiles à adapter à votre univers ?

Je ne me limite pas vraiment, mais c’est vrai que Perfume ou Kyary Pamyu Pamyu sont des artistes à l’image forte. Je produis aussi des hommes, mais quand je cherche à sortir du lot, c’est souvent avec des chanteuses féminines que je m’illustre, notamment parce qu’elles ont une voix plus facile à utiliser, et parce que les personnes dont l’image s’évoque facilement à l’écoute ne sont pas nombreuses. Maintenant, ce n’est pas pour autant que j’exclue les hommes de mes productions…

D’ailleurs, Toshiko, comment est-ce de travailler avec M. Nakata ? Est-ce qu’il est exigeant, est-ce que c’est compliqué ?

Toshiko Koshijima : Il est très strict ! (Rires) Il ne nous complimente pas vraiment, il ne nous gronde pas non plus et ne nous donne pas de directives, donc c’est une sorte de sévérité silencieuse…

Toshiko, avec quel morceau avez-vous eu le plus de difficulté à travailler ? Et pour vous M. Nakata, quel morceau a été le plus difficile à composer ?

Toshiko : Je ne sais pas vraiment laquelle a été la plus dure à chanter, mais quand nous allons au karaoké, les chansons de Capsule sont tellement difficiles que c’en est douloureux ! (Rires) Dans l’ensemble, elles sont toutes assez complexes.

Nakata : Pour ce qui est des chansons, ce sont celles qui doivent apporter quelque chose de nouveau qui sont difficiles à écrire. Une fois qu’on en a composé une, en faire d’autres devient facile. Du coup, c’est plutôt quand il est question de faire un nouvel album pour Capsule que c’est le plus difficile. Généralement, j’ai juste à suivre un schéma bien précis pour concevoir une chanson, mais la première chanson d’un nouvel album est vraiment difficile.

Le Japon est le deuxième plus gros marché musical du monde, et pourtant, à ce jour, aucun artiste japonais n’a réussi à s’imposer commercialement, à devenir mondialement connu et à vendre des CDs à l’international. Beaucoup d’artistes japonais expliquent ça par la barrière de la langue. Pourtant, l’électro, finalement, n’est pas aussi impactée puisque les paroles y sont souvent secondaires. Qu’est-ce qu’il manque aux artistes japonais, en électro ou ailleurs, pour enfin obtenir le succès qu’ils méritent ?

La raison pour laquelle les musiciens japonais n’arrivent pas à dépasser leur frontières, c’est que le marché japonais représente la moitié du marché mondial, donc conquérir le marché japonais revient à conquérir la moitié du globe. Mais avec l’émergence des média web comme YouTube, les artistes japonais commencent à revoir leurs frontières.

Vous pensez donc que le problème vient du fait que les japonais composent uniquement pour le marché japonais ?

Plutôt que pour le marché japonais, ce sont des morceaux qui sont conçus pour marcher là où l’artiste habite, car majoritairement les artistes se disent qu’ils ne connaissent pas les tendances, ce qui marche dans les autres pays simplement parce qu’ils n’y ont pas vécu. Donc même s’ils voulaient faire quelque chose pour l’étranger, ils ne sauraient pas vraiment comment le faire.
En pratique, on peut s’apercevoir qu’il y a en réalité un énorme engouement pour la scène électro. En se laissant porter par ce courant, en travaillant comme d’habitude, sans y réfléchir, le monde s’élargit parfois énormément et facilite la création, surtout si on fait des paroles en anglais puisque c’est la langue qui prévaut sur la scène internationale. On ne se rend pas forcément compte de cette transformation : par exemple on lance un événement dans un club, on est à l’épicentre, mais ce n’est pas là qu’on va pouvoir l’observer. Pour ça il y a internet, et c’est là que l’on peut voir le changement s’opérer, je pense. En terme d’opportunité, c’est surtout une affaire de timing, et je crois que ça vaut aussi pour nous : si l’occasion se présente, je ferai de mon mieux pour la saisir.

Merci Capsule d’avoir répondu à nos questions !

 

Remerciements à Capsule pour leur temps, à Charlotte Naudin et au staff de Moshi Moshi Nippon Festival pour la mise en place de cette interview.

Questions par Kévin Petrement, interview faite par Laure Ghilarducci.

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