Le Japon des traditions : à la découverte des temples
Voilà un sujet qui évoquera probablement quelque chose à la majorité d’entre vous. S’il ne fait aucun doute que, de nos jours en occident, le Japon est devenu indissociable de sa culture populaire, animes et mangas en tête, il s’agit aussi d’un pays de tradition avec une culture classique encore bien vivace. Parmi les éléments de cette culture classique Journal du Japon se penche aujourd’hui de plus près sur les temples.
Une distinction s’impose
Le mot temple désigne un lieu de culte en général qu’il soit un édifice où l’on célèbre un dieu grec, romain ou hindouiste. Il est abondamment utilisé quand il s’agit de parler des bâtiments religieux en Asie. Voilà pour les bases, rentrons maintenant dans les détails. Il existe deux grandes familles de temples au Japon : les sanctuaires shintô ou Jinja, lieu de résidence d’une divinité ou kami, et les temples bouddhistes ou Otera.
Le territoire japonais compte plus de 80 000 Jinja. De taille et d’importance variable chacun rend hommage à un dieu mais les kamis les plus notables (Inari, Hachiman, Tenjin…) sont bien sûr célébrés dans plus d’un temple, voire davantage : Inari, par exemple, a plus de 30 000 sanctuaires qui lui sont dédiés !
En ce qui concerne les Otera, leur but est de rendre un culte à Bouddha mais aussi aux bosatsu, des humains ayant réussi à stopper le cycle des réincarnations en atteignant l’éveil et décidant de rester dans notre monde pour aider les mortels à suivre leur voie. L’équivalent des saints dans la chrétienté.
Les temples bouddhistes ne sont pas en reste au niveau du nombre car on en recense autour de 75 000 au Japon.
Un petit peu d’histoire
Les Jinja sont les lieux de culte les plus anciens du Japon. Les premières traces remontent à la période Yayoi (de -300 à 300 après J.C.) même s’ils avaient alors une forme assez différente. En effet, en ces temps reculés il s’agissait de choisir un objet (souvent un arbre) pour en faire un yorishiro, un objet supposé attirer l’esprit du kami pour qu’il s’y manifeste et s’y incarne. Si cela ce produit le yorishiro devient alors un shintai (le corps du kami). Il s’agissait, alors, de cultes très locaux : chaque village ou chaque communauté vénérait un dieu dont il ou elle avait senti la présence dans la nature.
L’arrivée du bouddhisme au VIe siècle au Japon, par une ambassade venue de Corée, et la construction de temples consacrés à la pratique de cette nouvelle religion va pousser les Jinja à évoluer, et à prendre l’allure qu’ils ont aujourd’hui. S’inspirant en partie de l’architecture des Otera on construit des bâtiments destinés à créer des lieux de prières aux dieux indigènes de l’archipel, que l’on veut bien délimités et surtout plus structurés. Au-delà de l’aspect tangible des sanctuaires, c’est tout le shintô qui va chercher un nouveau souffle pour s’élever face à cette religion venue de l’étranger avec déjà une multitude de textes, de rituels, de codes et une organisation poussée.
Le premier temple bouddhiste a été construit sur le territoire durant ce même siècle mais il n’en reste malheureusement rien aujourd’hui. Le plus ancien encore debout est donc le Asuka-Dera à Nara construit à cheval entre le VIe et le VIIe siècle. Un siècle plus tard, le bouddhisme deviendra la religion officielle du pays et les constructions de temple vont se multiplier.
Le symbole de cette époque est sans nul doute le Tôdaiji. Commandé par l’empereur Shômu au début du VIIIe siècle le Tôdaiji est et reste le plus grand temple japonais. Le but de ce complexe monumental qui inclut le Daibutsu (statue de Bouddha de 15 mètres autrefois recouverte d’or et qui est resté la plus grandiose pendant des siècles) était de montrer haut et fort l’attachement du Japon pour l’enseignement bouddhiste. L’autre but était également de servir de centre administratif pour les autres temples du pays.
Au-delà de l’aspect religieux, les temples bouddhistes vont jouer un rôle majeur dans l’histoire du pays car des écoles vont y être ouvertes, seul moyen pour le peuple d’apprendre les rudiments de la lecture, de l’écriture et du calcul jusque-là réservés à la noblesse. De plus, les moines de ces temples avaient également comme prérogative de tenir des registres des naissances, mariages et décès… Le premier état civil japonais.
Au fil du temps, des pratiques et rituels se sont développés autour de ces structures dont beaucoup sont restés pérennes jusqu’à aujourd’hui.
Qu’en est-il de nos jours ?
Il est intéressant de marquer une différence ici. Alors que, dans notre pays, il semble que la fréquentation des églises par les jeunes soit en déclin, cela n’est pas le cas au Japon. Il existe en effet une multitude d’occasions de se rendre au temple ou au sanctuaire que la majorité des Japonais ne manquent pas d’honorer.
La première occasion d’une vie est le miyamairi (visite au sanctuaire). Cette cérémonie tenue dans les sanctuaires shintô se rapproche assez de ce que nous connaissons avec le baptême chrétien. Le nouveau-né, âgé de 31 jours pour les garçons et 33 pour les filles, est entouré de ses parents et de la famille proche et se rend au sanctuaire pour être présenté aux dieux. Le prêtre procède alors à une prière et béni l’enfant. Il n’est pas rare de voir des Japonais retourner au sanctuaire où ils ont effectué leur miyamairi lors des étapes importantes de leur vie, pour présenter leur conjoint ou formuler une prière particulière, par exemple.
La cérémonie religieuse du mariage est aussi, le plus souvent, célébrée dans un Jinja. Contrairement à la tradition chrétienne où tous les convives du mariage, amis et famille, sont conviés à l’église, le mariage shintô se déroule uniquement en présence de la famille.
En ce qui concerne les rites funéraires, il s’agit là du rôle des temples bouddhistes et ce quasiment depuis l’introduction de cette religion il y a 1500 ans.
Au déjà de ces grandes étapes de la vie il existe de multiples occasion de se rendre au temple. Concernant les sanctuaires ils sont le lieu des prières ponctuelles que l’on effectue pour solliciter aux dieux bonne fortune et protection. Les étudiants qui vont prier Tenjin, considéré comme le dieu des études avant leurs examens, en est un bon exemple.
On en profite en général pour acheter un omamori (talisman de protection) ou tirer un mikuji (morceau de papier sur lequel est écrite une prédiction pour l’avenir). Il existe enfin des moments incontournables comme le hastumôde. Ce mot désigne la première fois de l’année où l’on se rend au sanctuaire, le 1er janvier bien souvent. Il est important de noter que chaque sanctuaire possède des rituels qui lui sont propre avec une occurrence propre, elle aussi.
Il y a tout autant d’occasions de se rendre au temple bouddhiste mais cela revêt une portée différente, car si les Japonais voit plus le shintô comme une tradition le bouddhisme, lui, est bien une religion. Les cérémonies tenues au cours de l’année dans les temples sont alors davantage réservées à ceux qui y sont versés. Une exception cependant : le obon, équivalent de la Toussaint dans la chrétienté où il s’agit de rendre hommage aux disparus.
Enfin, les temples et sanctuaires sont également des attractions touristiques majeures. Bien en dehors de tout aspect religieux, les visiteurs se massent autour des édifices les plus célèbres pour les admirer ou en visiter les jardins.
Si l’on dit souvent du Japon qu’il s’agit d’un pays à cheval entre tradition et modernité, il apparaît que ces lieux sont à l’image de cette dualité. Les temples, qu’ils soient bouddhistes ou shintô, ont su maintenir une place centrale dans la vie de la population. Il va sans dire que la popularité et la considération des lieux de culte sont directement liées à la façon dont le peuple en question appréhende la chose religieuse. Or le rapport du peuple japonais face à la religion est un sujet complexe… et nous aurons l’occasion de développer une prochaine fois !
Photos Ludovic Bonnefoy © Journaldujapon.com
1 réponse
[…] 30 minutes à pied semble dérisoire. En plus de ça, le parcours est joli car il y a plusieurs Otera (temples) sur le chemin et même un marché […]