20 ans d’Evangelion et 30 ans de Gainax, retour sur une saga culte et son studio

L’année 2015 est assurément l’année Evangelion. Dans l’œuvre elle-même déjà, puisque c’est à cette date que débute le récit, mais également dans notre présent bien réel car nous fêtons les 30 ans du studio Gainax ainsi que les 20 ans de la série. Cet anniversaire ne manque pas d’être fêté comme il se doit via divers événements à travers le monde.

En effet, Yōko TAKAHASHI, l’interprète de l’opening de la série et du thème des premiers films, est venue à Los Angeles pour la convention Anime Expo et la France a, quant à elle, accueilli pour la seconde fois Yoshiyuki SADAMOTO en tant qu’invité d’honneur anime au salon Japan Expo. Une exposition dédiée à Evangelion était également présente sur ce même salon.
Pour faire le point sur cette série mythique ainsi que sur son studio d’origine, nous donnerons ce soir la parole à Otaking, fondateur du site Gainax.fr.

image Une 20th evaEvangelion, une série qui traverse les âges

Journal du Japon : Pour te présenter, pourrais-tu nous dire quelles sont tes activités par rapport au studio Gainax ?
Otaking
: Né au début des années 80, j’ai grandi en regardant des animes tels Cat’s Eye, Wingman, Touch, Les Quatre Filles du Docteur March, Magie Bleue, pour ne citer qu’eux. Mais c’est en découvrant la série télévisée Nadia, le Secret de l’Eau Bleue que je me suis découvert une passion pour l’animation japonaise.

À l’époque, on ne revendiquait que rarement l’intérêt que l’on portait aux dessins animés en général et si tu n’aimais pas Dragon Ball Z, tu étais considéré comme hasbeen. Je pensais également qu’il n’existait pas de produits dérivés autres que pour des titres au succès populaire comme Dragon Ball Z ou Saint Seiya. J’ai alors découvert, au hasard d’une lecture dans un magazine de jeux vidéo, une publicité pour la librairie japonaise Junku qui mettait en avant la première série télévisée du studio Gainax. Avec l’arrivée au Japon de Neon Genesis Evangelion, j’ai commencé à m’intéresser à l’équipe technique et petit à petit au studio qui se cachait derrière.

Ma passion grandissante, j’ai profité de la démocratisation d’internet en France pour partager cet intérêt pour ce studio hors norme. J’ai lancé la première ébauche de ce qui allait devenir le site francophone de référence en août 2005. Mais il faudra attendre quatre ans pour que Gainax.fr soit connu et reconnu par les Japonais malgré son statut non officiel. Une reconnaissance qui a permis à la petite équipe du site de se motiver encore plus pour faire évoluer et grandir ce site.

À présent, je suis en contact avec Hiroyuki YAMAGA (président et réalisateur) et Takami AKAI (co-fondateur et producteur) ainsi que d’autres membres du studio tel que Yasuhiro TAKEDA (co-fondateur et producteur). Pour l’anecdote, je suis également en contact avec des personnes du studio Trigger et dans une moindre mesure avec le studio khara.

Si la barrière de la langue est un véritable frein dans nos échanges, nous arrivons toutefois à rester en contact. Une confiance mutuelle entre les membres du studio Gainax et l’équipe de Gainax.fr a vu le jour au fil des mois. Notre objectif premier est de promouvoir leur travail et ces derniers, malgré les contraintes administratives et législatives, en sont bien conscients. Toutefois, ils nous en dévoilent parfois bien plus qu’ils ne devraient. Notre politique éditoriale étant assez stricte, nous essayons toujours de respecter nos interlocuteurs et de ne dévoiler les informations seulement après leur approbation.

 

Hideaki ANNO a fondé son propre studio pour continuer le développement de son titre culte avec la saga Rebuild of Evangelion. Qu’est-ce que ça a changé selon toi sur la série ?
Pour ma part, cette saga est et doit rester indépendante de la série originelle. Avec ses nouveaux longs-métrages, Hideaki ANNO voulait rendre Evangelion plus clair et plus compréhensible, ce qui dans un sens aurait dénaturé l’œuvre originelle. Mais il n’a pas tenu sa promesse puisqu’à l’heure actuelle de nombreuses interrogations planent toujours.

Lorsque l’on regarde bien le cheminement de production, on se rend bien compte que cette tétralogie est le résultat d’une improvisation qui caractérise bien le réalisateur. Hideaki ANNO n’a cessé de modifier ce projet à tel point que le studio khara en est actuellement à huit ans de retard sur le planning d’origine. Chaque films a son identité, son histoire mais aucun d’entre eux ne semble cohabiter harmonieusement et le troisième film me conforte dans ce raisonnement. Pour autant, je ne peux pas leur retirer leur qualité technique irréprochable.

Japan Expo a mis à l’honneur la série Evangelion via une exposition, qu’as-tu pensé du contenu proposé par le salon ?
J’ai trouvé cette exposition assez pauvre en contenu et en informations pour un événement tel que les vingt ans d’Evangelion. En 2013, le studio khara, représenté par Yasuhiro KAMIMURA, proposait une exposition bien plus complète et attrayante.
Si l’idée d’immeubles hébergeant certains objets plus ou moins collectors était ingénieuse, j’ai toutefois ressentit l’espace comme étant assez creux. Il me semble même que les personnages en carton de Shinji et Rei n’ont fait leurs apparitions qu’à partir du samedi. Toutefois, ne crachons pas dans la soupe, il y a encore quelques années nous n’aurions jamais pu espérer une telle chose. Ce titre a besoin d’événements comme celui-ci pour traverser les générations.

 

Un studio qui souffle ses trente bougies

Parmi les studios qui ont découlé de Gainax, il y a aussi Trigger, cofondé par Hiroyuki IMAISHI. C’est pour l’instant encore un studio très jeune, mais qui vient de faire ses preuves avec le délirant Kill la Kill. Est-ce qu’on peut s’attendre à un parcours aussi riche que celui de Gainax dans les années à venir ?
Si Gainax a profité d’une période faste au début des années 80, le studio Trigger ne peut pas en dire autant. L’animation japonaise est en crise depuis plusieurs années déjà et la recrudescence de petits studios d’animation au Japon n’arrangera certainement pas la situation. Si ces derniers peuvent avoir le sentiment d’être plus indépendants,  ils n’auront pas les reins assez solides pour s’imposer face aux grands studios.

trigger-news-822x512Quand on regarde bien la filmographie du studio Trigger, on ne peut que constater que le doux rêve de liberté créative qu’ils annonçaient – lors de nos différents entretiens disponible sur Studio-Trigger.com – était assez illusoire. Mis à part Little Witch Academia (et sa suite), la société n’a brillé qu’avec Kill la Kill, qui n’est selon moi qu’une pâle copie de Gurren Lagann, même si elle reste un excellent divertissement. On peut toutefois fois y voir de l’audace avec Inferno Cop et Ninja Slayer (l’innovation en moins) mais ce ne sera pas ce genre de titres qui permettront de faire survivre une si petite structure comme en témoigne l’adaptation du light novel, Inō-Battle within Everyday Life, et les diverses réalisations de spots publicitaires. Après, il serait hasardeux de comparer les studios Trigger et Gainax tant les époques et finalement les objectifs s’en éloignent.

En tout cas, nos relations avec le studio sont excellentes, ils ont bien compris qu’il fallait également s’ouvrir vers l’Occident. Nous avions même mis en relation la société Black Box en 2013 pour espérer voir Little Witch Academia sur support physique en France, mais le projet n’est pas allé plus loin qu’un repas dans un restaurant parisien. De notre côté, la gestion du site Studio-Trigger.com lancé en 2011 est une charge bien trop lourde pour notre petite équipe. Nous avions mis la barre bien trop haut en le proposant en version trilingue. Il n’est d’ailleurs plus mis à jour depuis un certain temps.

 

Pour beaucoup, Gainax c’est avant tout des productions animés. C’est pourtant également des films live et des jeux vidéo qui ont toujours été présents au sein du studio. Ces deux supports continuent aujourd’hui encore d’être développés ?
C’est exact, Gainax s’est fait connaître pour ses animes mais à l’origine du studio ce sont bien des productions en prises de vues réelles. Les membres fondateurs sont pour la plupart des fans du genre Tokusatsu. Ce n’est donc pas une surprise de voir Hideaki ANNO adapter un nouvel épisode de la saga Godzilla au côté de son ami Shinji HIGUCHI à qui l’on doit la réalisation du film live de L’Attaque des Titans.

EA rock 01Avant de se lancer réellement dans l’animation, ils avaient réalisé quelques métrages en prise de vues réelles tels que Aikoku Sentai Dai Nippon – une parodie de séries connues en France comme Bioman ou Power Rangers –, Kaiketsu Nōtenki – qui connut trois suites – mais surtout Kaettekita Ultraman, un hommage à l’œuvre  culte d’Eiji TSUBURAYA, dont le héros n’est autre que Hideaki ANNO et Yamata no Orochi no Gyakushū, inspiré de la légende du serpent à huit têtes. Récemment, Gainax a voulu renouer avec le passé en produisant EA’s Rock, la première série télévisée live du studio, et Negiman, héros imaginé par Takami AKAI pour le lancement de son festival à Yonago.

Concernant les jeux vidéo, c’est cette activité qui a permis au studio de survivre après la production de la série télévisée Nadia – The Secret of Blue Water. Gainax n’est alors que sous-traitant pour ce titre, malgré qu’il soit en charge de toute la production, et ne touche alors aucun bénéfice. Les caisses se sont remplies uniquement grâce la vente d’un jeu vidéo adapté de la licence. Parallèlement, Takami AKAI crée la saga à succès Princesse Maker, une série de jeux vidéo de simulation mettant en scène une jeune fille dont le joueur doit gérer son éducation pour en faire une princesse.
Plus récemment, c’est Rāmen no Megami, un jeu reprenant le concept de Princess Maker, qui a été mis à la vente au mois de juillet 2015.

 

Quel est le futur projet du studio que tu attends avec le plus d’impatience ?
Uru in Blue bien sûr. Voilà des années que ce projet fait rêver les fans du studio Gainax. J’ai beaucoup d’espoir pour ce second long-métrage réalisé par Hiroyuki YAMAGA, le président actuel du studio. Ayant toutefois une préférence pour le format série télévisée, j’attends également avec impatience Akubi o Suru ni wa Wake ga Aru, une production originale proposant notamment le retour chez Gainax de Yoshiyuki SADAMOTO en tant que character designer.

En conclusion, j’attends avant tout un titre qui renoue avec le succès et qui soit suffisamment fédérateur comme l’ont été à leur époque des titres tels Nadia, Evangelion ou encore Gurren Lagann.

 

La flamme de la passion par delà les frontières

En avril dernier, sur le salon Cartoonist, tu célébrais déjà les 30 ans du studio avec un stand nommé Gainax Museum. D’où vient cette idée ?

Pour les trentenaires et plus, le Cartoonist est le symbole de la convention chaleureuse et conviviale. Adolescent, je m’étais promis d’y participer un jour en tant qu’exposant avec mon propre fanzine. Malheureusement, le salon a disparu peu après et pour de longues années. En 2013, pour son grand retour, je suis entré en contact avec Olivier GILBERT, le créateur du Cartoonist. Cette édition anniversaire qui se déroulait à Nice, ville dans laquelle je vis depuis près de quinze ans, aurait dû proposer une exposition dédiée au studio Gainax. Mais le projet n’a pas pu voir le jour pour diverses raisons.

Finalement, à l’annonce d’une nouvelle édition se déroulant à Montpellier, je me suis décidé de prendre un stand de 6 m² pour réaliser une exposition à l’occasion des trente ans du studio. Ce fut pour notre petite équipe, une première expérience en tant qu’exposant et un investissement coûteux. Toutefois, nos actions ne doivent jamais générer de profit, cela fait partie de notre politique.

 

Que pouvions-nous trouver sur ton stand ?
Les visiteurs, qui furent plus nombreux que je ne l’aurais imaginé, pouvaient y trouver de nombreuses choses malgré une surface minimaliste pour une exposition. Nous avions toutefois l’un des plus grands stands du salon.

La première chose qu’apercevaient les personnes en passant devant notre stand était un ensemble de 24 tableaux, représentant la quasi-totalité des productions du studio Gainax. Nous avions à côté de cette espace un meuble présentant des figurines, des artbooks et autres coffrets DVD. Les visiteurs pouvaient alors s’imaginer dans une chambre d’otaku ! Un écran diffusait également les openings et endings des productions Gainax permettant de mettre un peu d’ambiance.

Nous avions aussi réalisé de nombreux goodies tels que des badges ou encore des cartes postales. Des séances de dédicace étaient prévues avec le jeune auteur et illustrateur montpelliérain Paka – qui signa la toppage de notre site internet en aout 2014 et qui fut reproduit au format carte postale.

Made in Gainax coverMais ce qui nous tenait le plus à cœur, en plus de l’exposition, c’était la mise en vente d’un petit ouvrage intitulé Made in Gainax : L’animation selon Hiroyuki YAMAGA. Proposé en exclusivité sur le salon, Made in Gainax permet de découvrir la production d’un anime, de son concept à son exploitation, via le discours du président du studio Gainax.
Olivier FALLAIX, véritable encyclopédie de l’animation nippone en France et ancien rédacteur en chef du magazine Animeland, nous a même fait l’honneur de rédiger une préface exposant brièvement l’histoire de l’animation japonaise. Je profite de l’occasion pour préciser que cet ouvrage sera prochainement disponible à la vente sur internet et surement dans quelques librairies spécialisées d’ici septembre.

 

Rendez vous sur Gainax.fr pour tout savoir du célèbre studio et sur la page Facebook de Sekai Project France pour suivre l’actualité des studio Trigger, khara et Gainax.

Merci à Otaking pour son temps et ses réponses.

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

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