Voyage au Japon : récits intimes

Journal du Japon vous présente souvent des guides de voyage et autres livres pour vous aider à préparer un futur voyage au Japon ou à rêver à ce pays. Mais il existe d’autres ouvrages, plus intimes, ceux qui racontent un voyage intérieur, un parcours personnel, un itinéraire parcouru d’ombres et de lumières, ayant pour toile de fond le Japon. Nous vous proposons deux récits intimes pour vivre le Japon différemment.

Les deux ouvrages ont un point commun, une destination commune : le Japon. Dans le premier, il est un pays qui se traverse à moto, une source d’apaisement, un peu, d’inspiration, beaucoup. Dans le deuxième, il est lieu de pèlerinage (celui de l’île de Shikoku), de connaissance de soi et de rencontre des autres. Deux livres émouvants, inspirants, à découvrir pour partager un autre Japon.

Nos voyages intérieurs – Vers une renaissance au Japon, de Claire et Reno Marca

Nos voyages intérieurs : couvertureAutomne, baie de Kumihama dans la préfecture de Kyoto, temple Nyoiji. C’est là que Claire et Reno sont arrivés, sillonnant le Japon à moto. Claire demande au prêtre de prier pour son mari. Les larmes coulent, affluent encore et encore. L’occasion de remonter le temps et de le dérouler en trois séquences de sept ans.

Trois fois sept ans …

Tout commence en 1996, Claire et Reno sont étudiants en architecture d’intérieur et design à Paris. Elle a déjà beaucoup voyagé, travaillé dans l’humanitaire. Reno, lui, n’est pas voyageur, en tous cas pas à cette époque. Mais les projets de voyage s’installent dans leurs têtes pendant qu’ils travaillent et mettent de côté. Ce sera un grand voyage de trois ans entre 2000 et 2003, de l’Afrique au Pacifique, « unpeuplusloin ». Claire tient la plume, Reno les pinceaux ou l’appareil photo. En Afrique, ils font avec l’imprévu, l’inconfort. En Chine, ils sont chez les Ouïgour en 2001 et ne peuvent pas rejoindre le Pakistan après le 11 septembre. Mais ce ne sont pas les pays à découvrir qui manquent. En Australie, ils dorment et cuisinent dans leur combi, travaillent dans une ferme maraîchère. Petit à petit germe l’idée d’un livre.

« Étions-nous des explorateurs, des aventuriers ou des touristes ? Un peu des trois sans doute. Notre exploration était intérieure. Nous explorions nos frontières pour nous découvrir nous-mêmes. Aller voir chez les autres, c’est aussi savoir d’où l’on vient. »

Ce livre s’écrira dans le cabanon au fond du jardin des parents de Reno, en Bretagne. Intitulé Trois ans de voyage, il fait plus de trois cents pages et deux kilos quatre cents. Et les voyages s’enchaînent, Madagascar (livre paru en 2007), l’Algérie. Et en parallèle l’achat d’une vraie maison chauffée !

Leurs ouvrages rencontrent de beaux succès, les lecteurs font part de leur enthousiasme.

« Faire du livre un témoin à transmettre. Que notre expérience ne se cantonne pas à un souvenir étroit que l’on garde pour soi. Qu’elle donne l’envie de cheminer, d’aller vers l’autre. Et à travers lui se découvrir peut-être un peu soi-même. Qui sait ce qu’un texte peut éveiller ? Entamer un livre, c’est prendre le risque d’être un autre en le refermant. D’ouvrir une porte dont on ne sait où elle mène. D’accepter que demain ne soit plus tout à fait pareil qu’aujourd’hui. »

Mais il arrive que le voyage s’arrête net. Après le Yemen en 2010, Reno est attrapé par la maladie. Cinq opérations en cinq mois, une main paralysée, les salles d’attente, les chambres d’hôpital, puis la thérapie de la canne à pêche, et reprendre enfin la route. Sultanat d’Oman, Dubai, Inde à la recherche des boutres, ces superbes bateaux indiens. Le livre s’appellera Journal de la mer d’Arabie. Puis Zanzibar, Dans le sillage de Sinbad. La rechute, mais l’Algérie quand-même et un livre gourmand (L’Algérie gourmande).

Au fil du récit (qui passe des voyages colorés au blanc, gris, noir de la maladie), les photographies d’objets rapportés et les peintures de Reno gorgées de couleurs et d’humanité donnent au lecteur l’impression de partager ces bouts du monde, ces rencontres (les portraits sont particulièrement touchants).

Puis arrive le Japon …

La vie est là, mais la crainte aussi. Ne jamais cesser de s’émerveiller, continuer de croire que tout est toujours possible. Repartir …

« Il fallait pour cela s’offrir une terra nullius sur laquelle notre esprit ne trouverait nul terreau familier. Un univers placide où nos émotions fragiles seraient ménagées de trop d’agitation. Un territoire où apprendre des autres pour nous retrouver aussi. Un onguent géographique en quelque sorte. De Bretagne, le Japon nous semblait répondre à tous ces critères, et à bien d’autres encore. On y pratiquait d’ailleurs le zen. Une branche du bouddhisme dont l’exercice offrait, par exemple, de clarifier l’esprit de ses tourments, de taire son ego et d’être présent ici et maintenant. Une société tout entière s’en imprégnait au quotidien depuis des siècles. Mieux qu’un onguent, le Japon serait notre baume. »

Reno aime les artistes japonais, et Mathurin Méheut, breton qui a peint le Japon. « Le Japon est un fantasme d’artistes voyageurs ».

Nos voyages intérieurs : pages intérieures, maisons japonaisesLes déambulations commencent par la ville, ses petites maisons que Reno peint à merveille et ses habitants qu’il croque en quelques coups de crayon. Puis elles se poursuivent autour de l’eau, dans la beauté des jardins japonais qui apaisent les peines, sont un vrai baume végétal.

Les carpes koï à l’encre sépia sont d’une beauté irréelle !

« Je voudrais être une feuille d’érable qui se détache de la branche, tombe dans un lent mouvement de valse pour se poser délicatement sur un tapis de mousse. »

Puis le voyage se poursuit la tête dans les étoiles, entre temples et sanctuaires cachés dans les forêts de pins. Le rouge et le vert plongent le lecteur au cœur du Japon des dieux. On pourrait presque voir un kami dans le coin d’une peinture !

Voyager au Japon, c’est aussi se perdre dans la nature, rouler à moto dans la campagne, capter l’atmosphère, humer les odeurs de châtaignes grillées, d’humus, de cuisine.

Nos voyages intérieurs : pages intérieures, biche à NaraC’est également croiser des cerfs sika et des biches, des chèvres saro, et des carpes qui inspirent la sérénité. C’est se confronter à la majesté d’un pin respecté comme un vieux sage.

Ces pins, Reno les peints avec une minutie impressionnante. Ils servent même de fond pour des portraits de Japonais aux visages émouvants, marqués par le temps.

Un livre qui vous emmènera loin, au Japon et ailleurs, et loin aussi dans votre réflexion sur la vie, sa fragilité, sa beauté.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Le pèlerin de Shikoku – Un chemin d’éveil au Japon, de Thierry Pacquier

C’est à un autre voyage intérieur que Thierry Pacquier convie le lecteur. Ce kiné arrive de Nouvelle-Calédonie pour faire le pèlerinage de Shikoku en une quarantaine de jour en mars 2016. Il en a déjà fait un petit bout en quatre jours quelques années auparavant. Mais c’est un tout autre challenge qui l’attend. Cet adepte de la randonnée, qui a déjà fait des treks dans l’Himalaya et des retraites de méditation (onze heures par jour pendant dix jours dans les Blue Mountains d’Australie), est heureux de démarrer cette nouvelle aventure. Un long périple de mille deux cents kilomètres qu’il livre au lecteur dans toutes ses dimensions : description des paysages, récit de rencontres, éléments sur son état physique et mental.

Le livre est découpé en parties qui coïncident avec les préfectures de l’île et le cheminement du pèlerin vers l’Éveil et le Nirvana : Tokushima, le chemin de l’Éveil, Kochi, le chemin de l’Ascèse, Ehime, le chemin de l’Illumination, Kagawa, le chemin du Nirvana, et enfin, sur Honshu, Koyasan, le chemin du retour.

Le lecteur accompagne le narrateur pas après pas, sur des chemins entre mer et montagne, entre ville et campagne, dans chaque temple où il prie, dans chaque auberge où il mange et dort, dans chaque onsen où il aime reprendre des forces en s’immergeant pendant de longs moments réparateurs.

Le chant des oiseaux, la couleur des arbres, de la mer, du ciel, tout est décrit avec précision et accompagné de poèmes de Santoka particulièrement bien choisis, qui font écho de manière impressionnante au récit du marcheur. Il faut dire que ce moine zen vagabond a beaucoup marché et a su capter dans ses haïkus ses expériences de voyage très similaires à celles de Thierry Pacquier. Car en dehors du béton des villes et des murs anti-tsunami, les forêts résonnent des mêmes bruits, exhalent les mêmes parfums à des dizaines d’années d’intervalle.

Dès les premiers pas, les premières pages, il se dégage du livre une atmosphère mêlant nature et spiritualité, qui enveloppera le lecteur tout au long de sa lecture. Car malgré les douleurs physiques (les pieds dans les chaussures qui le font terriblement souffrir au début), la fatigue, la pluie qui le trempe jusqu’aux os, cette marche n’est pas une simple prouesse sportive. Elle est une quête, un cheminement spirituel.

« Je finis par atteindre le porche d’entrée du temple. Le sol est tapissé de graviers blancs. D’immenses cèdres centenaires, gardiens indestructibles des lieux, rappellent aux pèlerins la fragilité de leur existence. Je retrouve les deux statues en bois, effrayantes et magnifiques, plantées de part et d’autre de l’entrée : les terribles Ungyo et Agyo. Le toit du portique qui les abrite, recouvert de tuiles grises, s’incurve doucement en ses quatre angles. Il est supporté par une construction sans fioriture en bois massif grisé. Je m’arrête sous le porche, salue, puis j’avance lentement vers le sanctuaire. Appelons cela un choc esthétique, un frisson, une communion, que sais-je ? Il y a des endroits qui vous transportent, vous subjuguent et vous submergent d’émotions. C’est le cas ici. »

De temple en temple, de rencontre en rencontre (de belles histoires, de véritables amitiés qui se lient avec d’autres pèlerins, japonais ou étrangers, hommes ou femmes – et même un jeune garçon qui chemine sur plusieurs dizaines de kilomètres avec sa mère divorcée, autant de portraits originaux décrits sous le prisme de l’amitié sincère, de la communion), l’auteur avance physiquement et mentalement. S’il a déjà beaucoup baroudé, il trouve dans ce pèlerinage autre chose : partage, générosité (les habitants sur le chemin qui lui offrent des « osettai » (cadeaux, offrandes au pèlerin), contemplation, liberté, force.

« Marcher à Shikoku, c’est bien sûr s’émerveiller de l’esthétisme des temples, du mystère qui s’en dégage, mais c’est aussi être touché par une simple grenouille sur un lys, par les pétales de cerisier emportés par le vent, par les tiges mortes des fleurs de lotus qui se reflètent à la surface d’une mare, parfaitement géométriques. C’est contempler le monde qui nous entoure dans sa beauté à la fois simple et sophistiquée, et prendre le temps de s’en imprégner, de s’en nourrir. »

Un pèlerinage pour une nouvelle vie … mais nous n’en dirons pas plus !

Un livre à la fois très dense en informations et en vécu pour ceux qui veulent se lancer dans ce célèbre pèlerinage (au milieu du livre se trouvent de nombreuses photographies en noir et blanc de ce périple), mais également un récit émouvant qui montre à quel point une telle expérience peut changer, bouleverser une vie qu’on croyait bien installée.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Deux livres qui vous émerveilleront et éveilleront probablement en vous une réflexion, une envie de mouvement, de voyage, de marche …

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