Mawaru Penguindrum : entre pingouins, drame et comédie en couleurs

Véritable succès dans le monde de la Japan culture, Mawaru Penguindrum est sorti simultanément en anime et light novel durant la saison estivale 2011. Bien que la version animée soit disponible chez Kaze depuis 2013, ce n’est qu’en novembre dernier que le light novel débarque enfin chez Akata. Une arrivée dans l’hexagone certes un peu tardive, mais qui prend tout son sens vu la ferveur qu’a suscité l’œuvre chez les fans.

Les raisons de cet engouement ? Une approche décalée et humoristique de sujets sérieux, tristes même, tout en puisant à foison dans les codes propres à la culture japonaise. Regardons ça de plus près…

Mawaru Penguindrum par Lily HOSHINO ©ikunichawder/pingroup

 

Les pingouins à la rescousse

Après la mort de leur parents Shoma et Kanba Takakura font tout pour vivre une vie heureuse avec leur sœur Himari, qui est atteinte d’un cancer au cerveau. Un jour alors qu’ils partent au parc aquatique, cette dernière s’effondre sans raison devant la vitrine des pingouins, avant d’être emmenée à l’hôpital où elle décède. Tandis que le monde des deux frères se brise, l’impossible se produit : Himari revient à la vie grâce… au « Penguin hat », le chapeau en forme de pingouin acheté plus tôt au parc. Mais derrière ce miracle se cache la « princesse de Crystal », une entité qui prend possession du corps de la jeune fille et conclue un marché avec les deux frères. En échange de la résurrection de leur sœur, ils doivent chercher le Penguin Drum, avec pour seul indice le fait qu’il se cache dans une « Ringo ». Pour les aider elle donne à chacun… un pingouin !

Kunihiko IKUHARA annonce donc rapidement mais avec maîtrise la couleur de l’histoire. En effet le découpage du premier épisode en trois ambiances distinctes s’avère drôlement efficace. Dans un premier temps, il nous fait partager un sentiment de joie à travers les quinze premières minutes, en exposant une belle introduction qui permet de présenter les différents personnages. On prend vite goût à l’atmosphère légère et plaisante qui semble avoir toujours régné au sein de la fratrie Takakura. Puis le réalisateur nous emporte dans une dure réalité au coté des deux protagonistes, avec un passage triste où on les voit pleurer leur sœur. Enfin, il met vite de côté cette atmosphère en faisant intervenir le personnage de la princesse de Crystal et la quête pour le Penguin Drum. Ce dernier aspect déjanté ne quittera alors plus l’histoire.

Une approche en trois ambiances donc, qui apparaît bien appropriée pour traiter de thèmes fort à travers la comédie.

Princess of Crystal par Lily HOSHINO ©ikunichawder/pingroup

 

Une histoire dramatique à dimension psychologique…

La composante dramatique de la série apparaît dès le début, avec une fratrie orpheline vivant dans une maison délabrée, seul héritage laissé par leurs parents. Kunihiko IKUHARA nous fait toutefois avaler cette pilule amère de manière très subtile. Bien que l’on réalise la tragédie qui règne chez les Takakura, on n’y prêtent pas trop attention, mais cela permet sans que l’on s’en rende compte de nous rendre ces trois personnages fort attachants. Cet aspect dramatique, et notre sentiment d’attachement, est d’autant plus renforcé lorsqu’on apprend la maladie d’Himari et le fait qu’il ne lui reste que quelque temps à vivre. Cependant ce côté bouleversant prend une autre intensité lorsque l’on voit la jeune fille s’effondrer, inconsciente, avant d’être déclarée comme morte par le médecin.


©ikunichawder/pingroup

Le drame laisse ensuite place à l’absurde avec la résurrection de la sœur par le Penguin hat et l’intervention de la princesse de Crystal, qui demande le Penguin Drum en donnant comme seul indice « Ringo ». Pour aider la fratrie dans leur quête, chacun reçoit un pingouin qu’eux seuls peuvent voir. En apparence parfaitement innocents, les « bourdes » des bestioles amènent les frères à faire différentes rencontres avec des personnages qui auront tous un lien, de près ou de loin, avec le Penguin Drum…

Ringo Oginome ©ikunichawder/pingroup

C’est ainsi que Shoma et Kanba tomberont sur Ringo Oghinome, jeune lycéenne de 1ère année du lycée pour fille Ohka Garden, qu’ils rencontrent à la station Higashi-Koenji. Ils décideront alors de la « stalker » puisque, selon la princesse de Crystal, elle pourrait les aider à trouver le Penguin Drum. Kunihiko IKUHARA ajoute alors une dimension psychologique à travers l’état d’esprit de la jeune fille et en jouant sur le mot « Ringo ». En effet en japonais, ringo (林檎) signifie à la fois pomme, mais est aussi communément utilisé comme prénom… L’introduction de Ringo par pur « hasard » via les frasques des pingouins ramène aussi sur le devant de la scène le côté dramatique de l’histoire puisque, comme nos protagonistes, elle non plus n’a pas la vie facile. En effet, elle cache une histoire tragique avec sa famille et éprouve des sentiments pour son ami Tabuki Keiju qui est aussi le professeur des frères Takakura. De plus, elle essaye de séduire ce dernier en reproduisant à la lettre ce qui est écrit sur un carnet qui, selon elle, contient l’avenir de son propriétaire. Tout cela dans l’objectif de réaliser le mystérieux Projet M, qui pourra la délivrer de ses chaines et apporter le bonheur aux personnes qu’elle aime…

Masako Natsume ©ikunichawder/pingroup

Ce projet M est d’ailleurs le moyen pour Kunihiko IKUHARA de créer un lien entre la plupart de ses personnages, et en particulier Natsume Masako. Jeune fille entourée de mystère et chef de l’association des « cœurs brisés de Takakura Kanba », elle semble se servir des ex-compagnes de Kanba pour se rapprocher de lui et utilise des « penguin ball » lui permettant d’effacer la mémoire de ses victimes, tout en cherchant par la même occasion à réaliser, elle aussi, le projet M. Ce « M » semble donc signifier une chose importante, que ce soit pour Ringo ou Masako. Mariage pour la première ? Masako pour la seconde ?… Plus on avance dans l’histoire et plus la réponse s’éclaircit.

Enfin on aura de cesse de se demander quel est le lien entre le projet M et le Penguin Drum. En particulier avec l’intérêt que suscitent ces deux éléments pour le « Penguin Force », cette mystérieuse organisation qui semble liée aux jobs de Kanba qui lui permette de subvenir au besoin de ses frères et sœur.

La Princess de Crystal ©ikunichawder/pingroup

 

…teintée d’un fond comique haut en couleur

Épaulé par le staff réuni au sein du studio Brains Base, Kunihiko IKUHARA contrebalance le côté sombre de son histoire via un ensemble comique haut en couleur. À commencer par l’introduction des fameux pingouins, qui sont la véritable pierre angulaire de l’humour de la série. Ces bestiaux aussi mignons que des peluches accompagnent en effet nos héros tout au long de leur recherche du Penguin Drum, leur naïveté contribuant au bon déroulement de l’histoire tout en ajoutant une touche de légèreté et d’absurdité de tous les instants. On repense par exemple à la scène où l’un d’entre eux se met à tuer un cafard dans la maison des Takakura avec un spray, ou à celle où un autre mange le bento que Ringo avait préparé pour Tabuki.


©ikunichawder/pingroup

Mais les pingouins ne sont pas les seuls à apporter un côté déjanté à l’histoire. Ils sont épaulés par Ringo qui, malgré tous les efforts qu’elle fait pour séduire Tabuki, ne réussit pas. Pire, cela tourne presque tout le temps au fiasco le plus total, nous dévoilant des expressions plus marrantes les unes que les autres. On y reconnait d’ailleurs le travail de l’animatrice Terumi NISHII, ici en charge de l’adaptation du chara design original de Lily HOSHINO, à travers cet aspect comique qui nous fait penser à Servent x Service, anime sur lequel elle occupait les mêmes postes. On retrouve en effet ce côté gaguesque qui, pour les deux anime, est accompagné d’un travail particulier sur les couleurs.

Des couleurs que l’on retrouve notamment avec les personnages, en particulier les diverses divagations de Ringo, ou encore l’environnement des personnages comme la maison des Takakura. Même si de l’extérieur elle parait sobre, dès qu’on y pénètre on est frappé par une myriade de couleurs, que ce soit sur les murs, la décoration, et j’en passe… Ou bien lors des différents flashbacks qui s’inspirent des lignes de train de Tokyo.


©ikunichawder/pingroup

N’oublions pas enfin la touche musicale apportée par Yukari HASHIMOTO, qui arrive à donner une impulsion nouvelle à l’anime avec un certain rythme. Ainsi lorsque la Princesse de Crystal fait appel à son « robot nounours », qui lui sert de dressing, c’est une musique digne des magical girl qui résonne et ajoute à son charisme. Des séquences contrastant avec le sérieux de ses apparitions dans la quête du Pengouin Drum et qui permettent une nouvelle fois d’alléger les thématiques fortes de la série par l’absurde. Mais la compositrice apporte aussi une certaine douceur, par exemple avec les thèmes qui couvrent, une nouvelle fois, les divagations de Ringo. Un travail qui nous fait penser à un autre des anime sur lesquels elle a œuvré, et connu pour ses thèmes musicaux, March comes in like a lion.


©ikunichawder/pingroup

 

C’est donc via ces procédés que Kunihiko IKUHARA a su rendre Mawaru Penguindrum culte au sein de la culture otaku. En abordant des sujets lourds de sens, tels que les relations familiales ou la maladie, mais au moyen d’une mise en scène comique et déjantée, accompagnée de touches musicales propres à chaque aspects de son histoire. Une réussite caractéristique de ce réalisateur qui mérite toute votre attention.

 

4 réponses

  1. Michiyo dit :

    Bonjour. Il y a une petite erreur dans l’article. L’auteur parle de Terumi Nishii au masculin, mais c’est une femme.

    • Julien Boujot dit :

      Bonjour.
      En effet, c’est tout à fait exact. L’article a donc été mis à jour en conséquence. Merci pour cette précision bien vue.

  2. Chellik fadila dit :

    Bonne analyse merci pour l’effort

  1. 26 octobre 2020

    […] temps par sa cruauté, son bouleversement des codes et des genres et son esthétisme fascinant ? Et Mawaru Penguindrum qui en 2011 a baladé les spectateurs dans ses intrigues à tiroir à triple fond, jamais avare en […]

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