STUTS : faire chanter le MPC

Pour qui suit un minimum la scène hip-hop japonaise, le nom de STUTS doit dire quelque chose. Cependant, ce talentueux producteur est souvent dans l’ombre des rappeurs avec lesquels il collabore. À l’occasion de La Magnifique Society, nous avons pu le rencontrer et mettre un peu plus en lumière son travail et sa maîtrise du MPC.

STUTS Magnifique Society

STUTS – Magnifique Society. Crédit photo : ©Thomas Hajdukowicz

Cette année encore, entre les 13 et 15 juin, le festival rémois La Magnifique Society a accordé une place d’honneur au Japon. De la pop au rap en passant par l’électro et le rock indé, il y en avait pour tout les goûts. Au total, ce sont 8 artistes et groupes nippons qui ont pu se produire sur le site du Parc de Champagne, reconfiguré pour cette troisième édition. Et cette reconfiguration spatiale leur a d’ailleurs donné une meilleure visibilité, puisque les artistes asiatiques (la Corée du Sud faisait également partie des pays invités) n’étaient plus cantonnés dans l’espace Tokyo Space ODD, mais bien répartis sur les différentes scènes. En outre, certains musiciens – notamment le groupe Yahyel ou encore YonYon – ont pu jouer des DJ sets d’une heure en petit comité dans un nouvel espace spécialement conçu pour l’occasion. En un mot comme en cent, les scènes actuelles japonaises ont à nouveau bien été représentées à Reims cette année.

Parmi les talents présents, il y en avait un pour qui ce voyage en France couronnait une année déjà bien remplie : STUTS. Il a en effet enchaîné les réussites en 2019, avec la sortie de son deuxième album, Eutopia, et la consécration par la profession puisqu’il a remporté un Space Shower Award dans la catégorie « Best groove artist« . Jeune trentenaire, l’homme est un peu timide, peut-être à cause de son fort bégaiement – d’où lui vient son nom de scène, STUTS étant une réduction du mot « stuttering », « bégayer » en anglais. C’est donc par la musique qu’il s’exprime, d’abord avec son MPC (NDLR : un sampleur séquenceur ou plus simplement une machine de composition musicale, de la société Akai) qu’il utilise prodigieusement, mais aussi en tant que producteur, puisque de nombreux rappeurs et rappeuses japonais, au premier rang desquels on trouve Punpee, KID FRESINO, Akko Gorilla, Chinza DOPENESS ou JJJ, s’arrachent ses talents. Pour sa première performance en France, il nous a offert un set énergique et éclectique, brassant des titres de l’ensemble de ses albums et EP. Le public, d’abord clairsemé, s’est rapidement approché de la scène pour pouvoir profiter de la musique distillée.

Nous l’avons rencontré peu de temps avant cette performance.

STUTS Magnifique Society

STUTS on stage – Magnifique Society. Crédit photo : ©Thomas Hajdukowicz

 

Journal du Japon : Comment décririez-vous votre musique ?

STUTS : S’il faut me labelliser grossièrement, on va dire que je fais du hip-hop. Mais je ne me restreint pas à une seule catégorie. Je suis influencé par plein d’autres musiques, et j’essaye de les exprimer à ma manière dans mes compositions. Donc je puise également énormément dans le funk, le R’n’B et le jazz.

C’est intéressant, parce qu’entre votre premier album, Pushin’, et Eutopia, on ressent une transition allant de la soul vers quelque chose de plus froid et hip-hop.

Ce premier album était constitué de mes 5 ou 6 dernières années de compositions à l’époque (NDLR : Pushin’ est sorti en 2016). C’est une palette de ce que je pouvais faire et de ce que j’aimais à cette époque. Le deuxième album est le fruit des deux années de travail après la sortie de Pushin’. Mes envies et ma direction artistique ont changé pendant ces deux années, d’où ce son différent.

Par ailleurs, sur Eutopia, j’ai travaillé avec des musiciens : les claviers, la guitare et la basse sont joués en live. On a joué mes compositions ensemble. C’est une méthode de production très différente du premier album où j’étais tout seul, ce qui joue là encore sur le rendu sonore. Ça lui donne un côté plus organique.

STUTS Magnifique Society

STUTS Magnifique Society. Crédit photo : ©Thomas Hajdukowicz

Puisque vous parlez de ça, comment est-ce que le MPC peut retranscrire la chaleur que l’on retrouve dans la soul ou le funk ?

Mon objectif, c’est de faire de la musique physique, qui fasse réagir le corps. J’évite donc de faire de la musique de machines. En live, j’utilise le MPC, j’en joue en direct, il y a une action que le public voit clairement, il y a une vraie action. C’est quelque chose que j’essaye également de transmettre dans mes albums. Et évidemment, le travail avec des musiciens instrumentistes ajoute une humanité supplémentaire.

Pour poursuivre sur vos collaborations, comment avez-vous été amené à travailler avec la crème du rap japonais actuel ?

Ces artistes sont des gens que je connaissais déjà bien avant que nous collaborions. À la base, il y a donc ces relations préexistantes. Mais il faut aussi des affinités humaines et artistiques, et il se trouve que j’aime beaucoup ce que font l’ensemble des personnes avec qui j’ai travaillé. C’est comme ça que l’on a fait de la musique ensemble. Quand je compose certains morceaux, je le fais parfois en pensant à un ou une rappeuse en particulier.

STUTS Magnifique Society

STUTS Magnifique Society. Crédit photo : ©Thomas Hajdukowicz

Les morceaux existaient avant que les rappeurs viennent poser dessus ?

Je compose d’abord sans idée préconçue. Mais une fois que le morceau commence à prendre forme, je commence à me projeter et à réfléchir avec qui je veux travailler dessus. A ce moment, j’envoie mes propositions, et en cas de retour positif, on va collaborer. On va énormément échanger. Les rappeurs peuvent me demander de modifier des parties ou des beats, pour que ça s’adapte mieux à leur flow. En retour, je demande également parfois à ce que certains textes changent pour qu’ils correspondent mieux à l’atmosphère de la musique. Il y a une vraie alchimie.

Pour finir, on va évidemment revenir sur le Space Shower Award. Est-ce que cela vous a permis de gagner en notoriété auprès du grand public ?

Comme je ne travaille pas qu’avec des artistes hip-hop, j’ai l’impression que mon public s’élargit, effectivement. Mais je ne sais pas si c’est directement lié au prix. En tout cas, je suis heureux que ma musique touche davantage de monde.

On vous souhaite que ça continue. Merci !

Vous pouvez retrouvez toute l’actualité et les informations concernant STUTS sur son site internet, et ses réseaux sociaux Facebook, Twitter, Instagram et You Tube.

 

Remerciements à Yoko YAMADA qui a assuré la traduction du japonais vers le français, et aux équipes de La Magnifique Society pour leur disponibilité.

Crédit photo : ©Thomas Hajdukowicz pour Journal du Japon – Tous droits réservés

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