Aya et la sorcière, un Ghibli surprenant

Seul film d’animation japonaise de ce Festival fantastique de Gérardmer, du 27 au 31 janvier, initialement prévu en sélection au Festival de Cannes en 2020, Aya et la sorcière est le dernier film que le Studio Ghibli propose au grand public. Pour la France, il faudra attendre une diffusion par Wild Bunch pour l’instant prévue pour avril. Mais sous quel format : report ? streaming ? Au vue de la situation sanitaire, la possibilité de le voir au cinéma est un peu mise de côté. Quoiqu’il en soit, Journal du Japon a eu l’occasion de le voir et on a décidé de vous en parler, en croisant les doigts pour que tout le monde puisse le visionner sous peu !

Un Ghibli en image de synthèse, pour un renouveau ?

AYA ET LA SORCIERE (Aya To Majo / Earwig And The Witch) image 1

© 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli. Tous droits réservés

On le sait tous à présent, mais quand on parle du Studio Ghibli aujourd’hui, on n’arrive plus à dire si le studio s’arrêtera un jour ou non. Avec l’annonce de la retraite de Hayao MIYAZAKI à la suite de son dernier film en 2013, Le vent se lève, qui avait décidé de stopper tout long métrage, préférant se consacrer à du court-métrage, aux autres produits et au musée… Mais ce studio ne fait jamais rien comme les autres puisque le maître de l’animation lui-même n’arrive pas à raccrocher. On vous en parlait notamment l’an dernier avec la sortie du dernier documentaire sur le fameux réalisateur. On nous présentait au contraire un homme qui continuait de faire vivre le studio, au départ avec un court-métrage sur une petite chenille nommée Boro, et s’initiait ainsi à l’image de synthèse. On le voyait donc découvrir cette façon de travailler, lui qui est resté très traditionnel dans l’esprit. Par la suite, on le sait tous, il a fini par indiquer réaliser un nouveau film, sans date de sortie encore, « Comment vous sentez-vous ? » (Kimi-tachi wa dō ikiru ka ?), prenant son temps.

AYA ET LA SORCIERE (Aya To Majo / Earwig And The Witch) image 5

© 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli. Tous droits réservés

Mais en parallèle, c’est bel et bien un long métrage qui se crée par ailleurs, en images de synthèse, par Gorô MIYAZAKI lui-même et supervisé par Toshio SUZUKI. Au départ, cela peut surprendre. Le studio Ghibli est en effet connu pour son dessin plutôt traditionnel, très expressif, simple dans sa conception mais ainsi efficace à l’écran car sans fioriture. Concernant l’image de synthèse, nombreux sont ceux qui attendent de voir ce que cela peut donner pour l’équipe de Ghibli, si habitué au traditionnel dans son approche, et surtout pas mal de monde attend au tournant ce nouveau test du fils Miyazaki. Ce dernier, après son dernier long métrage La colline aux coquelicots en 2011, loin de rester inactif a collaboré avec la NHK pour réalisé l’animé Ronja, fille de brigand, en 2014, dans lequel il s’essayait à d’autres techniques d’animation. Mais un long métrage, on attendait.

Le résultat ayant été plutôt bon, l’adaptation d’un autre ouvrage de Diana Wynes Jones a germé au sein du studio Ghibli, le précédent ayant été Le château ambulant en 2004. Le projet est initié à l’origine par Hayao Miyazaki, mais c’est bien son fils qui le réalise et la décision est prise : afin de redonner du pep’s au studio, il sera intégralement en image de synthèses. Alors, cette autrice anglaise arrivera-t-elle à nouveau à porter chance au studio avec ce virage technique ?

Aya et la sorcière, un renouveau décapant signé Gorô Miyazaki !

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© 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli. Tous droits réservés

On parle des images de synthèses et du fait que le studio soit attendu au tournant car qui dit synthèse dit difficultés dans le rendu des émotions : le maître-mot de ce dernier. Mais curieusement, cela passe en réalité plutôt bien à l’écran. Voire même beaucoup mieux qu’espéré !

On suit donc l’histoire d’une petite fille, Aya, abandonnée bébé par une jeune femme rousse, qui semble possédée quelques pouvoirs magiques. Elle la dépose dans un foyer pour orphelins douillet, avec une lettre adressée à la petite et une cassette audio où se trouve écrit « Earwig ». Quelques années plus tard, on retrouve la fillette, beaucoup plus débrouillarde, espiègle, un brin effrontée mais surtout très malicieuse. Elle semble en effet mener tout son monde à la baguette, comme si elle pouvait les contrôler et obtenir ce qu’elle veut quand elle le souhaite, accompagnée d’un camarade un peu peureux. Autant dire que pour une petite fille, elle en a du caractère ! D’autant que son vœu le plus cher est de ne pas quitter le foyer pour toujours rester avec son meilleur ami. Mais voilà, un jour, un duo de personnages atypique arrive et elle est adoptée.

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© 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli. Tous droits réservés

Forcée, pour la première fois de sa vie, à suivre ce duo improbable, formé d’une femme à la corpulence certaine et un homme à l’inverse immense faisant penser à un démon, la petite se retrouve un peu malmenée. C’est la première fois qu’elle n’est plus celle qui dirige mais au contraire celle qui doit exécuter ! D’autant qu’elle apprend bien vite qu’elle se trouve en présence d’une sorcière et qu’elle va devoir se faire une place dans cette maison et cet univers qui sort du lot. Mais loin d’être déstabilisée, elle redoublera d’efforts et de malice pour tirer son épingle du jeu.

Très vite on comprend que l’héroïne est plutôt atypique : très caractérielle, peu peureuse, curieuse de tout et très déterminée dans ses actes. Autant dire que par rapport au reste de la filmographie du studio, elle détonne un peu. Mais sous ses airs bravaches, on sent néanmoins sa sincérité et on prend plaisir à découvrir son quotidien qui change du jour au lendemain pour elle. Sa jeunesse aidant, elle passe assez rapidement le fait qu’elle se retrouve seule : elle se raccroche à l’idée qu’elle pourra peut-être apprendre la magie. Le film nous dépeint donc la vie quotidienne de ce trio improbable, et c’est là qu’on sent d’une part la patte de l’autrice anglo-saxonne et celle de Gorô Miyazaki. C’est et cela reste un film pour enfant, mais les adultes se surprendront à sourire à certaines facéties de Aya.

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© 2020 NHK, NEP, Studio Ghibli. Tous droits réservés

Du fait qu’elle ait grandi en foyer ou pas, Aya est réellement pleine de vie, débrouillarde, et avec une vision de la vie précise : elle manipulera les autres pour obtenir ce qu’elle veut. Un peu étonnant comme ligne directrice de vie, non ? Mais la mise en scène du fils Miyazaki est prenante. Le film se déroule par ailleurs dans un seul et grand espace : la maison où se trouve Aya. Les actions se passent donc toutes dans un lieu étroit, et pourtant cela fonctionne. Tout comme Aya, on sent la pression d’être enfermée. Comme elle, on découvre ce monde fantastique, et on espère voir une ouverture bienheureuse. La 3D est ici intéressante : vraiment très réaliste pour la maison, mais surtout le lieu où Aya et la sorcière travaillent chaque jour. Tout est bien brillant à l’image et on sent les différentes textures.

Là où la synthèse pêche, c’est sur le rendu des personnages. La morphologie des différents héros est plutôt bien respectée, bien qu’un peu figée sur certains mouvements, mais ce sont les visages qui ont quelques difficultés. Les différentes expressions sont là, mais manquent peut-être d’un peu de naturel. On saisit quand Aya est agacée, ou heureuse, voire triste, mais concernant la sorcière et le démon, ils semblent posséder toujours les mêmes expressions voire il y a quelques accros. On sent bien vite que les lunettes du démon sont là pour cacher un souci de mise en forme des yeux, car on le voit bien sur la sorcière, à un moment les siens vont dans tous les sens. Certes cet aspect ajoute à la scène où elle les fait tourner mais cela choque un peu. Ce point est accentué par le changement brutal de visage pour passer d’une émotion à l’autre, notamment quand Aya décide de tirer la langue, c’est tellement soudain que c’est tout sauf naturel.

Aya et la sorcière offre néanmoins un petit côté cartoon original auquel le studio ne nous a pas encore habitués. Mais Gorô Miyazaki fait le job et on peut dire que le pari est réussi. On distingue le design du studio d’ordre général, on a une histoire jeunesse qui tient la route avec une héroïne qui en veut et qui le montre bien, avec un quotidien où le fantastique se mêle à merveille. Une jolie première donc qu’on peut saluer et qui devrait plaire au grand public ! Petit bonus : restez jusqu’à la fin du générique, vous aurez des petits clins d’œil en lien avec d’autres œuvres du studio, et les musiques portent bien le film !

Charlène Hugonin

Rédactrice à Journal du Japon depuis quelques années, je suis un peu une touche-à-tout niveau mangas, anime et culture. Mais j'ai une jolie préférence pour tout ce qui a trait à la gastronomie japonaise, et ce qui tourne autour et même le sport ! Peut-être pourrons-nous même en parler ensemble ?

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