Partir au Japon en plein COVID-19

En cette période compliquée pour tous les déplacements à l’étranger, le Japon paraît inaccessible. Le pays connaît actuellement sa troisième vague et les hôpitaux sont en saturation. Le gouvernement a pris la décision de déclarer le pays en état de crise, ce qui se traduit par un gel des demandes de visas depuis le 8 janvier 2021. À l’heure où nous rédigeons ces lignes, l’ambassade n’accepte aucune demande de visa (travail, études, visa vacances travail), sauf cas exceptionnels, jusqu’à la fin des restrictions.* Les touristes n’ont aucune autorisation de rentrer sur le territoire.

En 2020, profitant de la courte accalmie autorisée par le pays, certains ont réussis à franchir le pas, non sans difficulté, afin de partir s’y installer pour y vivre. Journal du Japon a rencontré deux personnes qui nous racontent leur parcours en 2020 pour réaliser leur projet de vie .

*la situation est susceptible d’évoluer, pour tous renseignements, veuillez consulter le site de l’ambassade.

Alice est partie au Japon à la fin de l’année 2020 avec un « dependant visa » qui est accordé aux conjoints ou enfants de personnes expatriés qui obtiennent un visa de travail. Des démarches au départ tout a été compliqué par la crise du COVID-19, mais avec beaucoup de persévérance et de patience, elle a pu avec sa famille déménager dans le pays qui l’a fait tant rêver.

Journal du Japon : Comment est venue l’idée de partir au Japon en 2020 ?

Alice : Mon mari et moi sommes passionnés par le Japon depuis des années. Nos métiers ont évolué et nous avons pensé que c’était le bon moment pour quitter la France. Comme je travaille en freelance pour des entreprises françaises, je peux faire cela dans tous les pays, il me faut juste une bonne connexion internet. C’est mon mari qui a trouvé du travail dans une grande entreprise japonaise anglophone. Il travaille dans l’informatique.

Dans quelle ville es-tu  installé ?

Nous sommes installés à Tokyo, Nerima plus précisément, au nord-ouest, mon mari, mon fils de quinze ans et moi.

Pour ceux qui ont l’habitude de fréquenter les aéroports, la sensation actuelle de vide totale de voyageurs est encore plus surprenante. Ici, une allée dépourvue de voyageurs à l’aéroport de Narita à Tokyo. Crédits : pixabay- Pharaoh_EZYPT

Sous quel type de visa es- tu partis?

J’ai un visa de dépendante (comme mon fils), mon mari a un visa travail. Le tout pour 5 ans pour le moment.

 

Quelles ont été les démarches pour l’obtenir ?

Il a fallu obtenir un COE (certificate of eligibility), l’entreprise et le cabinet d’avocats qui travaille pour elle se sont chargés de le faire faire, il a fallu fournir des documents, mais rien de bien compliqué, c’est après que ça a été plus galère !

Avec le COVID 19 et la fermeture des frontières, tout est devenu compliqué pour voyager. Quelles difficultés as-tu rencontré au cours de toutes tes démarches administratives ?

Nous avons eu le COE pendant l’été et devions partir autour du 20 août pour que mon mari prenne son poste au 1er septembre, et que mon fils puisse faire son entrée en 2nde au lycée français de Tokyo. Nous avons vidé et vendu notre maison (car nous souhaitons rester au Japon) et ensuite fait le tour de nos familles pour dire au revoir. Mais le Japon a décidé de fermer ses frontières. Fin juillet, fin août … à chaque fois l’attente se prolongeait d’un mois. Mais en septembre, il n’y a plus eu de « délais », la frontière était fermée sans date de réouverture, l’angoisse totale … Airbnb, début de 2nde à distance pour mon fils, télétravail pour mon mari. Les procédures de visas étaient également stoppées. Nous devions juste patienter (avec un COE, habituellement faire les visas ne prend que quelques jours). Et puis alors qu’on se voyait passer Noël, voire plus, en France, fin octobre le Japon a décidé de rouvrir ses frontières, mais avec des conditions drastiques.

Le test PCR est obligatoire pour entrer sur le territoire Japonais. Crédits : Pixabay-obydolregis

Quels types de documents complémentaires liés au COVID, doit-on fournir ?

Le plus gros document a été le Written Pledge. En gros, la boîte japonaise s’engageait à gérer ses ressortissants étrangers pour qu’ils n’apportent pas le virus. Elle devait donc s’occuper de nous trouver un lieu de quatorzaine, un moyen de transport individuel (interdiction de prendre les transports en commun) entre l’aéroport et ce lieu, surveiller que nous étions responsables (sortir le moins possible, check de température tous les jours etc.). Et c’était une lourde responsabilité car en cas de problème, le nom de l’entreprise pouvait être cité (name and shame pas très sympa). Ce document fait plusieurs pages et l’entreprise a mis plusieurs semaines à nous le fournir (aidée par des avocats pour monter toute une procédure pour les nombreux employés qui doivent venir de l’étranger).
On devait prendre notre température tous les jours pendant les deux semaines précédant le départ.
Ensuite, on a dû faire un test PCR 72 heures avant de prendre l’avion. Avec un format spécifique en anglais fourni par le Japon. Heureusement on a trouvé un labo qui avait l’habitude et nous a fait ça super bien !

Combien de temps as-tu prévu de rester au Japon?

A priori nous avons prévu d’y vivre … pour toute la vie si ça se passe bien. Pour mon fils, il verra à la fin du lycée s’il veut poursuivre ses études au Japon ou autre part.

Ce séjour a t-il été compliqué à organiser ? (logement, transports…)

Le transport et le logement de quatorzaine ont été très bien gérés par l’entreprise de mon mari (même si la quatorzaine était très stricte avec trois repas bento par jour fournis devant notre porte de chambre).
Ensuite nous avions loué un Airbnb le temps de trouver notre appartement. Et finalement nous avons trouvé un appartement assez facilement grâce à une agence qui nous envoyait plein de photos de logements pendant notre confinement (nous avions listé tous nos critères avec eux depuis la France). Donc nous avons emménagé assez rapidement finalement !




Sur cette vidéo, en novembre 2020, les images montrent comment se déroule les tests des passagers.

 

 

Comment s’est déroulé le jour de ton départ ?

Nous sommes partis très tôt de Nice (nuit dans un hôtel près de l’aéroport pour être sûrs de ne pas rater l’avion). Contrôle de notre autorisation de déplacement par la police dès l’arrivée à l’aéroport (vers 5h du matin !). Puis avion plein jusqu’à Roissy. Masqués mais sans distance entre les passagers (le deuxième vol de la journée ayant été annulé, je pense que beaucoup de personnes ont pris le même que nous, d’où la foule !). Attente à Roissy, puis deuxième vol. Vérification des tests covid avant l’embarquement. Rien de spécial sinon.

Comment s’est passée ton arrivée à l’aéroport ?

Je dirais « à la japonaise » … beaucoup de paperasse, mais beaucoup d’agents dans l’aéroport pour aider, faire circuler de lieu en lieu. Cela nous a pris environ 1h30 pour faire le parcours. Donner des papiers, faire un test salivaire, récupérer les résultats etc. Je pense qu’on a fait tous les recoins de l’aéroport, mais ça se passait calmement.

Tu as ensuite effectué une quarantaine obligatoire sur place. Comment se déroule-t-elle ?

Elle s’est déroulée dans un hôtel. Apparemment tout un étage était réservé pour cela car nous pouvions voir des bento déposés devant beaucoup d’autres portes du couloir lorsque nous récupérions nos repas. Heureusement on avait une belle vue sur Tokyo, j’ai beaucoup photographié le ciel, fait du japonais avec mon fils et du yoga (sur le lit car la chambre était assez encombrée entre nos valises et les tas de linges et accessoires de toilette que l’hôtel avait stocké dans la chambre, car ils ne venaient pas du tout faire la chambre pendant les quatorze jours mais avaient laissé draps, serviettes de toilette, nécessaire de toilette et même des caisses de bouteilles d’eau !). Nous sommes tout de même sortis marcher un peu dans le quartier certains jours, masqués et sans contact avec les gens, sauf quelques courses à la supérette du coin … car des bento salés pendant deux semaines trois fois par jour, ça manque de sucré, de matcha et de chocolat !

Comme dans tous les pays du monde, le masque est de rigueur. Ici, dans le métro de Tokyo. Crédits : Pixabay -djedj

Quelle est la première chose que tu as faite en sortant de la quarantaine ?

Aller déposer nos valises à l’Airbnb puis visiter le quartier de Tokyo Station et du Palais impérial. Nous avons pu admirer les ginkgo et surtout marcher pendant des heures !

Peux-tu nous raconter tes premiers pas au Japon en cette période de Coronavirus ?

Je travaille à l’appartement, et mon mari aussi (il va maximum un jour par semaine à son travail). Finalement il n’y a que notre fils qui prend les transports tous les jours, masqué et avec son flacon pour se laver les mains. Nous évitons pour le moment les cafés et restaurants, on sait qu’on pourra en profiter plus tard. On voit nos amis dans les parcs, on marche beaucoup. On explore les rues, les temples et les sanctuaires … Tout ce qu’on peut faire en plein air … et un peu de shopping aussi.
Une fois vaccinés, on pourra profiter des petits restaurants (il y en a plein dans notre quartier), des salons de thé (j’ai une passion pour le matcha), des musées, cinémas, karaoke etc. Chaque chose en son temps, nous sommes déjà très contents d’être enfin arrivés !

 

Crédits : Pixabay- Alexandra_Koch

Coralie* est partie avec un visa d’étudiante au Japon, les démarches ont été lancées en 2019 avant la crise du Covid-19 ce qui lui a permise de ne pas rencontrer de problème administratif. Son départ, lui s’est déroulé avec des mesures sanitaires drastiques à respecter.

Journal du Japon : Comment est venue l’idée de partir au Japon en 2020 ?

Coralie : Alors l’idée ne m’est pas venue d’un coup, je souhaitais y étudier le japonais. La procédure avait commencé à la fin de l’été 2019.

Dans quelle ville es-tu  installée ?

Je suis dans la préfecture de Tokyo.

Sous quel type de visa es- tu partis ?

J’ai un visa étudiant.

Quelles ont été les démarches pour l’obtenir ?

Tout d’abord, on passe par un intermédiaire : soit l’école, soit une organisation qui va tout centraliser. Je suis passée par l’école directement.
Il faut un garant, qui va fournir de nombreux papiers principalement financiers. Quant à moi, c’était surtout des formulaires, des preuves d’état civil, des photos.
Tout était récupéré par l’école qui centralisait tout et s’occupait de déposer le dossier. Après, on attend environ deux à trois mois.

 

Avec le COVID 19 et la fermeture des frontières, tout est devenu compliqué pour voyager. Quelles difficultés as-tu rencontré au cours de toutes tes démarches administratives ?

Au niveau des démarches, non, tout était fini. J’attendais mon certificat d’éligibilité (CoE). Mon billet d’avion était déjà pris pour le 25 mars. La seule difficulté, cela a été de digérer la fermeture des frontières à peine quelques jours avant mon départ. J’ai pu me faire rembourser sans souci le billet. Bref, aucun souci administratif.




Vidéo sur la situation actuelle au Japon ( en janvier 2021).

Quels types de documents complémentaires liés au COVID, doit-on fournir ?

Quand les frontières se sont rouvertes en octobre, il était impératif de faire un test PCR dans les 72 heures avant le premier départ en avion.
L’école souhaitait qu’on arrive en matinée, afin qu’ils puissent réagir en cas de problème lié au transport ou autre. En effet, il était interdit de prendre le train ou d’autres transports en commun, il fallait donc un transporteur privé ou un proche qui venait avec sa voiture personnelle.

Combien de temps as-tu prévu de rester au Japon?

Pour le moment, un an. Je n’ai aucune idée de ce que sera l’avenir. Déjà finir mon année d’étude le plus sereinement possible. Trouver un emploi est de plus en plus difficile, donc si je peux rester, je reste. Sinon, tant pis, j’aurai d’autres occasions de venir apprécier le pays.

Crédits : Pixabay -djedj

Ce séjour a t-il été compliqué à organiser ? (logement, transports…)

Un peu oui, mais c’est uniquement du au contexte actuel.
Concernant l’avion, la fenêtre était courte : il fallait arriver en matinée pour l’école et pouvoir faire le test et avoir les résultats pendant des jours ouvrés. J’avais aussi commencé les cours et je voulais éviter de louper une journée ou deux.
C’était assez compliqué.
Le logement était réservé depuis mars et la personne m’avait gardé une chambre. Le lieu de quarantaine a été trouvé en dernière minute : la plupart des hôtels refusaient, les Airbnb qui acceptaient étaient souvent douteux ou alors les prix étaient exorbitants. J’ai finalement trouvé un package chez une agence célèbre.

Comment s’est déroulé le jour de ton départ ?

Je suis partie le 31 octobre. Deux jours avant, le Président annonçait un confinement et avait dit « les frontières resteront fermées ». Difficile de comprendre si je pouvais encore partir ou pas.
J’ai été emmenée à l’aéroport le 31 au matin, en espérant que tout se passe bien. On avait préparé un dossier avec plein de pièces justificatives au cas où, puis tout s’est déroulé normalement à l’aéroport. La seule différence c’est que tout le monde était masqué.

Comment s’est passée ton arrivée à l’aéroport ?

C’était très fluide. On vous emmène dans une salle avec des chaises numérotées. On est appelés par rangées, et on va cracher dans un tube. Ensuite, vous êtes emmenés dans une immense salle d’attente, on vérifie vos papiers, on demande votre preuve de lieu de quarantaine, votre test PCR. Le matériel est à usage unique.
Puis on attend.
Tout le monde était très calme, le personnel très accueillant et aidant.
Une voyageuse était agitée, manifestement très stressée, mais j’ai compris plus tard qu’elle angoissait à l’idée d’être positive : elle revoyait son compagnon après des mois de séparation et a fondu en larmes dans ses bras.
Ensuite, on vous donne le résultat, cela a été assez rapide dans mon cas. J’ai dû attendre peut être 30 ou 40 minutes. Puis, on vous autorise à passer l’immigration, à récupérer vos valises et enfin à passer les portes de la douane.
Ensuite, le chauffeur m’a emmenée vers mon lieu de quarantaine.




Sur cette vidéo (activez les sous titres en français sur YOUTUBE), le blogger montre toutes les étapes de son voyage sur une compagnie japonaise.

Comment se déroule-t-elle ?

J’avais un appartement privé. Pour éviter les contacts, je récupérais la clef dans une key box avec un code. J’ai posé les valises, puis je suis allée faire des courses.
On est autorisé à faire des courses nécessaires, mais rien d’autre. Pas de balade, pas de restaurant, pas de visites d’amis ou de proches.

Quelle est la première chose que tu as faite en sortant de la quarantaine ?

Un ami et camarade de classe, fier compatriote, m’a aidée à déménager. Puis j’ai fait des courses (toujours !). Et enfin, une longue balade, la journée était belle.

Peux-tu nous raconter tes premiers pas au Japon en cette période de Coronavirus ?

Eh bien, j’ai déjà vécu plusieurs années au Japon, donc ce n’est pas tellement des premiers pas.
Si aujourd’hui, on est en état d’urgence ce qui change très légèrement la donne, ce n’était pas le cas en novembre/décembre. La vie était normale et l’est toujours en fait, à ceci près qu’on doit se désinfecter les mains et prendre sa température dans plusieurs lieux et pratiquer la distanciation sociale. Très peu de gens le respectent ceci dit…

* le nom a été modifié.

Avec la patience que les frontières réouvrent, ces deux personnes ont pu finalement partir. Actuellement le Japon est confronté à deux dilemmes : l’urgence de pouvoir ouvrir ses frontières en vue des Jeux Olympiques de 2021 (annulés en 2020) et la crise sanitaire qu’ils traversent avec un variant Brésilien qui menace l’archipel. Les Japonais comptent sur le vaccin pour limiter les risques et pouvoir assurer les Jeux cette année, malgré les doutes qui pèsent sur la possibilité de maintenir l’événement.

 

Remerciements à Alice et Coralie pour leur temps et on leur souhaite une belle vie au Japon ! 

Madeline Chollet

@mad_ctravel

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