Gaming Memories #45 – Gravity Daze (Gravity Rush)

Bienvenue dans ce nouveau numéro de Gaming Memories, la rubrique rétro de Journal du Japon. Cette fois-ci, nous revenons 10 ans en arrière tout pile sur une console trop peu exploitée et trop vite oubliée, la PS Vita de Sony. Notre destination est donc février 2012, en compagnie d’une héroïne haute en couleurs : Gravity Daze, plus connu sous le nom Gravity Rush chez nous !

GravityDazelogo

« Gravité »

A l’origine de notre jeu du mois, il y a Keiichiro TOYAMA. Le game-designer, connu pour avoir travaillé sur le premier Silent Hill et la série des Siren, est à la base un employé chez Konami. De ce fait, on lui a collé l’étiquette « jeux d’horreur » malgré des idées de jeux différents et le souhait de se détacher de cette réputation. L’année 2008 est décisive pour lui avec la découverte de la manette Sixaxis de la PlayStation 3, capable de détecter les mouvements dans l’espace (tout comme les manettes de PS4 le font maintenant, par exemple) qui l’a impressionné.

Le début de l’aventure Gravité auprès de Sony commence en même temps que le développement de Siren :  Blood Curse se termine. Puisque c’est la console de Sony du moment et aussi celle qui a particulièrement inspiré l’homme, le projet se porte naturellement sur PS3. L’équipe de développement, Japan Studio, commence ainsi à travailler sur la console de salon jusqu’à ce qu’une nouvelle machine soit sur le point de voir le jour : la PS Vita. Cette petite machine, avec son gyroscope permettant une localisation dans l’espace (un peu comme la manette), impressionne TOYAMA à son tour et semble parfaitement étudiée pour ce qu’il voulait faire…

Le changement de machine pour le projet cause cependant plusieurs problèmes. D’une part, celle-ci est encore en cours de finalisation pendant la création du jeu. L’équipe de Japan Studios n’a donc pas encore toutes les clés pour en faire sortir le meilleur. Cela a pour effet de les faire travailler sur une console bien moins puissante que prévu, les obligeant à repenser un certain nombre de contenus et de priorités à prendre. De plus, le jeu est l’un des titres de lancement de la console portable. Cette importance rend ainsi le créateur assez anxieux quant à son succès, au vu des sacrifices faits pour le faire rentrer dans une petite cartouche…

Premier vrai trailer du jeu. Plutôt cool mais pas très révélateur…

L’équipe derrière le soft comporte une partie de celle derrière la série des Siren mais ce ne sont pas les seuls à mettre à son crédit. Le design global du jeu, par exemple, est bel et bien créé par des Japonais qui se sont inspirés de l’artiste français Jean Giraud (Mœbius). La bande-son, quant à elle, est composée par l’illustre Kohei TANAKA, que les fans de One Piece connaissent bien (il a d’ailleurs été l’une des premières personnes à  travailler sur le jeu). Des idées originales, de la volonté, des artistes reconnus, le jeu part pourtant bien !

Il sort ainsi le 9 février 2012 au Japon, puis mi-juin dans le reste du monde, sous le nom Gravity Rush finalement un peu décalé en tant que titre de lancement (la console est commercialisée depuis déjà deux mois).

GravityDazelogo

Artworks du personnage principal

Une pomme rouge tombée du ciel…

Une pomme rouge se trouve devant vous. On vous demande de tapoter dessus pour la faire tomber. Après plusieurs pressions (sur l’écran tactile), celle-ci tombe, loin, de très haut…
Elle finit par atteindre le sol et commence à rouler dans un chemin, jusqu’à finir par s’arrêter en cognant quelque chose – ou plutôt quelqu’un. Une jeune fille blonde, à la peau noire et à la tenue étrange, se trouve sur son chemin, allongée sur le sol, inconsciente. Elle finit par se réveiller mais n’a plus aucun souvenir, à part son nom : Kitten (Kat en dehors du Japon). Elle apprend bien vite qu’elle se trouve dans un endroit nommé Hekseville, bourgade suspendue au dessus d’un immense trou noir… et surplombée d’un autre bien menaçant, visible comme un gouffre sombre énorme au milieu du ciel.

GravityDaze

La fameuse Kitten ou Kat en dehors du Japon !

Bien vite, Kitten est rejointe par un chat noir aux étranges tâches brillantes, qu’elle nommera tout aussi rapidement Poussière (Dusty en VO), et qui va tenter de la guider vers un autre endroit de la ville. Intriguée, la jeune femme le suit… Et les ennuis commencent lorsqu’une tempête gravitationnelle se déclenche. Kitten, prise au dépourvu, sent que quelque chose change en elle : elle est capable de modifier la gravité autour d’elle pour se déplacer dans les airs à sa volonté. Elle décide donc de se servir de cette capacité pour sauver les personnes en danger à cause de cette tempête.

Le calme rétabli, la nouvelle venue dans la ville décide d’aller visiter les lieux pour tenter de se souvenir de quelque chose. Mais rien ne lui revient, et puis, elle est seule et sans logement. C’est donc le moment de trouver de quoi passer la nuit dans le coin – ou plutôt, dans les égouts, là où personne n’ira chercher. Mais des monstres noirs, les Névis, attaquent soudainement le quartier ! Et devinez qui va devoir se charger d’eux ?

Gravity Daze permet, par la suite, de se promener plus librement dans les différents quartiers d’Hekseville, de rencontrer des gens et discuter avec eux, et ainsi suivre la trame principale qui mènera l’héroïne amnésique à divers endroits toujours plus mystérieux et surprenants, entre exploration libre, combats contre les monstres et autres scènes d’infiltration.

… et un autre trailer bien plus révélateur, datant d’avant la sortie du jeu.

Une expérience sens dessus dessous

Dans Gravity Daze, on incarne donc Kitten, qui dispose de capacités particulières : elle peut interagir avec la gravité et ainsi atteindre des endroits improbables, marcher la tête à l’envers, survoler des étendues faramineuses à toute vitesse. Pour cela, il suffit juste d’appuyer sur la gâchette R de la console pour passer en gravité, puis choisir sa direction avec le stick droit – ou en inclinant la console, qui rappelons-le est capable de gérer l’espace autour d’elle – pour enfin se déplacer. Lorsque l’on a atteint sa cible, il n’y a plus qu’à annuler la gravité pour que la jeune Kitten retombe au sol.

GravityDazeLà, elle peut se déplacer à la marche ou à la course, sauter (et se raccrocher à un rebord), ou donner des coups de pieds. Une esquive est également possible, mais là encore, ce sont ses capacités spéciales qui sont les plus intéressantes. La gravité ne sert pas qu’à se déplacer, elle peut aussi attraper des objets et les garder à proximité pour les emporter ailleurs, ou les jeter en plein dans la figure d’ennemis. Ceux-ci peuvent arriver n’importe quand dans l’histoire, et Kitten doit user de toutes ses ressources pour s’en débarrasser. Les cibler et leur asséner un coup de pied gravitationnel est assez efficace…

La jeune femme a bien entendu une jauge de vie qu’il faut faire en sorte de ne pas vider : en effet, si lors de l’exploration elle peut chuter de dizaines de mètres sans que cela ne soit dangereux, si son énergie se vide en combat, on a droit à un game over.  De plus, utiliser la gravité, dans n’importe quel cas, ne peut se faire que pour une durée limitée. Si la jauge de gravité se vide, on ne perd pas mais Kitten retombe au sol sans rien pouvoir faire jusqu’à ce qu’elle se recharge. Cette jauge est importante, car elle détermine le temps qu’il lui est possible de rester en l’air. Il arrive donc régulièrement que l’on tombe inexorablement en plein vol, attendant de pouvoir se relancer…

GravityDazeSi l’on doit se battre et même affronter des boss, Gravity Daze reste avant tout un jeu d’aventure et d’exploration, dans lequel visiter chaque recoin possible est la meilleure chose à faire. D’une part, parce que cela permet de trouver des orbes qui à terme permettent d’améliorer les capacités de l‘héroïne (la rendant plus forte, plus résistante, pouvant utiliser ses pouvoirs plus longuement…). Et ensuite, car cela fait progresser la trame scénaristique, qui si elle est linéaire dans son fondement (pas de choix possibles, scènes évitables ou cachées), n’est pas offerte gratuitement. On dispose d’un « radar à quêtes », qui indique comme son nom l’indique l’emplacement de personnes à qui parler, de missions annexes à compléter ou d’évènements à suivre pour faire avancer l’histoire. Rien ne presse, il est toujours permis de faire une quête avant une autre, de l’ignorer, de la réaliser plus tard, du moment que l’on évolue dans l’histoire. Nous sommes donc face à un jeu d’exploration poussée (on ne fait pas que découvrir les lieux, on les arpente dans tous les sens, littéralement), de recherche, avec des combats, parfois de l’infiltration, et une bonne dose de narration pour lier le tout.

Devant la gravité de la situation, Japan Studio a bien géré son coup (bon d’accord, ce jeu de mots…)

Gravity Daze en met plein les yeux et les oreilles dès le lancement. Il s’ouvre sur un thème principal orchestra détonnant, dynamique, héroïque, accrocheur, qui contraste tout de suite avec une scène d’introduction d’une douceur étonnante, presque mélancolique, jusqu’à décoller d’un seul coup sur un personnage amnésique qui est amené à devoir s’enfuir sans savoir pourquoi…

GravityDazePour la PS Vita, et même encore maintenant, le jeu surprend par sa patte graphique éthérée, et qui pourtant semble tout droit sortie d’une bande dessinée franco-belge. Les décors d’Hekseville sont cohérents avec leur nombreux petits chemins qui se terminent parfois par des culs-de-sacs. Et surtout, malgré que l’on sente très bien qu’il s’agit d’un jeu vidéo, on ne peut s’empêcher d’être intrigué et vouloir chercher à comprendre les origines de ce monde suspendu au-dessus du vide, surmonté de ce trou noir menaçant.

La ville est plutôt sobre, tout comme les passants assez génériques et sans grand intérêt. Cependant, le jeu ne manque pourtant pas de couleurs au fil des différents endroits visités (qui ont leur ambiance et teintes propres, leur donnant tous un cachet particulier), lors de scènes diversifiées que l’on prend plaisir à visiter. En partie aussi pour l’exploration prononcée, grâce aux capacités de Kitten qui permettent de ne pas se contenter du sol. Pour peu que l’on aime l’exploration, Gravity Daze est un plaisir à parcourir car il donne envie de toujours essayer d’aller plus loin dans les recherches.

Dans le cas contraire, ceux qui ne sont pas adeptes de l’exploration pourront tenter de se contenter de prendre les bonus qui sont sur leur chemin (rappelons qu’ils servent à améliorer les capacités de l’héroïne, il vaut donc mieux se forcer un minimum pour se faciliter la tâche au cours de l’aventure) et apprécieront sans doute que Kitten dispose de ce radar à quêtes.  En effet, grâce à lui, il n’y aura qu’à passer dans le menu et choisir son objectif pour qu’un curseur indique le chemin à suivre pour l’atteindre…

Le jeu, en tout cas, dispose d’une bonne animation fluide, même s’il tourne en 30 images par seconde (un « sacrifice » que les développeurs ont dû faire), et cela que l’on soit sur terre ou en phase de gravité. On peut parfois remarquer du clipping (éléments de décor qui apparaissent ou disparaissent lorsque l’on s’en approche ou s’éloigne), et du fait que les ennemis peuvent se trouver n’importe où, on peut parfois passer du temps à les chercher malgré le petit curseur qui indique leur position. Les temps de chargement, puisque l’on souligne des défauts techniques, sont parfois extrêmement longs et peuvent durer plus d’une demi-minute…

GravityDazeLa maniabilité est plutôt bonne. Kitten réagit bien aux commandes, et celles-ci deviennent vite naturelles. On appuie sur une gâchette pour déclencher la gravité ; on appuie à nouveau dessus pour partir dans une direction ; on appuie une nouvelle fois pour se stopper après s’être dirigé au stick ou en inclinant la console – chose à laquelle on finit vite par prendre goût et se tourner dans tous les sens pour se diriger. Ou bien, on appuie sur l’autre gâchette pour annuler son pouvoir et retourner sur terre. Utiliser cette mécanique avec ses coups de pieds ou des objets à jeter sur un ennemi vont de paire et donnent une action dynamique, même si l’on regrettera quand même légèrement qu’il faille se forcer à utiliser ces mouvements pour dynamiser les affrontement soi-même et ainsi pallier au pauvre combo simpliste du personnage…

Le jeu est composé de 23 chapitres qui peuvent se terminer en un peu plus d’une dizaine d’heures si l’on connait bien son chemin. Mais lors d’une première partie, il faut bien compter le double, voire un peu plus, le temps de tout explorer, de tout chercher, d’essayer de ramasser le plus de bonus possibles… et de survivre aux différentes épreuves, car bien qu’il ne soit pas d’une grande difficulté, il faut parfois s’y reprendre à quelques tentatives pour réussir un passage. En particulier, lors des phases d’infiltration ultra scriptées qui ne laissent que très peu de marge de liberté (alors que l’on sent parfois qu’il y a pourtant de quoi)…

Comme dit plus tôt, la bande-son a été composée par Kohei TANAKA, dont le style, ainsi que les envolées lyriques lui étant si caractéristiques, se reconnaissent vite. On a ici un tout agréable, qui sait être paisible lorsque l’on visite la ville, menaçante lorsque le scénario le veut, ou même planante lors de certains passages. Des premiers instants du jeu jusqu’à la fin, le compositeur gratifie le joueur d’un ensemble sonore difficile à regretter – même malgré le bruitage horripilant que l’on entend lorsque la réserve de gravité de Kitten commence à se vider. Impossible également de ne pas saluer le travail effectué sur la langue parlée par les personnages, imaginaire, mais dans laquelle on ne peut s’empêcher de reconnaître des sonorités japonaises, russes… et même françaises !

Fort d’une ambiance prenante et marquante, de rebondissements scénaristiques aux passages touchants et d’une héroïne brillante et attachante comme rarement on en a vue jusqu’alors, Gravity Daze ou Gravity Rush fait bien vite pardonner ses quelques défauts techniques. Il utilise les capacités technologiques de la console à merveille, à tel point que cela en devient entraînant et même instinctif à force. Sa patte graphique originale et solide le porte elle aussi très bien, et si parfois on pourra s’énerver sur certains choix pouvant être discutés (la progression reste… un brin linéaire), on a là un titre de lancement qui fait bel et bien honneur à la console. Dommage que celle-ci ait été si peu accessible.

GravityDaze

La Gravitéenne ne tombera pas

Gravity Daze a eu un succès relativement élevé à sa sortie. Si quelques-uns lui ont octroyé une note plus basse, la majorité des critiques de l’époque lui ont octroyé une belle moyenne de 8/10. Le magazine japonais Famitsu est allé jusqu’à lui donner un score de 38/40 et EGM (Electronic Games Monthly) 9,5/10… Un succès critique détonnant, sans aucun doute.

Cela ne s’est pourtant pas ressenti tant que cela au niveau des ventes. En effet, si au Japon il a eu un très bon début (43 400 ventes qui le placent 2e dans les classements du moment, derrière le dernier jeu Suikoden en date), les ventes physiques ou dématérialisées ont bien vite chuté. La faute à un support, la PS Vita, assez peu vendu (sans doute à cause de son prix abusif). Au final, 100 000 copies se sont écoulées tout de même au cours du mois de mars et 200 000 au total dans le monde entier. Gravity Rush a reçu tout de même la récompense du jeu de l’année lors du Tokyo Game Show 2012 !

Le jeu revient en décembre 2015 au Japon (février l’année suivante chez nous) sur PlayStation 4 dans un remaster (tout simplement nommé Grbavity Rush Remastered). Contenant directement les DLC de la version Vita en plus d’être une retouche graphique, cette production est loin d’atteindre le score commercial de son aîné, mais cela a permis au moins aux utilisateurs d’une console bien plus populaire de pouvoir jouer à un titre inoubliable. Une vraie suite voit ainsi le jour sur PS4 en 2017 et pour une fois, en Europe un jour avant le Japon ! Cette suite reprend directement Kitten et les mécaniques du premier épisode mais se déroule dans un autre endroit, avec une autre histoire et un autre contexte.

Kat, ainsi que d’autres personnages, reviennent en clin d’œil dans différents jeux par la suite. La jeune héroïne est ainsi jouable dans Everybody’s Golf 6 et PlayStation All-Stars Battle Royale. Elle, ainsi que d’autres personnages, apparaissent en bonus dans d’autres jeux tels que les LittleBigPlanet (tenues), ou Astro’s Playroom. Peut-être plus surprenant encore, les joueurs japonais de Phantasy Star Online 2 de SEGA ont pu avoir la possibilité d’acheter son costume et sa coiffure pour en équiper leur personnage ! Un beau succès d’estime pour le personnage principal d’un jeu un peu sorti de nulle part et au succès finalement assez relatif…

Gravity Rush 2 The Animation produit par le studio Khara (Rebuild of Evangelion).

Gravity Daze ou Gravity Rush chez nous, est un soft qui a su s’imposer comme une excellente vitrine technique de sa console. Pas dénué de défauts, il reste un jeu très attachant et intéressant qui propose une forte dose d’émotion et de contemplation devant ses décors uniques. Les joueurs qui l’ont testé seraient sans doute nombreux à en dire beaucoup de bien si on leur demandait. Alors, certes, la PlayStation Vita n’est pas la machine la plus accessible, même encore maintenant, et son faible nombre d’exclusivités n’aide pas (beaucoup de titres sont sortis aussi sur PS3 ou PS4), mais grâce à son remaster, vous n’avez que peu d’excuses pour ne pas vous y mettre aussi si jamais ces lignes vous ont envoûtées autant que Kitten et son aventure peuvent le faire !

Captures d’écran prises par JDJ. Crédits des autres visuels : Tous droits réservés ©Sony Interactive Entertainment ©Japn Studio

1 réponse

  1. Myamoto Musashi dit :

    Même si je n’ai pas fini le jeu, car souvent déstabilisé par les phases lévitation, j’ai adoré l’ambiance, les graphismes certes épurés dans quelques scènes, la musique.. Cette chronique me rappelle que je vais devoir essayer de le finir. Merci

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