Choses humaines, délicatement humaines : une plongée dans l’œuvre de Hiromi KAWAKAMI

Comment une autrice japonaise, vivant à l’écart de l’agitation médiatique dans un quartier périphérique de Tokyo, parvient-elle à inspirer et à captiver les lecteurs du monde entier ? À l’occasion de la parution de son dernier ouvrage traduit en français, Un Matin légèrement nuageux, sorti en librairie le 6 octobre 2023, partons à la rencontre d’une écrivaine exceptionnelle dont l’écriture subtile et poétique nous invite à explorer les profondeurs de l’âme humaine : Hiromi KAWAKAMI.

Image présentant les huit livres de l'autrice japonaise Hiromi KAWAKAMI, déjà parus aux éditions Picquier

Image présentant les huit livres de l’autrice japonaise Hiromi KAWAKAMI, déjà parus aux éditions Picquier

La ville de Tokyo, les livres, la biologie et la science-fiction : itinéraires d’une vie sereine

Hiromi KAWAKAMI est née en 1958 à Tokyo, à Takaido dans le quartier paisible de Suginami. Elle aimait beaucoup son grand-père, propriétaire d’un magasin de chapelets en face du sanctuaire Yushima Tenmangu, dans le quartier d’Ueno, propriétaire également d’une collection de livres de Ranpo EDOGAWA (1894-1965), le grand maître du roman policier et des histoires fantastiques à la façon d’Edgar Allan Poe, qu’elle adorait lire avec lui.

Après avoir fréquenté une école de filles du collège jusqu’au lycée, elle est entrée dans le département de biologie de la faculté des sciences de l’université d’Ochanomizu, dans le quartier de Bunkyo, au cœur de la capitale. Le thème de son mémoire était « La reproduction des oursins » ! Elle avait choisi de faire des études de biologie pour comprendre qu’elle est la place occupée par l’homme dans l’univers. Son background scientifique se reflète souvent dans ses œuvres à travers une approche analytique et précise de la condition humaine. Après ses études, elle a enseigné au lycée Denenchofu Futaba, une école catholique pour filles ouverte en 1941 dans le quartier de Setagaya.

Même si elle déteste cette expression et la réalité sociologique qui l’accompagne, elle est devenue « femme au foyer à plein temps », sengyō shufu, après son mariage et la mutation de son mari. Un de ses plaisirs quotidiens est de sortir faire les courses et de flâner dans les librairies de livres neufs et d’occasions autour de Kichijoji ou de Mitaka. Elle avoue acheter et lire environ vingt à trente livres par mois, tous genres confondus. Tous les grands écrivains sont d’abord de grands lecteurs.

Elle a commencé à écrire en 1980, juste après ses études, faisant paraître des textes de science-fiction dans le magazine New Wave SF jusqu’à sa disparition. Elle a gardé de cette période un goût pour l’étrange : « Chacun est mû par l’étrangeté, c’est pourquoi certaines actions peuvent ne pas avoir de sens, ou sembler incorrectes, illogiques, non fondées », écrit-elle dans le magazine The Straits Times. En 1994, elle publie son premier recueil de nouvelles, Kamisama (Dieu), salué par la critique. En 2001 sort en librairie son premier roman : Les Années Douces.

Hiromi KAWAKAMI est connue pour son style de vie modeste et discret. Elle ne recherche pas la publicité et l’exposition médiatique. Elle est aujourd’hui divorcée et ses deux enfants sont adultes. Elle habite à présent dans le quartier de Kichijôji à Tokyo.

Photo de l'autrice japonaise Hiromi KAWAKAMI © The Straits Times Singapore International Edition, avec l'aimable autorisation de l'autrice

Photo de l’autrice japonaise Hiromi KAWAKAMI © The Straits Times Singapore International Edition, avec l’aimable autorisation de l’autrice

Une écriture universelle pour capter ce qui fait le sel de la vie

Quand on a connu une histoire d’amour, éprouvé l’intensité d’une belle rencontre, souffert de la déchirure d’une rupture, ou, tout simplement quand on sait observer la beauté du monde qui nous entoure, quand on sait reconnaître la saveur du temps qui passe avec ses moments de joie et de tristesse, alors on entre forcément en résonance avec l’écriture d’Hiromi KAWAKAMI. On la lit comme on ferait un voyage dans l’âme humaine, explorant les sentiments, les doutes, les peurs et les espoirs qui animent ses personnages, comme ils nous animent. Cette autrice a un don particulier pour décrire les changements, les métamorphoses qui s’opèrent en nous quand nous sommes confrontés au sentiment amoureux, à l’absence, à la disparition. L’autrice est fortement consciente de la fragilité de nos existences, de l’impermanence de toutes choses. « La vie est l’instabilité même », confie-t-elle dans un article publié par le magazine Télérama.

Son travail peut faire penser à celui d’un peintre impressionniste, ou plutôt pointilliste : ces peintres, comme Georges Seurat ou Paul Signac, obtenaient une image complète par juxtaposition de petits points de couleur sur la toile, par petites touches de peinture séparées. Le résultat admiré à une certaine distance joue sur la perception visuelle du spectateur et confère au tableau un caractère troublant et aussi une grande beauté. On pourrait dire que le style d’Hiromi KAWAKAMI agit de la même façon sur notre perception : par accumulation successives de petites descriptions de sensations, actions, pensées.

Les thèmes, qu’elle aime traiter, qui nous touchent toutes et tous, tout comme sa capacité exceptionnelle à saisir les détails du quotidien et à les magnifier, rendent son écriture universelle. Tout en étant profondément japonaise, elle s’adresse à chacune et chacun d’entre-nous. Elle décrit souvent des scènes du quotidien, comme la préparation d’un repas, la nourriture consommée, une conversation entre amis ou encore un dîner bien arrosé, avec une minutie et une poésie qui révèlent la beauté dans les aspects les plus simples de la vie : « J’ai toujours cherché à écrire la valeur inestimable de la vie ». Son style d’écriture est fluide et empreint d’une délicatesse qui permet aux lecteurs de ressentir profondément les émotions de ses personnages. Elle excelle dans la création de mondes intérieurs riches et complexes pour ces derniers, les dotant d’une profondeur psychologique qui rend ses romans captivants. Elle utilise aussi souvent le fantastique pour dévier légèrement le fil de ses récits et ajouter un peu de mystère à l’ensemble.


Créer un monde de sens implicite

J’avais vu tomber une fleur de camélia. Il m’était arrivé de voir les pétales rouges joncher le sol comme des gouttes qui éclaboussent, les fleurs choir lourdement, sans perdre leur forme, mais jamais je n’avais vu de près une fleur de camélia dans sa chute. Regarde ! ai-je dit à Rei qui marchait à côté de moi. Il a tourné tout de suite les yeux et a ramassé machinalement la fleur qui avait conservé sa forme, intacte. Sans rien dire, il l’a serrée avec force dans sa main. Les gros pétales se sont détachés et dispersés au sol. Des doigts qui les emprisonnaient, plusieurs ont continué à s’échapper. Enfin, il n’est plus resté que le cœur de la fleur, tout jaune. Rei l’a broyé dans sa paume.
Manazuru (extrait)

Il s’avère souvent difficile de décrire exactement ce que l’on ressent à la lecture d’un roman japonais. En fermant un roman écrit par une autrice ou un auteur japonais, comme Hiromi KAWAKAMI, on peut être laissé à une douce rêverie. Le poète Zéno Bianu et la traductrice Corinne Atlan nous donne des clés de compréhension dans la préface de leur anthologie du haïku, parue chez Gallimard. Ils y utilisent l’expression « créer un monde de sens implicite ». Et c’est bien cela que l’on éprouve régulièrement en lisant un auteur du Japon : les émotions, les sentiments, la psychologie des personnages ne sont pas analysés ou décrits de manière directe. On comprend tous ces états intérieurs grâce au contexte. Il y a beaucoup de non-dits mais aussi une approche très sensible et très connectée à la nature, aux détails, à la vie comme elle est. Une forme de délicatesse.

Cette écriture de la suggestion est caractéristique de la poésie japonaise, mais on la retrouve aussi dans les textes de fiction en prose. On dit souvent que les Japonais sont très habiles pour comprendre sans rien dire (ou à mots très couverts) les sentiments d’une personne. Ils peuvent lire sur votre visage vos émotions. Ils sont habitués à « lire l’air » comme le dit l’expression japonaise : kûki wo yomu. Ils « lisent l’air » de la situation et, par conséquent, les expressions faciales des personnes sont une source d’information pour comprendre leurs émotions. Cela explique peut-être en partie cette délicatesse. On n’a pas à appuyer là où cela fait mal ou à souligner une émotion positive, si on l’a déjà « lue » dans l’atmosphère de la rencontre et de la pièce. C’est une forme de politesse. Et cette « politesse » de l’écriture, on la retrouve tout spécialement dans l’œuvre d’Hiromi KAWAKAMI.

Une autrice traduite dans plus de quinze langues à travers le monde

Au côté d’autres femmes puissantes comme Yoko OGAWA (née en 1962), Banana YOSHIMOTO (née en 1964), Mieko KAWAKAMI (née en 1976), et Sayaka MURATA (née en 1979), Hiromi KAWAKAMI a un impact significatif sur la littérature contemporaine japonaise et internationale. Ses romans, traduits en français et dans de nombreuses autres langues, touchent un large public. Son influence s’étend également au-delà de la littérature. Elle a inspiré de nombreux écrivains et artistes par sa capacité à trouver la beauté dans la simplicité de la vie quotidienne.

Elle publie depuis 1994 au Japon et a été récompensée par de nombreux prix : Prix ​​Pascal des nouveaux écrivains de nouvelles (1994), Prix Ryunosuke Akutagawa (1996), Prix Murasaki Shikibu (1999), Prix des Deux Magots (1999), Prix Sei Ito (2000), Prix de littérature féminine (2000), Prix Junichiro Tanizaki (2001), etc.

Présentation des ouvrages publiés et disponibles en France

Les Années Douces (2001 au Japon, 2003 en France)
Titre original : Sensei no kaban, Le sac du professeur

Empreint d’une douce mélancolie, ce roman examine les thèmes de la solitude, de l’amitié, de l’amour et du passage du temps à partir de la rencontre d’un maître d’école à la retraite avec son ancienne élève, Tsukiko, âgée maintenant de 38 ans, dans le bar que tous deux fréquentent régulièrement. On ne s’ennuie pas à la lecture d’événements banals de la vie de ces deux protagonistes. Et ils picolent, et ils picolent…Bière sur saké, rien à jeter. Et saké sur bière, rien ne se perd ! Et ils mangent du tofu, chaud, froid, tiède, nature, avec de la sauce soja et du katsuo boshi (des lamelles de poisson séchées). Ils nous donnent l’eau à la bouche. Même leur visite au parc d’attractions Disneyland a l’air sympa.

Moi qui croyais que nous étions complémentaires, à la manière de ces marmites fêlées qui trouvent quand même le couvercle qui leur convient ! Il faut croire que je n’étais pas le couvercle qu’il lui fallait…

C’est peut-être la douceur (comme le souligne le titre français) de l’ensemble de ces petits fragments de vie, le respect, la politesse, la lenteur qui font le charme ineffable de ce récit (« ineffable », c’est un mot employé par le maître à propos du goût d’un plat de champignons). C’est peut-être aussi la description précise et réaliste (comme le suggère le titre japonais) de ces petits moments de vie, le côté sentimental sans psychologie qui rend l’histoire si attachante.

À lire ici, la critique déjà parue sur le site en 2017.

Cette lumière qui vient de la mer (2003 au Japon, 2005 en France)
Titre original : Hikatte mieru mono, are wa

Le narrateur, ici, c’est Midori, un adolescent qui vit avec sa mère, journaliste indépendante dont il a du mal à maîtriser l’emploi du temps chaotique, et sa grand-mère au franc-parler qui vit « comme un chat » dans leur maison vétuste. On suit son histoire d’amour avec Mizue, son amitié avec Hanada qui éprouve le désir irrépressible de se travestir en femme. On part en vacances avec lui en été sur une île reculée à la rencontre de son père, Otori, qui y mène une vie de bohème.

Comme souvent avec Hiromi KAWAKAMI, la langue se déroule comme un long dialogue : à la fois un dialogue intérieur de notre narrateur en passe de devenir adulte, un dialogue intérieur fait de souvenirs de sa proche enfance et des notations sur le présent ; et aussi de nombreux dialogues dans un style parlé avec ses amis ou sa famille.

Il paraît que, pas dimanche prochain mais l’autre, c’est le jour où les pères viennent visiter l’école et participer à la classe, ai-je rapporté à ma grand-mère un jour.
– Dans cette maison, le père n’existe pas », a répondu ma grand-mère sans ambages.
J’ai murmuré une vague approbation. Ça, je le savais.
« Mais c’est le jour avant la fête des pères, j’ai besoin d’un père !
– Que ce soit la fête des pères, ou la veille ou l’avant-veille, il n’y a pas de père ici voilà tout. »

Couverture du livre Les Dix Amours de Nishino, paru aux éditions Picquier

Couverture du livre Les Dix Amours de Nishino, paru aux éditions Picquier

Les Dix Amours de Nishino (2003 au Japon, 2013 en France)
Titre original : Nishino Yukihiko no koi to bôken

Voici un roman polyphonique, comme un chœur antique de femmes !
Dix femmes : Natsumi – la femme mariée, Yamagata – une fille de sa classe, Manami – sa collègue de travail, Kanoko – la « bonne amie », etc., dix amoureuses d’un même homme, M. Yukihiko NISHINO, dessinent le portrait d’un séducteur, empêché d’aimer par un lourd secret. Le roman avance par points de vue successifs, chaque chapitre relatant l’histoire d’une de ces femmes avec NISHINO et apportant une petite pierre à l’édifice pour mieux comprendre ce personnage complexe. Toutes les narratrices sont des femmes indépendantes, fortes. Leur personnalité ou leurs rêves sont esquissés dans chacun des chapitres qui font tous entre vingt et trente pages.

Au bout d’un moment, il est parti. J’ai lancé d’un ton amer à Nishino qui déjà n’était plus là, qu’est-ce que tu crois, une fille n’espère pas que quelqu’un la rende heureuse. Une fille fait elle-même son bonheur. Là, voilà. Non mais.
J’ai pris le coussin dans lequel Nishino avait enfui son visage. Puis j’ai reniflé l’odeur. Il n’y avait que l’odeur du coussin.

La Brocante Nakano (2005 au Japon, 2007 en France)
Titre original : Furudôgu Nakano shôten

Comme son titre le suggère, le livre se déroule dans une boutique de brocante à Tokyo, celle de M. Nakano : « c’est une brocante ici, pas un magasin d’antiquités ! ». M. Nakano a d’abord embauché le jeune Takeo, et il vient aussi de renforcer l’équipe avec Hitomi, notre narratrice.
On suit les vies, les discussions, les interactions de cette petite équipe, complétée par la sœur de Nakano, Masayo. Et les objets du quotidien qui circulent dans la brocante portent, eux aussi, en eux des histoires.

Hiromi KAWAKAMI démontre une fois de plus sa capacité à révéler la beauté cachée dans les détails les plus modestes. Elle fait preuve d’un sens aigu de l’observation, décrivant les objets de la boutique avec une telle précision que chaque article semble prendre vie. Les personnages du roman sont profondément humains, avec leurs espoirs, leurs rêves et leurs déceptions, et l’écriture de l’autrice permet aux lecteurs de se connecter avec eux d’une manière authentique.

Le portable, objet haïssable. Qui a bien pu inventer cette chose incommode entre toutes ? Quelle que soit la perfection du message reçu, le téléphone portable est pour l’amour – aussi bien l’amour réussi que l’amour raté – la pire des calamités.

Manazuru (2006 au Japon, 2009 en France)
Titre original : Manazuru

Kei aimait Rei, de tout son cœur, de toutes ses forces, à corps perdu. Elle l’aime encore sans doute. Mais Rei s’est détaché peu à peu d’elle, il l’a trompée, et il a fini par disparaître, subitement, sans prévenir, ni laisser de trace. Une histoire banale somme toute.
Mais Rei se rend à Manazuru, une petite ville au bord de la mer et aussi un cap éponyme, dans la baie de Sagami près de Tokyo, où se situe également Kamakura. Et là, elle va revivre cette passion amoureuse. Entre souvenirs et hallucinations, voici certainement le roman le plus « hypnotique » de l’autrice.

À lire aussi la critique déjà parue sur ce titre.

Le temps qui va, le temps qui vient (2008 au Japon, 2011 en France)
Titre original : Dokokara ittemo tooi machi

On peut traduire le titre original par « quartier lointain ». Ici, le centre de gravité n’est pas une brocante, mais une poissonnerie : la poissonnerie Uoharu. À partir de ce point focal de la petite rue commerçante, vont se croiser les récits a priori décousus de différentes personnes qui fréquentent ce magasin. Et avec ces histoires de vie, c’est aussi tout un pan de la société japonaise qui défile. Une société d’avant le téléphone portable. 
Il faut aller jusqu’au bout du roman pour comprendre la structure implicite de l’œuvre et boucler la boucle en quelque sorte.

Les hommes et les femmes qui ont longtemps vécu me donnent l’impression d’être, comment dire, sans artifice. Ils me semblent révéler les particularités qu’ils possèdent chacun en propre, ce caractère inné dont la nature a doté chacun en particulier et qu’ils se sont appropriés au long des années, aussi bien les humbles, les modestes que les égoïstes, les gentils que les méchants.

Soudain, j’ai entendu la voix de l’eau (2014 au Japon, 2016 en France)
Titre original : Suisei

Miyako, la grande sœur (ainée seulement d’un an de plus), et Ryô, le petit frère, se retrouvent après dix ans de vie occupés à se lancer dans le monde des adultes. Ils se retrouvent aussi après le décès de leur mère en 1986, et, après les attentats au gaz sarin dans le métro de Tokyo par des membres de la secte Aum en 1995. Ces deux-là vont revenir vivre dans la maison de leur enfance.

Les odeurs réveillent les souvenirs.
Quand je sens l’odeur brûlante de l’asphalte qui revêt le sol uniformément, je me souviens de l’été 1969 où je buvais à tout moment des bouteilles de Seven Up. 

Cet extrait situé dans les toutes premières pages donne le la. Les souvenirs d’enfance vont se mêler à ceux de la vie adulte. Et c’est un peu comme le titre du film de 1968 de Claude Lelouch : La Vie, l’Amour, la Mort.

Couverture du livre Un matin légèrement nuageux, paru aux éditions Picquier

Couverture du livre Un matin légèrement nuageux, paru aux éditions Picquier

Un matin légèrement nuageux (2015 et 2018 au Japon, 2023 en France)
Titre original : Untitled stories

Il s’agit d’un recueil de seize nouvelles présentées par l’éditeur comme autant de : « petites histoires amoureuses », traduites du japonais par Elisabeth Suetsugu. Cette dernière a traduit tous les titres parus aux éditions Picquier. C’est un peu sa voix à elle aussi qui est derrière le travail de l’autrice. Le titre choisi pour ce recueil est celui de la dixième nouvelle.
Ces nouvelles, assez courtes (chacune se déroulant sur vingt pages ou moins) ont beaucoup de charme et sont effectivement autant de variations sur le sentiment amoureux : comment le définir, en parler, le saisir, qu’est-ce que l’on ressent, comment faire face à une rupture ou à la solitude, au vide laissé après le départ de l’être aimé ?
Elles forment un tout organique car on y reconnaît le ton si particulier d’Hiromi KAWAKAMI; parce qu’encore une fois, toutes les narratrices sont des femmes intelligentes, indépendantes, loin de l’image des filles nunuches et timides que les médias japonais et occidentaux aiment propager ; et enfin parce que le thème universel de l’amour joue comme fil conducteur.

Ces derniers temps, j’utilise de façon quotidienne l’haltère qu’il m’a donné. A présent, mes muscles sont légèrement saillants. Quand mon cœur est vide de sentiment, je caresse mes biceps.
La clé, deuxième nouvelle du recueil

Quand on tombe amoureuse, alors que l’amour est censé durer toujours, les sentiments se refroidissent d’un jour à l’autre, et le garçon dont on ne pouvait pas se passer une seconde devient une présence plutôt encombrante, ce qui m’amenait chaque fois à déclarer sans ambages : « Séparons-nous ! »
Le Voyage gratuit, seizième et dernière nouvelle du recueil

Le sentiment qu’on ne pouvait pas faire confiance aux hommes, ce sentiment que je gardais en moi depuis de longues années, ne pouvait pas s’effacer.
Bruissement des feuilles de bambou, sixième nouvelle du recueil

La célébration par Hiromi KAWAKAMI des moments simples de toutes vies et des beautés de la nature rappelle aux lecteurs l’importance de ralentir et d’apprécier les petites joies de l’existence. Souvenons-nous de ce message essentiel et lisons-la !

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page dédiée à l’autrice sur le site des éditions Picquier.

Les Années Douces ont été adaptées en BD par le plus français des dessinateurs japonais, Jirô Taniguchi, aux éditions Casterman.

Abandons, un recueil de nouvelles, traduites par Sophie Refle, est paru en 2003 aux éditions Actes Sud.

François-xavier ROBERT

Professionnel de la communication et du monde de l'édition, François-Xavier ROBERT est aussi un passionné par le Japon. Il a vécu deux ans à Tokyo, fait de nombreux voyages sur tout l'archipel et écrit plus de six livres sur le sujet dont : Kyôto itinéraires (978-2952151733) et 101 saveurs du japon (978-2100724680).

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