Sélection littéraire de la rentrée 2024 : 6 romans à ne pas manquer
Pour cette rentrée littéraire 2024, l’équipe du Journal du Japon vous propose une sélection de six ouvrages captivants aux thèmes et aux écritures bien variées. Que vous soyez férus du folklore japonais ou plutôt en quête de sensibilité, les romans que nous vous présentons possèdent tous ce petit quelque chose… qui ne laisse pas indifférent !
Suminawa, le charpentier des dieux
Résumé : « Suminawa est un charpentier de génie. Les habiles mécanismes de bois qu’il met au point vont jusqu’à simuler la vie des êtres. Devant son talent, les sages du Paradis bouddhique décident de lui confier une mission : sauver de l’errance les âmes de deux jeunes Immortels qui se sont égarées dans le monde des hommes… Dans cette quête, l’artisan devra faire appel à toute sa virtuosité pour contrevenir aux esprits malfaisants. »
Quand le fabuleux d’un écrivain rencontre la sensibilité d’un artiste, cela donne un grand classique. Nous voilà plongé en pleine époque Edo, à suivre les aventures de Suminawa, un être humain pas comme les autres, un de ceux qui sont élus par les Dieux. Écrit en 1809 et traduit pour la première fois en français aux Nouvelles Éditions Scala en cette année 2024, l’auteur, Ishikawa Masamochi, est un passionné du Dit du Genji dont il en fait son principal sujet de recherche académique. L’illustrateur, Katsushika Hokusai, n’est autre qu’un artiste sans prétention qui deviendra le plus grand nom des estampes japonaises quelques centaines d’années plus tard.
Suminawa, le charpentier des dieux, est le récit d’un voyage aux travers des terres japonaises d’un charpentier pas comme les autres, investi d’une mission divine. Dans son aventure, Suminawa n’est pas seul : il peut tout d’abord compter sur ses créations hors-normes – lui seul a le secret de leurs mouvements – puis sur ses compagnons, dont son élève Matsumitsu. Si le récit débute sur une succession de prouesses mécaniques du charpentier, celui-ci s’efface petit à petit du devant de la scène pour laisser place aux différents personnages qui ont tous le droit à leur moment de gloire.
Simple, drôle et touchante, l’histoire mélange le fantastique à la romance et au tragique, pour un rendu des plus inattendus compte tenu des 200 ans qui nous séparent de sa rédaction. On y découvre alors, entre la crédulité de certains et la vantardise des autres, les mécanismes de pensées des Japonais d’une époque lointaine, ancêtre du Japon d’aujourd’hui.
La Bedondaine des tanukis
Résumé : « Dans le riche comté d’Awa, les humains cultivent l’indigo tandis que les tanukis multiplient farces et métamorphoses. Pas un jour ne passe sans qu’un habitant ne soit victime d’une de leurs facéties : ils se transforment en bouilloire inépuisable, en pont de pierre (gare au plongeon si on se risque à l’emprunter), voire en humain (au risque d’être trahis par leurs yeux cernés de noir ou la queue qui dépasse). Leur génie bienveillant est sans limites. Aussi, lorsque l’infâme intendant du gouverneur menace d’enlever Omiyo, la fille du maître teinturier, c’est un tanuki qui vole à son secours. Pompoko pon ! C’était compter sans la fourberie ancestrale des renards qui ne sont jamais loin… »
C’est au fin fond de la campagne japonaise qu’est plongé le lecteur dans La Bedondaine des tanukis. Berceaux des contes et légendes japonaises, ces zones reculées ont vu naître au fil des siècles d’innombrables histoires mettant en scène des créatures les plus extravagantes les unes que les autres. Parmi elles, le tanuki. Cet étrange animal, que l’on nomme chien viverrin en français, est cette espèce de raton-laveur dont Journal du Japon vous parlait dans son article dédié aux symboliques et légendes autour des animaux au Japon. Pour le résumer ici, nous pouvons lui citer trois caractéristiques clés : sa mesquinerie, sa capacité de transformation, et ses énormes testicules.
Dans le récit de Inoue Hisashi, auteur japonais engagé dans le militantisme antinucléaire et décédé en 2010, les tanuki sont tout particulièrement vifs et farceurs. Leur existence n’est plus à prouver : ils sont là, bien là, et il faut vivre avec leurs canulars qui n’ont d’autres buts que de se moquer des humains, qui sont lassés. Jusqu’au jour où l’une de ces bêtes poilues ne se lancent dans une aventure des plus inattendues : le sauvetage de la belle Omiyo !
Si le récit peut être parfois difficile à suivre par la facilité de l’auteur à la disgression, il n’en reste pas moins un ouvrage unique en son genre, qui s’inspire des contes traditionnels tout en s’alimentant d’une imagination sans limites. Surprenante et drôle, l’histoire est bien plus profonde qu’elle n’y parait. Soyez prêts, c’est une grande aventure qui vous attend !
Kokoro
Résumé : « Dans ce roman se fait entendre une voix ténue et obstinée, attentive aux mouvements subtils de la nature et des âmes.
Koichi et sa sœur Seki n’avaient que douze et quinze ans lorsque leurs parents ont disparu dans un incendie. Depuis, ils ont le cœur en hiver.
Seki s’est réfugiée dans la maîtrise et la réussite professionnelle. Koichi, lui, s’est absenté du monde, qu’il regarde en proximité. Mais le jour où il apprend que sa sœur va mal, très mal, Koichi se réveille et pose enfin les actes qui permettront à chacun de renouer avec un bonheur enfoui depuis l’enfance. »
L’autrice française passionnée de littérature jeunesse et de culture asiatique Delphine Roux nous propose avec Kokoro une œuvre sensible, tout aussi amère que lumineuse. À travers deux chemins de vies, elle nous parle de deuil, de reconstruction et de liens familiaux, sur fond de langue japonaise. Ce petit roman – 114 pages – a en effet la particularité de se découper en une multitude de petits paragraphes, tous introduits par un mot en japonais accompagné de sa traduction en langue française… Présentés comme des aphorismes, les paragraphes se succèdent bel et bien, pour mieux nous emporter dans leur élan de poésie. L’histoire va crescendo, les premières pages nous intriguent, les suivantes nous emportent et les dernières nous tiennent en haleine sans que nous ne puissions plus refermer le livre.
L’écriture de Delphine Roux est à la fois simple, musicale et sensible à l’extrême. Elle parvient à transmettre directement les émotions de ses personnages à fleur de peau, au fur et à mesure que les ressorts du drame se dévoilent à nos yeux. Cathartique, Kokoro – qui désigne en japonais le cœur, au sens sentimental du terme – se traverse comme un tunnel : les environs ont beaux être sombres, la lumière de la sortie se laisse toujours deviner… là-bas, tout au bout.
Cet ouvrage ancré au Japon, dont le déroulé même se base sur sa langue, donne à voir tout un pan culturel et plonge dans la vie quotidienne de ce pays. Un très joli récit qui ravira les amateurs de littérature en général et envoûtera plus encore les amoureux du Japon en quête de voyage littéraire. Sorti pour la première fois en 2015, il est toujours disponible au format poche aux Éditions Picquier.
Le dernier voyage de Momoko Hidaka
Résumé : « À vingt-quatre ans, Momoko s’est installée dans la grande ville, à Tokyo, pour fuir les contraintes de sa vie à la campagne. Et sans y prendre garde, elle a pris le chemin que la société lui dictait : mariage, pavillon, enfants. Aujourd’hui, âgée de soixante-quatorze ans, Momoko est seule. Elle a tout le temps pour penser. Aux rêves qu’elle a eus autrefois, à l’amour, à la solitude. À la vieillesse et à la mort. Et alors que se réveillent en elle les voix des êtres chers qui l’ont quittée, elle en vient à se demander ce qu’est réellement le bonheur. Dans ce premier roman au style affirmé, Chisako Wakatake dépeint avec finesse et humour les méandres de la mémoire, entre aspirations déçues et moments de bonheur. »
Premier roman de Chisako Wakatake traduit en français, Le dernier voyage de Momoko Hidaka – notamment couronné par le prestigieux prix Akutagawa – nous plonge dans l’esprit d’une vieille femme qui perd doucement la tête, cohabitant avec les différentes voix qui l’habitent comme autant de morceaux éparpillés de sa mémoire. Autour du drame principal qui a brisé sa vie, la perte brutale de son mari, se dévoilent, au fil des voix, tout le reste de son existence : le quotidien d’une femme japonaise au siècle dernier, le parcours d’une campagnarde née dans la région du Tôhôku montée à la capitale… Avec ses rêves, ses bonheurs et ses déceptions.
Le travail de traduction, que nous devons à Sophie Bescond, est un véritable tour de force dans sa créativité langagière et son alternance des voix : Momoko passe du japonais standard à son dialecte natal du Tôhôku, tandis que de multiples références littéraires, musicales ou culturelles (toutes expliquées en notes de bas de page) parsèment le récit.
Une œuvre sensible et prenante, qui nous plonge dans le lointain Japon autant qu’elle fait écho à chacun d’entre nous, à nos doutes, à nos peurs et à nos questionnements sur les grandes incertitudes de la vie… Sorti le mois dernier seulement, Le dernier voyage de Momoko Hidaka est à découvrir d’urgence dans toutes les bonnes librairies !
Un lundi parfum matcha
Résumé : « Ce lundi-là, l’énigmatique propriétaire du Café Marble à Tokyo organise une séance de dégustation de thé. Caché sous les cerisiers qui changent de couleur au fil des saisons, ce havre de paix se transforme alors en un lieu magique où l’amertume du matcha vient apaiser l’amertume de l’existence.
Une brillante commerciale poursuivie par la malchance depuis le Nouvel An ; la propriétaire d’une boutique florissante qui a oublié l’humilité de ses débuts ; une grand-mère en froid avec sa petite-fille… Alors qu’un chat blanc comme neige observe paisiblement les étonnants humains qui l’entourent, le Café Marble devient le lieu de rencontres insolites qui vont bouleverser la vie de ceux qui en ouvrent la porte.
De Tokyo à Kyoto, Michiko Aoyama nous offre un délicat roman choral sur la beauté et la fragilité des relations humaines.«
Dans Un lundi parfum matcha, que nous avions annoncé au printemps dernier, Michiko Aoyama explore les récits entrelacés de différents protagonistes à travers un roman choral structuré par les mois de l’année. Chaque chapitre, correspondant à un mois, propose un narrateur unique et offre un aperçu de sa vie, reliée parfois au mystérieux café Marble. Ce café, présent dans le précédent ouvrage de l’autrice, Un jeudi saveur chocolat, sert de point de départ pour les histoires, mais les liens entre les personnages vont au-delà de cet élément central. Aoyama réussit à créer une mosaïque vivante de voix diverses, allant des jeunes aux personnes âgées (et même un chat prend la parole !), avec une fluidité narrative et une profondeur émotionnelle.
La traduction d’Alice Hureau joue un rôle essentiel dans la transmission de la délicatesse du style de Michiko Aoyama. Elle capture la nuance des récits choraux et l’atmosphère intimiste du roman, permettant aux lecteurs francophones de pleinement apprécier la richesse de ce récit. Le raffinement des éditions Nami complète parfaitement ce roman feel-good, offrant une expérience de lecture réconfortante et immersive.
La Forêt au clair de lune
Résumé : « Fasciné par la Lune, cet astre intrigant qui conserve tant de secrets, Taketori Okina a transformé sa passion en podcast à succès. Chaque jour, des centaines d’auditeurs dispersés aux quatre coins du Japon s’échappent de leur quotidien, portés par sa voix réconfortante. Une infirmière qui vient de quitter son emploi, un humoriste qui n’arrive pas à percer, une lycéenne qui rêve d’indépendance… tous sont confrontés à des décisions qui vont bouleverser leur destin.
Tout comme le clair de lune guide les tortues la nuit de leur naissance, Taketori pourra-t-il éclairer le chemin et inspirer les choix de ceux qui sont à son écoute ?
Un roman choral émouvant qui célèbre le pouvoir de la nouvelle lune et l’importance de la générosité et du partage dans nos vies.«
Fraîchement sorti à l’occasion de la rentrée littéraire 2024, La forêt au clair de lune, également de Michiko Aoyama, est un autre roman choral où cinq chapitres dévoilent les histoires entrelacées de différents narrateurs, chacun étant un auditeur fidèle d’un mystérieux podcast sur la Lune. Ce lien commun crée une toile de fond intrigante, reliant les protagonistes de manière subtile. Les phases lunaires ont aussi leur importance, chaque personnage y trouvant écho par rapport aux évènements de sa vie. La relation entre les Japonais et les astres est joliment évoquée.
Aoyama excelle à ajuster la voix de chaque narrateur, rendant chaque tempérament unique et crédible, qu’il s’agisse d’une lycéenne ou d’un garagiste. Ce roman, avec ses chapitres plus longs que ceux de Un lundi parfum matcha, permet un développement plus approfondi des personnalités et de leurs histoires, offrant une lecture encore plus immersive.
Des contes traditionnels aux feel-goods, en passant par des récits plus poétiques, vous avez désormais de quoi vous entourer de belles lectures pour cette rentrée… À vos marques-pages, prêts, partez !!