Rêves de Japon, de l’estampe au manga, un dialogue inédit entre l’estampe japonaise, l’impressionnisme et le manga contemporain
Très appréciés du grand public, les estampes traditionnelles, l’impressionnisme et les mangas sont des sujets prépondérants dans la culture populaire qui semblent appartenir de prime abord à trois mondes distincts. Jean-Christophe Hubert, commissaire de l’exposition Rêves de Japon de l’estampe au manga, exécute, par son exposition à l’atelier Grognard à Rueil-Malmaison, un dialogue inédit entre différentes formes d’arts : estampes traditionnelles, œuvres impressionnistes, mangas et cinéma d’animation. Du 28 mars au 6 juillet 2025, l’exposition nous invite à déambuler parmi les 200 œuvres présentes au sein du lieu et à traverser, par diverses thématiques artistiques et culturelles, un Japon imaginaire et fantasmé tantôt par les Japonais tantôt par les Occidentaux.
Un Japon rêvé : quand trois arts visuels se rencontrent
Le Japon rêvé vu par les grands maîtres des estampes et par les impressionnistes
Le Japon est un pays qui fascine et qui a su fasciner, et notamment en raison de son architecture, de son art ou de sa culture. Depuis le 19ᵉ siècle, l’engouement grandissant pour les estampes japonaises des Européens s’est transformé, fin 20ᵉ – début 21ᵉ, en une passion pour les mangas et le cinéma d’animation. Grâce aux divers prêts de collectionneurs privés, Jean-Christophe Hubert a réussi à créer une exposition sur mesure pour faire découvrir le Japon aux visiteurs, comme l’avaient fait par le passé les Japonais lors des expositions universelles, par exemple. Certaines des œuvres exposées durant ces dernières figuraient elles aussi dans l’exposition et nous permettent ainsi de comprendre plus facilement les trésors japonais qui ont pu influencer les créations des artistes français.


Il est important de souligner la répartition des œuvres. En tout, il s’agit de plus de 200 pièces : pour certaines issues de collections particulières et d’autres spécialement conçues pour l’exposition. Toutes ont été rassemblées dans le but de créer une scénographie unique et inédite où le spectateur plonge dans l’univers visuel des estampes et des mangas. On trouve trois catégories d’ouvrages d’art : une centaine d’estampes japonaises et une trentaine de peintures européennes, une centaine d’artefacts japonais (porcelaines, armures de samouraï, outils de gravure, pipes…) et 40 dessins et celluloïds originaux de mangas et d’animés.


On pourra regretter une répartition non équitable, qui suit néanmoins un axe de scénographie bien pensé. Si l’on observe bien les chiffres, on peut constater une présence moindre sur les ouvrages liés au manga et au cinéma d’animation. À quoi est-ce dû ? Un manque de moyens pour exporter et trouver des œuvres originales, un manque de connaissances sur le sujet ? Ou est-ce une contrainte d’agencement de la pièce et de la taille de l’exposition ? Ou alors est-ce un prétexte pour monter une exposition remplie d’œuvres inédites et la lier à l’univers des mangas, dans l’espoir d’attirer un nouveau type d’auditeur ?
Avec son nombre plus conséquent d’estampes, l’exposition débute par une présentation des travaux d’Hokusai, notamment avec l’affichage intégral des Trente-six vues du mont Fuji. En complément, on trouve tout autour des artefacts de l’ère Edo (1600 – 1868) et de l’ère Meiji (1868 – 1912) toujours en lien avec le monde des estampes servant soit à la réalisation du dessin, de la gravure, de l’impression, de la publication, de la diffusion et des finitions. Des cloisons translucides de peintures se muent dans le décor, divisant la pièce en plusieurs parties et en nous emportant encore davantage dans le monde japonais. Jean-Christophe Hubert n’hésite pas à produire ses propres maquettes d’architectures – pont, sanctuaire – que l’on retrouve peintes dans les estampes des grands maîtres japonais et des impressionnistes, à fixer des lanternes et des origamis aux plafonds pour nous plonger dans l’atmosphère du pays, et ainsi construire un discours cohérent et puissant où l’on croirait être transporté au Japon. Quel rêve, n’est-ce pas ?


Ce n’est qu’à partir de cette introduction au monde des estampes avec Hokusai et Hiroshige que la visite se poursuit et que le commissaire d’exposition frappe fort en introduisant des arguments solides sur les divers échanges qui s’exécutaient entre l’Europe et le Japon. Et si, je vous disais que l’on peut trouver des liens entre les estampes de femmes d’Utamaro et les danseuses de Degas ? Et si, on pouvait réussir à trouver un lien entre le théâtre Kabuki – ses masques, marionnettes, éventail – les estampes japonaises représentant cet univers et le monde du théâtre français peint, par exemple, par Toulouse-Lautrec ?
Une continuité vers les mangas et le cinéma d’animation
Lier les estampes et les mangas ne semble pas être un postulat sorti tout droit d’un scénario loufoque. En effet, il y a plus de liens qu’il n’y paraît. L’une des premières utilisations du terme « manga » se retrouve dans les travaux d’Hokusai, lorsqu’il compose La Manga (au féminin), premier manuel de dessins et de modèles de 15 volumes où il dessine des objets du quotidien, de l’architecture, des personnages, des animaux, des positions dans le but d’enseigner un modèle d’enseignement par le dessin, accessible à tous. Le sens du mot manga d’aujourd’hui s’est démocratisé à l’après-guerre grâce à Osamu Tezuka, à qui l’on doit grandement les caractéristiques du manga moderne.
La dernière partie de l’exposition se concentre ainsi sur les mangas modernes et contemporains, en retraçant rapidement son histoire et comment les mangakas – Osamu Tezuka, Akira Toriyama, Aya Oda, Masashi Kishimoto – et les studios d’animations comme Ghibli avec Hayao Miyazaki, ont récupéré les codes des emakimono (rouleaux anciens), des estampes japonaises, des bandes dessinées américaines et des dessins animés américains pour en créer des mangas faisant rêver plusieurs générations de fans.
Un aspect très intéressant et innovant dans l’exposition est le travail de Ads Libitum (David Redon), qui crée des estampes parodiques en y intégrant des éléments de pop culture. Le propos de l’artiste se prête très bien au message souhaité par le commissaire d’exposition, celui de lier les estampes et les mangas. On retrouve par exemple une reproduction d’une estampe d’Hiroshige avec le personnage de Son Goku sur son nuage magique, ou encore Astroboy s’envolant face au mont Fuji. Comme dit précédemment, le coin manga et animé se résume à un échantillon assez pauvre d’objets – quelques dōga de mangas ou de studio d’animation, des figurines – semblant donner satisfaction aux jeunes publics.



L’exposition Rêves de Japon, de l’estampe au manga, touche un large public, aussi bien les enfants que les adultes. Le sous-titre de l’exposition « de l’estampe au manga » souligne une envie de la part du commissaire de réunir ces deux publics et de les faire voyager au pays du Soleil-Levant. La scénographie est pensée pour tous : les cartels ne sont pas juste à destination des adultes. Les enfants disposent eux aussi de leurs cartels, qui les questionnent davantage sur les travaux des grands maîtres des estampes, comme pour leur donner envie de s’y intéresser et de comprendre les processus de création des divers artistes exposés.
La fin de l’exposition se termine par un coin d’activités, accessible à tous, avec divers jeux proposés pour s’entraîner à dessiner comme nos auteurs de mangas, à entraîner son regard sur les estampes japonaises.


Rêves de Japon, de l’estampe au manga, propose un axe de recherche très intéressant en réussissant à parfaitement lier trois univers dans une seule et même exposition, chose qui n’avait jamais été faite auparavant. Cette visite inédite réunit des ouvrages de collections privées que l’on ne pourra que très rarement observer. Elle arrive à s’adresser à un double public – enfant et adulte- sans être trop ou pas assez précise. Certains raccourcis permettent d’éviter de trop perdre le public en raison de trois types d’arts très complexes, qui font habituellement l’objet d’expositions isolées.
Félicitations Jean Christophe, où puis aller voir cette exposition, adresse? Merci
Bonjour,
Cette exposition se situe au 6 Avenue du Château de la Malmaison à 92500 Rueil-Malmaison.