[Interview] Samantha Bailly : les stagiaires, nouvelle génération

Samantha Bailly est maintenant une auteure bien connue des éditions nobi nobi. Mais avant d’officier dans la littérature pour enfant, Samantha est avant tout une romancière, qui a connu dans son parcours le monde du jeu vidéo, en tant que stagiaire chez la célèbre société de jeu vidéo Ubisoft. C’est en mélangeant un peu tout ça, du stage au roman en passant par les univers du manga et du jeu vidéo, qu’elle en est arrivée à écrire Les Stagiaires, édité dans la collection Milady des éditions Bragelonne.

Photo N.Parent

 

Journal du Japon a alors pensé à tous ceux d’entre-vous qui ont un jour vécu l’expérience du stage ou du travail dans les univers japonisant, et nous sommes allés à la rencontre de mademoiselle Bailly, lors du dernier Salon du Livre de Paris, pour en savoir plus sur les nouvelles réalités du stage moderne, qui n’a plus grand chose à voir avec la réalisation du café et des photocopies…

Stage : du rêve à la réalité…

Journal du Japon : Bonjour Samantha !

Samantha Bailly : Bonjour Paul !

Avant d’avoir écrit Les Stagiaires tu l’as toi-même été, stagiaire, dans le secteur du jeu vidéo chez Ubisoft. D’ailleurs tu as commencé par être une joueuse de RPG nippons comme Final Fantasy par exemple. Est-ce que tu pourrais nous dire ce que représentaient ces jeux pour toi ?

En fait, pour moi, la littérature et le jeu vidéo sont très imbriqués. A la base j’ai commencé à lire des romans comme A la croisée des mondes de Philippe Pullman en même temps que je découvrais des sagas comme Final Fantasy, Chrono Cross, Chrono Trigger sur l’émulateur d’un ordinateur parental, acheté d’occasion et sur lequel l’ancien propriétaire avait laissé de très bonnes choses ! (Rires)

 

Final Fantasy VI

Tous ces RPG japonais sont très bavards, avec un contenu narratif fort, donc il y a avait une certaine logique dans tout ça. Du coup jeu vidéo et littérature faisaient partie d’un grand ensemble des cultures de l’imaginaire et j’avais dès le départ ce rêve de devenir écrivain.

Donc j’ai écrit, écrit, écrit… J’ai fait un Master de Littérature Comparée et j’ai publié mes premiers romans, comme Oraisons maintenant réédité chez Bragelonne. Lorsque que j’ai fini mes études, je me suis demandée ce que j’allais faire de ma vie. Depuis toujours, on m’avait répété en boucle que Lettres Modernes ne pourrait déboucher qu’à l’enseignement…
Mais j’ai dit non. Je pense qu’en tant que littéraire, on a d’autres avenirs dans la société, ce n’est pas forcément l’édition, ce n’est pas forcément l’enseignement… Et, par hasard, j’ai postulé à une offre de stage chez Ubisoft, à la communication internationale, pour faire de la rédaction. Contrairement à certains de mes personnages, je ne suis pas arrivée dans cette entreprise avec des étoiles plein les yeux, car cela faisait deux ans que j’étais publiée et que je connaissais un peu le milieu de l’édition et du travail.
Mais ce qui m’a frappé, que ce soit dans le jeu vidéo, le manga et l’édition en général, ce sont toutes les générations de stagiaires que j’ai pu croiser qui sont très attirés par ces entreprises ayant bercé leur enfance, grâce à des œuvres et des marques très fortes. C’est pour cela que j’ai voulu écrire un roman basé sur ce terreau d’expérience de stages, qui regroupe évidemment un peu de mon vécu mais aussi beaucoup de tout ce que j’ai pu observer en interne de l’entreprise et ce qu’on m’a raconté.

Dans ce roman, nous suivons deux personnages dont Ophélie qui vont faire un stage dans la société Pyxis. Elle arrive, comme tu le mentionnais plus haut, avec des étoiles plein les yeux et elle se retrouve confrontée à la dure réalité. Pourquoi ces stages sont toujours un choc selon toi ?

Il y a plusieurs raisons…

Même si le roman est construit autour d’expériences diverses, ce que j’ai en commun avec Ophélie c’est que j’arrivai de la province
à Paris. Et ça c’est un premier choc. Comme elle, j’ai galéré comme ce n’est pas permis pour trouver un appartement. Ensuite il y a les promesses des RH (les Ressources Humaines, NDLR) qui te disent toujours que « ce stage peut aboutir à un contrat dans l’entreprise », mais tu te rends compte au bout d’un moment qu’il y a comme un sous-titrage dans le monde de l’entreprise, qu’on ne connait pas lorsque l’on débute.

De plus, toutes ces grandes entreprises créatives vivent constamment entre la créatif d’un côté et le commercial de l’autre. Elles essaient de survivre d’un point de vue financier et se fixent tantôt des objectifs artistiques, tantôt des objectifs plus commerciaux. Ça m’a assez marqué en tant qu’auteure de voir que cette tension qui existe dans le milieu de l’édition se retrouve aussi dans le monde du jeu vidéo.

Les Stagiaires

Ensuite, une autre facette qui m’a fascinée, c’est le rapport entre les gens. Notamment le rapport manager – managé, qui est une sorte de mariage forcé dans le monde de l’entreprise. On se retrouve à travailler avec des personnes qu’on n’a pas choisi, qui nous ont choisi mais qui ne savent pas forcément à quoi s’attendre. Petit à petit les personnalités se dévoilent et il est fascinant de voir comment l’humain est incorporé dans un processus très cadré et très professionnel.

Au final, on se rend compte que les questions d’affect rentrent beaucoup en ligne de compte. Les stagiaires arrivent dans un entre-deux car ils ne sont pas vraiment intégrés à l’entreprise, ils ne sont plus étudiants mais pas encore salariés… Ils sont dans une étrange ambiguïté et découvrent tout un univers avec des personnes déjà en place qui possèdent, eux, plus de stabilité.

Tout ça fait que le rapport managé-manager créé une alchimie psychologique qui peut donner des résultats de travail ou d’ambiance diamétralement opposés. C’est très différent selon les personnalités. Les techniques de management sont intéressantes car le but de l’entreprise dans ces stages, c’est quand même d’exploiter au mieux vos possibilités et de vous rendre le plus productif possible, il faut être lucide là dessus. Mais au final il y a de l’énergie perdue sur des choses souvent très stupides dans les rapports humains : des rivalités, la peur de perdre sa place, etc.

Du coup j’avais envie de retranscrire tout ça. Etre écrivain dans une entreprise c’est aussi un petit rôle d’ethnologue (Rires).

Le fan, le stagiaire… et celui qui les embauche

Pixys est une entreprise qui évolue dans le monde du jeu vidéo, le manga est aussi évoqué et on croise même des noms très ancrés dans notre réalité comme Paris Manga, Japan Expo etc. Qu’est-ce que ces univers ont de spécifique par rapport à des stages dans d’autres milieux ? On a notamment l’impression que l’affect a une place différente…

J’ai d’autres amis stagiaires dans des milieux très différents comme la banque, mais qui se sont quand même retrouvés dans le livre. Néanmoins, il est vrai qu’il y a une nuance car les entreprises de l’industrie créatives fabriquent souvent un cadre de travail « à la cool » on va dire, elles créent un espace de vie très convivial, très agréable. On retrouve l’ambivalence où l’on prend soin de ses employés avec une atmosphère familial, mais on sait qu’au fond l’objectif est que ces gens se donnent plus, restent plus tard le soir et se sentent investis émotionnellement pour être encore plus performants. Le divertissement est un secteur assez particulier.
En plus, il y a l’image mentale que se construisent les jeunes autour de cela. Moi quand je suis arrivé chez Ubisoft c’était « Aaaaah Ubisoft, Assassin’s Creed c’est trop bien ! ». Mais Ubisoft c’est 8 000 employés, donc on n’est seulement un petit maillon dans la chaîne. Mais il y a cette vitrine et des œuvres fortes qui ont marqué un imaginaire, et tout cela biaise un peu les rapports. Les gens vont dans ces entreprises entourées d’un halo d’affect en acceptant d’être payé moins mais de travailler dans quelque chose qu’ils trouvent « cool ».

C’est intéressant de voir tous les ressorts psychologiques qu’il y a derrière cela, parce que c’est un rapport, quand on y réfléchit, qui est un peu malsain, avec une interdépendance entre l’employé et l’entreprise qui n’est pas vraiment équilibrée.

Buzz

Tout ça rejoint le dilemme entre le partage avec un fan et l’exploitation de ce dernier à des buts marketing, quand il devient l’un des maillons de la communication… Est-ce que tu penses que c’est une vraie tendance à plus long terme ?

Je vous conseille vraiment de lire Buzz de Frank Rose, aux éditions Sonatine, qui parle des mutations des générations avec Internet, la culture web, le rapport à la fiction et tout le phénomène de fan qui s’est créé. Il explique comment, avec une série comme Lost par exemple, les scénaristes ont exploité tout le savoir et toutes les encyclopédies que les fans de Lost avaient rassemblés.

En fait les producteurs et entreprises se sont rendus compte que les fans sont plus spécialistes que les gens qui travaillent sur les marques. A part des exceptions bien sûr, certains fans travaillent aussi dans les milieux qui les passionnent et viennent enrichir l’entreprise de leur savoir, il ne faut pas non plus noircir le trait. Mais ça reste vrai qu’il existe une interdépendance entre le fan qui est ravi de faire partie d’une aventure et un éditeur qui n’est pas stupide et qui voit bien qu’il a une expertise à portée de main, ce qui lui permet d’éviter des incohérences dans la création d’un univers.

Je pense que c’est un phénomène qui est en train de se développer avec ce qu’on appelle très pompeusement « le transmedia ». Eric Viennot, un expert du transmedia, a cette phrase formidable : « le transmedia c’est comme le sexe au collège, tout le monde en parle mais personne ne sait ce que c’est ! » (Rires)

Cela dit, il y a réellement cette tendance de voir naître des univers qui traversent tout un tas de format : les livres, les films et les jeux vidéo. Il y a un réseau de fans qui navigue dans ces univers et, forcément, les entreprises sont en train de réfléchir pour savoir comment interagir avec cela, comment accompagner ces mutations d’habitudes de lecture et de consommation de la fiction. La communauté est devenue une valeur importante, d’où la mise en place du métier de Community Manager.

Je fais aussi partie de cette génération hybride et c’est aussi pour cela qu’on a demandé à Boulet de faire la couverture, car il est tout à fait dans ce mélange des genres.

 Boulet dédicace Les Stagiaires -- Photo N.Parent

 

Pour en revenir au roman… Comment a été construite Pyxis, la société au cœur de ces stages ?

Le but était de mixer plein de choses : Pyxis est à la base une maison d’édition qui fait des mangas. Mais finalement elle se rend compte de la chute des ventes, de cette évolution transmedia, et se met à faire des jeux vidéo. On peut donc y retrouver plein de sociétés : ça peut-être Ubisoft, Pika, Ankama, … J’ai plein d’amis qui sont dans ces domaines et leurs retours ont contribué à construire cette société.

De plus les stagiaires qui arrivent sont dans des services différents : l’édito, la finance, le marketing, etc. Au sein d’une même entreprise on retrouve des secteurs qui n’ont pas la même façon de travailler ni les mêmes objectifs comme je le disais plus haut.
Je voulais aussi donner à cette société cette volonté de « on veut la jouer à la Google » avec cet aspect assez paillette pour les stagiaires qui arrivent : la salle de sport, la nourriture gratuite, la salle de jeux, etc. C’est un décor intéressant à planter.

La vie du stagiaire, au jour le jour

On a parlé du fond mais ce roman se démarque aussi par la forme avec deux aspects un peu inhabituels. Le premier c’est une playlist et un morceau de musique à chaque début de chapitre. Tu peux nous en dire plus là-dessus ?

En fait j’avais vraiment envie d’accompagner le livre avec des extraits de musique plutôt modernes et qui font partie de cette culture, afin de donner une coloration à chaque chapitre, de leur donner une tonalité. C’est aussi le quotidien du lecteur comme celui des personnages du livre, qui écoutent de la musique dans le métro ou autre en allant au boulot. De plus, chaque extrait de paroles entre bien sûr en résonance avec la situation que vivent les personnages.

Ensuite on retrouve aussi un volet informatique si je puis dire. On retrouve des mails, dans une typographie et une mise en page spécifique, mais aussi le fameux Communicator, l’outil de chat de Pyxis. Comment ce logiciel est arrivé dans ton histoire ?

Communicator, je l’ai découvert en stage et c’est un peu comme ça que tu rencontres tout le monde au début de mon stage. Sur ton écran, le premier jour des fenêtres s’ouvrent un peu partout avec tous les stagiaires qui te disent bonjour et t’invitent pour aller manger…

Le fameux « rendez-vous à 12h30 en bas » qu’on a tous plus ou moins vécu…

Exactement. Cela a donc ponctué mes deux années de vie en entreprise et c’est une sorte de réseau sous-terrain car il y a ce qui se dit à l’oral dans l’open-space et ce qui se dit sur le chat interne.

C’est un outil narratif très intéressant car c’est un espace de discussion très libre. Je me souviens que la plus grande crainte de nombreuses personnes étaient « Est-ce que ces conversations sont archivées, est-ce que quelqu’un peut y accéder ? » (Rires)
Au fil du temps, je me suis rendu compte que tout le monde avait le même genre de discussions sur cet outil : des échanges de blagues, des remarques sur ses managers/managés, des confidences en entre amis… Cela peut donner lieu à des situations comiques lorsqu’on est en réunion. Je me souviens d’un employé ouvrant sa session d’ordinateur sur grand écran, quand soudain des fenêtres se mettent à poper de nulle part en disant des choses qui ne doivent surtout pas être vues ni lues et qu’il s’est empressé de refermer dans la panique. J’ai aussi eu un collègue qui critiquait son manager et qui lui a envoyé le message par erreur parce qu’il pensait à lui, il a donc profité du moment où ce dernier était aux toilettes pour supprimer sur son ordinateur ledit message envoyé… La réalité dépasse souvent la fiction !

Bref, cette messagerie instantanée donne un excellent ressort comique qui me paraissait indispensable et qui fait partie de la vie de l’entreprise et du stagiaire.

Après le stage, le CDD !

S. Bailly à son atelier de travail

Si je ne dis pas de bêtises il y a un volume 2 qui est prévu ?

Oui, qui est signé même, c’est la suite directe mais qui a désormais un nouvel axe : le CDD.

On retrouverait la personne qui est restée dans l’entreprise et l’arrivée de nouveaux stagiaires. C’était un objectif dès le départ ?

Le projet était : un roman pour 6 mois de stage. Je voulais vraiment faire deux romans. Celui là, le premier, est axé sur les stagiaires, ceux qui partent et ceux qui restent, etc. Mais je voulais aussi parler, dans le tome 2, des stagiaires qui se retrouvent en CDD.

Le CDD, c’est quand même une situation extrêmement étrange. On est toujours considéré par les autres comme un stagiaire même si on a un contrat d’employé. Mais ce dernier est provisoire car on ne sait pas s’il débouchera sur un CDI. Ces CDD vont se retrouver à manager eux-mêmes des stagiaires et je voulais montrer cet autre côté car les choses ne sont pas du tout manichéennes. Il y a tous les profils dans les stagiaires : de la personne brillante et compétente à la personne qui n’est pas à sa place et qui fait des gaffes.

En CDD, on prend conscience du degré de complexité de l’entreprise et des enjeux plus politiques. Tout ne se limite plus aux managers, il y a tout un monde au-dessus de lui. Il y a des managers qui essaient de garder et de défendre leur stagiaire, qui essaient d’avoir des budgets pour les employer, qui doivent de gérer le côté humain en même temps que ces réalités économiques.

Dès Les Stagiaires on retrouve ça avec Vincent justement…

Oui Vincent, c’est quand même un stagiaire qui est RH des stagiaires !

Mais de toute façon quand on est stagiaire, quelles que soient les responsabilités et l’ancienneté, on garde cette étiquette…

On la garde toujours. Moi, même après 2 ans chez Ubisoft, on disait encore « mais oui tu sais c’est la stagiaire d’un tel ». On reste, on fait partie du décor, et finalement, les gens ne savent pas trop quel est notre contrat, mais on est jeune, et des stagiaires, il y en a tellement… J’ai déjà entendu un manager dire à l’un de ses collègues : « de toute façon, moi, les personnes qui ne sont pas là depuis au moins quatre-cinq ans, j’estime qu’elles ne font pas partie de la boîte. »

Je trouve ça assez dur – certaines personnes se donnent vraiment à fond et n’ont pas de reconnaissance – mais c’est aussi une réalité car quand on est depuis vingt ans dans une grosse boite, on voit défiler tellement de personnes qu’on n’a parfois plus envie de retenir leur prénom. C’est ce que dit Caroline à Ophélie au début : « comment il s’appelle déjà le petit stagiaire ? Bah de toute façon ce n’est pas grave, il y en aura un nouveau dans trois mois. »

Ubisoft

Pour finir un conseil pour les futurs stagiaires de ces univers ?

Tout d’abord, une précision : mon stage chez Ubisoft a changé ma vie. Vraiment. Sans cette opportunité, je ne sais pas où je serai aujourd’hui. Cela m’a appris énormément, dans un domaine dans lequel les littéraires ont peu accès. Donc je suis profondément pour le stage en tant qu’expérience, je pense que cela peut déterminer de nombreuses choses dans le bon sens. En revanche, bien évidemment, je suis contre le stage comme bizutage social, et tous les abus que l’on peut observer, qui sont une réalité tangible aujourd’hui.

Sinon, mon conseil à des stagiaires… Je dirais, la mesure. D’un côté il ne faut pas tomber dans l’excès de se croire arrivé parce qu’on a fait des études, croire qu’on sait déjà tout et qu’on peut se mettre à négocier des salaires hauts – parfois ceux qu’on vous a promis avec votre diplôme, je sais, c’est rageant – ou que l’on sait mieux que les autres. À mon avis, la clef est de se dire qu’on a encore énormément de choses à apprendre et que justement le stage est très enrichissant pour ça. Être à sa place, en somme : oui, je vais pouvoir apporter quelque chose, mais j’ai peu d’expérience et je l’assume, je suis là pour acquérir de nouvelles compétences. Pour autant, il ne faut pas complètement se dévaloriser, et apprendre à poser un certain nombre de limites, ne pas dire oui à tout.

Aussi, il faut aussi savoir en profiter : on arrive dans une nouvelle vie, on découvre plein d’amis et on fait la fête… Et c’est tant mieux. Nous avons peu parlé de l’aspect humain, mais il est primordial dans le stage ! Il se créé rapidement un noyau de jeunes qui débarquent tous dans l’inconnu, ce qui va permettre des amitiés très puissantes, longues ou éphémères. La vie, ce n’est pas que le boulot, c’est aussi toutes les expériences qui gravitent autour et qui permettent de se construire.

Au final, donc, il faut savoir ce qu’on veut, quels sont ses objectifs et ce qu’on attend de ce stage puis s’y tenir, en restant très professionnel et en mettant des barrières. Essayer d’équilibrer ce qu’on donne de nous par rapport à ce que l’on reçoit.

Samantha en dédicace sur le SDL -- Photo N.Parent

 

Et de l’autre côté, un mot pour les managers ?

Je pense qu’il faut miser sur des personnes passionnées par ce qu’elles vont faire, c’est très important. Lorsqu’on aime, qu’on s’intéresse, on va s’investir davantage et on se sentira à sa place. Après, je crois que le facteur psychologie est assez déterminant. Il faut essayer de sentir un peu la personne, de comprendre pourquoi elle est là, mais ne pas forcément lui en vouloir si son projet global n’est pas limpide. Ce n’est pas forcément évident à cette période-là de savoir ce que l’on veut exactement, il faut remettre aussi les choses à leur place : un stagiaire est jeune, il est à la croisée des chemins.

Ensuite, à mon sens, l’essentiel est d’inciter le stagiaire à parler et et communiquer. Il n’y rien de plus détestable que les managers qui font de grands sourires, ne disent rien du tout et qui descendent les gens en fin de stage sans leur donner l’opportunité de s’améliorer. Un travail de management c’est une communication à établir – si ça coince et bien ça coince, ça arrive – et que le but est vraiment de former quelqu’un. Le management, c’est un continuel réajustement entre les individus. Il faut savoir adapter son niveau d’exigence à la personne qu’on a en face de soi, il ne fera pas les choses aussi bien qu’on le fait soi-même mais c’est normal, et d’ailleurs, s’il le fait mieux que le manager, cela peut tout aussi déranger.

Pour que le stagiaire progresse, il faut lui donner les outils. Il s’en sert ou pas, ça c’est aléatoire, mais si on ne lui donne pas et qu’on se réfugie derrière des préjugés ou qu’on a « pas le temps » en laissant la personne livrée à elle-même, ce n’est pas une situation confortable et profitable ni pour le stagiaire, ni pour l’entreprise. Ah, et le plus important, l’humanité. Vraiment. Dans cette grande machine qu’est l’entreprise, n’importe qui peut avoir tendance à l’oublier, et se plier aux règles mises en place, à cette chaîne parfois un peu folle de décision des N+. Cette tension entre humain, économie et créativité est là, elle existe, c’est une réalité impossible à nier. Mais il ne faut pas oublier que ce sont des individus qui sont derrière des écrans, pas juste des lignes sur un tableau Excel. Ah, et un peu d’honnêteté au passage, ça ne fait de mal à personne ! (Rires)

C’est noté, merci Samantha !

Retrouvez Samantha Bailly sur son blog, sa page Facebook ou son compte Twitter. Vous pourrez aussi aller à sa rencontre lors de la prochaine Japan Expo sur les stands de Bragelonne ou de nobi nobi. En attendant, vous pouvez découvrir Samantha en live avec quelques extraits de cette interview en vidéo :

Remerciements à Samantha Bailly pour sa bonne humeur et sa disponibilité. Remerciements également aux éditions Milady pour la mise en place de cette interview.

Paul OZOUF

Rédacteur en chef de Journal du Japon depuis fin 2012 et fondateur de Paoru.fr, je m'intéresse au Japon depuis toujours et en plus de deux décennies je suis très loin d'en avoir fait le tour, bien au contraire. Avec la passion pour ce pays, sa culture mais aussi pour l'exercice journalistique en bandoulière, je continue mon chemin... Qui est aussi une aventure humaine avec la plus chouette des équipes !

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