Tensai Okamura, du storyboard à la réalisation

Tensai Okamura à Paris Manga

À l’occasion de la 15e édition de Paris Manga, les 9 et 10 février 2013, nous avons rencontré un grand nom de l’animation : Tensai OKAMURA. Nous avons parcouru avec lui la carrière de cet homme timide et humble mais aussi souriant et plein d’humour.

 

Du storyboard à la réalisation

Tensai OKAMURA est un réalisateur qu’on connait principalement pour Wolf’s Rain, Darker Than Black, ou plus récemment l’adaptation télévisée de Blue Exorcist. Il a commencé sa carrière en tant que storyboarder avec des séries comme Yawara!, Neon Genesis Evangelion, ou encore Cowboy Bebop.
Il s’agit d’un poste pour lequel il avoue avoir une affection particulière : « Plus que d’être intervalliste ou animateur, mes buts premiers étaient de faire de la direction, de la mise en scène et du storyboard. On s’inspire du scénario pour en garder les meilleurs éléments tout en gardant la trame de travail fixée par le réalisateur et le scénariste. »

Croquis de Blue Exorcist par Tensai Okamura

Dans le cas de l’adaptation d’une série déjà existante, comme celle de Blue Exorcist dont il est également le réalisateur, il précise « qu’il existe des limitations différentes de la création d’un univers propre. Il faut réussir à percevoir ce qui est intéressant dans l’œuvre originale, et pouvoir le retransmettre à travers l’animation. Dans le cas de Blue Exorcist, j’avais tout de même une certaine liberté. Comme l’auteur n’était pas forcément disponible, c’est un employé de la maison d’édition Shūeisha qui venait la représenter. Il écoutait nos propositions et nous donnait son avis. Je dirais que 95% des modifications ont été faites en accord avec cette personne, ou écartées le cas échéant. D’une certaine façon, cette personne était un membre à part entière de l’équipe ! » (Rires)

Il a également eu l’occasion de s’essayer à un exercice relativement différent, avec la réalisation d’openings de jeux vidéo, comme Tales of Phantasia. « Il existait déjà un scénario. J’ai demandé au personnel de Namco de me l’exposer, et ils ont eu la gentillesse de me le détailler au maximum. De cette manière, j’ai pu rester le plus fidèle possible au scénario originel. Il m’a été plus difficile de m’occuper de la cinématique d’introduction de son prédécesseur, Tales of Destiny. Je ne savais pas vraiment comment l’aborder puisqu’il s’agissait d’une œuvre originale, contrairement à Tales of Phantasia qui était un remake pour la Playstation. »

Tensai Okamura

Selon lui, la réalisation d’une œuvre animée est avant tout un travail d’équipe. « Le relationnel est très important. Par exemple, c’est le réalisateur qui s’occupait à l’origine du storyboard. De nos jours, ces derniers ne sont parfois pas capables de le dessiner. Ils doivent donc passer la main et il est important que le storyboarder ait conscience et comprenne ce que désire le réalisateur. Si le storyboarder est doté d’une trop forte personnalité, cela ne peut être que dommageable à l’œuvre, générant une perte de temps ! »
Avec un sourire gêné, Tensai OKAMURA avoue avoir l’impression de ne pas être très doué dans ce domaine relationnel : « C’est mon point faible ! ».

 

Les débuts de l’infographie dans l’animation japonaise

Yoshiaki Kawajiri

Parmi les professionnels de l’animation avec lesquels il a travaillé, Tensai Okamura explique que c’est surtout Yoshiaki KAWAJIRI (photo ci-contre) qui a compté. Il fut à ses cotés sur Lensman en 1984 alors qu’il était intervalliste, puis sur le long métrage de Ninja Scroll en 1993… « Il m’a surtout appris à mettre en valeur une animation, à mettre en exergue certains points par rapport à d’autres. En somme, le sens qu’on souhaite donner aux priorités. »
Avec humour, il déplore cependant ne pas être très kawajiresque, ces derniers temps ! Il manifeste également une certaine curiosité pour Nagai TATSUYUKI, le réalisateur d’Ano Hi Mita Hana no Namae o Boku-tachi wa Mada Shiranai, du studio A-1 Pictures.
D’ailleurs, Lensman est l’un des premiers films d’animation japonaise à incorporer de l’image de synthèse (voir l’extrait ci-dessous). « À l’époque, je n’étais qu’animateur. Cependant, j’avais un ami qui travaillait dans l’infographie, et de mémoire, le premier film à en avoir utilisé était Golgo 13. Le but était de faciliter le travail tout en mettant des éléments en valeur, afin d’apporter du réalisme à la création. De nos jours, il arrive souvent que les éléments basiques soient faits à l’ordinateur, tandis que ce qui est plus compliqué est fait à la main. C’est à l’époque de Lensman que cette organisation a été pensée, par opposition à celle utilisée pour Golgo 13, dans lequel on tentait également de faire les choses difficiles en 3D. »

Au fil du temps, il a été témoin de l’évolution des techniques d’animation, notamment grâce à l’apparition des outils numériques. « Ces nouvelles méthodes permettent de créer de multiples expressions, mais les délais alloués à la conception sont de plus en plus courts. Il arrive parfois de finir certaines choses la veille de la diffusion, et j’ai bien peur qu’un jour nous n’arriverons pas à finir à temps ! »
Pour le storyboard, les méthodes de travail n’ont pas changées, mais il avoue : « une baisse de ma vision a eu pour conséquence l’usage de feuilles plus grandes ! » (Rires)

 

Cowboy Bebop, quand le succès frappe alors qu’on ne l’attend pas

Cowboy Bebop

Cowboy Bebop se démarque beaucoup par son mélange d’influences, allant du western spaghetti à la science-fiction, en passant par le polar. « Lors de la création de cette série, nous étions loin d’imaginer l’ampleur que ça allait prendre. Au début, nous pensions que le projet ne serait jamais accepté, et moi-même, lorsque j’en ai entendu parler je me suis tout de suite dit qu’il allait droit dans le mur. Beaucoup de personnes pensaient la même chose, et nous étions presque sûrs que la série allait être écourtée ! ». Au final, cette série compte 27 épisodes, un long métrage, et a connu un succès international.
Les références cinématographiques ne manquent pas dans les œuvres de Tensai OKAMURA. Par exemple, Darker Than Black est très largement inspiré de Stalker, d’Andreï Tarkovski, lui-même adapté du roman d’Arcadi et Boris Strougatski, deux grands noms de la science-fiction soviétique.

 

Le présent et l’avenir

En 1995, Tensai OKAMURA a fait partie de l’équipe d’animation de Neon Genesis Evangelion d’Hideaki ANNO, qui fait actuellement l’objet de quatre longs métrages depuis 2007. Le troisième volet a été diffusé en novembre 2012. « En général, ça ne m’intéresse pas trop de voir un remake de quelque chose que j’ai déjà vu, surtout quand il s’agit d’œuvres que j’ai faites à la base. Dans le cas d’Evangelion, il y a beaucoup de différence avec l’histoire originelle, et je me demande depuis un moment s’il ne serait pas temps que je les voie. »

Tensai Okamura

Avec le temps, les thèmes utilisés dans l’animation changent radicalement. Alors qu’avant on trouvait beaucoup de séries de Mécha, on trouve maintenant plus de séries centrées autour d’un ou plusieurs personnages féminins. « C’est vrai qu’il est difficile de travailler dans ces conditions, c’est tout à fait mon style de femme. Dur de se concentrer ! (Rires) Mais il ne faut pas oublier qu’il existe deux types de personnes qui soutiennent l’animation : Il y a ceux qui apprécient la regarder et ceux qui payent. Dans cette situation, on se tourne plus vers ceux qui investissent des capitaux, et espèrent un retour sur investissement. Ces derniers favoriseront par conséquent des œuvres qui vont êtres rentables. »
La tendance est aux séries de type Moe, que Tensai OKAMURA affectionne particulièrement : il avait d’ailleurs émis le souhait, lors d’une précédente interview dans nos colonnes, en 2009, de participer à la réalisation d’une série de ce genre. Il a été exaucé, puisqu’il participe actuellement au script de Vividred Operation. « Je pense qu’il faut plutôt me poser la question  « Quel genre de femme aimez-vous ? ». (Rires) Pour moi, ce n’est pas vraiment du Moe, c’est simplement le type de fille que je trouve mignonne. »
Bien que discret depuis la fin de Blue Exorcist, en 2011, il devrait à nouveau faire parler de lui. « J’ai bien sûr des projets, mais certains ne sont pas encore fixés. Je ne peux pas en parler à l’heure actuelle, mais ils devraient se concrétiser dans un an ou deux. »
Remerciements à Tensai Okamura pour sa disponibilité et sa bonne humeur. Merci également à Emmanuel Bochew, son interprète et au staff de Paris Manga pour la mise en place de cette interview

Photos Lōlu © journaldujapon.com – Tous droits réservés. –

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