Les fleurs du passé, une romance surnaturelle…

Les fleurs du passé

Le josei est un genre qui a du mal à trouver sa place en France. Pourtant plusieurs éditeurs s’essaient à ce type de manga lorsqu’ils trouvent des titres réussis, comme ce fut le cas avec Les fleurs du Passé de Haruka Kawachi, découvert par les éditions Komikku et publié en 4 volumes, dont le dernier est arrivé en France en début d’année.

Le titre a eu du mal à trouver son public mais, avant qu’il ne disparaisse des rayonnages des libraires, Journal du Japon tient à vous faire découvrir cette oeuvre pleine de charme et de mélancolie…

 

Lorsque les fleurs portent le deuil…

Voici en effet une oeuvre qui réussit à combiner harmonieusement le monde réel difficile de l’amour après le deuil et le monde imaginaire des contes de notre enfance (la petite Poucette, la petite sirène, Blanche neige, Alice au pays des merveilles), dans un foisonnement de végétation original et éblouissant.

Les fleurs du passé

 

Nous pénétrons dès le départ dans le petit magasin de fleurs de la belle Rokka. Cette jeune veuve a repris la boutique de son défunt mari, Shimao. Un autre jeune homme, Hazuki, très amoureux d’elle, a réussi à s’y faire embaucher comme assistant, après avoir acheté tous les jours une plante, juste pour le plaisir de la voir. Rokka commence à éprouver des sentiments pour Hazuki.

Leurs échanges et leurs sorties lui plaisent, mais il n’est pas facile de vivre cela sereinement après le traumatisme des mois passés à l’hôpital à soutenir son mari en fin de vie, après tous ces beaux moments qui reviennent l’assaillir par vagues dès qu’elle est émue.Dans cette tempête, la sœur de Shimao est là, comme un phare, et soutient du mieux qu’elle peut la jeune Rokka.

Les fleurs du passé

Ajoutez à cela le fantôme de Shimao qui lévite toujours autour de son épouse, et vous comprendrez que rien n’est simple pour Hazuki, qui est le seul à voir le revenant ! Comment faire pour que Rokka puisse aller de l’avant avec lui ?

Shimao fait un marché avec Hazuki : celui-ci lui prête son corps pour qu’il puisse une dernière fois vivre quelques instants avec Rokka. Il promet qu’ensuite il partira … Hazuki accepte, il se retrouve alors dans un monde imaginaire, celui que dessinait Shimao malade : un univers de conte de fées dans lequel il rencontre une Rokka plus jeune, ravissante petite Poucette.
Hazuki et Shimao réussiront-ils à vivre, à avancer dans leurs mondes parallèles ?

Naturellement vôtre…

C’est une oeuvre très atypique et réussie sur un sujet pourtant difficile. L’équilibre entre monde réel et monde imaginaire permet d’aborder le deuil et l’amour dans toute leur complexité sans jamais tomber dans la mièvrerie, le larmoyant. Tout n’est pas tout noir ou tout rose, chaque personnage a son côté sombre et son côté lumineux, personne n’est jugé. Chacun évolue à son rythme, avec son passé, sa souffrance, ses désirs.

La complexité de la situation est mise en dessin dans le foisonnement de la végétation, par ces plantes qui grimpent, s’enroulent, par ces fleurs qui foisonnent de la boutique au jardin de la sœur de Shimao (un personnage secondaire intéressant), par ces arbres dans lesquels Rokka grimpe, au milieu desquels elle cherche l’homme qu’elle aime. Ce dédale végétal est un théâtre d’exception pour les personnages qui s’y perdent, s’y cherchent. Les plantes sont ciselées, le coup de crayon est sûr et excelle dans la représentation des espèces les plus délicates ou les plus complexes.

 

Les fleurs du passé

 
De quelques plantes grasses achetées par Hazuki aux bouquets confectionnés par Shimao, véritable artiste fleuriste, en passant par le jardin laissé à l’abandon et la forêt où les personnages se promènent, la nature, qu’elle soit domestiquée ou exubérante, est dessinée comme un écrin aux enluminures finement ciselées.

Des yeux qu’on n’oublie pas…

Le dessin des personnages est aussi une des clés de la réussite : les visages épurés permettent de saisir les expressions de façon sublime. Les sentiments passent à travers un regard, une bouche, une mèche de cheveux, une tête inclinée, une larme. Les deux garçons sont particulièrement touchants avec leur allure toujours triste, l’un parce qu’il est amoureux mais n’arrive pas à faire éclore cet amour, l’autre parce qu’il n’est plus de ce monde mais éprouve encore des sentiments très forts pour son épouse : leurs longs visages aux yeux éteints se répondent tout au long des quatre volumes, à tel point que l’on ne sait plus qui est Shimao, qui est Hazuki. Une confusion voulue et graphiquement très réussie. Deux tristesses incarnées dans des corps voûtés, des têtes baissées, cheveux tombant sur leurs visages.

Et puis il y a Rokka, ses grands yeux qui brillent de larmes ou de joie, sa petite tête ébouriffée tellement charmante, ses mains de fleuristes qui cherchent à reproduire les gestes de son mari. Rokka est élancée comme un roseau, comme lui elle plie mais ne casse pas, elle se tient droite dans la tempête. Le dessin parvient très bien à faire passer la fragilité mêlée à la force qui caractérise ce personnage.

 

Les fleurs du passé

 
Les accessoires, des petits riens, permettent par ailleurs de donner de la force, du caractère aux personnages. Le chapeau de paille original de Rokka la rend rayonnante lorsqu’elle va à la fête foraine avec Hazuki. La casquette, les lunettes et les cheveux coupés d’un Shimao qui prend possession du corps d’Hazuki font de lui un personnage neuf, à mi-chemin entre son fantôme et le Hazuki que l’on a pu voir avant. Le bonnet qu’il porte pendant son hospitalisation sur un visage émacié le rend à nos yeux plus fragile, plus humain, moins hautain que le Shimao fantôme.

Et en fermant le dernier volume, vous garderez probablement au fond de votre cœur le regard de Rokka, ses yeux en forme de billes qui brillent comme un miroir. Des yeux qu’on n’oublie pas !

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