L’aïkido, ou comment cet art martial évolue aujourd’hui

À l’occasion du Festival des arts martiaux qui avait lieu le 23 mars dernier, et dont nous vous avons déjà parlé il y a quelque temps, plusieurs interviews ont été réalisées.

Notre but est simple : balayer plusieurs de ces arts, parfois dans ce qu’ils ont d’original, parfois dans ce qui a fait leur succès ! Entre arts traditionnels, et arts plus modestes, les arts martiaux sont véritablement un vaste univers à explorer !

Pour ce second rendez-vous, focus sur l’aïkido: un art martial traditionnel japonais arrivé dans les années 80 en France. Mais après une période faste il se retrouve un peu en déclin aujourd’hui, face aux nouveaux arts martiaux et aux évolutions des sociétés. Si vous souhaitez en savoir davantage sur les dessous de cet art ou en apprendre un peu plus à son sujet, il est temps pour vous de rencontrer Gérard Blaize, un digne représentant de cette discipline.

Petit retour sur l’aïkido 

Si vous souhaitez vous informer sur le budô ou l’aïkido, ou vous remettre en mémoire certains propos sur le sujet, alors on vous invite à (re)lire les articles dédiés réalisés l’an passé : Budô, la voie du guerrier entre arts martiaux et philosophie de vie ou encore Shintô & Aïkido : Sur la Voie de la Paix.

Ces derniers vous permettront plus aisément de comprendre les paroles qui vont suivre de Gérard Blaize, tant elles y font échos. L’aïkido c’est véritablement un art martial à part entière, avec ses codes et ses valeurs, mais dont l’objectif final est la recherche de l’harmonie et de la paix. On y comprend en effet bien vite que l’aïkido n’est pas un art martial pour tuer ou se battre. Il se positionne essentiellement d’un point de vue défensif : accompagner le geste, le détourner plutôt que d’aller de front. Observer pour mieux réagir. Et surtout, chercher à être en harmonie avec ce qui nous entoure.
En ce sens cet art martial se rapproche des autres : à force d’entraînement, de répétitions des gestes, on arrive à atteindre l’instant où on perçoit le plus facilement et où on est plus à même de ressentir une paix intérieure. Tout en y prenant du plaisir, il s’agit ici du maître-mot véhiculé par Gérard Blaize, et ceci malgré les évolutions de la société qui risqueraient de détourner les personnes du but premier des arts martiaux.

Vous l’aurez donc compris, ici il ne s’agit point d’aller à l’offensive, mais au contraire d’attendre que les autres viennent à nous, englober le combat dans un esprit général pour mieux apprécier et appréhender les gestes à venir. On vous invite ainsi à découvrir l’entretien réalisé lors du festival des arts martiaux en mars dernier pour vous plonger dans un univers bien précis, et pourtant, à la portée de tous.

Entretien avec Gérard Blaize, 7e dan d’aïkido

Équipe d'aïkido présente au Festival d'arts martiaux

© Photo par Juliet Faure

Journal du Japon : Bonjour Mr. Blaize. Est-ce que vous pourriez vous présenter un peu plus à nos lecteurs et nous parler de votre parcours ?

Gérard Blaize : Mon parcours… J’ai d’abord commencé par le judo à mes 17 ans, puis plus tard je me suis tourné vers l’aïkido. En fait, à l’époque, un maître d’aïkido (je ne savais pas encore que c’était cet art martial) est venu en France pour une démonstration, un Japonais habillé tout en blanc. Je le regardais, trouvant que c’était très beau. Je me suis juste questionné : “qu’est-ce que c’est ? “ J’ai fini par apprendre qu’il s’agissait d’aïkido, et j’ai eu immédiatement l’envie d’en faire.

Mon professeur de judo, monsieur Brousse (dont le fils est aujourd’hui vice-président de la Fédération Française de judo il me semble) m’a donné son autorisation tant que je continuais le judo. J’ai par la suite quitté Toulouse pour mes études. Je continuais de faire du judo et de l’aïkido tout en terminant mes études de droit à Clermont-Ferrand, avant de revenir sur Paris. Je pratiquais toujours et l’aïkido, et le judo et je me suis retrouvé finalement à enseigner cet art martial.

À ce moment-là, j’avais un ami qui faisait des voyages réguliers au Japon, et qui en revenait souvent meilleur qu’à son départ, ce qui m’a poussé à vouloir y aller à mon tour. J’y suis finalement resté non pas 2 ans comme prévu, mais 5 ans et demi. Quand je suis rentré en France, je n’avais plus qu’une seule solution, c’était de devenir professeur et professionnel d’aïkido à temps plein. C’était en 1981. Ayant trouvé mon maître au Japon, Michio HIKITSUCHI Sensei, je l’ai fait venir en France dès 1984 une dizaine de fois sur dix ans, afin de continuer d’apprendre à ses côtés et devenir un professeur accompli pour partager son savoir. Entre-temps on avait réussi à créer une association, d’abord nommée Association Française d’Aïkido traditionnel du Japon puis Internationale car des groupes se sont également créés en Russie, en Chine, en Finlande, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Suisse etc. C’est à peu près mon parcours. Mais à la base j’ai une formation juridique (Rires) : l’aïkido c’était ma passion, enfin les arts martiaux japonais. Et les circonstances ont fait que, en partant au Japon et en y restant plus longtemps que prévu, je suis devenu professionnel d’aïkido.

Qu’est-ce qui vous a attiré en particulier dans l’aïkido ?

La première chose c’est que je trouvais cet art beau et esthétique. Le professionnel qui faisait la démonstration, maître Noro était habillé tout en blanc, ce qui paraissait très efficace aussi comme impression. Alors après pourquoi j’ai été attiré exactement… je faisais déjà du judo, j’avais pratiqué le karaté, et je pratiquais aussi le bâton dans une école qui s’appelle le jodo dans le cadre de l’Association Française de Kendo. Je ne sais pas exactement pourquoi l’aïkido donc, mais j’y suis venu un peu au feeling. Je suis attiré par cet art car il y a une espèce d’esthétique. Il y a un aspect à la fois martial et esthétique, de la beauté aussi, et le fait que plutôt que de s’opposer, on cherche à ne pas détruire, à annihiler une attaque oui, mais non détruire la personne qui porte l’attaque. Ce sont toutes ces choses : la beauté, l’esthétique, l’efficacité et l’état d’esprit qui fait que j’étais plus attiré par cette discipline plutôt qu’une autre peut être… Quand je faisais du karaté je sentais que je n’arrivais pas à bien m’y investir, à l’inverse de l’aïkido où je l’ai fait sans aucune difficulté, encore aujourd’hui d’ailleurs.

Gérard Blaise en pleine démonstration lors du festival d'arts martiaux

© Photo par Juliet Faure

Quelles seraient alors les difficultés rencontrées durant toutes ces années à pratiquer l’aïkido comme vous dîtes vous y être investi ? Avez-vous croisé d’autres personnes qui auraient rencontré les mêmes difficultés que vous à appréhender cet art ?

Appréhender l’aïkido, je ne sais pas car je ne me pose pas la question parce que les gens que je rencontre sont des personnes qui aiment l’aïkido autant que moi. Des difficultés à quel niveau ? La difficulté de l’aïkido, cela reste essentiellement la pratique. Il faut pratiquer, s’entraîner, avoir les conditions physiques pour pouvoir le faire. Bon il est vrai que quand on est jeune ça va, mais après il faut faire plus attention (Rires). Il faut aussi avoir un maître. Moi, j’ai eu la chance au Japon que maître HIKITSUCHI Sensei devienne le mien. Je l’ai suivi et j’ai reçu un enseignement très précis. Cela m’a permis d’avoir des points de repères très précis dans l’aïkido. Car oui, la plupart du temps, on a une admiration pour un maître : on essaie de l’imiter, mais si on n’est pas son élève, on risque de l’imiter longtemps sans bien comprendre. Certaines personnes sont plus douées que d’autres pour mieux imiter mais ça sera toujours une sorte d’imitation et non pas un véritable apprentissage qui va permettre à son tour d’avoir ses propres points de repères. En devenant mon maître, il m’a enseigné son art, il m’a donné des cours particuliers. Je ne travaillais qu’avec lui donc il me donnait des points très précis et cela m’a aidé énormément.

Aller au Japon m’a permis de voir les maîtres de l’époque de l’aïkikai maître YAMAGUCHI Sensei, OSAWA Sensei, le maître doshu UESHIBA etc. et cela m’a donné une grande vision de l’aïkido. J’ai également pu pratiquer une autre école qui est très différente de l’aïkido avec le jodo, plutôt basée sur une confrontation, à base de katas. Contre les armes on ne peut pas faire autrement, cela m’a offert une certaine vue d’ensemble qui m’a donné une bonne capacité de perception, alors, au niveau des difficultés… À la limite, cela serait plutôt la disponibilité, la capacité à s’entraîner, à supporter (si vous connaissez le Japon c’est assez hiérarchisé surtout dans les arts martiaux)… Tant que vous ne parlez pas trop la langue ça va, mais quand vous la parlez c’est plus compliqué (Rires) parce que vous comprenez tout ce qui se passe… C’est une difficulté qui va disparaître un peu dès le moment où vous pratiquez énormément quelque chose qui vous plait. On accepte beaucoup de contraintes que si on n‘avait pas ce désir, cette joie de pratiquer ou même ce désir d’apprendre. Au bout d’un moment on pourrait se dire “non mais ça suffit” (Rires). Pour tout vous dire, je me suis fait des fois traité très durement par mon maître de jodo mais je l’ai accepté parce qu’il m’enseignait cet art non à la portée de tous. Mais bon ce n’est pas toujours facile.

Justement, vous parlez du fait qu’il faut vraiment avoir un sensei pour pouvoir saisir l’apprentissage de l’aïkido, et ce que cet art peut apporter aux pratiquants. Mais quelles sont les forces de l’aïkido ?

Il y a en effet différentes conceptions de l’aïkido. Si on se place au niveau de mon maître, il parlait beaucoup du fondateur. Je me suis donc intéressé à ce dernier. C’était une époque où on avait la chance d’avoir des vidéos et des traductions de lui. Contrairement aux années d’avant. Ma femme étant japonaise, on avait commencé à faire les traductions, cela a été poursuivi par d’autres personnes en France. On a ainsi traduit Takemusu aïki, qui reprend les paroles du fondateur de l’aïkido par exemple. Alors qu’est-ce que cela apporte ? L’aïkido par rapport aux autres arts martiaux, c’est l’idée d’appeler une attaque, plutôt que de se défendre contre une attaque. Et cet aspect change tout. Si vous voulez vous défendre, vous formez votre corps pour vous défendre. Il faut qu’il devienne dur, il faut être prêt à recevoir des coups, etc. Celui qui a créé l’aïkido, maître UESHIBA, Morihei UESHIBA a bien dit que l’aïkido c’est l’entraînement de la force attractive. C’est quelque chose d’un peu étrange si le corps ne l’a pas vécu. Maître HIKITSUCHI sensei me l’avait fait vivre. Donc quand j’ai pu lire les paroles du fondateur, pour moi cela m’a touché et convaincu car mon corps l’avait déjà vécu. Je savais ce que cela faisait d’être comme aspiré par quelqu’un. Si vous rentrez dans cette recherche, cela change votre état d’esprit. Pourquoi ? Parce que si vous faites la recherche de vous défendre et non d’attaquer, vous vous fortifiez. Quand je faisais du karaté, j’ouvrais les portes à coup de pied par exemple, ou à coup de tête car quand on apprend des coups on aime bien aussi les concrétiser (Rires). Ici, le fait que vous cherchiez plutôt à appeler, à guider quelqu’un, votre état d’esprit change totalement. Alors d’autres personnes vous diront que ce n’est pas ça l’aïkido, mais celui qui l’a créé l’a énoncé : l’aïkido c’est l’entraînement de la force attractive. En commençant donc par la technique et ensuite en guidant correctement le partenaire. C’est mon chemin, c’est ma recherche.

Gérard Blaise au festival d'arts martiaux

© Photo par Juliet Faure

Vu que vous parlez de recherche, et que vous vous êtes déjà rendu au Japon, quelles sont d’après vous les différences entre les pratiquants français et japonais ?

Pour moi, il n’y en a pas tant que ça. Il y en a peut-être au niveau du corps. Les asiatiques ont des hanches et des jambes fortes alors que les européens, on a plutôt tendance à avoir des épaules fortes et des hanches plutôt faibles. C’est pour cela que la boxe a été créé par exemple. La morphologie est un peu différente et c’est vrai qu’à partir du moment où on veut pratiquer une discipline qui vient de gens qui ont une morphologie différente, il faut essayer de fortifier le corps, l’assouplir aux endroits où il est le plus faible. Par exemple pour moi, quand j’ai vu ça, on a fait un peu de sumo pour les hanches, j’ai fait beaucoup de travail d’assouplissement, d’ouverture etc. Car je me rendais compte qu’un asiatique par exemple va avancer tout droit là où un européen va chambrer parce qu’il n’a pas la puissance de hanche. Cela paraît anodin mais si vous répétez cet exercice pendant des années, votre corps, vous le cassez. Je vois plutôt cette différence comme une différence d’état d’esprit. Bon il y a une histoire qui n’est pas la même, une culture différente, c’est leur culture mais je n’en fais pas une barrière. Je suis plus attaché à la morphologie parce que je sais que comme c’est dans la pratique (Rires) d’abord, vous êtes forcément confronté à des gens qui ont une origine différente. Puisque vous avez choisi cette pratique, à vous de vous débrouiller pour que vous arriviez à avoir une capacité qui se rapproche de leur capacité, qui elle, est naturelle. Les japonais ont des faiblesses par rapport aux épaules, que nous, européens n’avons pas. Mais aujourd’hui la morphologie des japonais se transforme aussi. On commence à les voir dans des épreuves comme le 100 mètres, alors que c’est une chose qu’on ne voyait jamais auparavant, parce qu’ils avaient les jambes courtes. On voit que le kendo est en pleine évolution également et qu’il va changer par exemple. Le kendo moderne est devenu beaucoup plus haut alors qu’il y a encore 20 ans il était très bas, car les corps changent, il suffit d’aller à Tokyo pour le voir. Pour résumer, la grande différence vient de la morphologie, ensuite de la culture…

Quels seraient vos conseils pour quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans l’aïkido ?

En premier, il faut que la personne qui s’y intéresse regarde cet art lors d’un événement et que cela lui plaise. Ces disciplines demandent du temps. Maintenant, avec le monde moderne et les appareils que nous avons, on est un peu habitué en effet à vouloir une réponse tout de suite sur tout. Il ne faut donc pas se faire d’illusion. Ensuite il va rentrer dans un travail, avec une gestuelle qui n’est pas si différente de ce qu’on va retrouver par exemple dans la self-defense française. On va retrouver les mêmes techniques : par exemple, un placement de poignet sera par là ou par ici mais il ne sera pas ailleurs. Le coude se tord comme ceci ou cela… La morphologie du corps fait que quand on fait une action sur une partie du corps, elle est limitée par la morphologie de la personne, donc on va devoir trouver des logiques. Ce sont de petites répétitions de ce genre à prendre en compte. Ensuite il faut aimer l’état d’esprit de tout art martial : le fait qu’on va saluer, qu’il y a une certaine discipline sur le tatami, qu’on va travailler à genoux etc. Il faut que la personne soit satisfaite de ce travail, qu’elle ait envie de le faire et accepte de le continuer car ce peut être fatiguant aussi. Pour moi, c’est simple, tout se joue dans le feeling : j’ai envie de pratiquer ou je n’en ai pas envie. La personne dit “j’ai envie” et après c’est le rôle des professeurs de la guider en fonction de ses capacités et de son emploi du temps.

Démonstration d'aïkido au festival d'arts martiaux

© Photo par Juliet Faure

Est-ce cette capacité de toujours vouloir aller plus loin dans l’aïkido qui fait qu’aujourd’hui vous êtes 7e dan ? Est-ce que le titre de shihan vous intéresse ? Et d’après vous comment en arrive-t-on à un niveau tel que le vôtre ?

Par la pratique et la rencontre de gens de haut niveau. Parce que vous pouvez pratiquer autant que vous le souhaitez, il vous faut des gens de haut niveau qui vous enseignent et qui vous guident, qui vous fassent travailler pour aller plus loin. Être allé au Japon a été un enrichissement incroyable. En France, il n’y avait que TAMURA sensei de présent et il n’avait pour autant pas de dojo fixe. Il fallait le suivre pour obtenir son enseignement. J’étais allé à Marseille par exemple, pour y faire au moins 5h de cours par jour etc. Il y avait 2 cours par jour, et on me donnait des cours particuliers, donc c’était vraiment de la pure pratique. En revanche, le titre de shihan est devenu une manie en France, personne ne sait ce que veut dire le terme shihan, au fond. En cherchant dans le dictionnaire des arts martiaux japonais j’ai trouvé « l’homme exemplaire », ou « la personne exemplaire ». Cette idée n’existait pas avant shihan. Je n’ai jamais appelé mon maître shihan je l’ai toujours appelé sensei. Shihan est une forme très polie quand on écrit une lettre, ou quand on réalise une affiche, mais quand on parle avec les gens on ne dit jamais ça. On dit toujours sensei (Rires). Le titre de shihan pour moi ne veut pas dire grand-chose.

Est-ce que le titre de sensei vous intéresserait ?

Ce n’est pas qu’il m’intéresse, on m’appelle d’ailleurs déjà sensei parce que pour un japonais je le suis c’est tout, en tout cas si la personne est en dessous de moi. Si elle est au-dessus de moi en terme de hiérarchie, je ne suis pas sensei du tout (Rires). Tout est relatif et le shihan c’est la même chose. Dans un groupe on peut décider que telle personne est shihan à condition de bien le prononcer. Les français là dessus devraient faire attention, n’est-ce pas (Rires). Mais dans un dojo on ne va pas dire ça. À l’aïkikai ils ont créé un titre de shihan mais il est en anglais et en japonais. Ce n’est pas un titre, sensei non plus n’en est pas un, c’est plutôt une habitude\attitude. En général on dit sensei, je n’ai jamais dit shihan. Je sais pourquoi on a utilisé ce terme mais je ne veux pas le dire car je n’en suis pas sûr à 100%. Cela pourrait créer une polémique (Rires). J’ai reçu mon 7e dan il y a presque 25 ans et à l’époque on disait tout le temps sensei. Je n’ai jamais appelé mes maîtres shihan et puis tout d’un coup j’ai vu arriver ce titre. En France comme on ne comprend pas trop ce que cela veut dire et qu’on veut imiter les japonais, on le sort tout le temps alors que les japonais le sortent moins souvent (Rires).

Comment percevez-vous l’avenir de l’aïkido de façon personnelle et dans le paysage des arts martiaux, d’ordre général ?

Disons que l’aïkido actuellement a beaucoup de problèmes. Il y a une perte de vitesse de l’aïkido en France, alors que c’était le premier pays européen, peut-être même mondial à s’y ouvrir. Comment dire… J’ai commencé à pratiquer l’aïkido car j’ai vu un maître japonais en faire. Ce qu’il montrait a subjugué les personnes qui le regardait, et je pense que pour beaucoup de monde l’aïkido a débuté de cette manière. Il y a donc eu une génération de maîtres, et de personnes ayant connu le fondateur mais depuis, elles nous ont quittées. Il s’agissait de nos maîtres qui n’étaient pas seulement des maîtres d’aïkido, ils étaient aussi souvent des maîtres dans d’autres disciplines par exemple. Ils avaient une vraie connaissance du budo tout en ayant reçu quelque chose du fondateur, qu’ils possédaient dans leur corps. Ils savaient donc ce qu’il fallait enseigner, pas forcément la manière de le faire, mais ils avaient le savoir. Et ce dernier, petit à petit a disparu. Maintenant on a comme une génération de personne qui arrivent sans formation aux arts martiaux, sans les fondements, et pour qui l’aïkido devient plus une forme de gestuelle. Ces personnes auront des hanches puissantes, vont se déplacer rapidement, mais cette rigueur que possédaient ces maîtres, car ils avaient une vraie connaissance du budo et avaient cette capacité de nous faire sentir quelque chose  reçu du fondateur, ceci disparaît donc je ne sais pas ce que va devenir l’aïkido.

Démonstration pour Karaté Bushido

© Karaté Bushido

Il y a deux aspects : l’aspect propre à l’aïkido, que va devenir l’aïkido avec de nouveaux maîtres qui enseignent l’aïkido, et que va devenir l’aïkido avec le monde actuel où il y a la peur qui s’installe, en particulier les djihadistes et compagnie ? On voit bien que les gens vont vers des disciplines où ils croient qu’ils vont pouvoir apprendre à se défendre dans la rue : ce qui, pour moi, est une illusion totale (Rires). À mes yeux, il y a deux problèmes. Les personnes qui viennent dans la salle où j’enseigne, où il y a aussi du krav maga etc., viennent pour apprendre des techniques pour se défendre dans la rue, plus que pour l’art même de l’aïkido. Pour l’aïkido il y a cet aspect philosophique derrière la recherche d’appeler et de guider quelqu’un, non pour détruire. Mais quand vous avez peur, ce n’est pas cette recherche qui vous intéresse, c’est celle de se protéger avant tout. Et la défense est plus efficace en apparence quand on donne un grand coup de pied, ou un coup de poing… (Rires). Il ne faut pas se faire d’illusion “vous êtes capable de crever les yeux de quelqu’un ? Non. Alors partez en courant ”. Si quelqu’un veut vraiment vous frapper ou vous tuer, cela n’a rien à voir avec l’entraînement sur le tatami. Une adrénaline qui monte, une violence qui arrive… Ce n’est pas la peine de le dire mais voilà. L’aïkido a donc ces deux problèmes : celui spécifique à l’aïkido avec le nouvel enseignement qui arrive et celui plus général, plus global, qui fait qu’en ce moment on est dans une situation de tension où les gens recherchent plutôt une efficacité, rapide et lié aussi un petit peu au monde moderne où il faut que tout aille vite. Je vois bien que j’ai beaucoup d’élèves à l’aïkido qui viennent, s’inscrivent au trimestre, font deux cours et on ne les voit plus. Cela n’arrivait pas il y a 10 ans.

Auriez-vous alors un message à faire passer à nos lecteurs ?

J’insiste beaucoup là-dessus car c’est mon état d’esprit, mais quand quelqu’un vient me voir, je ne lui parle pas si l’aïkido lui fera du bien ou pas, je lui dis de regarder, de pratiquer et qu’ensuite c’est à lui de décider. Si cela plaît, ça apportera quelque chose. Est-ce que l’aïkido spécifiquement apporte ce plaisir ou en pratiquant des disciplines diverses on pourra avoir aussi ce même plaisir ou pas ? Je n’en sais rien. Je ne sais pas non plus si c’est parce que c’est mon métier et que je le pratique tous les jours, mais quand je ne pratique pas l’aïkido il me manque quelque-chose. Au niveau énergie, au niveau de mon corps, ce n’est pas pareil. Les conseils que je peux donner aux gens s’ils veulent pratiquer l’aïkido comme je l’ai dit au début c’est qu’il faut que cela plaise, c’est la première chose. Ne pratiquez pas l’aïkido pour espérer avoir une meilleure santé, ou vous sentir bien dans la rue… Pratiquez l’aïkido parce que cela vous plaît et vous intéresse, c’est ceci la clé. Selon les personnes cet art peut apporter une assurance, une tranquillité, une meilleure souplesse du corps… Donc mot d’ordre : le plaisir.

Merci beaucoup !

On remercie le Festival des Arts Martiaux et le magazine Karaté Bushido d’avoir permis de rencontrer les représentants de cette discipline et particulièrement Gérard Blaise d’avoir pris le temps de répondre à toutes ces questions. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur l’aïkido, allez sur le site de la fédération française d’aikido ou sur le site de la fédération française d’aikido et de budo. Et pour aller plus loin n’hésitez pas à aller jeter un œil sur le site de Gérard Blaize.

Charlène Hugonin

Rédactrice à Journal du Japon depuis quelques années, je suis un peu une touche-à-tout niveau mangas, anime et culture. Mais j'ai une jolie préférence pour tout ce qui a trait à la gastronomie japonaise, et ce qui tourne autour et même le sport ! Peut-être pourrons-nous même en parler ensemble ?

1 réponse

  1. 23 avril 2020

    […] en réalité commencé mon parcours martial avec l’Aïkido, que j’ai découvert lorsque j’étais en vacances chez mon grand-père. Là-bas, j’ai pu […]

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