Une année japonaise : plongez dans les matsuri

Journal du Japon fête cette année ses 13 années d’existence ! Quelle meilleure excuse que celle-ci pour parler des célébrations japonaises, les matsuri ? Ces fêtes traditionnelles japonaises qui rythment l’année sont des événements culturels qui tiennent une place particulièrement importante dans la vie des Japonais. Mais concrètement, qu’est-ce qu’un matsuri ? Pour cet article, nous remercions les Éditions Ynnis qui nous accompagne avec leur ouvrage Une année japonaise de Matthieu Pinon. Toutes les citations proviennent de cet ouvrage qui a servi de support à ce billet.

Une vie rythmée par les fêtes traditionnelles

© Une année japonaise de Matthieu Pinon

Pays reconnu autant pour sa culture et sa gastronomie que pour ses paysages saisonniers incontournables tels que le Mont Fuji ou le Kinkaku-ji (« le Pavillon d’or »), le Japon est l’exemple type de l’ancrage des traditions dans le quotidien moderne. Nous ne vous ferons pas l’effroi de répéter ce slogan maintes fois utilisé dans les documentaires ou les magazines qu’est « le Japon, entre traditions et modernité », mais il faut tout de même reconnaître que si cette phrase a perdu en originalité au fil des années, elle n’en reste pas moins vraie. Le shintō et le bouddhisme sont les religions principales du Japon, et l’on ne peut marcher dans les rues japonaises sans y apercevoir une référence à ces deux religions. Cette omniprésence ne se limite pas qu’aux extérieurs, elle est également présente dans le quotidien des Japonais autant par des objets tels que les omamori (amulettes porte-bonheur) que par les événements culturels. Et ce sont ces derniers qui nous intéressent ici : les fêtes traditionnelles japonaises, les matsuri, « car, farouchement attaché à ses traditions religieuses comme païennes, le Japon regorge de manifestations ancestrales toujours vivaces […] » qui viennent célébrer mile et une choses de la vie.

Pour comprendre comment fonctionne les matsuri, comprenons déjà comment fonctionne le quotidien des Japonais. L’année débute en avril plutôt qu’en janvier, car en effet « avril reste chevillé au corps des Japonais comme le mois des premiers fois, dès leur plus tendre enfance« . Mois du renouveau, avril accueille le printemps symbolisé par ses pétales de fleurs de cerisiers (sakura) qui démarre les festivités. Sur les 12 mois à venir, un nombre incalculables de matsuri vont se tenir. Le premier pour ce renouveau : le Hana Masturi (« la fête des fleurs ») célèbre l’anniversaire de Bouddha. « Devant chaque temple […] repose une statuette de l’être éveillé, que les Japonais aspergent respectueusement […] d’amazake [ou] d’amacha« .

Mais attention, un amalgame peut vite arriver : tous les matsuri ne sont pas forcément religieux. Avant tout, ce sont des célébrations unificatrices qui se veulent uniques. « Tout au long de l’année, [l’importance du lien social au Japon] est renforcé par des événements publics fédérant aïeuls et bambins, chaque génération étant tour à tour mise à l’honneur […]« . On retrouve ainsi tout un tas de masturi en tout genre, des plus « logiques » ou « censés » aux plus « extravagants » et « farfelus ».

Des célébrations en tout genre

On peut facilement qualifier de « censés » ou « logiques » les masturi qui trouvent racine dans un contexte historique, religieux ou mystiques tels que les différents festivals des chars du mois de juillet ou les différents festivals des lanternes du mois d’août. Mais bien que la qualification puisse être sujet à débat philosophique, on peut tout de même noter l’existence de célébrations plus étonnantes, voire totalement incompréhensibles pour nous, Occidentaux. Citons les désormais célèbres festivals des pénis, Kanamara Matsuri et Hōnen Matsuri. Durant ces festivals, c’est le phallus qui est mis à l’honneur. Des pénis de toutes les tailles, aux couleurs diverses et variées, mis entre toutes les mains, brandis, exposés et vénérés. Les Japonais célèbrent la fertilité, à leur manière.

Citons également le moins connu Onbashira-sai, qui se tient tous les 6 ans dans la préfecture de Nagano, où les participants chevauchent un tronc d’arbre qu’ils laissent glisser sur une pente sous l’impulsion de plusieurs autres participants. Une tradition dangereuse qui fait plusieurs morts et blessés à chaque représentation. Les Japonais espèrent une bonne récolte grâce à cette pratique. Nous pouvons également citer le Wakimisaki Matsuri, surnommé le Kenka Matsuri qui signifie tout simplement « fête de la bagarre ». Ici, les participants se battent entre eux, avec pour seule règle de ne pas utiliser d’objets. Cette fois-ci, les Japonais espèrent éviter la maladie et les malédictions. Attention à ne pas se méprendre : ce n’est pas parce qu’une fête existe qu’elle est acceptée par tout le monde. Certaines personnes ne trouvent ni éthique ni logique ces pratiques, mais cela n’empêche pas les temples de les organiser.

Pour finir dans cette petite présentation non exhaustive des matsuri plutôt originaux, citons le Hadaka Matsuri, le « festival nu ». Chaque 3ème samedi du mois de février se rassemblent de nombreux hommes (et exclusivement des hommes) au temple Saidaiji Kannonon à Okayama pour célébrer la fertilité, la prospérité et l’abondance des récoltes. Vêtus seulement d’un fundoshi (le sous-vêtement traditionnel masculin), ces hommes courent pendant plus d’une heure autour du temple pour se purifier. On leur jette de l’eau glacée au visage puis ils s’entassent dans l’enceinte du temple où le prêtre jette deux bâtons shingi (des « porte-bonheur » qui doivent apporter chance) que les participants s’arrachent le temps d’une lutte. Un festival qui se déroule dans la soirée, pour une nuit plus que mouvementée !

Les porteurs de torches entrent dans une sorte de transe, qui émane tout au long de ce rituel religieux. Crédits : Oh matsuri

Hormis ces derniers exemples plutôt extrêmes, les matsuri sont, de manière générale, bien plus bon enfant. Il est impossible de réaliser un schéma type d’un matsuri, étant donné toute la diversité, que cela soit dans le thème ou la réalisation, qui rend chaque événement culturel unique. L’objectif, avant tout, est de réunir les gens, prier et célébrer. On peut tout de même les classer en plusieurs catégories : comme les festivals des chars, des feux d’artifices, des lanternes, de danse, etc. La plupart du temps, il y a une activité principale, comme par exemple un défilé de danseurs et/ou de chars, avec différentes activités annexes, notamment pour les enfants. Mais ce que l’on trouve pratiquement toujours, ce sont les stands de nourriture. Certains matsuri se résument même à de grandes allées remplies de ces stands dans lesquelles on se regroupe pour passer du bon temps. On y voit régulièrement des personnes vêtues de kimono, qui viennent prendre du bon temps et prier au temple qui organise le matsuri. Mais, aussi, certains matsuri se résument en des cérémonies qui se déroulent à la maison ou à l’école.

Toutes ces fêtes sont bien belles, mais d’où viennent-elles ? Il n’est pas toujours évident d’identifier les origines des différents matsuri. Certains reposent sur des faits historiques tels que des anniversaires de personnages historiques ou des événements particuliers, comme le tristement célèbre 6 août 1945 ; d’autres sur des croyances religieuses, populaires, ou même sur des légendes. Il y a également une mutation au fil du temps qui est non négligeable. Les matsuri s’adaptent et évoluent en fonction de la période : « Les racines de l’ultime jour férié de la Golden Week remontent pour leur part à l’ère Nara (710-794). […] Dans ce Japon féodal, la cérémonie Tango no Sekku est l’occasion de célébrer les héritiers, futurs repreneurs du titre de noblesse. […] L’événement national devient officiellement jour férié en 1948 […] [et] s’appellera désormais Kodomo no Hi, jour des enfants.« 

Des matsuri à n’en plus finir !

Omniprésentes, ces fêtes traditionnelles se tiennent dans tout le pays à une fréquence impressionnante, puisqu’on en compte plusieurs par mois. Mais ce que l’on oublie souvent lorsque l’on parle d’évènements, c’est tout ce qu’ils impliquent : la logistique, les moyens financiers et le matériel, les travailleurs, les répétitions… Plus que de « simples fêtes », les matsuri s’inscrivent comme un élément à part entière dans la vie des Japonais. Les préfectures, les villes, les quartiers, les temples… chacun veut célébrer quelque chose, à sa manière. Une année japonaise recense plusieurs de ces matsuri. Nous avons choisi de vous en présenter un par mois :

Les costumes traditionnelles sont portés lors des festivals. Les Japonais tiennent particulièrement aux traditions et participent volontiers aux processions. Crédits : JoseCruz

Pour le mois du renouveau, avril, intéressons-nous au Hana Matsuri, dont nous parlions un peu plus haut. Le 8 avril, les Japonais fêtent l’anniversaire de Bouddha. Pour l’occasion, de nombreux enfants défilent en costumes traditionnels, notamment au temple Senso-ji à Tokyo.

Pour le mois de mai, direction Kyoto : le 15 du mois, c’est le Aoi Matsuri. « Unanimement considéré comme l’un des trois principaux festivals de l’ancienne capitale du pays », on y découvre une incroyable procession de 500 personnes revêtues de l’habit traditionnel de l’ère Heian qui relie le palais impérial aux deux sanctuaires shintō Kamo. On le surnomme d’ailleurs ainsi le Kamo Matsuri.

En juin, c’est le début de la saison des pluies. Le premier dimanche du mois, on se retrouve dans la préfecture d’Hiroshima, et plus précisément dans la ville de Mibu, pour assister au Mibu no Hana Taue. Pendant ce rituel inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO, on laboure la rizière « où de jeunes femmes viennent repiquer le riz en priant pour une récolte abondante sous le chant des anciens ».

Pendant l’été, on retrouve encore plus de matsuri que le reste de l’année, et ce sont notamment des feux d’artifices. La célébration qui a retenu notre attention, c’est la fête des étoiles. Avec sa portée nationale, c’est tout le pays qui se pare de décorations pour célébrer Tanabata. Originaire d’une légende chinoise, cette tradition fête le 7 juillet (ou le 7 août pour certaines villes et préfectures) les retrouvailles de deux étoiles (divinités) séparées dont l’amour a été rendu impossible.

Après le beau temps, c’est la saison des récoltes et le lancement des Danjiri Matsuri, les festivals de chars. Le plus connu d’entre eux est celui de Kishiwada, dans la préfecture d’Osaka, qui se tient durant la seconde quinzaine du mois. Cette parade de 4 heures voit défiler 35 chars qui prennent départ dans chaque quartier de la ville et se défient dans des concours de vitesse, tractés par « un millier de gaillards ».

Pour le mois d’octobre, la grande ville de Nagoya organise son principal matsuri les 15 et 16. Le Nagoya Matsuri met à l’honneur les 3 grandes figures de l’histoire du pays que sont Nobunaga Oda, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa. Pour l’occasion, plus de 700 participants défilent dans les rues « entre chars et fanfares ». La particularité de ce matsuri : on y retrouve des artistes de Los Angeles, Mexico, Turin, Sydney et Nankin, les villes jumelées à Nagoya.

Pour l’occasion du 3 novembre, la journée de la culture au Japon, on observe de nombreuses festivités dans tout le pays. Chacun fête ce jour férié à sa manière. Du côté de Kagoshima, sur l’île de Kyushu, c’est le Ohara Matsuri qui se tient les 2 et 3 novembre. Plus de 20 000 visiteurs viennent danser en yukata et observer la parade nocturne.

Peu commun des festivals, cette danse lumineuse charme tous les spectateurs. Crédits : yutoku.jp

En décembre, le réveillon approche et les esprits ne sont pas à l’organisation d’autres festivités. Peu de matsuri se tiennent donc durant ce dernier mois de l’année calendaire. Celui que nous avons retenu se tient à Nara : le On Matsuri du 15 au 18 décembre au sanctuaire Kasuga. Danses et musiques traditionnelles sont au programme de ces 4 journées de festivité. Le 17, un incroyable défilé se tient, retraçant l’histoire du Japon du 9e au 19e siècles. Un bond dans le temps dans l’une des anciennes capitales du pays.

Le mois de janvier est très symbolique. Il s’y déroule de nombreuses traditions telles que l’osechi ryôri (plat de la nouvelle année), l’annonce publique des vœux de l’empereur ou le kakizome (la première calligraphie de l’année). En termes de festivités, c’est le jour de la majorité, le Seijin no Hi, qui se démarque. Vêtus de costumes et de kimono, les jeunes qui viennent de souffler leurs 20e bougies rejoignent le maire le temps d’une cérémonie symbolique.

Lorsque l’on pense aux matsuri d’hiver, celui d’Hokkaido est l’un des premiers à nous venir en tête. Pour cause : le festival de la neige de Sapporo, le Yuki Masturi, est un rendez-vous à ne pas rater si vous êtes dans le coin. Durant toute une semaine, la plus grande ville de l’île du nord du Japon accueille d’immenses sculptures de glace agrémentées de jeux de lumières. Un magnifique spectacle qui attire les foules !

Et pour finir ce tour d’Une année japonaise autour des matsuri, nous retrouvons au mois de mars le célèbre Hina Matsuri, la fête des poupées, qui se tient le 3 dans tout le pays. « Pour comprendre le rituel du Hina Matsuri […] il faut remonter à l’époque Heian (794-1185). Pour assurer la santé de leurs filles et les protéger des esprits malins, les parents façonnaient une poupée de papier qu’ils plaçaient dans leur chambre. » Aujourd’hui, la tradition veut que se soit les grand-parents qui offrent la première poupée à leur petite-fille pour leur première cérémonie. C’est ainsi que certaines poupées traversent les générations !

Des matsuri, il en existe des centaines. Par préfecture, par ville ou même par quartier, les fêtes traditionnelles japonaises ne cessent de rythmer la vie des Japonais au fil de l’année. Un article ne suffira jamais à faire le tour de la question, et nous vous encouragerons toujours à découvrir de nouvelles choses sur cette belle culture grâce, entre autres, à des lectures. Dans ce billet, c’est Une année japonaise des Éditions Ynnis qui nous a accompagné, et nous vous le conseillons bien évidemment puisque « clef de décryptage de la société japonaise, [Une année japonaise] peut également servir de complément aux guides des futurs voyageurs […]« . Un beau livre à se procurer autant pour apprendre que pour planifier sa prochaine visite au pays du Soleil-Levant.

Rokusan

Roxane, passionnée depuis l'enfance par le Japon, j'aime voyager sur l'archipel et en apprendre toujours plus sur sa culture. Je tiens le blog rokusan.fr dédié aux voyages au Japon.

3 réponses

  1. Lehmann dit :

    Parler des matsuri sans mentionner les omikoshi, shogatus, ni parler des kagura renforce l’idée que cet article superficiel a été écrit par quelqu’un dont la connaissance du Japon est bien maigre.

    • Rokusan dit :

      Bonjour Alain,
      il n’est visiblement pas donné à tout le monde de comprendre les intentions d’un auteur en le lisant, alors je vais vous y aider : cet article se veut présenter les matsuri dans leurs diversités. L’accent du papier est mis, à de nombreuses reprises, sur cet aspect-là et il est donc évident de ne pas traiter en profondeur de chaque type de matsuri, sinon l’article en deviendrait illisiblement long, mais plutôt de parler de tout ce qui peut les différencier, que ce soit dans leurs rites, organisations ou origines.
      Mais il semble en effet plus simple de dénigrer gratuitement l’autre plutôt que d’apporter des éclaircissements à valeurs ajoutés avec un texte un minimum construit. J’en déduis que la courtoisie, la pédagogie et l’écriture ne font pas parties de vos si grandes connaissances.

      • Romain D. dit :

        J’ajouterai à cela qu’attaquer l’auteur d’un article avec si peu de « savoir être » est tout sauf représentatif de ce que le Japon véhicule et symbolise.

        Avoir une critique constructive comme « j’aurai apprécié… » aurait été tellement plus adaptée mais il semblerait qu’il faille éduquer à tout âge…

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