L’Enfant du mois de Kamiari, voyage initiatique en terre sacrée d’Izumo

Disponible sur Netflix depuis le mardi 8 février à l’international, seulement 4 mois après sa sortie dans les salles de cinéma japonaises (Kamiarizuki no Kodomo en VO), L’Enfant du mois de Kamiari est le film d’animation à ne surtout pas rater. Outre le récit initiatique de l’héroïne de 12 ans, la jeune Kanna, c’est une belle mise en lumière d’une région du Japon, le Shimane, moins touristique que la capitale et Kyoto. Retour sur ce conte fantastique qui transportera le spectateur dans tout le Japon en suivant la course contre la montre de Kanna, qui doit apporter aux divinités shintô des offrandes au grand sanctuaire d’Izumo, lieu de rassemblement des kami le dixième mois lunaire de chaque année !

©Netflix

Un beau film du studio Liden Films

Netflix, en plus de ses séries populaires comme Alice in Borderland par exemple, propose de plus en plus de films d’animation qui, sans la plateforme de SVOD, seraient difficiles d’accès (peu de salles de cinéma, sorties uniquement en VOD ou DVD/BR). Après Gundam : L’éclat de Hathaway, les films Violet Evergarden (qui ont droit à des sorties événementielles en salles grâce à Eurozoom), c’est un plaisir de découvrir le premier long métrage écrit et réalisé par Toshinari SHINOHE, avec cette fois-ci une histoire mêlant éléments fantastiques et spiritualité.

Aux manettes de L’Enfant du mois de Kamiari, il y a le studio Liden Films, fondé en 2012, qui met à profit son expérience dans l’animation et qui a coopéré avec de grands studios comme MAPPA, TMS Entertainment, Studio Pierrot, TRIGGER et A-1 Pictures. Dernièrement, Liden Films a produit Les Brigades immunitaires BLACK et Tokyo Revengers. Pour cette histoire originale, le réalisateur Toshinari Shinohe a été aidé par Ryūta MIYAKE et Tetsuro TAKIDA. Il est assisté à la direction de l’animation par Takana SHIRAI qui avait travaillé à l’animation sur Les enfants de la mer, Le Conte de la Princesse Kaguya et Les Enfants Loups, Ame & Yuki. Les personnages ont été conçus par Haruka SAGAWA, une ancienne de Kyoto Animation qui avait travaillé en tant qu’animatrice clé sur le film K-ON! et l’anime Free!.

Le deuil et le passage de témoin entre les générations

L’ambiance fantastique pourra rappeler un peu l’inoubliable et inégalable Voyage de Chihiro, même s’il est difficile d’égaler le niveau du mythique studio Ghibli, la virtuosité de Hayao Miyazaki et de Joe Hisaishi. Dans L’Enfant du mois de Kamiari, on suit donc les aventures de Kanna, une jeune fille de 12 ans qui pratique la course à pied depuis toute petite. Elle s’entraînait avec sa mère pour le marathon. Il y a un an suite à une maladie, elle perd son modèle. La jeune fille qui rencontre des difficultés pour faire le deuil de sa mère découvre qu’elle a un destin hors du commun et un rôle important à jouer. Elle apprend qu’elle n’est pas née dans une famille ordinaire et tout comme sa défunte mère, descendante des kami, elle a cette année la lourde tâche de livrer les offrandes du Japon au rassemblement des dieux, qui se retrouvent chaque année dans le grand sanctuaire d’Izumo.

Par devoir envers sa défunte mère, et surtout dans l’espoir de la retrouver aux banquets des divinités à la fin de son voyage, elle se lance ainsi dans une course contre la montre où le temps pour le commun des mortels est comme figé. Épaulée par un messager des dieux, Shiro, qui a pris possession du corps d’un lapin blanc, et un démon prénommé Yasha, Kanna ne sera pas seule pour vivre une aventure qui la changera à jamais et qui la mettra sur le bon chemin pour faire le deuil de sa mère.

Kanna devant l'une des divinités sur le chemin pour Izumo

Kanna devant l’une des divinités sur le chemin pour Izumo ©Netflix

Kamiari, la légende de la rencontre annuelle des dieux à Izumo

Statue en bronze d’Ôkuninushi avec une statue du lapin blanc d’Inaba (Pixabay)

Selon la légende du Kamiari (神在), les dieux de tout l’archipel nippon se rassemblent une fois par an, le 10e mois du calendrier lunaire. Le mois de cette rencontre est appelé « le mois avec les dieux » (神在月 Kamiarizuki) dans la région d’Izumo où se trouve le lieu de réunion des divinités, dans le grand sanctuaire d’Izumo (出雲大社 Izumo-taisha). Dans le reste du pays, il s’agit donc du « mois sans dieux » (神無月 Kannazuki). Ôkuninushi accueille dans son sanctuaire la myriade de dieux pour discuter des récoltes de l’année à venir et du destin des hommes.

La divinité tutélaire du sanctuaire et fondatrice de la nation est ainsi considérée comme le dieu des rencontres et du mariage. On dit que la région d’Izumo est de fait une terre de En-musubi (縁結び) ou de « croisement des destinés ». Les nombreux touristes viennent prier à l’Izumo-taisha dans l’espoir de faire de futures bonnes rencontres, en amour comme en affaires ! Les couples se rendent aussi au sanctuaire pour remercier la divinité qui leur a permis de trouver leur âme sœur.

Après le grand sanctuaire d’Ise dédié à la déesse solaire Amaterasu, celui d’Izumo est le deuxième site le plus sacré de la religion shintô. Classé « Trésor National », il est l’un des plus anciens sanctuaires du pays et daterait au moins du 6e siècle. Avec son bâtiment principal (Honden) haut de 24 mètres, Izumo-taisha est le plus grand sanctuaire du Japon ! La demeure d’Ôkuninushi est remarquable à plus d’un titre : l’énorme corde sacrée shimenawa de 13 mètres qui orne la devanture du « pavillon des danses » (Kaguraden) est la plus grande du Japon et pèse plus de 5 tonnes ! Autres particularités du lieu, contrairement aux autres sanctuaires qui sont habituellement en hauteur, après avoir passé le grand torii, les visiteurs descendent une légère pente et l’allée centrale est réservée aux divinités et à l’Empereur uniquement.

Impressionnante corde sacrée shimanewa du Kaguraden dans le grand sanctuaire d’Izumo (Pixabay)

Durant son périple et sa collecte d’offrandes, Kanna rencontre de nombreuses divinités sous les traits d’animaux. Dans le sanctuaire d’Ushijima, à Tokyo, près de chez la jeune fille, elle rencontre la divinité qui se trouve être un bœuf qui aurait un pouvoir de guérison. Ce lieu est important dans l’histoire car c’est le point de départ de l’aventure de l’héroïne mais aussi de sa guérison et du deuil de sa mère. Au sanctuaire Atago (Atago-jinja), après avoir monté les escaliers très raides, un chat lui donne son offrande. Plus loin, elle rencontre un serpent blanc, une cigogne, un ours sur la Nakasendô. Au grand sanctuaire de Suwa, Kanna est mise à rude épreuve par le fils d’Ôkuninushi, un dragon qui teste la volonté de la jeune fille. Le groupe fera même connaissance avec Ebisu, l’une des 7 divinités du bonheur, qui offrira une énorme dorade à Kanna.

Netflix France n’a pas beaucoup fait la promotion de L’Enfant du mois de Kamiari, et pourtant le film d’animation disponible sur la plateforme 4 mois après sa sortie dans les cinémas japonais devrait satisfaire pleinement les fans de culture japonaise en explorant la spiritualité de l’archipel. L’animation japonaise ne se résume pas aux créations de Ghibli et il aurait été intéressant d’avoir une sortie dans nos salles obscures pour, sans doute, qu’on parle plus du film, qui est noyé dans le catalogue de Netflix. Le studio Liden Films propose une histoire originale honnête qui met à l’honneur le shintô et la région d’Izumo, le département du Shimane. Après avoir vu le film, à votre prochain voyage au Japon, il sera difficile de ne pas ajouter dans votre liste des visites le grand sanctuaire d’Ôkuninushi.

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

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