Triangle Strategy, le nouveau T-RPG de Square Enix

Sorti en mars 2022, Triangle Strategy est le dernier-né de Square Enix en matière de jeu old-school. Tactical-RPG dans l’âme, c’est l’équipe d’Octopath Traveler qui est derrière ce titre, ce qui en fait un sérieux gage de qualité. Quelles sont les mécaniques de ce jeu un peu particulier ? À qui s’adresse-t-il ? C’est ce que nous allons voir ensemble.

Triangle Strategy

© 2022 Square Enix

Résumé : Dans cette chronique aux multiples ramifications vous guidez Serenor Wolffort et ses fidèles compagnons à travers des batailles tactiques et des dilemmes moraux. Choisirez-vous la voie de l’éthique vertueuse ? De la liberté absolue ? Ou celle de l’exploitation pragmatique ? À vous de décider de vos convictions.

 

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs J-RPG

Les jeux vidéo en HD-2D sont des titres qui proposent le charme nostalgique des Sprites en 2D, sur des décors en 3D. Les décors n’ont pas nécessairement des « textures 3D », et peuvent être aussi designés en pixel (comme dans Octopath Traveler), mais ces textures pixel sont alors apposées sur des environnements conçus en 3 dimensions. Cela a pour effet de créer une profondeur de champ et de faire passer les jeux old-school dans l’ère moderne. Gardez par contre bien à l’esprit que les personnages eux, seront toujours « plats » compte tenu de leurs 2D. Bien-sûr tous ces graphismes bénéficient d’un rendu HD et d’effets visuels tout aussi modernes pour avoir un rendu parfait sur nos TV actuelles. La notion de 2D est importante, et des jeux comme Bravely Default 2, Lost Sphere ou I am Setsuna ne font pas partie de cette catégorie puisqu’ils sont complètement en 3D.

Les Sprites, déjà revenus à la mode avec le pixel art, ont été la base de tous jeux vidéo avant l’arrivée de la 3D, autant dire que cela concerne énormément de jeux, et qu’une esthétique à part entière a pu s’en dégager. Le livre FF PIXEL dont nous vous parlions en 2019 constitue un très bon exemple. Octopath Traveler est le titre qui a lancé la tendance du HD-2D, et c’est dans cette pure lignée visuelle que Triangle Strategy prend place. Yosuka Matsuda, le président de Square-Enix, a d’ailleurs déclaré vouloir produire plus de jeux HD-2D, et a déposé ce terme comme marque. Cette volonté se ressent déjà avec les annonces faites au dernier Nintendo Direct des remakes de Dragon Quest III et de Live A Live, mais également avec Eiyuden Chronicles, suite spirituelle de Suikoden, prévu pour 2022.

Que cela soit pour de nouvelles créations ou des remakes des grands classiques de la Super Nintendo, le J-RPG à l’ancienne a de beaux jours devant lui avec cette mode qui ne fait que commencer !

Un T-RPG sur fond de politique

Triangle Strategy évolue dans un environnement politique très dense. Les alliances et trahisons sont monnaie courante, un petit topo du contexte géopolitique est donc de mise.

Le continent de Norzélia est divisé en trois grandes puissances, chacune contrôlant une ressource vitale. Les terres givrées du duché d’Aesfrost exploitent d’innombrables mines de fer, leurs assurant une matière première précieuse pour la fabrication d’armures et d’épées (rappelons que nous sommes dans un univers guerrier médiévale).
Les terres sacrées d’Hyzante détiennent l’unique lac de sel du continent. Appelée La Source, ce détail peut semblait anodin, mais le sel est une denrée essentielle à une telle époque, que ce soit pour le fonctionnement naturel du corps humain, ou pour l’hygiène et la conservation des aliments. Impossible de faire de longs trajets de plusieurs jours pour tout un bataillon sans denrées non-périssables. Vous allez donc beaucoup entendre parler de sel durant le jeu, car c’est une ressource très précieuse.
Le royaume de Glenbrook profite du parcours du fleuve de Norzélia, gérant ainsi tout le commerce qui y transite. C’est aussi un pays comptant de très habiles guerriers, notamment le clan Glenbrook dont vous incarnez un des membres à travers  le héros Serenor.

Le partage de ces ressources mis le continent Norzelien à feu et à sang dans une guerre appelée la Grande Guerre du sel et du fer. Ce n’est que depuis 30 ans qu’une trêve est établie entres les 3 royaumes. Les trois puissances se sont associées dans la gestion des ressources minières, et Serenor, l’héritier de la plus grande maison de Glenbrook, s’apprête à épouser Frédérica Aesfrost afin de consolider ces liens diplomatiques.

C’est donc dans ce contexte que votre aventure commence. Des tensions sont palpables dans chaque clan, et très vite des manigances se mettent en place. Simple mais très efficace, les personnages sont bien écrits. Royaume traditionaliste, méritocratie, ou Cité sainte sans roi, chacun des trois royaumes arbore une idéologie différente. Cela a une importance car le jeu va demander en permanence au joueur des choix, et avoir un tel éventail de dogme permet de trouver ce qui nous convient le mieux. Vous trouverez, ou achèterez, régulièrement des informations sur le contexte historique de Norzélia, ce qui enrichira encore le lore du jeu. C’est un aspect très développé et c’est bien normal tant l’histoire du jeu est au cœur de l’intrigue. Dès lors, toute la force du soft va résider dans ses dialogues et cutscenes car c’est dans ces séquences que les mécaniques d’une partie du gamplay se trouvent.

Choose your destiny

Triangle Strategy

L’objet qui orientera votre histoire, et dont certains votes ne seront pas gagnés d’avance © 2022 Square Enix

La Balance des Convictions, voilà à quoi fait (en partie) référence le titre du jeu. À des moments-clés de l’aventure, votre groupe devra faire des choix qui orienteront drastiquement la suite de l’histoire. Visiter tel pays plutôt qu’un autre ? S’allier avec un clan ou non ? Privilégier la protection du peuple ou d’un compagnon ? Toutes ces décisions se feront en concertation avec vos 7 alliés principaux. Serenor décide en effet de prendre les décisions de façon démocratique, et c’est la majorité qui l’emportera. Pour cela il remet à chacun de ses amis une pièce servant au vote et à poser sur la balance quand ceux-ci auront fait leur choix.

Serenor lui n’a pas de pièce et se pliera à la majorité. N’allez cependant pas croire que vous ne déciderez de rien. Avant chaque vote vous pourrez parler avec vos compagnons et influer leurs convictions avec les paroles qui vous choisirez. C’est là que le jeu prend tout son sens.
En effet, chacun de vos compagnons peut avoir une opinion plus ou moins tranchée sur les choix à faire. Vous aurez habituellement 3 choix de réponse à donnez à votre interlocuteur, chacune faisant appel à des valeurs différentes. Cependant certains choix sont verrouillés et nécessitent une action préalable pour être utilisés. Souvent ce sont des informations que vous aurez récolté en parlant à des villageois ou soldats juste avant. Cela peut aussi dépendre de l’avancée de vos statistiques de pragmatisme, éthique ou liberté. Certaines options seront impossibles à déverrouiller durant votre première partie et seront disponibles en rejouant l’histoire.

Durant votre première exploration, les statistiques de pragmatisme, d’éthique et de liberté vous sont cachées, le jeu vous dira juste que les convictions de votre héros ont évoluées. Ce n’est que lors de votre seconde partie que vous aurez accès à ces données pour personnaliser votre parcours et tenter d’autres routes scénaristiques.

Vous l’avez compris, les choix fait durant l’aventure vous orientent sur différentes pistes, et c’est donc ces alternatives non-explorées que vous allez pouvoir découvrir lors de vos parties suivantes. N’ayez crainte, le jeu est pensé comme tel : il vous propose une frise chronologique, vous montrant les routes déjà déverrouillées et les embranchements possibles, pour que vous puissiez vous repérer. Toutes les scènes de dialogues peuvent être accélérées très vite, donc les passages en commun des différentes histoires ne freineront pas votre avancée. Les objets, niveaux, ou encore les rangs de vos unités sont conservés lors de vos nouvelles parties. Cela est d’ailleurs nécessaire pour monter vos personnages au niveau max. La rejouabilité est donc conséquente et parfaitement pensée par l’équipe de développement.

Triangle Strategy

La frise chronologique du jeu, très utile en New Game+ © 2022 Square Enix

Susume !

L’immense majorité des T-RPG nous vient du Japon, où le genre serait né en 1990 avec la célèbre franchise Fire Emblem. Parmi les autres grands noms du T-RPG nous trouvons Vandal Hearts, Langrisser, Advance Wars, Tactics Ogre, et bien-sûr Final Fantasy Tactics et Disgaea (et d’autres titres de Nippon Ichi Software comme La pucelle : Tactics et Phantom Brave). C’est un genre qui a eu le vent en poupe à l’ère du 16 bit sur la Super Famicom (puis de la Game Boy Advance), et seul Disgaea a vraiment su survivre durant la génération Playstation.

Triangle Strategy s’inscrit donc dans cette noble lignée et les phases de combat reprennent les caractéristiques classiques des T-RPG. Votre zone de combat ressemble à un échiquier (au terrain parfois escarpé) où vous déplacerez les unités que vous avez choisi de déployer (jusqu’à plus de 10). Au tour par tour, chaque unité pourra effectuer un déplacement et une action (sauf compétence particulière) dans un ordre de passage établi par la vitesse des combattants. Il faudra savoir user des forces et faiblesses mises en place par le soft : les archers ont une meilleure portée de tir en hauteur, les lanciers peuvent attaquer depuis une seconde ligne, les cavaliers se déplacent très loin, etc. Où placer vos guerriers sera également très important car une attaque de dos fera toujours un coup critique, et une attaque en tenaille (deux unités de face et de dos à un adversaire) déclenchera une attaque combinée, de quoi multiplier très vite les dégâts !

Les impacts environnementaux joueront aussi leurs rôles. Utiliser une magie de feu sur un terrain sec et broussailleux laissera des zones enflammées au sol, provoquant des dégâts à toute unité se déplaçant dessus. Un bloc de glace peut créer un mur freinant l’avancée d’opposants. Placer un sort de feu sur une zone glacée créera une flaque qui pourra être électrifiée avec la foudre. Enfin la météo peut accentuée ou diminuer la puissance de vos sorts : un temps ensoleillé favorisera vos magies de feu, et une météo pluvieuse rendra plus forte la foudre que vous ferez tomber, en plus d’éteindre les feux allumés au sol. Un vent violent diminuera aussi la précision et la puissance de vos archers.

C’est donc tous ces aspects qu’il faudra prendre en compte pour menez à bien vos assauts. De ce point de vue, le jeu mérite parfaitement son appellation de Tactical-RPG !

Triangle Strategy

Un champ de bataille typique de Tactical-RPG © 2022 Square Enix

Conseil de guerre

Triangle Strategy se scinde donc en deux grands axes : les cutscenes, et les batailles. Et c’est à peu près tout, hormis quelques maigres phases d’investigations. Le jeu pourrait presque s’apparenter à un Visual Novel avec des combats T-RPG. À ce titre, il ressemble beaucoup à Legend of Kartia, qui alternait aussi phases de dialogues et batailles rangées.

La durée de vie de l’histoire principale tourne aux alentour des 40H, mais il faut bien entendu y ajouter les parties suivantes et facilement multiplier par 2 ce chiffre. C’est cette rejouabilité qui fait aussi l’intérêt du soft : il vous faudra au moins 4 parties pour débloquer l’ensemble des personnages recrutables. Cependant, le jeu peut s’avérer être perturbant si l’on s’attend trop à trouver les éléments classiques d’un J-RPG (Tactical ou non). Il est important de savoir ce qui nous attend dans Triangle Strategy pour ne pas être déçu.

Nous n’avons ici pas de quête principale ni de quête secondaire, mais des « Histoires » principales et secondaires. Ça ne semble être qu’un menu détail, et pourtant c’est là que le bât blesse. Ces séquences ne sont « que » des cutscenes où vous ne pourrez pas interagir (hormis vos choix de dialogue quand vous y êtes présent). Des histoires donc, et non des quêtes. Aussi, il ne sera pas possible de visiter les lieux que l’on veut librement en dehors du tracé de l’histoire, ni de faire des donjons optionnels. Des T-RPG comme Final Fantasy Tactics Advance proposaient des quêtes annexes, ou Disgaea du contenu à explorer en parallèle avec sont Item World par exemple. Ici vous ne trouverez rien de tout ça, ni même de création d’unités. Le recrutement de nouveaux alliés se limite à assister à des dialogues. Rien ne vous sera demandé, et vos nouveaux compagnons se joindront forcément à vous tant que vous remplissez les bonnes cases (avoir tel taux de pragmatisme où fait tel choix scénaristique par exemple).

Triangle Strategy

La carte du monde © 2022 Square Enix

Par exemple, lorsque l’écran de la mappemonde propose 4 histoires secondaires en plus de la principale, et bien cela se limitera à assister à des scènes de 2 minutes. Puis on lance la principale : des dialogues, et retour sur la mappemonde pour ne nous laisser comme seul choix que de regarder le prochain dialogue de l’histoire principale… qui ne se soldera pas toujours sur un combat, mais de nouveau sur la mappemonde (anecdotiquement, un des actes (le 3 du chapitre X) qui compose les chapitres ne dure par exemple que 5 minutes). Enfin, le jeu met beaucoup de temps à rentrer dans le vif du sujet. Les prémices de Triangle Strategy peuvent donc s’avérer longues si l’on s’attend à rapidement se retrouver à explorer la carte et démarrer des quêtes annexes. L’intérêt de Triangle Strategy se trouve autre part : dans une histoire rondement menée, à suivre comme dans un roman dont vous être le héros, grâce à vos choix, et à des phases de batailles qui vous donneront matière à réfléchir sur vos placements.

Très bon dans ce qu’il fait, Triangle Strategy est un Tactical-RPG digne de ce nom, en plus d’être un beau jeu HD-2D. C’est une aventure très narrative et très bien ficelée quand on voit les nœuds scénaristiques que le studio de production à su mettre en place. Découvrir les routes alternatives et toutes les fins alternatives sera un plaisir si vous appréciez cette narration poussée, et les batailles sauront parfois mettre votre vos plans à rude épreuve, un déplacement mal choisit pouvant souvent être sévèrement punit. Un T-RPG qu’il fait bon de voir, à une époque où ce genre se fait rare !

Captures d’écran réalisées par Oliver BENOIT pour Journal du Japon © 2022 Square Enix
Jeu testé sur une version dématérialisée fournie par LaBoîtecom

Olivier Benoit

Présent sur Journal du Japon depuis 2013, je suis un trentenaire depuis longtemps passionné par l'animation traditionnelle, les mangas et les J-RPG. J'écris dans ces différentes catégories, entretiens également la rubrique hentai, et gère le pôle gastronomie. J'essaie de faire découvrir au plus grand nombre les choses qui me passionnent. @oly_taka

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