Retour sur le Festival d’Angoulême 2022

La 49e édition du Festival International de la Bande Dessinée (FIBD) d’Angoulême s’est tenu du 17 au 20 mars 2022. Si aucune bande dessinée japonaise ne figure dans le palmarès, l’influence, directe ou non, du manga et de la japanimation auprès de plusieurs auteurs contemporains ne semble pas se démentir.

Une situation représentative de ce que l’on pouvait observer lors du Festival ? Éléments de réponse dans les lignes qui suivent.

 

La moquette Pochita, symbole d’une scénographie (par La Fabrique Créative) en parfaite adéquation avec l’exposition Fujimoto

Quelles expositions sur les mangas ?

Cette nouvelle édition proposait quatre expositions en rapport avec les mangas (et les anime). Sur ces quatre, trois se répartissaient entre Manga City et l’Alpha Médiathèque, située juste en face. Quand on prend conscience des difficultés à mettre en place une exposition, on ne peut qu’être admiratif de ce qui nous a été proposé.

Au deuxième étage de l’Alpha se déroulait une exposition sur l’art d’Inu-Oh (commissaire d’exposition : Laurent DUROCHE), complétée par une projection du film le vendredi soir. Journal du Japon vous a déjà parlé de ce film réalisé par Masaaki YUASA, avec des designs originaux de Taiyô MATSUMOTO. Concentrée au deuxième étage de la médiathèque l’exposition permettait de voir les croquis préparatoires de MATSUMOTO pour le film, la mise en animation des images, des reproductions de masques et de divers outils aperçus dans le film ainsi que des extraits et des explications pour mieux comprendre cette adaptation du roman de Hideo FURUKAWA.

Au niveau moins un de la médiathèque se trouvait le « cinéma Fujimoto » (de son vrai nom : « Tatsuki FUJIMOTO, héros du chaos« , commissaire d’exposition : Frederico ANZALONE, conseiller scientifique : Yohan LECLERC). En effet, outre la statue de Denji (réalisée par Olivier AFONSO et Clément WINTZ de Clsfx atelier 69) qui nous attendait une fois la porte franchie, nous pénétrions dans un cinéma habillé aux couleurs des œuvres de Tatsuki FUJIMOTO. Un ticket nous était remis et nous pouvions déambuler sur de la moquette Pochita, observer différentes portes, un écran éventré et des sièges de cinéma qui portaient la trace du passage du démon tronçonneuse. Une scénographie de choix complétée par des reproductions des planches de FUJIMOTO (l’auteur dessine en numérique) avec un texte général dans chaque pièce et des explications ponctuelles sur les autres planches ou encore des comparaisons entre croquis préparatoires et planche finale. Des extraits vidéos d’entretien étaient disséminés dans chaque pièce (le visage de l’auteur étant caché par Pochita) et on finissait dans la pièce des tentations où figuraient des goodies à acheter (mugs, gourde, tee-shirts, posters, cartes) et bien sûr des tomes des mangas de FUJIMOTO.

Au sein du pavillon Manga City se trouvait une exposition consacrée au Goldorak paru chez Kana. Manga de Gô NAGAI (UFO Robo Grendizer) principalement connu en France pour son adaptation animée, l’exposition proposait des croquis préparatoires et des planches de la version de Denis BAJRAM, Xavier DORISON, Brice COSSU, Alexis SENTENAC et Yoann GUILLO, ainsi que de multiples figurines et autres objets dérivés de la saga à faire frémir d’envie tous les fans de la série.

Exposition Goldorak

Exposition Goldorak

Si vous ne rechigniez pas à marcher quelques minutes, direction le Musée d’Angoulême pour l’exposition « Shigeru Mizuki, contes d’une vie fantastique ». Un auteur dont Yoshiharu TSUGE, qui avait eu droit à une exposition lors de l’édition précédente, a été l’assistant même s’il occupait une place à part si on en croit les paroles de Naoko HARAGUCHI, fille aînée de Shigeru MIZUKI. L’artiste Lolita SÉCHAN nous parle de l’art du mangaka que l’on peut apprécier au fil des différents moments de l’exposition qui permet de réaliser combien cet auteur ne se réduit nullement aux yokaï et a développer son style sans être influencé par Osamu TEZUKA. Ayant connu une reconnaissance tardive, MIZUKI, aidé de ses assistants, réalisera une œuvre abondante. Une édition de son œuvre en 200 (gros) volumes est ainsi en cours au Japon ! Et le catalogue de l’exposition paraît être épuisé… Si l’auteur vous intéresse, Xavier GUILBERT (commissaire de l’exposition avec Léopold DAHAN) recommande les tomes de Vie de MIZUKI, chez Cornélius, comme de bonnes portes d’entrée dans cet univers.

Où trouver des mangas ?

Outre les librairies de la ville, le Festival est l’occasion de voir des éditeurs de mangas présents sur place. Le changement de date du festival (initialement prévu fin janvier) semble avoir joué sur la présence ou non de certains éditeurs. Outre des absences dans la branche comics, les rangs n’étaient pas complets dans le pavillon Manga City en dépit de la présence de plusieurs poids lourds du secteur (Akata, Dupuis-Vega, Glénat, IMHO, Kana, Ki-oon, Nazca, Ototo, Pika…).

L’espace Manga City accueillait aussi des éditeurs de webtoons, mangas en ligne… comme Izneo, Kbooks, Mangas.io, Verytoon… illustrant ainsi les évolutions de l’offre éditoriale en France.

Le pavillon accueillait également un stand de la revue Atom (partenaire du Festival), des stands de produits dérivés (affiches, goodies…), des écoles de manga (Human Academy, Eima) et aussi Taïwan comics ! Ce dernier stand offrait l’occasion de voir à la fois les productions taïwanaises disponibles en France mais aussi les titres acquis par d’autres éditeurs hors Taïwan ainsi que la mise en avant de plusieurs titres et artistes taïwanais. Inutile de dire que, en amateur d’Asie au sens large, l’on souhaiterait voir quelques nouveaux titres se faufiler jusque dans nos rayons de librairie.

Taiwan Comics

Remarquons qu’à l’instar des autres années, on peut trouver de la bande dessinée japonaise en dehors de Manga City. Ainsi dans le Monde des Bulles, Delcourt/Tonkam proposait certains de ses titres sur son stand, idem pour le label Sakka présent sur celui des éditions Casterman. Si vous alliez à la Bulle Nouveau Monde vous pouviez retrouver les éditions Cornélius, le Lézard Noir, ou encore Huber Editions.

Où entendre parler des mangas ?

Le pavillon Manga City comportait un espace réservé aux rencontres, master class et conférences qui ont été nombreuses lors du festival. Il n’est pas possible de rendre compte de la totalité des événements aussi nous nous contenterons d’en évoquer les grandes lignes.

D’abord des conférences en lien avec les quatre expositions avec la présence des commissaires d’exposition accompagnés d’invités prestigieux (Naoko HARAGUCHI, fille aînée de MIZUKI, pour parler de son père ; Jean-David MORVAN pour la conférence sur Tatsuki FUJIMOTO…) ce qui permettait d’avoir des anecdotes, parfois surprenantes sur Shigeru MIZUKI ou de répondre à la question de Naoko HARAGUCHI qui demandait, en toute sincérité, ce qui nous plaisait dans les œuvres de son père… voire d’entendre Jean-David MORVAN déclarer sans ambages que l’obsession de Denji (Chainsaw Man) pour les nichons le gonflait un peu.

Jun MayuzukiSi les invités japonais prévus pour le mois de janvier n’ont pas pu être présents physiquement à Angoulême en mars, nous avons quand même eu droit à un entretien enregistré de Jun MAYUZUKI (Après la Pluie, Kowloon Generic Romance) à visage découvert (souhait de la mangaka de se présenter ainsi à nous) sur la réalisation de l’affiche du Festival, son parcours, ses doutes, ses titres. Une conférence est également revenue sur le succès de l’Attaque des Titans avec la présence de Julien BOUVARD (enseignant-chercheur spécialisé sur l’histoire du manga) et Mehdi BENRABAH (directeur éditorial chez Pika, éditeur du titre en France).

 

Nous avons également eu droit à des conférences autour du webtoon et des propositions numériques, sur les mangakas français, en compagnie notamment de Nicolas DAVID (Droners) et ZELIHAN (Wandering Souls), ainsi qu’à une conférence autour de la traduction, animée par Julien BOUVARD, en compagnie de Fédoua LAMODIERE et Satoko INABA (directrice éditoriale manga chez Glénat), moyen de mieux prendre conscience des conditions de travail et de rémunération des mangakas français et des personnes chargées de la traduction.

 

Les mots de la fin

La bande dessinée japonaise continue donc d’occuper de l’espace et du temps lors du Festival d’Angoulême. Devrait-elle en occuper davantage ? Devrait-il y avoir davantage d’éditeurs présents ? Plus de titres mis en avant dans les sélections ? Il n’y aura sans doute jamais de festival qui permettra d’avoir un aperçu représentatif de tout ce que la bande dessinée japonaise a à offrir mais les expositions, les conférences (une pensée pour les cordes vocales des animateurs, qui ont souvent enchaîné plusieurs conférences d’affilée) permettaient de proposer des espaces qui avaient plus à offrir que simplement des ouvrages à vendre. On se demande donc ce qui nous sera proposé pour la 50e édition du Festival… On espère en tout cas un retour des auteurs japonais, qui nous ont particulièrement manqué !

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