De Futari wa PreCure à PreCure Full Bloom : comment les PreCure sont-elles devenues adultes ?

Diffusée sur Crunchyroll cet automne 2023, la série Power of hope : PreCure Full Bloom a pu surprendre plus d’un spectateur. D’où vient ce groupe de 5 (+ 1) héroïnes ? Et qu’est-ce que cette histoire de PreCure au juste ? Rien d’étonnant à ce que la diffusion d’une série anniversaire commémorant les 20 ans d’une franchise (presque) jamais importée en France nous fasse nous interroger sur son origine.

Power of hope Precure Full Bloom

Sans doute l’avez-vous remarqué au générique d’ouverture de la série ou bien avec la scène de combat musclée de l’épisode 2. Power of Hope : PreCure Full Bloom, ainsi que la franchise PreCure dans son ensemble, s’inscrivent dans le genre du mahô shôjo (souvent traduit en magical girl en anglais), ces jeunes filles qui deviennent, du jour au lendemain et pour des raisons diverses, des magiciennes aux pouvoirs extraordinaires. Pour mieux comprendre la place qu’occupe PreCure dans le paysage de l’anime et de la pop culture au Japon, il convient de faire un rapide retour sur les distinctions au sein du genre.

Remontons donc ensemble à la source de PreCure et du mahô shôjo pour mieux comprendre le pourquoi de cet anime !

Le mahô shôjo avant PreCure

Des années 60 aux années 80, les premières magiciennes à l’écran

himitsu no akko chan
L’héroïne de Himitsu no Akko chan avec son miroir magique et son petit chat ©Toei

La naissance du mahô shôjo, tout du moins dans l’animation, est attribuée à l’anime Sally la petite sorcière, adaptation par la Tôei d’un manga éponyme de Mitsuteru YOKOYAMA (également auteur du non moins important Tetsujin n°28, premier anime à mettre en scène un robot géant comme figure principale). Sorti en 1966, Sally la petite sorcière met en scène la vie quotidienne de Sally, reine du royaume de la magie, qui décide de vivre sur terre en prenant l’apparence d’une fille de 11 ans. L’anime est fortement inspiré de la sitcom américaine phénomène de l’époque : Ma Sorcière bien aimée. Il faut cependant attendre 3 ans, pour qu’une nouvelle série, Himitsu no Akko chan, adaptée d’un manga de Fuji AKATSUKI (auteur de Osomatsu kun et Tensai Bakabon, surnommé le roi du gag manga), apporte un nouvel élément décisif pour l’avenir et la pérennité du genre. L’héroïne a la capacité de se transformer à l’aide d’un miroir de poche, qui est évidemment reproduit en tant que jouet et vendu à toutes les jeunes filles fans du dessin animé. La Tôei produira jusqu’en 1981 plus d’une dizaine d’autres anime du même genre, réunis sous l’appellation plus ou moins officielle de Tôei Majokko series (comprenant parfois même des filles cyborg avec Miracle shôjo Limit-chan).

Certains anime plus connus en France par la génération club Dorothée, comme Gigi de Ashi Production ou Creamy du Studio Pierrot (qui est le point de départ d’une série de productions de mahô shôjo du studio Pierrot) peuvent être perçus comme des héritiers de cette veine du mahô shôjo dans le sens où ils mettent eux aussi en scène des aventures quotidiennes teintées de magie, avec au centre de l’histoire et du modèle marketing un item, fatalement lié à l’imaginaire féminin, servant à la transformation. Ces séries diffèrent cependant dans la mesure où, au delà des jeunes filles, elles ont gagné en popularité dans la sphère des fans d’anime au Japon en mettant à profit des éléments à la mode de l’époque (notamment le lolicon, les idol…).

De magiciennes à guerrières : le tournant Sailor Moon

Un élément crucial nous manque encore pour saisir PreCure : le combat. Comment ces adorables petites magiciennes en sont-elles arrivées à se battre pour la sauvegarde du genre humain ? Il nous faut cette fois remonter à un autre grand nom du manga : Gô NAGAI (Mazinger Z, Goldorak, Devilman) et, une nouvelle fois, la Tôei. En 1973 sort en anime l’adaptation du manga Cutie Honey, aventures polissonnes de Honey Kisaragi, androïde capable de se déguiser à loisir qui affronte l’organisation maléfique Panther Claw. Plutôt qu’aux jeunes filles, Cutie Honey vise un public essentiellement masculin (Honey expose son corps plus que régulièrement pour le plaisir des yeux des spectateurs). Mais l’anime n’occulte pas non plus le public féminin, Honey étant à l’époque une rare figure d’un personnage feminin en venant aux poings pour régler ses comptes. Contrairement à Sally et Akko chan qui donnent naissance à d’autres séries du même genre, Cutie Honey, malgré son aspect novateur et son caractère culte qui donnera lieu à de nombreux remakes et adaptations live (dont une de Hideaki ANNO en 2004), est difficile à considérer en tant que point de départ d’une mode de magiciennes combattantes. Après Cutie Honey, les femmes combattantes (mais pas magiciennes) continuent leur bout de chemin dans l’anime, avec des figures bien connues comme Nausicaa, ou bien dans la science fiction des années 80 où elles conservent la dualité femme forte/femme objet de Cutie Honey.

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C’est alors qu’en 1992 débute un projet qui fera révolution dans le genre et dans le monde : Sailor Moon. Né de la collaboration entre la mangaka Naoko TAKEUCHI et la Tôei (encore eux…), Sailor Moon est à la fois un manga publié dans le magazine Nakayoshi et un anime diffusé chaque semaine le samedi soir à 19h30, tous deux de 1992 à 1997. La nouveauté de Sailor Moon est de conjuguer le côté femmes combattantes à l’esthétique et au modèle marketing des séries majokko, et de rajouter par dessus un concept déjà solide de l’époque : l’équipe de super-héros associés à des couleurs (comme dans les Super Sentai). Il ne faut toutefois pas oublier l’apport des séries live tokusatsu de la Tôei, comme par exemple la étrangement nommée Bishôjo Kamen Poitrine (en français dans le titre japonais), ou bien Mahô Shôjo Chukana Paipai aux inspirations chinoises, qui dans un registre différent de l’anime ont fait varier et perdurer la figure de la jeune fille magicienne au sein de la franchise des Tôei Fushigi Comedy Series, à destination des jeunes enfants japonais (avec aux commandes un autre grand nom du manga, Shôtarô ISHINOMORI, créateur de Kamen Rider, Cyborg 009). Sailor Moon est un succès au Japon et dans le monde : son personnage principal Usagi Tsukino est par exemple aux côtés de Goku et Doraemon pour les JO de Tôkyô 2020(+1), et a touché un public bien plus large que les seules jeunes filles japonaises.

À la suite de Sailor Moon, la Tôei produit, de 1999 à 2002, une autre série importante pour le mahô shôjo : Magical DoReMi. L’anime retourne à une formule proche des origines en réduisant grandement l’aspect combattant ainsi que l’âge de ses héroïnes, mais conserve la distinction par couleur qui semble être installée pour de bon dans le genre. Par exemple, en dehors de la Tôei, Tokyo Mew Mew en 2000 pour le manga et 2002 pour l’anime reprend ce même principe. Le genre conserve tout de même une diversité dans l’approche des auteurs. Ainsi Card Captor Sakura par le groupe d’autrices CLAMP raconte les aventures d’une héroïne seule, et Mahô Shôjo Lyrical Nanoha se rapproche plus de l’esthétique des séries de robots que de magiciennes.

Magical doremi
La troupe d’héroïnes de Magical DoReMi ©Toei

Apparu de nombreuses fois au fil de cette histoire (réduite) du mahô shôjo, le studio de la Tôei semble être au cœur des innovations et de l’installation du genre. Ce n’est pas près de s’arrêter car débarque en 2004, deux ans après la fin de DoReMi, la franchise au cœur de cet article, et le plus grand accomplissement du studio en la matière : Pretty Cure, la plupart du temps raccourci en PreCure.

La franchise PreCure et le tournant Yes ! PreCure 5

Futari wa Precure, le concept de base

Comment faire du neuf dans une formule qui, si l’on remonte jusqu’à Sailor Moon, date de maintenant plus de 10 ans ? Réduire à deux le nombre d’héroïnes, pour enlever tout personnage superflu, a été la réponse de la Tôei. Futari wa PreCure, diffusé pendant un an à partir de février 2004 l’annonce dès son titre, que l’on peut traduire en “PreCure à 2”. En voici le pitch :

futari wa precure
Les deux héroïnes de Futari wa PreCure ©Toei

Nagisa Misumi est surdouée en sport, populaire, mais déteste les études. Honoka Yukishiro est une élève studieuse mais secrètement tête en l’air. Ces deux filles que tout oppose sont toutes les deux en deuxième année du collège pour fille de Véronné. Une nuit d’étoiles filantes, elles font la rencontre de Mepple et Mipple, deux mignonnes et mystérieuses créatures venant du Jardin de la lumière s’étant réfugiées sur terre suite à l’attaque de leur monde par une dimension maléfique : la zone dotsuku.

À l’aide des pouvoirs de transformation offerts par Mepple et Mipple, Nagisa et Honoka vont devoir se battre ensemble contre les monstres maléfiques de la zone dotsuku pour sauver la terre et le Jardin de la lumière. Elles forment ainsi le duo de guerrières légendaires : les Pretty Cure. Et ceci, malgré leurs différences !

Bien que Futari wa PreCure fasse varier le concept, la formule reste proche des standards des mahô shôjo combattantes. Les héroïnes sont accompagnées de petites mascottes mignonnes (à la voix souvent irritante) qui leurs donnent un objet leur permettant de se transformer pour gagner en puissance. Elles font ainsi face à un monstre par épisode qu’elles ne manqueront pas de vaincre grâce à leur amitié. PreCure se distingue tout de même par l’accent mis sur les scènes de combat : contrairement aux images que l’on peut se faire d’un combat de mahô shôjo, les héroïnes sortent les poings et enchaînent les esquives au corps à corps. Cette tendance aux arts martiaux est une volonté du réalisateur de la série, Daisuke NISHIO, dont le parcours, avec entre autres la réalisation de Dragon Ball et Dragon Ball Z, peut expliquer la tendance.

Precure gumi
Les « PreCure Gumi » de la série Delicous Party PreCure ©Bandai ©Toei

Du point de vue marketing, il n’y a pas de réel changement depuis les origines. La série est à destination de jeunes filles de la maternelle à la fin de la primaire et, en accaparant leur attention pendant une vingtaine de minutes par semaine, leur montre les magnifiques jouets qu’elles supplieront ensuite leurs parents d’acheter. En plus des peluches à l’effigie des mascottes ou des héroïnes et des items de transformation en forme de téléphone portable (pour la première série), les enfants peuvent acheter des bonbons contenant des cartes à collectionner des différents personnages : les PreCure gumi. Ce modèle est à mettre en parallèle à ceux d’autres séries de la Tôei, notamment les séries live tokusatsu Super Sentai et Kamen Rider, qui sont fondées sur un modèle quasiment identique, avec par exemple les Kamen Rider Choco, chocolats aux couleurs de la série actutelle. PreCure est d’ailleurs diffusé juste avant ces séries à 8h30 le dimanche matin sur les chaînes TV du réseau Asahi, faisant ainsi partie, officieusement, du Super-Hero Time de la Tôei (créneau de diffusion de Kamen Rider et Super Sentai depuis le début des années 2000). Les séries PreCure sont ainsi diffusées tout au long de l’année, avec de rares pauses, chaque série atteignant une moyenne de 50 épisodes.

Après un an de diffusion, Futari wa PreCure a droit à une suite, Futari wa PreCure MAX HEART, avec les deux mêmes protagonistes ainsi qu’une nouvelle héroïne. La franchise PreCure semble donc se rapprocher des deux succès précédents de la Tôei en termes de mahô shôjo, Sailor Moon et DoReMi, qui conservent les mêmes héroïnes à chaque saison et introduisent parfois de nouvelles magiciennes. Cependant, la troisième série, Futari wa PreCure SPLASH STAR, change la donne avec ses deux nouvelles héroïnes dans une ville balnéaire tout aussi neuve. Avec ce nouveau duo, PreCure tend plus à se rapprocher des franchises de tokusatsu citées plus tôt, Super Sentai et Kamen Rider, qui tout en conservant des archétypes narratifs et visuels de base, changent de héros et de récits chaque année. De son côté, le concept du duo PreCure semble s’être installé, mais il sera aussi vite bouleversé par la série que l’on peut considérer comme la plus importante de la saga : Yes ! PreCure 5.

Comment Yes ! Precure 5 a-t-il bouleversé le monde PreCure ?

En février 2007 est diffusé le premier épisode de Yes ! PreCure 5. Le titre dévoile sans détour le concept de cette nouvelle itération : de 2, les PreCure passent à 5. Et toutes facilement reconnaissables par leur couleur. Une sorte de retour en arrière vers une formule proche de Sailor Moon et des Super Sentai mais en conservant une identité particulière PreCure, notamment sur les scènes de combat ou dans le design caractéristique des mascottes (toujours aussi irritantes) et des costumes des guerrières magiciennes.

Yes PreCure 5
Nozomi et ses amis dans Yes ! PreCure 5 ©Toei

Nozomi Yumehara est en deuxième année au collège des cinq lumières. Un jour, alors qu’elle trouve à la bibliothèque un livre mystérieux nommé “Dream Collet” elle tombe nez à nez avec Coco, petit animal parlant venant du Royaume de Palmier, attaqué par une organisation maléfique : les Nightmare. Le “Dream Collet” a le pouvoir d’exaucer n’importe quel vœu et pourrait sauver son royaume à condition d’avoir capturé 55 petits esprits inoffensifs appelés Pinky. Mais l’organisation Nightmare convoite également le “Dream Collet”…

Bien décidée à aider Coco à sauver son royaume, Nozomi obtient les pouvoirs de transformation qui font d’elle une combattante légendaire : une PreCure. Avec quatre de ses amies, elle décide d’affronter l’organisation Nightmare pour sauver le royaume de Palmier.

Ainsi, Yes ! PreCure 5 se concentre plus sur les individualités et les pouvoirs particuliers de chacune de ses héroïnes (PreCure Mint excelle dans la défense, Aqua et Rouge dans l’attaque, Lemonade envoie des projectiles sur une zone étendue et la cheffe de la bande Dream touche à tout) plutôt que de mettre l’accent sur l’alchimie du duo d’héroïne comme dans les séries précédentes. Un an plus tard en 2008, la suite Yes ! PreCure 5 GoGo ! augmente même le nombre de guerrières magiques à six avec la mystérieuse (mais dont l’identité secrète est évidente dès sa première apparition) Milky Rose.

C’est sûrement l’alchimie entre ces cinq (puis six) personnages qui a plu aux jeunes japonaises de l’époque. Chacune a son propre caractère bien défini et aspirations quant à leur avenir, ce qui, pour de jeunes enfants de maternelle et primaire, a pu faciliter l’identification aux personnages. Les petites filles aimant le chant et le théâtre vont plus pencher pour Urara Kasugano, alias Cure Lemonade, celles plus posées s’adonnant à la lecture vont préférer Komachi Akimoto, Cure Mint. De plus, les cinq héroïnes ne s’arrêtent pas à leurs archétypes de départ et la série donne une vision nuancée de leur personnalité, leurs espoirs mais aussi de leurs relations entre-elles. Ainsi, Urara souhaite devenir une grande chanteuse mais est confrontée aux difficultés et aux désillusions des premières scènes et, face au temps que demande un tel métier, a du mal à passer du temps avec ses amies. De leur côté, Rin Natsuki (Cure Rouge) et Karen Minazuki (Cure Aqua) ont beaucoup de mal à s’entendre malgré le lien “PreCure” qui les unit. Les deux mascottes, Coco et Nuts, sont aussi plus que de simples peluches agaçantes : ils peuvent à volonté prendre l’apparence d’éphèbes qui ont tout autant conquis le cœur de certaines héroïnes que ceux de nombreuses jeunes spectatrices.

Étendue et ampleur de PreCure au Japon

La formule “retour aux sources” de Yes ! PreCure 5 fixe la ligne de la franchise qui continue à ce jour à être diffusée tous les dimanches matins : une équipe de 4-5 ou plus combattantes colorées surnommées Cure, des mascottes animales (ou autres) mignonnes, et bien sûr des items de transformation vendus en jouet. Après, Yes ! PreCure 5 GoGo !, la franchise PreCure renouvelle chaque année son univers et ses personnages, conservant seulement le titre Pretty Cure ainsi que des similitudes thématiques et visuelles, dans le style, comme expliqué plus tôt, des séries Super Sentai. Chaque série possède son propre monde, avec une intrigue centrée sur des thèmes jugés attractifs pour les petites filles japonaises : les tropiques (Tropical-Rouge ! PreCure), l’espace (Star Twinkle PreCure), les sorcières (Mahô Tsukai PreCure), la nourriture (Delicious Party PreCure), la mode (Fashion Hearts PreCure), les fleurs (HeartCatch ! PreCure), etc etc. En plus des séries, la franchise existe également en films, aujourd’hui au nombre de 32, centrés sur une série ou réunissant les personnages des différents mondes dans des histoires crossover.

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L’affiche du dernier film crossover en date, PreCure All Stars F, regroupant un grand nombre d’héroïnes de la saga ©Toei

Au rythme d’une série par an, la franchise PreCure fêtera ses 20 ans en février 2024 et compte donc actuellement 20 séries différentes. La longueur de la franchise, qui avoisine aujourd’hui les 2000 épisodes, vaut à PreCure d’être la plus longue série de mahô shôjo à ce jour. Pour rester dans les records, la série remporte en 2018 un Record du monde Guinness pour son film crossover Hugtto ! PreCure – Futari wa Pretty Cure All Stars Memories qui contient 55 « magical warriors », nombre record dans un film d’animation. Cités tout à l’heure, les JO de 2020 ont choisi certains personnages, dont Sailor Moon, comme mascottes. Usagi Tsukino n’est cependant pas la seule magicienne de la sélection : à ses côtés se trouvent les deux héroïnes de Mahô Tsukai PreCure, Mirai Asahina et Riko Izayoi. Mis en parallèle avec d’autres mascottes sélectionnées, Son Goku, Naruto, Luffy ou bien Astro Boy, ce choix suffit à comprendre l’importance de la place qu’occupe PreCure au Japon.

Bien que la formule soit fixée, la franchise connaît tout de même des évolutions : des PreCure plus âgées, des méchantes qui passent du côté du bien, voire même des PreCure masculins. La dernière série en date, Hirogaru Sky ! PreCure est ainsi un cas d’école de ces changements : Ageha Hijiri (Cure Butterfly) est une jeune femme de 18 ans travaillant comme maîtresse dans une école maternelle, et Tsubasa Yûnagi (Cure Wing) est le premier Cure garçon régulier de la saga. Hirogaru Sky ! PreCure tend alors aussi bien à donner des modèles d’avenir aux jeunes filles qu’elle reconnaît et invite un nouveau jeune public masculin.

Heartcatch precure
Illustration de Heartcatch PreCure, où le trait de Yoshihiko UMAKOSHI est très reconnaissable ©Toei

La diversité de thèmes s’accompagne aussi d’une diversité graphique : au fil des années de nombreux chara designer au style reconnaissable ont travaillé sur la série et proposé leur vision du mahô shôjo. On peut par exemple reconnaître le trait particulier de Yoshihiko UMAKOSHI sur la série HeartCatch PreCure, qui n’est pas sans rappeler son travail sur DoReMi ou bien Casshern Sins. Les scènes de transformations sont également un moyen de mettre en avant le style de certains animateurs. Récemment, l’animatrice Yû YOSHIYAMA, très inspirée du style de l’école de Yoshinori KANADA (pose marquante, aspect anguleux, “saut” entre les positions, très utilisé durant la fin des années 70 et les années 80), a dessiné la transformation de Ageha Hijiri en Cure Butterfly dans Hirogaru Sky ! PreCure ainsi que celle de Asuka Takizawa en Cure Flamingo dans Tropical-rouge ! PreCure. Ces deux transformations, en plus d’être un espace d’expression pour l’animatrice, retranscrivent aussi la personnalité des personnages : Ageha Hijiri est quelqu’un de très dynamique et Asuka Takizawa est inspirée du stéréotype de la Sukeban (voyous japonaises des années 80), une référence à un style d’animation en vogue à cette époque convient donc totalement.

Malgré tout cela, PreCure n’est pas un nom célèbre en France. Pour cause, la série n’a, jusqu’à cette année, jamais été diffusée à la télévision ou officiellement sur internet. Ce qui n’est pas le cas en Espagne ou bien en Italie où les premières séries ont été diffusées : la franchise y jouit d’une popularité nostalgique comme peut le faire un DoReMi ou un Tokyo Mew Mew en France, et permet la diffusion des films récents comme PreCure All Stars F en Italie (avec présence du réalisateur et du superviseur de l’animation !). Si on veut être juste, la franchise a en vérité eu le droit à une diffusion particulière en France par l’intermédiaire de Glitter Force sur Netflix : version occidentalisée de Smile Precure par l’entreprise Saban, déjà rodée à l’exercice de l’adaptation de séries japonaises avec Digimon ou bien Power Rangers (version américanisée des Super Sentai).

A l’occasion des 20 ans de la franchise, la Tôei a mis en place de nombreux projets autour de la licence : une exposition en tournée dans tout le Japon retraçant l’historique de la saga, de nombreuses vidéos commémoratives, des spectacles lives avec la présence des doubleuses incarnant leur personnage, et bien d’autres spectacles (des shows pour enfant avec les PreCures en mascotte), contenus (un webtoon), et événements (une parade) à destination des fans. Parmi ces nombreux projets se trouve celui qui a motivé la création de cet article : Kibô no chikara : Otona PreCure 23, connu en dehors du Japon en tant que Power of Hope : PreCure Full Bloom.

20 ans PreCure
Logo des 20 ans de la saga PreCure ©Toei

Power of Hope : Precure Full Bloom, une série PreCure “pour adulte”

À cinq… 15 ans plus tard

Lorsqu’elle était au collège, Nozomi Yumehara a connu une scolarité particulière quand, avec ses amies, elle a reçu des pouvoirs magiques afin de lutter contre le mal. Aujourd’hui, les années ont passé et chacune d’entre elles a tracé son chemin. Devenues adultes, les filles ont poursuivi leurs rêves et ont désormais un travail ou une famille. Mais alors qu’une mystérieuse ombre menace à nouveau l’humanité, les PreCures doivent s’unir à nouveau pour préserver tout ce qui leur est cher.

Crunchyroll
Power of hope : PreCure Full Bloom

Power of Hope : PreCure Full Bloom se déroule donc une dizaine d’années après les événements de la série originelle. Les collégiennes sont maintenant entrées dans la vie active, tout comme le public qui regardait à l’époque Yes ! PreCure 5 et sa suite Gogo !. Cette nouvelle série PreCure s’inscrit alors dans une tendance de la Tôei de ces dernières années déjà entamée avec le film Digimon et DoReMi : retrouver adulte les personnages que l’on connaissait enfant.

Contrairement aux séries régulières de PreCure diffusées à 8h30 le dimanche matin, Power of Hope : Precure Full Bloom est programmé le samedi soir à 18h25, après les horaires de travail, et ne durera que 12 épisodes. L’horaire particulier et la présence de Otona dans le titre, signifiant littéralement « adulte », ne fait donc aucun doute quant à qui cette nouvelle série s’adresse : les fans de Yes ! PreCure 5 maintenant devenues adultes. 15 ans se sont effectivement écoulés entre la diffusion des deux saisons originales et de cette nouvelle suite : un laps de temps où la grande partie des écolières fans de la série ont eu le temps d’entrer dans la vie active, ou bien de s’en approcher à grand pas pour les plus jeunes. Ce type de série laisse s’interroger sur comment est conçue une suite “pour adulte”. Automatiquement, on pourrait assimiler ce “pour adulte” à des thèmes plus sombres, de la violence ou bien des histoires tragiques comme certains dessins animés (Wakfu en France par exemple) ont pu le réaliser. Power of Hope : Precure Full Bloom serait donc une suite qui « Madoka-Magicaserait » sa série d’origine ? Eh bien en réalité pas du tout.

Yes ! PreCure 5, thème idéal

Power of hope : PreCure Full bloom

Yes ! PreCure 5 s’avère être un candidat idéal pour les séries du genre “Mais ils sont devenus quoi après ?” L’intégralité des deux saisons originales se concentrent en effet sur ce que les cinq (puis six) héroïnes désirent faire de leur avenir. Comme évoqué plus tôt, ces deux saisons sont en réalité assez intelligentes sur leur manière de parler de ce dilemme auquel tout le monde a fait face dans son enfance. Rin Natsuki (Cure Rouge), bien qu’athlétiquement surdouée, ne souhaite pas forcément faire du sport son avenir. Nozomi Yumehara (Cure Dream), la tête de file du groupe, ne se trouve douée pour rien et n’a pas de rêve d’avenir. Même si l’on reste dans un registre léger, Yes ! PreCure 5 et sa suite n’hésitent pas à considérer sérieusement les tracas de ses héroïnes. Autre bon signe pour le projet Power of Hope : Precure Full Bloom, la scénariste Yoshimi NARITA derrière les deux saisons originales est, comme ses héroïnes, de retour 15 ans plus tard à l’écriture de l’anime.

Power of Hope : Precure Full Bloom se concentre sur les nouveaux déboires que connaissent ses héroïnes une fois devenues adultes. De manière assez simple, un épisode est consacré au futur (maintenant présent) d’une héroïne, mettant de cette façon sur le devant de la scène une par une la totalité du cast original ainsi que deux héroïnes “bonus” tout droit sorties de Futari wa PreCure Splash Star. Les héroïnes se retrouvent également une ou plusieurs fois par épisode dans un izakaya/restaurant italien pour des soirées arrosées entre filles. Eh oui, les anciennes héroïnes de dessin animé pour enfant boivent (parfois sans modération !) de l’alcool, tout comme leur public qui a maintenant plus de 20 ans. Pour les jeunes filles ayant grandi avec la série, il est alors sûrement très agréable de découvrir l’avenir de celles qu’elles ont tant admirées enfants. Cet aspect, qui est l’argument majeur de la série, est malheureusement très atténué en France où le public n’a jamais vu la série dans sa jeunesse.

Comment faire un PreCure “pour adulte” ?

Tout comme les deux saisons originales, Power of Hope : Precure Full Bloom n’est pas toujours tendre avec ses personnages. Urara Kasugano, bien que devenue actrice, rencontre encore une fois les difficultés de la scène. Pire : Komachi Akimoto, la grande lectrice et aspirante romancière, n’a pas gagné un seul prix de revue littéraire depuis le collège et réalise que l’écriture n’était au final peut-être pas faite pour elle. Les dilemmes de collégiennes sont donc devenus des dilemmes d’adultes, dans toute l’angoisse mais aussi l’identification des spectateurs aux personnages que cela peut apporter. Power of Hope : Precure Full Bloom et ses cinq héroïnes continuent d’accompagner leurs fans dans un âge adulte dans tout ce qu’il comprend de bons moments (surtout à l’izakaya !) mais aussi de chagrins (des ruptures amoureuses !) et d’impasses.

Derrière cette structure simple se déroule une intrigue plus longue, impliquant un nouvel ennemi menaçant le monde et une mystérieuse “fleur du temps”. Aux grands maux les grands remèdes, les PreCures se voient de nouveau dotées de leur pouvoir d’antan. Se pose alors un souci, qui montre les limites, mais peut-être aussi le potentiel, d’une telle série : les PreCures peuvent-elles réellement devenir adulte ? Selon Power of Hope : Precure Full Bloom, ce n’est pas le cas : après transformation, Nozomi et ses amies adoptent leur apparence de jeunesse, allant même jusqu’à réutiliser (par nostalgie mais sûrement aussi par économie de moyen) les séquences de transformations de la série originale (de la deuxième saison). Les personnages en viennent même à regretter leur “peau si douce” ou bien la légèreté de leur ancien corps. Reste à savoir si cela restera un simple clin d’œil nostalgique ou bien sera la base d’une réflexion sur cette même nostalgie.

Power of Hope : PreCure full Bloom

Visuellement, sans être exceptionnelle, Power of Hope : Precure Full Bloom est bien réalisée, notamment lors de ses scènes d’action dynamiques qui n’ont pas perdu de peps en comparaison des premières séries. Un point de détail pour certains mais il est réellement grisant de voir une nouvelle fois ces héroïnes se battre mains et pieds nus. Un point noir cependant : les monstres qu’elles affrontent. Adieu la diversité des ennemis des séries d’origine formés à partir d’objets du quotidien, les PreCures affrontent maintenant des hordes de zombies/fantômes uniformes souvent représentés dans une 3D qui dénote avec le reste de l’image.

Difficile de prévoir le déroulement final de la série, mais Power of Hope : Precure Full Bloom semble bien parti pour faire réfléchir son public sur son rapport au passé, notamment sur sa nostalgie à l’encontre des séries PreCure, du moins on l’espère !

Essai inédit dans la franchise PreCure, Power of Hope : Precure Full Bloom est une nouvelle vision bienvenue d’un mahô shôjo qui prend de l’âge en même temps que son public d’autrefois. La diffusion en France d’une série du type amène cependant à s’interroger sur la pertinence de Power of Hope : Precure Full Bloom face à un public qui n’a pas connu les séries d’origine. Mais l’accès à une série PreCure, franchise trop absente malgré son ampleur au Japon, reste indéniablement un pas en avant. En 2024 est prévue une seconde série anniversaire cette fois centrée sur Mahô Tsukai PreCure, qui sera sans doute encore une fois diffusée chez nous. Bien que de nouvelles séries du genre stimulent le genre du mahô shôjo, il demeure difficile pour un public français de s’y préparer sans accès officiel à l’anime de base.

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