Le Tokusatsu : glossaire d’un genre (très) populaire

Au-delà des biens connus animés et mangas, la culture populaire japonaise s’étend sur des terrains qui nous restent encore obscurs malgré leur longévité et popularité dans l’archipel. Intéressons-nous ici à l’un deux, le bien nommé tokusatsu. Ce terme est un fourre-tout qui englobe aussi bien les films que les séries… Journal du Japon s’est donc attelé à la réalisation d’un glossaire non-exhaustif des sous-genres et variations, avec une présentation rapide et une œuvre à chaque fois, pour mieux cerner ce terme que l’on entend de plus en plus, synonyme d’une fascination toujours grandissante pour les arts nippons.

Tokusatsu

Les Adaptations de manga Les Henshin hero Le Kaijû-eiga les Kyodai hero Les Magical girls
les Metal hero Que regarder sur YouTube? La Science fiction les Super Sentai Les Yôkai

 

Celui par qui tout a commencé : le kaijû-eiga.

HONDA & TSUBURAYA, le duo mythique

Tout commence en 1954 avec le film Godzilla : tout un pan de la cinématographie s’entiche des productions à effets spéciaux. Un nouveau terme apparaît dans la presse cinématographique nippone dans les années 1970 pour désigner les productions se concentrant sur l’effet spectaculaire de ces techniques d’effets spéciaux pratiques (animation en volume, maquettes, costumes, vraies explosions, …) : on parle d’abord de « tokushû satsuei » (littéralement effets spéciaux) qui est contracté par la suite en « Tokusatsu ».
Historiquement, c’est le succès de King Kong dans l’archipel qui ensemencera l’idée à Ishiro HONDA, de mettre en scène la destruction par une créature géante. Les effets spéciaux en volumes sont alors à leurs balbutiements, et ce tournage va à lui seul initier tout un ensemble de techniques qui sont encore utilisées de nos jours. Ces techniques, faites de maquettes, des reproductions miniatures et d’acteurs costumés sont mises au point par Eiji TSUBURAYA et pensées pour être peu onéreuses à mettre en place (même si la réalité va très vite rattraper les cinéastes par la suite), et ce sont des astuces pour offrir un spectacle toujours plus fou aux spectateurs.
C’est à la fois la naissance d’un monstre sacré, Godzilla, que celle d’un cinéma d’exploitation typiquement japonais dit « à effets spéciaux », et la naissance d’un genre cinématographique à part entière: le kaijû eiga.

Godzilla

Sur le tournage du « Godzilla » de 1954. ©Toho

Gappa : le fils de Godzilla (ou pas)

Mais plutôt que de vous parler encore une fois de Godzilla dressons le portrait d’un des kaijû les plus honteux de l’histoire du tokusatsu : Gappa, le projet fou de la Nikkatsu, qui est tellement mal fichu qu’il restera dans les annales du nanar absolu. Le plus drôle : il aurait été présenté comme le fils de Godzilla lors de sa publication en France.

Gappa

Le kaijû de la Nikkatsu : Gappa ©Nikkatsu

Résumé: Tonoka envoie plusieurs de ses employés, ainsi que des scientifiques de l’Université de Toto, en expédition dans les mers du Sud pour collecter des animaux rares sur une île. Peu de temps après, le capitaine remarque un volcan en éruption sur l’île aux obélisques, et ils décident de commencer l’expédition là-bas. Itoko, un photographe, aperçoit une statue ressemblant à celles de l’île de Pâques à leur approche. L’île s’avère habitée, et ils sont rapidement entourés d’hommes brandissant des lances lorsqu’ils entrent dans le village. Une fois qu’ils annoncent qu’ils sont du Japon, le chef lance une célébration. Un autre groupe venant du Japon leur a promis de revenir il y a de nombreuses années, et ils pensent que les nouveaux arrivants plairont à un être appelé «Gappa».

Un jeune garçon conduit Hiroshi, un scientifique, et Itoko à la statue, mais essaie de les empêcher de l’examiner. Pendant qu’ils se disputent, un tremblement de terre se produit et la statue bascule, révélant l’entrée d’une grotte. Là, ils découvrent un squelette massif et un œuf géant. Un autre tremblement de terre le fait éclore, révélant un oiseau-lézard docile. Au fil des protestations du village, l’expédition amène le jeune monstre au Japon. Leurs craintes sont fondées : après le départ de l’expédition, deux Gappa adultes émergent de la grotte et poursuivent les insulaires dans la mer. Un sous-marin américain les sauve.

S’en suit une poursuite entraînant la destruction de plusieurs villes sur le passage des parents Gappa à la recherche de leur petit. Même au milieu de toutes les destructions, Tonoka refuse de libérer le bébé.
En fin de compte,  il ne sait pas empêcher Itoko, Hiroshi et l’armée de prendre lui le bébé. Deux dirigeables remorqués par des hélicoptères le transportent à Tokyo, où les parents Gappa font des ravages dans une raffinerie de pétrole. La famille se réunit joyeusement à l’aéroport de Haneda et commence le long vol de retour vers l’île aux obélisques.

La science-fiction : objet de tous les désirs et somme de toutes les peurs

Un modèle répété à l’infini

Il n’y a aucun doute sur l’empreinte incroyable (effroyable) d’Ishiro HONDA, et les techniques d’Eiji TSUBURAYA dont l’entreprise spécialisée en effets spéciaux a été très sollicitée sur le tokusatsu en règle générale. Dans ses différents métrages suivants il aura régit tout un ensemble de codes, répétant parfois ad-nauseam les même gimmicks et requêtes auprès du compositeur Akira IFUKUBE (illustre compositeur qui a travaillé pour Akira KUROSAWA, puis a défini à lui seul l’esthétique sonore de Godzilla). Ce dernier, lassé ne fera que se paraphraser dans ses scores musicaux. C’est le trio infernal & immanquable du cinéma bis et, TSUBURAYA en tête de liste, va particulièrement bien tirer son épingle du jeu, en devenant incontournable pour qui veut s’encanailler sur ce terrain.

La science fiction japonaise ne déroge pas à la règle de celle opérée en occident ; elle s’en inspire très largement, tout en gardant cette identité typiquement ethnocentrée sur l’archipel : l’on assiste à des invasions extra-terrestres, le thème du soulèvement des machines, l’empoisonnement par les radiations, autant de spectacles que de peurs profondes d’une société sont exprimées par les cinéastes.

Warning from Space

Warning from Space de Koji Shima 1956 © Daiei

 

L’idole de la génération Récré A2.

Parmi les œuvres de SF, comment ne pas parler du héros d’enfance de la génération 1980, San Ku Kai (MESSAGE FROM SPACE) ? Mais que se cache-t-il derrière ce repuff de Star Wars, sauce soja ? La série est d’abord une suite directe au film de 1978 : Les Évadés de l’espace de  Kinji FUKASAKU.

宇宙からのメッセージ

宇宙からのメッセージ (les évadés de l’espace) 1978 Kinji FUKASAKU initie la série légendaire: San Ku Kai ©Toei

En l’an 70 du calendrier spatial, les Humains ont commencé à coloniser l’espace, plusieurs générations après, la Terre n’est plus. Ayato est un jeune pilote sorti de l’école de navigation de Belda. Il est appelé par son père, Shin sur Analis, et s’y rend à bord d’un transport de fret piloté par Ryû, issu de la même école, et Baru, le Chewbacca local.

Alors qu’ils s’approchent d’Analis, la planète est attaquée par les Gabanus, une tribu nomade dirigée par Rokuseya XIII ; celui-ci a décidé de soumettre le Quinzième Système solaire. Ayato découvre que sa famille a été assassinée et, par la même occasion que son père fait partie d’un clan mystérieux, les Gen, et qu’il a également formé Ryû aux arts martiaux quelques années auparavant.

Poursuivi, Ayato est embarqué par Ryû, mais leur vaisseau est attaqué. Ils sont aidés par une étrange femme nommée Sofia, qui voyage à bord de son vaisseau spatial en forme de navire. [Capitaine Harlock où es-tu ?].Sofia leur fait don d’un vaisseau de combat, le Riabe pour les aider à mener la résistance.

Pour la petite histoire, le personnage d’Ayato est interprété par Hiroyuki SANADA qui est connu pour Ring 1 et 2, Rasen, Wolverine le combat de l’immortel, Avengers Endgame, 47 Ronins, ou encore John Wick Parabellum.

Hiroyuki SANADA

Hiroyuki SANADA ©Los Angeles Times

Pour mieux comprendre l’origine et la genèse de la série, il n’est pas inopportun de commencer par démystifier Star Wars, qui l’a précédé d’un an dans les salles:

Le film de Georges LUCAS, révélé au public en 1977, a emprunté (ou pillé, question de point de vue) nombre de ces ingrédients à différentes cultures : tout d’abord c’est l’immense projet d’adaptation du roman de Franck Herbert, le très célèbre Dune qui est visé, et plus particulièrement le projet pharaonique de 1972 d’Alejandro JODOROWSKI. Tatooine, la Force, le concept du monomythe (concept théorisé dans Le héros aux mille visages de Joseph Campbell 1949), tout ou presque est assimilé dans la trame du fleuron de la science-fiction américaine.
Une pincée du Casablanca de  Michael CURTIZ  (1942), pour donner corps à Han Solo plus tard, c’est le  cinéma japonais, qui est aussi pris pour cible… la caste des Jedis plus précisément, dont les préceptes sont si proches de l’hagakure que ça en est insolent. Les gimmicks de réalisation d’Akira KUROSAWA pour Les sept samouraïs et La forteresse cachée seront littéralement pompés : poursuites de caméra à la grue en plongée, les plans à hauteur d’épaules, la manière de combattre au sabre, et cætera.

Opposons ça au programme San Ku Kai…Il y a là aussi , avouons-le, beaucoup de transpositions. La série se sert dans la première trilogie pour construire sa propre mythologie… et, quitte à faire dans le pastiche et la contrefaçon, autant aller au fond des choses :

  • Rokuseya XIII est le Dark Vador local (rappelons à nos lecteurs que la forme du casque du seigneur Sith est un casque de samouraï), les couleurs des tenues sont reprises ou inversées selon les cas, mais l’on reste dans les couleurs noirs et rouges et, ce sont des armures portables par un Bushi.
  • Baru, le singe qui accompagne Riû (le Han Solo local), est bien différent de Chewbacca, il parle de manière intelligible, et même si son costume est plus cheap, il parait bien plus intelligent que le Wookie.
  • Il est admis que les Jedis sont des samouraïs, les Gen eux relèvent plus du shinobi, leurs lames se rétractent comme celle des sabres laser, seule différence : la transformation (henshin) qui décuple leurs aptitudes.
  • L’arc narratif est bien plus cohérent dans sa construction
  • Le nombre de lieux visité donne le vertige
  • Les combats sont au moins aussi kitsch, baston à base de karaté, fusillades au blaster de chez Bandaï.
  • Décors en carton-pâte, et rochers rebondissant sont au programme.

De ce bref inventaire, il nous vient une pensée (profondément) philosophique : Pasticher le pastiche, n’est-ce pas, le surpasser ?
Revanchard et moqueur, la saga Message From Space/San Ku Kai (avec la chanson du générique français de Chardène en tête) est une réussite absolue, qui restera à jamais gravée dans la culture populaire, luttant d’égal à égal avec son modèle, colosse aux pieds d’argiles Star Wars. CULTE !

 

Jupes courtes plissées, décolletés, diadèmes et manucurées : les magical girls prêtes à s’imposer.

Frisbee Lunaire, agis tout de suite!

Suki Suki Majosensei

Suki Suki Majosensei © Toei

C’est un genre qui fait son apparition dans les années 60, principalement dans l’animation, bien qu’il existe plusieurs occurrences en live action (Suki Suki Majosensei par exemple). Ce genre met en scène une jeune fille en plein épanouissement… Elle est sensible à la magie ou directement lié à elle, soit une extra-terrestre. Elle possède généralement un objet qui lui permet de canaliser son pouvoir, dispose d’une transformation (henshin), d’un animal de compagnie qui parle, et bien entendu d’amis à sauver d’un danger colossal permanent.

Le genre rompt avec la solitude de son héroïne avec la saga Sailor Moon, qui intègre un autre sous genre du tokusatsu, le sentai. Si bien que dès lors, on parle de magical sentai où ce sont des groupes de magical girls associées pour vaincre le Mal absolu, et protéger leurs amis et la Terre (qui se résume généralement à l’archipel japonais). On y note aussi une surdose de décolletés et micro jupes plissées, de bijoux fantaisie magiques, et autres bâtons de majorette ou autres symboles phalliques manipulés avec grâce et volupté.
Ce genre va quand même apporter à l’image de la femme japonaise la force de s’affirmer, de faire preuve d’astuce, de charme et de combattre à l’égal de l’homme.

 

Le magical sentai version cross média, selon l’incontournable Takashi Miike.

Le genre est toujours très vivace aujourd’hui, notamment avec: Idol X Warrior Miracle, une franchise basée sur la série Girls x Heroine réalisée par Takashi Miike depuis 2017. C’est un programme hybride entre J-pop et fiction, pour les filles de 2 à 6 ans.
L’intrigue est centrée sur le groupe d’idoles japonaises Miracle² (prononcé « miracle miracle ») : ce sont des filles du primaire et du collège qui se transforment en Idol Warriors pour récupérer les Sound Jewels, des artefacts du royaume de la musique, pour empêcher le roi démon de conquérir le monde.
En outre, le programme utilise des effets spéciaux pour les scènes de transformation et de bataille, qui sont ensuite ajoutées avec les techniques de CGI. La série est également un tremplin pour les carrières de chanteuses du groupe d’idol-héroïnes, avec Miracle² qui part en tournée pour promouvoir le programme. En parallèle, les armes des idols sont vendues par la marque Tomy grand spécialiste des jouets manufacturés.

Les créatures du monde des esprits: les Yôkai

Sans refaire l’article de la J-Horror que nous mettons à part du tokusatsu, car les codes et les intentions sont différents pour des techniques analogues, les programmes de type yôkai sont suffisamment glissants pour être cité. Ces créatures du monde des esprits sont tantôt guide spirituel bénéfique qui nous prêtent leurs habilités pour combattre, tantôt si courroucées qu’elles deviennent dangereuse pour notre monde.

The Great Yokai War

The Great Yokai War l’un des rares films pour enfants de Takashi Miike 2005 ©Daiei

La somme de tous les talents, le cas Isao SASAKI.

YOJUTSU BUGEICHO

YOJUTSU BUGEICHO ©Toei

Il faut un début à toute carrière : Bernad Minet a fait ses débuts auprès d’Aznavour, alors parlons de la série qui révélera le boss de l’opening title japonais.

YOJUTSU BUGEICHO : Cette série, diffusée dès 1969, se joue au début de l’ère Edo. Le sorcier brahmanique Bisho Dojin et ses hommes de main, ourdissent un plan afin d’envahir le Japon.
Pour les contrecarrer, le seigneur Kotaki, un homme d’influence du shôgunat, se réfugie auprès de Kido Makoto-no-suke, maître épéiste de l’art Shimpen, et de l’héroïque Kakuzen, prêtre de la cour secrète pour demander de l’aide.
On apprécie : l’aspect chanbara (film de sabre) mêlé de kaidan-eiga du programme, l’ambiance y est un peu plus mature qu’à l’accoutumée, non sans sourire, la faute au caractère daté des effets spéciaux. Cette série rappelle le célèbre conte des Aventures du Roi singe de Wu Cheng En, ou des archétypes de personnages repris plus tard dansNaruto. C’est très agréable à regarder.

Vous noterez qu’Isao SASAKI (Kido Makoto-no-suke), est une pointure vocale dans le paysage cinématographique nippon : il interprète les chansons de Goranger, JAKQ, Daimos, UFO Robot Grendizer le fameux  Tobe! Gurendaizā entre autre, mais c’est aussi le comédien de doublage derrière Sylvester STALLONE, Christopher REEVES et David HASSELHOFF.

 

 

Les adaptations de manga

Cela remonte quasiment aux origines du cinéma, le manga étant une source intarissable d’inspirations pour les scénaristes et metteurs en scène de tous poils, et le tokusatsu permet par ses techniques de représenter au mieux l’action effrénée et de restituer à quasi l’identique la charge émotionnelle et la grandiloquence des combats du shônen pour ne citer que ce domaine.

C’est par exemple le cas pour: Devilman (デビルマン) c’est un film de  Hiroyuki NASU paru en 2004, adapté du manga éponyme de Gō NAGAI (Kekko Kamen, Maboroshi Panty, Mazinger Z) qui lui parait en 1972.

Akira Fudô, est un jeune garçon froussard et sans assurance. Il se sent incapable de défendre son amie agressée par des voyous, son ami d’enfance Ryô vient à son secours armé d’un fusil.
Il lui révèle une terrible découverte : les démons existent et sont sur le point de se réveiller de leur prison polaire. Ryô avertit Akira : le seul moyen de combattre les démons sera d’en devenir un. Pressés par le temps et l’apparition des premiers démons, ils se retrouvent obligés d’organiser un sabbat, et c’est à l’issue de cette messe noire qu’il fusionne avec le Dieu égyptien Amon pour devenir Devilman.

Par la suite, Akira devra tout faire pour préserver son humanité. Sa foi en l’espèce humaine sera mise à rude épreuve par l’arrivée des démons, et la dystopie générée par une inquisition moderne qui est très inspirée par la littérature de George ORWELL.

 

Henshin et henshin hero

Genre roi de la transformation

Henshin signifie littéralement transformation. Il n’y a alors pas besoin d’une intense réflexion pour comprendre que les henshin hero sont des héros aux capacités de métamorphoses. Plus spécifiquement, ce sous genre désigne les séries et films où le ou les protagonistes peuvent passer d’une forme humaine à une forme plus héroïque, décuplant alors leur force, leur vitesse et, bien sûr, leur style. C’est le sous-genre majeur du tokusatsu, en ayant accompagné son passage à la télévision avec Gekkô Kamen (aussi connu sous le nom de Moonlight Mask), et également imprégné tous les autres sous-genres : les metal hero ne sont au final que des henshin hero en métal et les kyodai hero ne se différencient que par leur taille.

Kamen Rider, motard masqué

S’il fallait n’en citer qu’un, Kamen Rider s’impose de par son importance et sa longévité. Le premier Rider est diffusé en 1971 à la télévision japonaise et est produit par la Toei à l’occasion de leur nombreuses collaborations avec le mangaka Shôtarô ISHINOMORI, également créateur de séries cultes en anime et manga comme Cyborg 009 entre autres. La première série narre la quête de vengeance et de justice de Takeshi Hongo, victime des expériences transhumanistes de l’association maléfique Shocker, dans leur sombre projet de domination mondiale. Ayant réussi à s’échapper, il devra affronter tour à tour les humains modifiés et ainsi sauver le monde. La formule évoluera au fur et à mesure des séries, en introduisant de nouveaux Rider dans de nouvelles intrigues se détachant de la continuité originale. A force de reboot, la franchise perdure aujourd’hui avec une série par an depuis 2000, chacune avec leur propre histoire mais conservant des principes clefs dont le principal : la présence d’un ou plusieurs Rider accompagné de leur fidèle moto. 

On ne peut néanmoins pas limiter le genre du henshin hero à cette seule franchise, les années 70 ont vu naître de nombreuses séries de ce genre, notamment avec la collaboration Toei/ISHINOMORI, déjà citée plus haut, dont on peut citer quelques exemples : Jinzô Ningen Kikaider, héros robotique accompagné de sa guitare et sa side-car, Inazuman ou bien Henshin Ninja Arashi mélangeant henshin hero et film d’époque. Le genre existe également en dehors de la Toei, mais dans des proportions moindres avec par exemple la franchise Lion-Maru de chez P-Production.

 

De Sentai à Super Sentai : les escadrons colorés

Un pour tous, tous dans le robot

Il est nécessaire encore une fois de citer Shôtarô ISHINOMORI pour le sous-genre et franchise du Super Sentai car il en est à nouveau à l’origine, même si partiellement. En 1975 est diffusée Himitsu Sentai Goranger, série produite par la Toei et mettant en scène une équipe de 5 humains, équipés chacun d’une armure d’une couleur différente et formant un escadron en lutte contre (encore) une organisation maléfique. Le succès de la série donnera naissance à une deuxième du même style en 1977, J.A.K.C Dengekitai avec le motif des jeux de cartes (trèfle, carreau, cœur, pique) pour les costumes, mais qui ne convaincra pas les foules. Il faut alors faire un détour vers une autre série de la Toei, l’adaptation japonaise de Spider-man et son fameux robot géant : Léopardon. La série, bien qu’étonnante de par son éloignement du comics originel, confortera la Toei dans ses velléités de robot géant (déjà très présents dans leur production anime avec Mazinger Z ou Getter Robo pour ne citer qu’eux) en vogue à l’époque. Un transfert du robot géant à la façon de Spider-man vers le concept prometteur de l’escadron coloré donnera réellement naissance au genre du Super sentai en 1979 avec Battle Fever J.

Bioman

Bioman au Japon en 1987, en France en 1988 ; super sentai devançant l’arrivée des Power Rangers en France ©Toei

Diversité intra et internationale

C’est un coup de maître de la part de la Toei, la franchise s’installe comme un classique du tokusatsu et est à ce jour la seule qui, depuis 1979, n’a pas connu de pause dans sa production. Avec un rythme soutenu d’une série par an en diffusion hebdomadaire, elle se situe sur le même créneau que Kamen Rider : le dimanche matin sur la chaîne de télévision Asahi de 9h à 10h pour le Super Hero Time. Le Super Sentai s’essayera à de nombreux thèmes et genres différents explorant tour à tour les films d’arts martiaux (Gekiranger), la magie (Magiranger ou Kiramager en 2020), les chanbara (Shinkenger) ou bien l’esthétique militaire (Jetman).

C’est aussi le genre ambassadeur du tokusatsu en occident avec la célèbre adaptation américaine en Power Rangers par le producteur américain Haim SABAN, qui reprend les concepts, costumes, véhicules et scènes de combats des séries d’origines en tournant des scènes inédites avec des acteurs américains et réadaptant à leur sauce les intrigues de base. Le contrat négocié par Saban est tellement contraignant que les séries originelles ne pourront plus sortir de l’archipel sans qu’il y oppose son veto.

Power rangers par Saban

La première série Power Rangers en 1993 adapté du super sentai Zyuranger ©Saban

 

Kyodai Hero, voir les choses en grand

Le géant parmi les géants

C’est à la moitié des années 60 avec l’arrivée de la couleur à la télévision que débarque les deux premiers tokusatsu estampillés kyodai hero. Le premier est Ambassador Magma, une adaptation en série live d’un manga de Osamu TEZUKA, père reconnu du manga moderne et précurseur dans l’arrivée de l’animation à la télévision (rien que ça). Mais ce n’est pas cette série qui marquera les esprits des téléspectateurs japonais. A peine quelques jours plus tard était diffusé le premier épisode d’une saga qui deviendra culte : Ultraman par Eiji TSUBURAYA, le maître des effets spéciaux et père du tokusatsu déjà à l’œuvre sur Godzilla en 1954. La série présente les aventures de Shin Hayata, membre de l’Agence d’Investigation Scientifique, qui se retrouve fusionné avec un extraterrestre géant : Ultraman. Shin pourra alors se transformer en Ultraman pour sauver la terre et ses habitants des nombreuses menaces intérieures et extérieures. Succès oblige, Ultraman aura le droit à son lot de suite : Ultraseven, Le retour d’Ultraman, Ultraman Ace, Ultraman Leo, etc… La franchise survit encore aujourd’hui : récemment était diffusée sur YouTube la toute dernière création de Tsuburaya Production : Ultraman Z. Si le géant de lumière et ses séries vous intéresse, nous avons consacré un dossier à l’offre disponible légalement en France.

Ultraman rassemblés en groupe

Échantillons d’Ultraman avec entre autres Ultraseven, Ultraman Tiga et Ultraman Ace ©Tsuburaya Productions

Dans la cour des grands

Mais au final, c’est quoi un kyodai hero ? Quelques bases en japonais suffissent pour en comprendre l’essence. Kyodai signifie tout simplement colossal, gigantesque. Le kyodai hero désigne donc tous les héros (humains, aliens ou robots) aux capacités d’accroissement (conséquentes !) de leur taille. Pour donner un exemple, au meilleur de sa forme Ultraseven ne mesure pas moins de 40 mètres pour 35 000 tonnes. Mais assez parlé des géants de lumière, d’autres kyodai hero ont vu leur apparition, majoritairement dans les années 70. On peut par exemple citer quelques collègues d’Ultraman chez Tsuburaya Productions comme Mirror Man ou Redman, ou chez les rivaux avec Red Baron ou Greenman. Plus récent, le Gridman des années 90 (de chez Tsuburaya Production encore une fois), a vu son concept adapté en anime il y a quelques années avec SSSS. Gridman du studio Trigger, qui attend d’ailleurs sa suite, SSSS. Dynazenon, en 2021.

 

Brillants de milles-feux, les metal hero

Une franchise plus qu’un genre défini

Le nom est ici plutôt limpide : les metal hero sont des héros aux armures métalliques. Plus qu’un véritable genre, le concept étant strictement le même que les henshin hero, Metal Hero Series désigne une franchise lancée par la Toei avec Space Sheriff Gavan en 1982. La franchise se distingue des autres héros télévisuels par leurs armures métalliques détaillés et reluisantes. La franchise explorera différents thèmes allant de la science fiction pour ses premières séries (Gavan, Sharivan et Shaider), le fantastique (avec Jiraya le ninja) ou bien le secourisme pour sa Rescue Police Series. La licence aura été prolifique avec une série par année jusqu’à sa dernière série en 1998. Peut-être ces armures caractéristiques vous disent quelque chose, certaines séries de la franchise ont dépassé le Japon pour atterrir en France (et aux États-Unis) mais parfois sous des noms différents. Gavan est ainsi devenu le fameux X-Or.

Les 3 space sheriff, Metal Hero

Les 3 premiers Metal Hero, les Space Sheriff Gavan, Sharivan et Shaider ©Toei

Garo, l’enfant très mature pour son âge

S’il fallait trouver un héritier à ses metal hero, la franchise Garo pourrait atteindre ce titre. En plus d’avoir des armures tout aussi métalliques et brillantes, le créateur de la saga et réalisateur des premières séries, Keita AMEMIYA, était chara-designer et réalisateur de certains opus des Metal Hero Series comme Spielban et Winspector. Garo se distingue tout de même par la gravité de ses images, la série étant destiné à un public adulte contrairement à la majorité écrasante de la production de tokusatsu. Elle est d’ailleurs une excellente porte d’entrée du genre.

affiche Garo Versus Road

Affiche de la dernière série Garo en date : Versus Road ©Tohoku Shinsha

Du tokusatsu sur YouTube.

Depuis le mois d’avril 2020, la grande maison Toei a ouvert une chaîne YouTube consacrée à ses productions sérielles du genre, pour notre plus grand plaisir.
Mais ne soyez pas trop optimistes non plus, Toei Tokusatsu World concerne uniquement les franchises antérieures aux années 2000, ce qui représente tout de même un catalogue d’une quantité formidable, avec des séries historiques et parfois même quelques animés de Super Robot qui viennent se glisser là.

Toei est l’entreprise reine du tokusatsu qui, bien que n’ayant pas participé à la création du genre, possède le plus de productions de ce médium et a lancé les nouvelles tendances à plusieurs reprises, comme vous avez pu le constater au fil de l’article. Facile quand on est presque seul sur le terrain de la production de tokusatsu télévisuel. Excepté Tsuburaya Productions et son Ultraman, peu ont réussi à jouer dans la même cour que la Toei, et c’est toujours le cas aujourd’hui où elle règne en maître avec ses Super Sentai et son Kamen Rider.

On regrette malheureusement l’absence remarqué de grand nom comme les Super Sentai, indisponible chez nous pour d’évidents soucis de droit avec la firme Saban.

Bien que la plupart des programmes disponibles sur leur nouvelle chaîne YouTube soient sous titrées en anglais, il y a quelques programmes visibles en français, et cela n’entache pas la découverte de licences encore inconnues chez nous (notez qu’il y a des restrictions géographiques sur certaines séries, la Belgique étant relativement touchée par celles-ci). Le gros point noir : plus de sous-titrages à partir des épisodes 3 de chaque séries. À moins d’avoir un niveau satisfaisant en japonais ou de compter sur les traductions automatiques plus que douteuses de YouTube, vous ne pourrez donc que vous satisfaire de l’introduction des productions proposées. Il est tout de même à noter que pour les 50 ans de la franchise Kamen Rider, Toei Tokusatsu World diffusera des épisodes choisis des différentes séries de la licence.

De l’autre côté de la production, Tsuburaya Productions propose aussi un système de diffusion d’épisodes choisis d’Ultraman sur leur chaîne YouTube dédiée. On peut noter quelques très bonnes surprises comme la diffusion semaine par semaine de leur dernière série Ultraman Z, ou de certains de leur classique comme Gridman, le tout sous-titré en anglais. On ne peut qu’espérer que Tsuburaya Productions continue dans ce sens ! La franchise Garo possède également sa propre chaîne avec diffusion de films, d’épisodes et de contenu bonus inédits, mais malheureusement sans sous-titre français ou anglais.

Le Tokusatsu est en règle générale associé aux série de l’enfance de la génération 80 : c’est tout à fait juste et tout à fait galvaudé à la fois. Vous l’aurez largement compris, c’est plus qu’un grand genre, c’est une philosophie, c’est un art à part entière mais c’est aussi une industrie du divertissement se reposant sur des systèmes économiques contraignants. Derrière ce genre, se cache une des identités cruciale de la culture populaire japonaise, c’est l’expression de ses désirs les plus fous et de ses peurs indicibles, mis en scène dans des productions au budget serré… mais à l’inventivité sans cesse renouvelée !

 

Un papier signé Guillaume Pauchant & Elliot Têtedoie

6 réponses

  1. Sylvie Guérandelle dit :

    Merci ! J’ai apprécié la lecture de cet article sur la rétrospective du genre Tokusatsu.
    La documentation est intéressante et donne envie de revisiter ce genre pour parfaire ses connaissances personnelles, des prémices de l’introduction des animés japonais en France à partir des années 1970.

    • Bonjour ! Elliot Têtedoie, co-rédacteur de l’article.
      Merci beaucoup pour votre retour positif !!
      Il est vrai que mieux connaitre le tokusatsu permet de mieux comprendre certains aspects des animés arrivés en France dans les années 70.
      Les têtes pensantes et les producteurs se croisent avec également des logiques économiques semblables. Je pense à la TOEI notamment qui impulse la présence de robots géants aussi bien dans l’animation avec Mazinger Z, qui sera suivi par Grendizer (Goldorak en France), que dans les séries à effets spéciaux quelques années plus tard avec les Super Sentai.

  2. Kojiro San dit :

    Bel article.
    En France, les vidéastes de la chaîne Youtube Tokuscope (dont Fabien Mauro, auteur sur le style) ont un gros catalogue de vidéos explicatives : https://www.youtube.com/user/TokuScope/videos

    • Guillaume PAUCHANT dit :

      Merci pour votre enthousiasme, qui nous réjouis. Ces vidéastes sont suivi aussi chez nous, c’est une passion qui est largement partagée. Nous avions justement pour énergie, d’offrir à nos lecteurs un cadre de références, à ce qu’ils entendent de plus en plus. Le choix du glossaire nous est apparu le plus approprié pour mieux cerner cet univers interconnecté, où l’on peut se perdre facilement.

  1. 16 février 2022

    […] « Le Tokusatsu : glossaire d’un genre (très) populaire«  dans le Journal du Japon du 19/01/2021.Présentation de ce glossaire : « Au-delà […]

  2. 16 février 2022

    […] Le Tokusatsu : glossaire d’un genre (très) populaire dans le Journal du Japon du 19/01/2021.Présentation de ce glossaire : « Au-delà des biens connus animés et mangas, la culture populaire japonaise s’étend sur des terrains qui nous restent encore obscurs malgré leur longévité et popularité dans l’archipel. Intéressons-nous ici à l’un deux, le bien nommé tokusatsu. Ce terme est un fourre-tout qui englobe aussi bien les films que les séries… Journal du Japon s’est donc attelé à la réalisation d’un glossaire non-exhaustif des sous-genres et variations, avec une présentation rapide et une œuvre à chaque fois, pour mieux cerner ce terme que l’on entend de plus en plus, synonyme d’une fascination toujours grandissante pour les arts nippons. » […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimerez aussi...

Verified by MonsterInsights