[Interview] Masashi Tanaka et Gon à la conquête du monde

Il n’y a pas beaucoup de dinosaures notables dans la bande dessinée japonaise, mais s’il fallait en citer un, ce serait sans conteste Gon. Cette petite créature jaune et hargneuse, qui a fait briller les yeux de toute une génération de lecteurs dans les années 90, revient dans une réédition du manga éponyme dans l’espoir de renouveler cet exploit.

Nous avons eu la chance de rencontrer son auteur, Masashi TANAKA, de passage en France à l’occasion du Festival BD de Sollies-Villes, afin d’en apprendre plus sur ses aspirations, l’adaptation animée de la série, mais aussi sur le lien fort qui lie l’œuvre à sa région natale…

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Masashi Tanaka, l’auteur de Gon

Le petit cinéma muet d’un dinosaure turbulent

Au Japon comme en France, Masashi TANAKA est principalement connu pour avoir écrit Gon, un manga centré sur une sorte de T-rex miniature particulièrement capricieux, qui voyage à travers le monde selon ses envies. Cette bande dessinée de sept tomes a été publiée par l’éditeur japonais Kôdansha de 1992 à 2002, mais aussi en France par Casterman de 1995 à 2003, et plus récemment rééditée aux éditions Pika. Le quatrième tome sortira d’ailleurs le 19 octobre. 

GON1_JKT.inddSi ses séries précédant Gon (Flash, La fabuleuse boutique de miss Marvel, U.P.O. …) mettent en scène des personnages doués de la parole, Gon a été un pari délibéré de l’auteur : « Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, je voulais aussi m’adresser à un public étranger, et je voulais pouvoir contourner les barrières de langue, de culture, les soucis de traduction. De plus, je voulais faire une série animalière, je ne trouvais donc pas normal qu’ils puissent parler. Je voulais simplement faire ressentir au lecteur les répliques sans les écrire. » Même à l’époque où se déroule le récit, les Hommes, qui n’entrent d’ailleurs jamais en scène dans le manga, auraient bien du mal à dialoguer, étant donné que « dans mon esprit, la série se déroule à une époque où ils n’ont pas encore fini d’évoluer et sont encore des singes. »

Malgré ce long périple à travers le monde, la source d’inspiration principale de l’auteur, comme il l’avoue tendrement, reste la préfecture de Shimane, sa région natale, au point que l’on pourrait voir le grand voyage de Gon comme un périple ramenant finalement Masashi TANAKA à ses racines : « Shimane a joué un grand rôle, a eu une grosse influence sur Gon. C’est une préfecture perdue au milieu de la campagne, il n’y vraiment que la nature, et j’ai été élevé près de la mer. La nature m’a beaucoup marqué et c’est pour ça que j’essaie de présenter Gon dans des univers variés. A bien y réfléchir, par exemple, l’eau n’est vraiment pas le milieu naturel de Gon, mais j’avais vraiment envie de montrer cet aspect de la nature telle que je l’ai connue ! J’ai beaucoup de souvenirs d’enfance liés à la forêt, à la mer, aux rivières… Aujourd’hui, ma vie citadine m’a éloigné de ces environnements, donc ce sont des souvenirs très précieux. Gon a aussi une région natale, et j’aimerais que les gens du monde entier puissent la visiter. Un jour, j’aimerais organiser un Gon Comic Festival ! »

Gon rencontre tout un tas d’animaux qui nous sont contemporains au fur et à mesure des écosystèmes que lui font traverser ses pérégrinations : « dans le manga, les espèces qui ne se rencontrent normalement pas dans la réalité ne s’y croise pas non plus. Les zones géographiques sont bien délimitées ; les ours noirs sont en Amérique du Nord, les lions en Afrique, etc. Bien sûr, le monde actuel est différent de ce qu’il était il y a des millions d’années, mais je n’y avais pas trop prêté attention au début. Pour ce qui est de définir le lieu de l’action, cela se décide surtout en fonction des animaux que je veux mettre en scène. Pour l’adaptation animée, j’ai décidé de me libérer de la contrainte des délimitations géographiques, ce qui m’a permis de raconter les aventures de Gon de façon plus libre. »

Bien sûr, le réalisme n’a jamais été vraiment la préoccupation majeure du récit, mais cela n’a pas empêché l’auteur de se documenter de son mieux : « je ne suis jamais allé en Afrique ou quoi que ce soit, au début j’ai un peu voyagé au Japon, à Hokkaido par exemple, pour observer les animaux et ensuite j’ai rassemblé beaucoup de documentation photo sur les animaux. Cependant, mon but n’était pas de faire des représentations fidèles de la réalité, je voulais créer des personnages qui pourraient servir mon histoire et être expressifs, donc j’ai créé des versions un peu factices des animaux. Ce ne sont pas des copies conformes de ceux qui existent vraiment, j’ai fait quelques arrangements avec leur anatomie. »

L’adaptation animée comme une évidence

© Masashi TANAKA - Kodansha Ltd. / Daiwon Media

© Masashi TANAKA – Kodansha Ltd. / Daiwon Media

Si pour certains auteurs voir bouger les personnages qu’ils créent sonne comme un rêve lointain, pour TANAKA, porter Gon à l’écran était la suite logique à la publication de son manga. Cela n’a cependant pas été sans mal, puisqu’il s’est écoulé dix ans entre la fin de la série et les débuts de Gon à l’écran. « C’était normal d’un jour raconter ses aventures sous forme de dessin animé, mais ça a mis énormément de temps à se concrétiser. Il y a eu beaucoup de pilotes, de tentatives et c’est au septième essai auprès de différents producteurs, que la chose a pu se concrétiser. Pour cela, j’ai du changer le postulat de départ, et au final, à part Gon, tous les autres animaux peuvent parler. Gon ne peut pas parler parce qu’il est un bébé, il ne sait donc pas encore s’exprimer. Le manga et la série animée sont deux récits différents. Si le manga peut s’adresser aux enfants et aux adultes, l’anime s’adresse plus spécifiquement aux enfants. Peut-être qu’à l’avenir il y aura encore une autre version, qui sera plus proche de Jurassic Park, animé de façon beaucoup plus réaliste ! »

Comme pour le manga, pas question de se laisser arrêter par des frontières géographiques : le dessin animé doit pouvoir faire le tour du monde, lui aussi ! « Lors d’une précédente venue à Paris, les fans me disaient qu’ils aimeraient beaucoup voir le dessin animé de Gon, et pour être honnête, c’est aussi un de mes souhaits les plus chers. Il est déjà diffusé dans un certain nombre de pays d’Europe, et j’aimerais bien que la France en fasse un jour partie. Pour moi, Gon est une œuvre qui peut toucher toutes sortes de gens, toutes les tranches d’âges, des enfants aux adultes. C’est peut être aussi pour ça que j’avais choisi de faire un manga animalier, parce que ça permettrait de toucher un maximum de publics différents. Pour l’instant, il y a environ 160 épisodes qui ont été produits. À l’heure actuelle, il n’y a pas de projet d’en faire d’autres, mais si la série a du succès à l’étranger, ça peut relancer la machine, qui sait ! »

Après sept tomes et autant d’épisodes, peut-être est-il difficile de se renouveler, pourrait-on penser. Masashi TANAKA s’en défend : « 160 épisodes, ce n’est qu’une petite partie des synopsis que j’ai écrit. J’étais surpris que la série s’arrête alors que j’avais encore beaucoup de choses à raconter. Pour le manga, c’est pareil. La série a été arrêtée au Japon, mais j’avais des projets pour continuer beaucoup plus longtemps. Vous ne connaissez qu’une toute petite partie de l’iceberg qu’est Gon, j’ai encore beaucoup de choses intéressantes et amusantes à raconter dans mes tiroirs ! »

Preuve en est avec Gon-chan, brièvement publié en 2012, « une série qui s’adresse aux enfants et qui a été annulée, malheureusement. Elle m’a permis d’expérimenter plein de choses, et a servi de base pour la série animée. Gon y protégeait la terre, il y a des millions d’années, mais je crois que personne n’a compris l’intérêt de cette série (rires) C’était peut-être un peu trop bizarre, parce qu’alors il n’y avait pas d’être humains, il y avait déjà des extraterrestres ! (rires) »

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Remerciements aux éditions Pika et à la librairie Aaapoum Bapoum sans qui cette interview n’aurait pas été possible.

1 réponse

  1. 11 août 2017

    […] l’épisode le plus fun avec des personnages comme GON (le petit dinosaure tiré du manga de Masashi TANAKA) qui pète sur ses adversaires ou le Dr BOSCONOVITCH qui peine à tenir […]

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