[Chronique] Ajin : (un)Die Hard !!!

Débuté en 2013 au Japon, Ajin : semi-humain, le seinen manga de Gamon SAKURAI n’a cessé de gagner en notoriété au fil du temps. Mêlant action, suspense et fantastique, cette série a ainsi beaucoup fait parler d’elle en 2016 : 2 saisons de 13 épisodes diffusées sur Netflix, une entrée dans le Top 20 des mangas les plus vendus en France avec plus 100 000 exemplaires écoulés, ou encore l’annonce d’une adaptation en film live prévue pour septembre 2017 !
Retour sur cette série à succès, à l’occasion de la sortie du volume 8 chez Glénat…

Ajin volumes 1 et 8 Glénat

Ajin volumes 1 et 8 © Gamon Sakurai / Kodansha Ltd.

Ajin, encore des immortels ?

La série prend place au Japon dans un monde contemporain où il existe des Ajins, des personnes immortelles dont le corps se régénère à chaque fois qu’elles meurent. Phénomènes extrêmement rares, ces Ajins font la convoitise des gouvernements qui voient en eux des cobayes d’une grande valeur pour la recherche militaire et scientifique. Au Japon, deux cas d’Ajins ont été découverts, et bien que les autorités nient toute implication, des images d’expériences inhumaines pratiquées sur un Ajin circulent sur internet…

Pour Kei Nagai, l’existence des Ajins est une réalité lointaine, jusqu’au jour où il se fait renverser par un camion. Alors qu’il revient à la vie sous les yeux effarés de ses camarades de classe, le jeune lycéen devient le 3e Ajin connu du Japon. Débute alors une impitoyable chasse à l’homme dont il est la cible. Pour lui, plus rien ne sera jamais comme avant : son visage est diffusé partout et le pays entier est à ses trousses, même ses proches se détournent de lui. Aux yeux du monde, il n’est plus considéré comme un être humain.

Kei Nagai devient un Ajin

Ajin Volume 1 © Gamon Sakurai / Kodansha Ltd.

Aidé par son ami d’enfance Kaito, le seul à le considérer encore comme un humain, Nagai parvient à fuir. Et petit à petit, il découvre ses pouvoirs surhumains : ses blessures qui guérissent complètement dès qu’il meurt, sa capacité à émettre un cri qui paralyse toute personne à proximité, et cet étrange squelette noir qui sort de son corps (un « IBM ») lorsqu’on tente de le tuer. Mais pour Nagai, pas le temps d’apprendre à maîtriser ces nouvelles capacités. Car sa fuite le plongera inexorablement au cœur d’un affrontement entre Yu Tosaki, responsable de la division spéciale Ajin au sein du ministère de la santé, et le mystérieux Ajin dissident, Sato, dont les objectifs ne sont pas clairs.

La thématique de l’immortalité n’est pas nouvelle en manga et japanime, rien que les séries de vampires se comptant par dizaines (Blood – The Last Vampire, Blood Lad, Tsukihime, Hellsing, Servamp, etc). Bien souvent, le héros obtient ses pouvoirs après avoir frôlé la mort et il devient un être immortel mais pas invincible, comme dans Tokyo Ghoul ou Shikabane Hime. Dans d’autres séries comme Baccano ou FMA, l’immortalité est obtenue grâce à l’alchimie.

Le manga de Gamon SAKURAI se démarque par la noirceur et le réalisme de son scénario, avec une approche « scientifique » de la thématique. Les Ajins ne sont pas des créatures magiques ou fantastiques mais des êtres évolués que les scientifiques étudient dans leurs laboratoires pour en comprendre les pouvoirs. Dans ces conditions, découvrir que l’on est un Ajin est donc la pire chose qui puisse arriver à un humain.

Si à priori, tous les éléments étaient réunis pour en faire le shônen de plus (ou de trop) sur les immortels, la série évite l’écueil de la surenchère des super-pouvoirs. Les explications scientifiques des pouvoirs posent des bases rationnelles, tout en conservant une part de mystère, ce qui renforce le côté sombre et réaliste des combats.  Entre les scènes d’action et de tortures, certaines images sont d’ailleurs très crues et sanglantes. On a bien affaire à un seinen, qui tient plus du polar que de la série d’aventures.

Plus « Death Note » que « Tokyo Ghoul »

Ajin a souvent été annoncé, à tort, comme le « nouveau Tokyo Ghoul », pour les raisons évoquées plus haut. Mais s’il y a bien un parallèle à faire, c’est plutôt avec l’excellent Death Note : une série policière qui développe une histoire au déroulement réaliste autour d’un élément fantastique, le fameux cahier et son ange de la mort.

Ajin affiche Netflix

© Gamon SAKURAI, Kodansha / Ajin Production Committee

Gamon SAKURAI prend ainsi le parti de raconter ce qui ce pourrait réellement se produire si l’existence des Ajins était découverte de nos jours, avec tous les enjeux politiques, militaires et économiques qu’une telle découverte impliquerait. Les magouilles des politiciens et groupes pharmaceutiques, les négociations entre les différents gouvernements pour le contrôle des Ajins, la recherche sur ces individus et ses pratiques inhumaines… Et donc la question qui se pose en filigrane : les immortels sont-ils des êtres humains ?

En plus d’aborder le sujet sous cet angle original, Ajin propose un scénario passionnant, très bien rythmé par des scènes d’actions et des révélations qui ne laissent aucun temps mort. La série parvient à maintenir une tension constante à mesure que l’histoire prend de l’ampleur, de la course poursuite du début jusqu’aux confrontations avec d’autres Ajins. Un scénario digne du suspense de Death Note à son meilleur.

Autre point commun, le héros, Kei Nagai, jeune lycéen brillant au tempérament froid et rationnel, qui se révèle être un fin stratège. Un personnage qui, accompagné de son IBM (le squelette noir), n’est pas sans rappeler Light Yagami et son shinigami.

Full 3D, anime au rabais ?

Arrivée début 2016, l’adaptation animée a tout de suite fait parler d’elle, mais pas seulement en bien. À charge, une animation réalisée entièrement en images de synthèses par le studio Polygon Pictures, spécialisé dans l’animation 3D. Un choix technique radical (et économique) qui peine souvent à convaincre, car les à priori sont profondément ancrés. Pour les résumer : les animes en full 3D « c’est moche » et « ça manque de vie ». Des critiques que l’on entend pourtant rarement pour qualifier les réalisations des studios Pixar, Disney ou encore Dreamworks

Mais revenons d’abord à la version manga. Le trait fin et précis de Gamon SAKURAI y dessine des visages très expressifs et des éléments de décors hyper-réalistes, qui tranchent avec des effets d’ombres plus marqués et épais. Ce contraste renforce l’aspect sombre de l’histoire et dynamise les nombreuses scènes d’action. Le résultat est souvent très beau et saisissant ! Mais le style du mangaka n’est pas sans défaut et manque un peu d’identité. Ses personnages sont trop classiques, et en dehors des IBM aucun ne sort vraiment du lot.

D’un point de vue purement graphique, l’anime parvient à la fois à conserver les points forts du manga et à en effacer les principaux défauts. Côté character design, il offre un lissage et une meilleure homogénéité des personnages, là où le travail de SAKURAI était parfois inégal. Sato et Tosaki sont ainsi bien plus charismatiques dans la version animée. Le générique d’ouverture met d’ailleurs plutôt bien en scène cette transformation des personnages de la version dessinée à la version 3D.

Quant aux décors, l’effet cell shading utilisé est des plus réussis. En fin de compte, il n’y a quasiment que les personnages qui nous rappellent que les dessins sont réalisés en images de synthèses. Alors certes, les mouvements et les expressions du visages ont cet effet un peu robotique propre à l’animation 3D. Et quelques objets du décors paraissent parfois moins naturel, voir un peu cheap (feuilles qui tombent, gouttes de pluie, nourriture, etc). Mais une fois passé l’effet de la découverte (quand on est habitué aux animes traditionnels), on finit par en apprécier les qualités : des scènes d’action hyper fluides, une photographie toujours très nette et une qualité graphique homogène sur tous les épisodes.

Pour finir, cette adaptation réussit à trouver l’équilibre entre un style manga (avec le cell shading) et un style plus photo-réaliste, qui colle bien à son ambiance sombre et qui renforce l’aspect froid des personnages.

L'Ajin Sato

Ajin © Ajin

Et la suite ?

Si la première saison suivait quasiment toutes les scènes du manga fidèlement, la seconde saison prend, elle, quelques libertés. Elle occulte certains flashbacks et développe une fin qui s’éloigne du manga (l’ayant rattrapé au moment de la production). Cela présente l’avantage de clôturer en beauté ce premier arc, tout en terminant sur une scène qui ne laisse planer aucun doute sur la probabilité de production d’une suite (mais qui n’arrivera malheureusement pas de si tôt…).

En attendant, le manga, lui, suit son cours et la parution en France du tome 8 nous permet d’ores et déjà de découvrir la suite de l’histoire telle que l’auteur l’avait imaginée. Espérons alors qu’on n’assistera pas au phénomène Fullmetal Alchemist, où les histoires du manga et de la première adaptation animée étaient devenues si différentes qu’un reboot plus fidèle (FMA Brotherhood) a ensuite vu le jour.

En parallèle, la réalisation du film live est en cours. Attendue dans les salles japonaises pour le 30 septembre 2017, cette adaptation embarque l’acteur Takeru SATOH (Kenshin) dans le rôle de Kei Nagai qui ne serait plus lycéen mais interne en médecine. Affaire à suivre !

Quoi qu’il en soit, ne boudons pas notre plaisir. Que vous optiez pour le manga ou l’anime (ou les deux, ce qui m’aura valu d’être tour à tour spoilé par le manga puis par l’anime), Ajin est assurément une des séries du moment à ne pas manquer, qui dispose de tous les atouts pour devenir un classique du genre !

2 réponses

  1. 1 décembre 2017

    […] l’adaptation animée, voici la version live du seinen de Gamon SAKURAI. Ajin: Demi-Human est réalisé par […]

  2. 19 mars 2020

    […] SAKURAI par Motohiro MATSUYUKI, déjà réalisateur de l’excellent Summer Time Machine Blues, Ajin s’intéresse à Kei NAGAI (Takeru SATO, aussi interprète de Kenshin) qui, à […]

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